Accueil » Le véritable secret de la licorne

Par Gaudin De Saint-Rémy, Abbé Régis

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BIBLE
« Le ciel et la terre passeront ; mes paroles ne passeront pas »
(Mt24, 35).

Résumé : La datation au carbone 14 d’un crâne de licorne récemment découvert en Sibérie relance le débat sur la forme terrestre de cet animal, étant donné que la licorne des mers ou narval existe toujours. Qu’en est-il exactement ? L’existence de la licorne est attestée dans la Septante (Lxx) et dans la Vulgate (Vg), respectivement versions grecque et latine de la Sainte Écriture. Un réel engouement pour le Texte massorétique (TM), allié au scientisme actuel, est allé jusqu’à remettre en cause ces Textes pourtant authentiques. Comme pour la rumination du lièvre, nous affrontons ici une mode intellectuelle fondée sur une erreur scientifique alliée à un parti pris idéologique, et ceci paradoxalement à l’heure où l’on concourt à exhiber pieuvres géantes et dragons divers issus de l’Antiquité. Il nous faut donc, avant toute chose, vérifier la réalité historique de la licorne à partir de témoignages que nous découvrirons, et qui sont spécialement nombreux. Puis on s’efforcera de retrouver les divers sens spirituels que nous en ont donnés les commentateurs au cours des siècles. Nous comprendrons alors comment le souvenir quasi unique qu’a laissé la licorne s’est peu à peu estompé à l’arrivée d’un monde moderne sceptique et matérialiste.

Une découverte dérangeante

Relayée par de nombreux médias (Courrier Science, Newsweek, Radio Canada, RTL, Europe 1, France Info, AFP, France Culture, France TV, Ouest France, La Dépêche, 20 minutes, Sciences et Avenir, Marie Claire, etc.) en date du 30 mars 2016, la relation de l’événement fut d’abord publiée dans l’American Journal of Applied Sciences : Des scientifiques russes de l’université de Tomsk en Russie ont annoncé la datation au carbone 14 d’un crâne d’Elasmotherium sibiricum, dit aussi licorne de Sibérie ou licorne géante.

L’animal, qui a été retrouvé dans la région de Pavovlar, au Kazakhstan, est imposant : sa reconstitution en taille réelle au musée de Tomsk lui attribue 4,5 mètres de long, 2 mètres de haut, pour un poids pouvant atteindre les 5 tonnes. On le représente recouvert de longs poils et affublé d’une unique corne proéminente (située sur le crâne), longue de 1,5 mètre, plus large à la base que le tronc d’un homme. L’intérêt de la datation et de sa communication – non celui d’une « découverte » connue depuis au moins un siècle – est que cette licorne de Sibérie aurait disparu il y a 29 000 ans, et par conséquent aurait vécu au temps de l’homme que la science contemporaine recense comme ayant habité la région depuis 50 000 ans. Tels sont les faits bruts.

Le crâne de la licorne de Sibérie
une représentation de l'animal

Fig. 1. Le crâne de la licorne de Sibérie et une représentation de l’animal

Deux réflexions s’imposent ici : la première, c’est que la licorne est sans doute un genre animal bien particulier, celui d’animaux disparus avec une seule corne située sur le front. Ainsi l’espèce de la gracile haquenée blanche des tapisseries peut aussi avoir existé. La seconde réflexion est une constatation : s’il est vraisemblable que l’homme a connu plusieurs espèces de licornes, il n’est pas nécessaire de remonter aux 29 000 ans du fantaisiste carbone 14, ni aux 50 000 ans donnés par une sédimentologie sans doute erronée.

Paradoxalement, les commentaires et remarques des médias cités plus haut reconnaissent souvent les défaillances d’une science journalistique n’admettant que ce qu’elle annonce dans l’instant présent, sans préoccupation ni du passé ni de l’avenir. Se voyant sans rivale, elle n’hésite pas à changer, selon ses humeurs, son propre magistère. Nous trouvons ainsi plusieurs énoncés scientifiques en perpétuelle mutation, ce qui nous autorise à formuler des réserves sur une science qui se dit la vérité même, sans toutefois empêcher cette suite d’articles et de réactions de cultiver le paradoxe en évoquant « le monde scientifique » et « lascience » avec la même émotion qu’un naturaliste du XVIIIe siècle.

