Un magnifique papillon voyageur : le Monarque

Par  Claude Eon 

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REGARD SUR LA CRÉATION

« Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu quand on Le considère dans ses ouvrages. » (Rm 1, 20)

Résumé : Le célèbre papillon Monarque accomplit une migration de plusieurs milliers de kilomètres qui le ramène au lieu précis où ses ancêtres ont vécu. Cet exploit étonne à juste titre, car on ne comprend pas comment l’information est transmise d’une génération à l’autre. Autre particularité : la femelle pond son œuf sur un laiteron particulier dont la sève rendra la chenille toxique pour les prédateurs. Les organes servant à la navigation du Monarque sont multiples : les antennes et les yeux détectent l’angle incident du soleil ; couplées à une horloge biologique, ces données permettent d’en tirer le cap suivi ; des particules de magnétite lui permettent aussi de connaître le Nord. Mais la manière dont tous ces capteurs servent à suivre le plus court chemin sur d’aussi grandes distances demeure d’autant plus mystérieuse que le cerveau des insectes est minuscule. Comment ne pas admirer ici l’ingéniosité du Créateur ?

Quel animal ayant un cerveau de la taille d’une tête d’épingle est capable de choisir une destination située à 4.830 kilomètres et de l’atteindre avec une précision de 30 mètres ? C’est le plus célèbre papillon d’Amérique du Nord, le Monarque. Mais l’adulte ailé n’est que le quatrième et dernier stade du cycle vital de ce merveilleux insecte.     

Le Monarque (Danaus plexippus) commence sa vie par être un œuf dans le ventre de sa mère. Les Monarques pondent généralement leurs œufs sur la fleur du laiteron ou sur une de ses feuilles. Les œufs sont très petits, de la taille d’une tête d’épingle et légèrement oblongs. Après 3 à 6 jours, la chenille émerge de l’œuf. Au cours des 17 jours suivants, la chenille se développe et mue quatre à cinq fois, se débarrassant de son exosquelette (la peau externe) pour faire place à un nouveau. Sans cesse menacée d’être mangée par des prédateurs tels que la coccinelle ou la mante religieuse, la chenille tire des poisons de sa plante d’accueil, le laiteron (genre Asclepias).

Ces poisons rendent malade tout animal assez fou pour manger la chenille: on a déjà vu un geai bleu vomir après en avoir mangé une.

Parvenue à maturité, la chenille cherche un refuge approprié, généralement sous un rondin ou une branche où elle s’attache pour se transformer en chrysalide (pupe). À l’intérieur de son exosquelette, le corps larvaire se désintègre complètement et les zones de cellules indifférenciées, qui avaient subsisté pendant toutes les mues de la larve, commencent à former les tissus du papillon adulte.

Fig. 1. Cycle de vie du Monarque : 1 : œuf (3 à 6 jours);

2 : la  larve devient chenille en 17 jours; 3 :la chenille se fait chrysalide ; 4 :la chrysalide durcit en 8 jours ;5 : le papillon

sort de la chrysalide lors de la métamorphose ;

6 : extension des ailes ; 7 : papillon achevé.

Cycle de vie du Monarque

Après 8 jours, l’adulte, l’imago, émerge. Selon l’époque de l’année, l’adulte vit de un à huit mois.

C’est alors que le Monarque accomplit la seconde grande merveille de sa vie: sa migration. Avant de décrire cet exploit, il convient de mentionner quelques particularités du Monarque.

Celui-ci a six pattes, dont deux pattes antérieures situées juste sous la tête et si petites qu’il faut une loupe ou un microscope pour les voir. La femelle a six aiguilles microscopiques sur chacune de ses pattes antérieures. Lorsqu’elle cherche un endroit idoine pour pondre ses œufs, elle enfonce plusieurs fois ces six aiguilles dans le laiteron, provoquant la sortie des liquides sur la surface de la plante. La femelle goûte, sent les fluides et décide si le laiteron convient pour sa ponte. Elle fait ceci en utilisant les senseurs de goût situés aux extrémités des quatre autres pattes et les senseurs d’odeur situés à l’extrémité des antennes. Normalement elle ne dépose qu’un seul œuf par feuille, mais elle pond environ 600 œufs en tout. Le laiteron doit contenir assez d’eau et de nutriments pour assurer la vie et la croissance du bébé chenille lorsqu’il sortira de l’œuf. Les pattes antérieures du mâle sont différentes. Elles ne comportent pas d’aiguilles puisqu’il n’a pas besoin de faire l’analyse chimique du jus du laiteron. Il utilise ses pattes antérieures pour garder l’équilibre pendant l’accouplement : il s’accroche à une fleur ou à un autre objet pendant que ses deux autres paires de pattes maintiennent la femelle. Dans les deux sexes, les senseurs de goût aux extrémités des grandes pattes, pour déceler les sucres, sont 2000 fois plus sensibles que les senseurs humains. Les senseurs d’odeurs de chaque extrémité des antennes sont environ 5000 fois plus sensibles que ceux du nez humain.

Les antennes sont, de leur côté, une merveille de technologie! D’après le Dr Reppert, ces antennes ne servent pas seulement à déceler les signaux olfactifs, mais aussi à détecter la direction du vent et les vibrations sonores[1]. On a même découvert un senseur situé dans la petite vrille de l’antenne, qui détecte l’angle incident du soleil.

Le Dr. Reppert a établi que les yeux du Monarque détectent une portion d’UV de la lumière solaire qui est coordonnée avec une horloge circadienne dans le cerveau. [2] Il fut étonné de trouver une horloge, un « facteur de correction du temps », à l’intérieur de l’antenne elle-même. Cette horloge interne mesure constamment l’angle de la lumière et convertit cette information en orientation par rapport aux points cardinaux. Ainsi des papillons peuvent-ils voler vers le sud, et la génération suivante vers le nord, sans se tromper.

