La chahada et son contexte historique

Par Jean-Michel Alcader

« Si l’homme est libre de choisir ses idées, il n’est pas libre d’échapper aux conséquences des idées qu’il a choisies. »
(Marcel François)

La chahada et son contexte historique1

Résumé : Pour beaucoup de musulmans, la prière consiste à répéter cinq fois la  chahada : « Non, il n’y a de dieu qu’Allah, et Mahomet est son prophète ». Avec cinq prières par jour, on arrive à un total de 25 répétitions, et répétitions d’une formule étonnante pour un credo  puisqu’elle commence par une négation.
Cette répétition lancinante se comprend aisément à la lumière des circonstances historiques : il s’agissait pour Mahomet, chef de guerre, de détourner ses hommes des chrétiens, ces « associateurs » qui admettent une Trinité divine. On mesure par là les conséquences psychologiques et sociologiques qui interdirent à l’Islam de cohabiter paisiblement avec les religions environnantes.

Considérant le système de pression et d’intimidation qu’est l’islam, force est de se poser la question du « pourquoi » d’une telle volonté de domination ? Qu’est-ce qui pousse l’islam à de telles extrémités, et pourquoi donne-t-il ce visage intransigeant et fanatique qu’on lui connaît encore aujourd’hui ? Quelle est donc, finalement, la véritable « identité » de l’islam, comme sa raison d’être et de vivre ? Qu’est-il, en réalité et en lui-même, pour qu’il veuille défendre et protéger si violemment sa pérennité ? C’est ce que nous allons découvrir en étudiant sa profession de foi à la lumière du contexte historique des débuts de l’islam.

La chahada :

Comme toute religion, l’islam exprime sa foi à travers des prières, et spécialement à travers une « profession de foi » appelée en arabe « chahada », de la racine « ch-h-d »  qui signifie « témoigner ». Celle-ci, telle la profession de foi catholique appelée « Credo », résume en quelques mots la foi musulmane. Contrairement à la profession de foi catholique au contenu développé, la profession de foi musulmane ne comporte qu’une courte phrase, composée de deux parties. La voici dans son intégralité :           

« Il n’y a pas d’autres dieux qu’Allah, et Mahomet est son prophète »

La proclamation de la chahada est encore aujourd’hui le signe de la « soumission » à Allah et elle représente, à elle seule, le signe de l’appartenance à l’islam. Pour être musulman il faut, et il suffit, en effet de la prononcer une seule fois devant deux témoins. Elle constitue encore le cœur de la foi d’un musulman qui doit la répéter cinq fois à chacune des cinq prières quotidiennes. Elle est par conséquent proclamée vingt-cinq fois par jour du haut des minarets.

Cette formule, « il n’y a pas d’autres dieux qu’Allah », et qui constitue la première partie de la chahada provient, comme bien des énoncés du Coran, de la Bible. Elle est souvent utilisée dans l’Ancien Testament, et citée pour la première fois dans le livre de Samuel :

« Il n’y a pas d’autre Dieu que YHWH » (1 Samuel 2, 2).

Mais elle est nettement détournée de son sens originel dans la chahada ainsi que nous l’allons voir. Les groupes hérétiques judéo-chrétiens, comme la plupart des sectes, ont en effet pour habitude de détourner le sens de la Parole de Dieu. C’est le cas par exemple des témoins de Jéhovah ou des mormons qui utilisent la Bible mais en déformant son message.

La chahada : une formule négative

La première partie de la chahada « il n’y a pas d’autre divinités qu’Allah » (en arabe : « La ilah ill’Allah« ) commence par la particule « la » qui marque dans une phrase la négation, indiquant par conséquent clairement son caractère d’opposition. Cette particule « la » signifie d’ailleurs également en arabe : « non ».