La réalité historique de la licorne

Pourtant, les témoignages sur la licorne sont très anciens1, outre ceux des Saintes Écritures. L’image connue la plus ancienne d’une licorne est sa représentation sur un bas-relief de Persépolis, en Iran, datant au moins du Ve siècle avant Jésus-Christ.

Fig. 2. Licorne des ruines de Persépolis. Plusieurs relations la mentionnent comme adversaire mortel du lion, ce que sous-entend la Sainte Écriture.

La plus ancienne relation écrite connue est celle du Grec Ctésias, né à Cnide en Asie Mineure au siècle suivant ; elle nous est rapportée par Élien le Sophiste, mort à Rome au IIIe siècle A.D. Voyageur devenu médecin du roi des Perses, Ctésias décrit des licornes dans le chapitre XXV de son Histoire de l’Inde : « Des ânes sauvages de la grandeur des chevaux, et même de plus grands encore. Ils ont le corps blanc, la tête couleur de pourpre, des yeux bleuâtres, une corne au front. […] L’âne des Indes […] ressemble pour la figure et la grandeur à un bœuf. […] Cet animal est très fort et très rapide à la course. Le cheval, ni aucun autre animal, ne peut l’atteindre. Il écrit par ailleurs : [Outre sa corne sur le front] cet âne des Indes a un corps de cheval, une tête de cerf et des pieds solipèdes [à sabot entier] fourchus, cette dernière description la rendant plus semblable à celle de Persépolis.

À cette même époque, Aristote (Parties des animaux L. IV, ch.10 et Histoire des animaux L. II, ch.1) indique un âne des Indes plus petit que celui de Ctésias, mais toujours solipède avec une seule corne sur le front.

Licornes chinoises
dynastie de Han (IIe siècle A.C.- IIe siècle A.D.)

Fig. 3. Licornes chinoises datant de la dynastie de Han

(IIe siècle A.C. – IIe siècle A.D.)

Un autre savant, Pline l’Ancien (Ier siècle A.D.), dans le VIIIe livre, au chapitre 31, de son Histoire Naturelle écrite en latin, dit que la bête la plus sauvage de l’Inde est l’unicornis2 :

(Il a) un corps de cheval, une tête de cerf, les pieds de l’éléphant, la queue du sanglier ; un mugissement grave, une corne noire haute de deux coudées qui se dresse au milieu du front. On dit qu’on ne le prend pas vivant. Dans ses écrits, Pline parle à trois reprises de la licorne.

En Extrême-Orient, on a retrouvé en Chine et au Japon des statuettes en bois de licorne datant de la dynastie chinoise Han (IIe siècle A.C. – IIe siècle A.D.) dont l’unique corne est droite et imposante. L’art chinois représente volontiers la licorne, appelée Qilin, sous les traits d’un dragon, animal terrifiant.

Le Physiologos, bestiaire chrétien écrit d’abord en grec puis traduit en latin, attribué à saint Ambroise (IVe s.) mais datant sans doute du IIe s. de notre ère, dépeint chaque animal avec son sens allégorique à une époque où les œuvres de la Création étaient considérées comme autant de signes servant à l’édification du genre humain. Inspiratrice, au VIe siècle, de saint Isidore de Séville et de ses Etymologiæ avant de devenir la base commune des bestiaires médiévaux, cette célèbre compilation cite la licorne comme un animal de petite taille tel un chevreau, qui a une corne au milieu de la tête, mais est tellement féroce qu’aucun homme ne peut s’emparer d’elle.

Monocéros, de la Topographie chrétienne de Cosmas Indigopleustès

Fig. 4. Monocéros de la Topographie chrétienne de Cosmas Indicopleustès

Un marchand alexandrin du VIe siècle, Cosmas Indicopleustès, n’a vu que quatre statues de bronze représentant la licorne, mais en défend farouchement l’existence. Il laissa un dessin, reproduit deux siècles plus tard dans une Topographie chrétienne, qui donne lui aussi à l’animal une silhouette caprine.