Jules Poirier est ingénieur spécialiste des systèmes de navigation spatiaux et pour la Défense. À propos du Monarque, il écrit ceci: « Le niveau de technologie des circuits qui ont guidé les hommes vers la lune est phénoménal. Cependant, l’équipement de navigation contenu dans le cerveau du papillon Monarque montre, par l’incroyable exploit de migration accompli par cette créature, qu’il bénéficie d’un niveau de technologie encore plus élevé. Et tout cela est contenu dans un cerveau pas plus gros qu’une tête d’épingle ! »

Ce magnifique insecte effectue un vol de milliers de kilomètres, navigant sans erreur vers un endroit qu’il n’a jamais vu. Par exemple, certains Monarques volent de la Nouvelle Écosse au Canada jusqu’aux montagnes à l’ouest de Mexico, soit quelque 5000 kilomètres en tout. Pas simplement pour atteindre l’endroit même auquel leurs ancêtres étaient parvenus, mais bien souvent le même arbre !

Le Monarque peut voler par temps calme à la vitesse d’environ 50 km/h, et beaucoup plus vite par vent arrière. Il vole habituellement près du sol, mais on en a trouvés à 3500 mètres d’altitude. On sait qu’il peut parcourir sans s’arrêter 600 kilomètres au-dessus de l’eau, en 16 heures. Sa migration de 5000 km prend de 8 à 10 semaines en ne voyageant que de jour.

Des Monarques, transportés à 1500 km de leur route habi- tuelle, ont cependant trouvé leur chemin vers leur site hivernal. Comment ce papillon peut-il accomplir un tel exploit ? Les chercheurs n’en sont pas encore sûrs. Il semble que le Monarque ait un lecteur magnétique dans la tête et un autre dans le thorax lui permettant d’utiliser le champ magnétique terrestre. Mais la plupart des scientifiques pensent que le magnétisme ne lui donne qu’une orientation générale.

Fig. 2. Les principales routes de migration du Monarque

Routes de migration du Monarque

Le papillon « Monarque » est le seul insecte connu migrant annuellement sur de grandes distances intercontinentales. D’autres Monarques qui ne migrent pas existent dans d’autres parties du monde.

Pour l’essentiel de sa navigation, le Monarque utilise la position du soleil. Nous autres, pauvres humains, avons besoin, pour suivre une route orthodromique entre deux points, de deux horloges, d’un sextant, d’un compas magnétique, d’un almanach astronomique et de cartes à jour donnant les déclinaisons magnétiques locales[3] ! Mais pour se guider sur la position du soleil, le Monarque doit connaître avec précision l’heure du jour et mesurer la position angulaire du soleil verticalement et horizontalement. Il doit connaître le passage du soleil aux différentes latitudes et aux différentes heures de l’année. Puisqu’il semble utiliser le champ magnétique terrestre, il doit encore être capable d’en mesurer la direction, ainsi que ses variations selon la latitude et la longitude du lieu.

Chacun des yeux du Monarque comporte 6 000 lentilles qui lui permettent de distinguer toutes les couleurs du spectre, l’ultraviolet ainsi que la direction de la polarisation même par temps couvert. Ces 12 000 lentilles ont été fabriquées le septième jour du stade « pupal ». Grâce à cet instrument, plusieurs objets peuvent être vus en même temps en déterminant leurs positions angulaires relatives. On comprend moins bien comment le Monarque connaît l’heure, mais il existe de nombreuses horloges biologiques dans divers organismes, ce qui suggère que c’est possible. De même, la détection du champ magnétique terrestre ne pose guère de problème, car nous savons que le Monarque contient de la magnétite. En revanche, comment il transmet l’information d’une génération à l’autre demeure complètement mystérieux. Il est également possible qu’il utilise un système de navigation totalement différent et encore inconnu.

Sachant la complexité de la navigation orthodromique[4], les instruments qu’elle requiert et les indispensables calculs qu’elle exige, on ne peut qu’admirer l’œuvre du Créateur.

Lui seul, en effet, sait comment le Monarque s’oriente et il est trop évident qu’aucune série de mutations aléatoires ne saurait donner une explication convaincante de l’existence de la vraie merveille qu’est ce beau petit papillon.


[1] Migrating Monarch Butterflies “Nose”. Their Way to Mexico. University of Massachusetts Medical School press release, September 25, 2009, reporting research published in Merlin, C., R. J. Gegear and S. M. Reppert. 2009. Antennal Circadian Clocks Coordinate Sun Compass Orientation in Migratory Monarch Butterflies. Science. 325 (5948): 1700-1704.

[2] How butterflies fly thousands of miles without getting lost revealed by researchers. The Hebrew University of Jerusalem press release, via Eurekalert!, August 1, 2005, reporting research published in Sauman, I. et al. 2005. Connecting the Navigational Clock to Sun Compass Input in Monarch Butterfly Brain. Neuron. 46 (3): 457-467.

[3] Aujourd’hui cependant, le guidage de la navigation est assuré par des émetteurs radioélectriques et grâce à l’inertie d’un système gyroscopique.

[4] Ndlr. Une route  »loxodromique » se fait à cap constant, ce qui simplifie la navigation, mais ne donne pas le plus court chemin entre deux points situés sur le globe terrestre, ce que permet, en revanche, la route  »orthodromique ». Cette dernière, plus économique en temps et en carburant, oblige à rectifier constamment le cap suivi, selon un calcul très complexe. On peut donc s’étonner de voir le Monarque choisir une telle route !

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