En effet, si la chahada stipule qu’il « n’y a pas d’autres dieux sinon Allah », c’est bien pour dire que certains prétendent le contraire, c’est-à-dire « qu’il y a d’autres dieux qu’Allah », et donc pour s’opposer à eux! Une négation n’a en effet de sens que par rapport à une affirmation. S’il n’y avait personne professant qu’il y a « d’autres dieux qu’Allah », quel intérêt l’islam aurait-il à dire et à répéter « qu’il n’y en a pas d’autres » ? S’ils « n’étaient pas », au moins aux dires de certains, quel intérêt y aurait-il même à en parler, et encore plus à s’y opposer, au point d’en faire sa « profession de foi », sa « chahada », et jusqu’à le crier vingt-cinq fois par jour du haut des minarets ?… Et quel intérêt Allah aurait-il eu à « révéler » à son « prophète », Mahomet, « qu’il n’y avait pas d’autres dieux que Lui » si, effectivement, tout le monde considérait « qu’il n’y en avait pas d’autres » ? Si Allah le « révèle » au « prophète » Mahomet, c’est  bien qu’il l’appelle à dénoncer et à combattre ceux qui osent affirmer « qu’il y a d’autres dieux que Lui » !

L’identité des infidèles : de dangereux « mouchrikoun »

Quels sont ceux qui auraient osé affirmer, au début de l’islam, et qui affirmeraient encore aujourd’hui, qu’il y a « d’autres divinités qu’Allah » ? C’est ce que nous allons découvrir désormais à la lumière de cette brève étude des sources islamiques.

Qui sont-ils donc ceux qui, à l’époque de Mahomet comme encore aujourd’hui professent, selon les dires même du Coran, qu’il y a « d’autres dieux qu’Allah » ou qui, du moins, sont supposés professer tel blasphème ? Le Coran lui-même répond :

Ce sont ceux qui « associent à Allah d’autres divinités (S. 4, 48 ; 5, 72- 73 ; etc.)

Ceux qui « associent » à Allah d’autres dieux, le Coran les appelle « associateurs », (mouchrikoun, en arabe), c’est-à-dire ceux qui mettent sur le même plan qu’Allah d’autres divinités qui lui seraient comme associées. Alors qui donc peuvent bien être ceux qui, d’après le Coran et l’islam, « associent » ? S’agit-il, comme dans la Bible, des « idolâtres » qui adorent des idoles de bois ou de métal, appelés encore « polythéistes »‘ ? Il n’est nullement question de « polythéistes » dans le Coran et le terme « d’associateurs » ne les concerne en aucune façon. Ce dernier terme a en effet dans le Coran un sens bien précis et s’adresse à un groupe bien particulier, ainsi que nous allons le voir.

Eh bien, ceux qui « associent » et placent à côté de ce Dieu unique, Allah, « d’autres dieux » qui lui seraient comme « associés », sont tout simplement les chrétiens… Ils sont en effet appelés « associateurs » par le Coran puisque, selon lui, ils « associent » deux autres divinités à Allah : Jésus et sa Mère (!) :

«Ô Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit : Prenez-moi et ma Mère pour deux divinités ? »  (S. 5, 116)

Ou encore :

« Oui, ceux qui disent « Dieu est le Messie (le Christ), fils de Marie  » sont des impies, car le Messie a dit: « Adorez votre Seigneur »… Allah condamne à la géhenne de feu ceux qui lui attribuent des « associés » » (S. 5, 72-73)

Un dogme en point de mire : la Trinité

L’on se doutera, après de tels versets, que le dogme de la Trinité ne saurait échapper aux foudres d’Allah :

« Oui, ceux qui disent « Dieu est le Messie, fils de Marie, sont des impies ( … ) Ils sont donc impies ceux qui disent: « Allah est le troisième de Trois » » (S. 5, 72-73)

Le terme « Trois » désigne clairement ici la Trinité professée par les chrétiens. Allah ne serait donc considéré par ces derniers que comme un dieu de « troisième catégorie », ou comme relégué en « troisième position » dans l’ordonnance de la divinité, après Jésus et Marie. La Trinité est donc manifestement dans le collimateur coranique ! Ne retrouve-t-on pas d’ailleurs encore, dans le Coran, d’autres « inepties trinitaires » telles que :

« Ô gens du Livre… le Messie, Jésus, est seulement prophète de Dieu… Alors ne dites pas « Trois » «  (S. 4, 171).

Le « Livre », tel que ci-dessus mentionné, désigne dans le Coran la Bible, et l’expression « gens du Livre » les chrétiens ainsi qu’il est précisé à plusieurs endroits. Les chrétiens sont donc bien visés nommément par le texte et accusés d’adorer, dans la Trinité, plusieurs dieux, plus précisément : trois ! On ne saurait être plus clair : les « associateurs » sont bien les chrétiens qui sont considérés comme « tri-théistes »…

Mme Delcambre, comme de nombreux autres spécialistes de la question, l’a bien perçu ainsi : « En fait, ce que l’islam rejette et vomit, ce sont les chrétiens trinitaires, les catholiques donc, considérés comme des polythéistes, des trithéistes. Il semble que les « bons  » chrétiens du Coran soient les nazaréens. Mais pour les chrétiens trinitaires, il n’y a pas de pardon possible (S. 4, 51148). «  (L’Islam des interdits, DDB, p. 57-58).