Au millénaire suivant, le célèbre voyageur Marco Polo (1254-1324) décrit, dans son Livre des Merveilles, les unicornes guère moins gros que l’éléphant ; ils ont le poil du buffle, le pied comme celui de l’éléphant, une corne au milieu du front, très grosse et noire. Après plusieurs détails sur leur mode de vie, il ajoute que c’est une très vilaine bête à voir, et dégoûtante… Ulysse Aldovrandi, à la fin du XVIe siècle, voit à tort dans cette description un « rhinocéros », dont la morphologie est différente malgré une étymologie très voisine : en grec ῥινόκερως rhinokérôs, signifie « qui a une corne sur le nez ».

Lors de son séjour à La Mecque en 1503, Ludovico Barthema a, lui aussi, vu des licornes : D’un autre côté du temple de La Mecque se trouve un enclos dans lequel il y a deux unicornes vivants, et on les montre comme une grande merveille. Le plus grand est fait comme le poulain d’un an, et a une corne d’environ quatre palmes de long [90 cm]. Il a la couleur d’un [cheval] bai, la tête d’un cerf, le col court, le poil court et pendant sur un côté, la jambe légère comme un chevreuil. Son pied est fendu comme celui d’une chèvre et il a des poils sur les jambes de derrière. C’est une bête fière et discrète.

Et ces bêtes furent envoyées au sultan de La Mecque comme la plus belle chose qui soit au monde et un riche trésor. Elles lui furent envoyées par un roi d’Éthiopie, c’est-à-dire un roi maure, en gage d’alliance avec le sultan de La Mecque.

Plus près de nous, le jésuite portugais Jérôme Lobo, dans sa Relation de l’Empire des Abyssins, découvre une licorne près des sources du Nil. Sa corne, affirme-t-il, qui mesure cinq palmes (1 m environ), s’avance droite et tire sur le blanc. Il ajoute que cet animal peureux vit dans les bois, craint les découverts, et que les indigènes ne préparent pas sa viande comme celle des autres animaux. Pour lui, on ne peut la confondre avec le rhinocéros dont l’allure générale est différente, d’autant plus qu’il a deux cornes recourbées (rhinocéros d’Afrique) et non une seule corne droite.

Autre exemple : un savant danois, Thomas Bartelin, revint chez lui en 1652 avec un Africain du Congo, lequel témoigne de la présence dans son pays de licornes de la grandeur d’un cheval moyen, de couleur grise comme un âne, avec une ligne noire sur tout le dos, et une corne au milieu du front longue de trois spithames [environ 70 cm].

Il existe nombre d’autres relations sur la licorne, parfois dans les mêmes régions, parfois dans d’autres comme le Canada ou l’Afrique du sud. On ne saurait les mentionner toutes tant elles sont nombreuses3. Elles ont été étudiées et analysées autant par des Pères de l’Église que des savants, des théologiens, des médecins, des naturalistes, des écrivains, des poètes, des artistes, des peintres, des dessinateurs, des sculpteurs, des tapissiers, des miniaturistes, voire des financiers à une époque où le commerce de la corne de licorne était rentable, de par ses vertus purificatrices et sa rareté, qui en faisaient l’apanage des cathédrales et des rois.

Inerrance du sens littéral de l’Écriture

Attestée sur plus de 2 000 ans de témoignages, la réalité historique de la licorne confirme la vérité du sens littéral du Texte sacré. En même temps, elle nous donne une base sûre pour l’exégèse. Car à partir de ce sens littéral, il est possible de remonter aux réalités divines par un sens spirituel bien souvent révélé par l’Écriture elle-même. Ce sens spirituel est traditionnellement triple : d’abord un sens allégorique, annonçant une figure du Salut ; ensuite un sens moral, didactique, pour nous autres humains ; enfin un sens mystique, qui transcende jusqu’à la louange cette même figure du Salut (cf. Le Cep n° 74, p. 71).

Tous ces sens sont suggérés dès l’Ancien Testament qui mentionne la licorne à neuf reprises : dans les Nombres, le Deutéronome, le Livre de Job, les Psaumes (quatre occurrences) et une chez le prophète Isaïe. Le sens spirituel est confirmé par le Nouveau Testament lorsque le grand-prêtre Zacharie, père de saint Jean-Baptiste, entonne le cantique Benedictus à la gloire du Messie, précisément qualifié de Corne du Salut (Lc 1, 69).