Gare aux « associateurs tri-théistes » donc, appelés habituellement… « chrétiens » !

Trinité et non tri-théisme :

L’islam objecte ainsi que les chrétiens sont comme des « trithéistes », professant la foi en  » trois dieux », (Jésus, Marie et Allah,) quand ils affirment le dogme de la Trinité ! Ce point de vue concernant la doctrine chrétienne, que l’islam répand parmi ses adeptes depuis ses origines, est une vision évidemment faussée du dogme chrétien de la Trinité puisque, d’une part, la troisième personne de la Trinité n’est pas Marie, mais l’Esprit-Saint et que, d’autre part, cette doctrine trinitaire n’a jamais professé « trois dieux », mais bien : « Un Seul Dieu en trois Personnes ». Il est d’ailleurs logique, par définition, qu’une hérésie s’oppose à la doctrine de laquelle elle est issue. Or, si l’islam provient, ainsi que plusieurs études l’ont montré, d’un groupement chrétien dissident, il est normal que, pour affirmer son existence, il s’oppose à celui-ci, notamment par des versets négatifs marquant l’opposition, tels ceux que nous venons de citer: « ne dites pas Trois », etc.

L’on retrouve bien ici les déviances et oppositions des premières hérésies chrétiennes, tels l’arianisme ou le nazaréisme (« ébionisme »), avec leur difficulté à saisir ce Mystère de la Trinité. L’islam, en tant qu’héritier direct de ces groupements, n’a pas échappé à cette logique.

D’autant qu’il faut reconnaître une difficulté supplémentaire, pour le monde arabe à saisir ce mystère trinitaire, puisqu’il n’a pas, dans sa langue, l’équivalent du mot latin « persona« . Le mot arabe le plus proche pour exprimer cette idée de « personne » étant le mot « charse » qui signifie littéralement : « statue » ! L’on comprend alors le problème qui se pose, en langue arabe, pour parler des trois Personnes divines de la Sainte Trinité, si on ne les imagine que comme des « statues » qui rappellent, de suite, les idoles de bois ou de métal fondu des idolâtres…

Le polythéisme coranique : des polythéistes détournés

Le véritable sens biblique du terme « polythéistes », désignant les adorateurs des idoles, a donc été détourné par l’islam pour lui donner le sens restrictif et erroné de « tri-théisme », faisant ainsi passer les chrétiens pour des idolâtres, ou plus exactement pour des « humanolâtres », ceux-ci adorant le Messie Jésus et sa Mère Marie, donc des êtres humains… Or, si les chrétiens ne font que vénérer Marie qu’ils considèrent comme une simple créature, ils adorent effectivement le Christ Jésus qu’ils considèrent comme de nature divine :

« Dieu fait homme », et de là : « vrai Dieu et vrai homme ».

Les chrétiens sont, par ce fait, davantage que les musulmans, les vrais adorateurs de Dieu, l’adorant en « esprit et en vérité ». Ils ne sauraient en revanche adorer quelque idole de bois ou de métal, fût-elle couverte d’or ou d’argent, et se prosterner devant elle à la façon des idolâtres car, tout comme les prophètes tels Isaïe ou Jérémie, ils affirment qu’elles ont :

« Une bouche et ne parlent pas, des oreilles et n’entendent pas, des yeux et ne voient pas »

Le mythe polythéiste :

Il est d’ailleurs utile ici d’apporter une précision, concernant l’affirmation péremptoire de certains islamologues manifestement peu perspicaces. Le terme coranique « d’associateurs » ne saurait désigner en aucune façon les « polythéistes », ces derniers ayant complètement disparu de la quasi totalité du Moyen Orient avant son islamisation. En effet, tout le Moyen Orient et l’Afrique du Nord étaient depuis longtemps christianisés avant l’arrivée de l’islam et les groupes polythéistes devenus inexistants. Les apôtres avaient permis, par leur évangélisation, la christianisation de toute cette région et le christianisme avait, de fait, fait disparaître le polythéisme. Si bien que le « polythéisme bédouin », si « prisé » par quelques islamologues en mal d’exotisme, est un mythe. Mythe d’autant plus invraisemblable que les tribus arabes avaient été évangélisées très tôt, dès le deuxième siècle, mises en contact avec le christianisme par le fait de leur commerce caravanier. Ce commerce les mettait sans cesse en rapport avec les chrétiens d’Orient, comme le démontrent aujourd’hui beaucoup d’historiens de la religion.

Bref, on l’aura compris, le fameux « polythéisme » pré-islamique, auquel tiennent tant les islamologues occidentaux jusqu’à soutenir que « c’est à l’islam qu’est due sa disparition au Moyen Orient« , n’est rien d’autre que le christianisme trinitaire, considéré par l’islam comme un « tri-théisme ». Et finalement, en ce sens, ces islamologues occidentaux n’ont sans doute pas tort puisqu’on peut effectivement soutenir ce fait certain que « c’est bien à l’islam qu’est dû la disparition du christianisme au Moyen Orient »

Des mouchrikoun tri-théistes :

Il n’est d’ailleurs que de lire le Coran pour se convaincre qu’il ne parle pas de « polythéistes » mais bien « d’associateurs » (en arabe : mouchrikoun), ce terme désignant directement les chrétiens accusés de tri -théisme », ainsi que nous l’avons montré.

L’islam, moins aveugle lui-même que certains islamologues occidentaux, ne parle d’ailleurs jamais du péché de « polythéisme » mais de celui « d’associationnisme », appelé « chirk » en arabe.

Et ce péché d’associationnisme qui consiste, nous venons de le voir, à nier l’unicité de Dieu en plaçant près de Lui des « associés » est, de beaucoup, le plus grave en islam, et pour tout dire considéré comme irrémissible. Il est en effet le pire péché qui puisse être commis sur la terre comme au Ciel, et est pour cette raison absolument impardonnable :

« Allah ne pardonne pas qu’il Lui soit donné des associés alors qu’il pardonne, à qui Il veut, les péchés autres que celui-là.  » (S. 4, 48).

Il voue, en effet, irrémédiablement à l’enfer éternel celui qui le pratique, à l’inverse de tous les autres péchés, tels le vol, l’adultère ou encore le crime, péchés qui ne vaudront à leur auteur, s’il est musulman, qu’une peine provisoire. Cela éclaire grandement sur la condition des chrétiens face à l’islam : ils sont considérés par celui-ci comme étant pires que des criminels et doivent ainsi être « combattus jusqu’à l’anéantissement« , selon les termes même du Coran.

Il est donc erroné de traduire le mot arabe « chirk » par « polythéisme », tout comme il est impropre de traduire celui de « mouchrikoun » par « polythéistes ». La traduction exacte du terme « chirk » est  » associationnisme « , et celui de « mouchrikoun » est « associateurs », tous deux dérivés du verbe charaka qui signifie « associer ». Ce verbe est d’ailleurs couramment utilisé de nos jours en ce sens dans le langage arabe, ainsi que ses dérivés tels charika (société), charik (associé), etc.

D’ailleurs, si les occidentaux sont trompés par ce terme de « polythéistes », les musulmans, eux, ne sont pas dupes : les associateurs visés par le Coran sont bien pour eux les chrétiens ! Si vous témoignez, en effet, devant un musulman, de votre foi chrétienne, il vous opposera immédiatement la chahada qui stipule « qu’il n’y a pas d’autres dieux qu’Allah ». Il connaît donc bien le lien entre celle-ci et l’affirmation « impie » des chrétiens à professer « trois divinités » !

Ce qui prouve bien que cette affirmation négative est, pour le musulman, la réponse directe à l’affirmation chrétienne de la Trinité.

Les chrétiens des pays orientaux ont d’ailleurs bien saisi la difficulté et le danger à professer la Trinité en terre d’islam, et c’est pourquoi, à la fin de la doxologie (« Gloire au Père et au Fils et au St. Esprit ») ils ajoutent la formule « Ilahi’l wahid » qui signifie « Dieu Unique ».


1 M. Alcader. Le vrai visage de l’Islam, Éd. Kyrollos, 49 430 Durtal, 20 €, (23,5 € franco), pp.77-86

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