Les références de l’Ancien Testament figurent toutes dans la Vulgate4 et, sauf une, dans la Septante5, ce qui est compensé, dans cette dernière version, par un vocabulaire plus riche et plus mystique. L’une et l’autre versions se rattachent directement à l’Incarnation du Salut, ce qui n’est plus le cas du Texte hébreu, dit massorétique, qui prit soin, lors de son élaboration, d’expurger les apports grecs et chrétiens6.

La licorne est citée aussi dans les bestiaires médiévaux illustrant ces temps de foi où l’on considérait que les œuvres de la Création servaient à l’édification de l’homme. Ils sont presque tous issus du Physiologos, qui fait suivre la description de chaque animal d’un sens moral conforme au sens biblique. Ce sont ces bestiaires qui présentent le mieux le sens mystique de la licorne.

Fig. 5. Adam nommant les animaux – Tapisserie flamande du XVIe siècle de la série La création de l’homme et le péché originel. La licorne, préfigurant le Christ, guide les autres animaux.

Avant d’aborder ces divers sens spirituels de la licorne, il faut mentionner une confirmation indirecte de son existence dans un autre passage de l’Écriture, celui où Dieu fait défiler les animaux devant l’homme afin qu’Adam donne à chacun son nom (Gn 2, 19-20). Dans la bouche de Moïse, le premier législateur, la Sainte Écriture insiste sur le fait que chaque nom donné par Adam est bien le véritable7.

On peut donc se poser la question : le mot grec monokérôs, traduction en la LXXde l’hébreu re’êm (d’un hébreuqui fut la langue d’Adam, d’après les traditions juives), les mots latins rinoceros8(le mot grec rhinokérôs est absent de la Lxx), et unicornis, ainsi que le français « licorne » (ligorius en latin médiéval et alicornio en italien), ne seraient-ils qu’une invention humaine ? La réponse est évidemment négative.

Poussons le raisonnement jusqu’au bout : l’existence de la licorne pourrait n’être qu’un défi lancé par l’autorité divine à la raison humaine, si cet animal n’avait laissé aucune trace. Nous avons vu que tel n’était pas le cas, et même, par hypothèse d’école, si l’on se réduisait à n’invoquer que cette autorité divine, elle ne serait sûrement pas opposée à la raison humaine9. Car, et c’est de foi, la Sainte Écriture n’est jamais contre la saine raison, bien au contraire.

On comprend alors pourquoi, dans les traditions juives autant que chrétiennes, la licorne apparaît régulièrement dans les manuscrits d’histoire religieuse, depuis la création du monde jusqu’à la Jérusalem céleste.

Le sens moral de la licorne est celui de la puissance

Pour simplifier l’exposé, nous commencerons par le sens moral de la licorne, lequel est en général celui de la puissance et de la superbe.

À ce sens, on donne parfois un aspect positif, mais le plus souvent un aspect négatif dont la meilleure interprétation est donnée par saint Augustin. Pour le docteur d’Hippone, ce sens spirituel est effectivement négatif car il représente l’orgueil, le pire des péchés capitaux. Il explique pourquoi dans ses Annotations sur le livre de Job, à propos du verset 9 du chapitre 39 ainsi intitulé : la licorne voudra-t-elle te servir, ne couchera-t-elle jamais dans ton étable ? Et la citation se prolonge par les versets suivants : Pourras-tu l’attacher au joug et lui faire creuser les sillons de tes champs ? Te fieras-tu à elle à cause de sa force, et la chargeras-tu de tes travaux ? Croiras-tu qu’elle te rende tes semailles ; les fera-t-elle entrer en ton aire ?

Voici ce qu’en dit notre docteur : Est-ce-toi que la licorne veut servir ? Celui qui s’enorgueillit ici-bas de son rang élevé ?

Le Christ a su soumettre de tels hommes à sa puissance, il les a établis ministres de son Église. Le mot grec employé […] désigne les orgueilleux. Viendra-t-il se reposer dans son étable ? Comme on se repose sur l’humilité de Celui qui fut en naissant déposé dans une étable [saint Augustin renvoie ici à Lc 2, 7 qui cite la naissance du Christ dans une étable]. On y est heureux du pardon de ses péchés, on y oublie les inquiétudes d’une conscience en désordre.

Fig. 6. Le verset 9 du chap. 39 au Livre de Job, attribué à tort au prophète Isaïe (gravure de l’édition allemande de l’Histoire de la lycorne de Laurent CATELAN XVIIe siècle).

Il reprend cette interprétation dans son commentaire du Psaume 21 (Vg) qui prophétise la Passion du Christ : Il [le prophète David] n’appelle unicornes que les orgueilleux, et d’ailleurs, il dit « humilitatem », comme il le souligne également à propos du verset 22 où le Christ demande à son Père de le protéger contre ses ennemis : Tire-moi de la gueule du lion, et sauve ma faiblesse de la corne des licornes [unicornium].

C’est encore son interprétation quand il commente le verset 6 du Psaume 28 (Vg) qui célèbre la puissance du Sauveur :

Il les mettra en pièce [les grands de ce monde] comme un jeune taureau du Liban, et le bien-aimé sera comme le petit des licornes [unicornium].

Ici, le saint docteur argumente : Il abaissera leur orgueilleuse hauteur, les réduira à s’humilier comme celui qui, semblable au jeune taureau, a été conduit à la boucherie par les grands de ce monde. Car les rois et les grands de la terre se sont levés, et ont conspiré contre le Seigneur et contre son Christ.

Et le bien-aimé a été comme le fils des licornes. Car lui, le bien-aimé, le Fils unique du Père, s’est dépouillé de sa noblesse; il s’est fait homme semblable au fils des Juifs, lesquels n’ont point connu la justice de Dieu et s’applaudissaient avec orgueil de leur propre justice, comme de l’unique justice.

Toutefois, au verset 11 du Psaume 91 ainsi rédigé : Et mon front sera exalté comme celui de la licorne ; et je passerai ma vieillesse en une abondante miséricorde, saint Augustin ouvre le débat : Ma puissance [celle du Christ] sera élevé en gloire comme la corne d’une licorne. Pourquoi le prophète [le roi David] dit-il la corne d’une licorne ? La licorne marque quelquefois l’orgueil, mais elle marque aussi quelquefois la force et la gloire de l’unité. Ainsi parce que l’unité de l’Église sainte sera élevée en gloire, toutes les hérésies périront avec les ennemis. Quand cela se fera-t-il ?

Ce sens d’orgueil donné à la licorne se retrouve chez saint Bernard, autre docteur encourageant chacun à lutter contre ses démons intérieurs qui, dans la droite ligne des commentaires de l’Écriture, sont figurés par des animaux : la rage du lion, l’impudeur du bouc, la férocité du sanglier, la superbe de la licorne, ainsi qu’il le présente au chapitre XII de son Traité de la vie intérieure. Orgueil et impureté ne sont pas éloignés, comme l’illustrent certains manuscrits médiévaux dans la Tentation de saint Antoine. Cela peut sembler paradoxal quand on sait qu’un sens moral de la licorne est aussi celui de la vertu et de la chasteté.

Dans sa Légende dorée, Jacques de Voragine, à propos des legenda de saint Barlaam et Josaphat, va plus loin encore : La licorne est la figure de la mort, qui poursuit l’homme sans cesse et qui aspire à le prendre.

Cette image mortifère sera régulièrement reprise dans les dessins d’Albert Dürer composés pour l’empereur Charles Quint.

Inversement, le sens moral de la licorne est aussi assimilé à une puissance spirituelle qui peut l’identifier au Christ. C’est l’interprétation du cardinal Eudes de Châteauroux, célèbre au XIIIe siècle pour la qualité de ses sermons. Pour lui, le rinoceros du verset 9 du chap. 39 au Livre de Job (en Vg) se compare au Christ, l’Homme fort par excellence qui ne se laisse pas dompter. Il le confirme dans son commentaire du verset 22 en Nombres 23 (cf. infra) et du Psaume 91, 11 énoncant : Ma corne s’élèvera comme celle de la licorne [unicornis].

Fig. 7. Miniature de l’évangéliaire d’Averbode – XIIe siècle. La citation du phylactère est celle de Jb 39, 9 dont le personnage est représenté à droite sur le dessin, On reconnaît une femme au milieu tenant une licorne sur ses genoux, tandis que saint Matthieu (dont c’est un évangéliaire) est représenté à gauche, tenant un médaillon où est figuré son symbole selon la prophétie d’Isaïe : l’Ange ailé ou l’Homme montrant le rouleau ouvert de son Évangile.

Eucher (Gallo-romain du Ve siècle) est plus nuancé dans son Liber formalorum spiritualis intelligentiæ.

Il voit dans ce rhinocéros unicornis de Job un homme fort et robuste, affirmation éclairée par les versets suivants qui précise que sa force est grande, qu’il est prêt à tracer des sillons, à faire le travail et à rentrer le grain pour l’amasser sur l’aire.

Il conclut : Il se prend également des prédicateurs parmi les gentils et défendant la foi de l’Église. Aussi désigne-t-il spécialement saint Paul, l’apôtre des Nations […].

Pour saint Thomas d’Aquin, dans son Commentaire sur Isaïe (XXIV, 7), si la licorne n’a qu’une seule corne, c’est qu’elle signifie les rois et les puissants. Ce que confirme l’histoire : le sceptre des rois de France et celui des empereurs du Saint-Empire fut fait de corne de licorne, laquelle orne aussi le trône des rois de Suède. Elle prenait place dans des trésors royaux comme ceux de Saint-Denis et de Westminster, ou dans des cathédrales comme celle de Strasbourg ou la basilique Saint-Marc de Venise. L’animal lui-même supporte les blasons de l’Écosse, de l’Angleterre et de la Lituanie.

Au sens allégorique, la licorne représente le Christ

Après le sens moral de la licorne, étudions son sens allégorique que la Sainte Écriture nous apprend être pleinement messianique.

Eusèbe de Césarée (III-IVe s.) l’explique dans son commentaire en grec du Psaume 21 (L. IXde sa Démonstration évangélique), en rapprochant ce dernier de la prophétie de Balaam qui figure dans le livre des Nombres. La licorne est citée au verset 22 du chapitre 23 : Il n’y aura pas de souffrance en Jacob car Dieu est avec lui ; […] c’est Dieu qui l’a tiré d’Égypte et sa gloire est comme celle de la licorne [en Lxx : μονοκέρωτος monokérôtos, en Vg : rinocerotis].

Eusèbe paraphrase d’abord les versets précédents : Il sortira de sa race [de Jacob] un homme qui dominera plusieurs nations […]et son royaume sera augmenté. Il commente ensuite le verset 22 : Dieu l’a tiré d’Égypte comme la gloire de la licorne, il dévorera les peuples ses ennemis, il broiera leurs os, et il frappera ses ennemis de ses traits.

Il se couche pour se reposer comme le lion et le lionceau. Qui l’éveillera ? Ceux qui te bénissent seront bénis et ceux qui te maudissent seront maudits.

Il relève ensuite la ressemblance avec le Sauveur : cette prophétie désignait la fuite de Notre-Seigneur Jésus-Christ en Égypte avec ses parents. Et ici, comme il est naturel, il annonce son retour d’Égypte avec ses parents et dit : Dieu l’a tiré d’Égypte. Et de citer la prophétie d’Osée : J’ai rappelé Mon fils d’Égypte (X, 1).

Eusèbe rappelle également que la gloire de la licorne appartient au Christ, parce que la plénitude de la divinité habite en lui, comme le précise le saint apôtre [saint Paul]. Aussi, comme il revendiquait le Dieu suprême et son Père, ainsi qu’une corne, il est encore appelé ailleurs licorne. Il explique ainsi la fin du verset : Ce même Verbe de Dieu, de ses flèches d’esprit et d’intelligence, poursuit avec sa force supérieure et invincible ses ennemis et le diable qui lui résistent, et aujourd’hui encore, plusieurs nations dont il broie les os et l’orgueil de la chair, pour les rendre propres à parcourir l’étroit sentier de la vie éternelle.

Enfin, il conclut sur le passage : cet homme sorti d’Israël, qui a dominé plusieurs nations, s’est couché pour se reposer comme un lion […] parce qu’il s’est reposé comme un animal royal et plein d’assurance, et personne ne peut renverser sa puissance et sa royauté.

Tous ceux qui bénissent le Christ et rendent hommage à la vertu de leur Maître par leur discours et par leur vie, participent à la bénédiction de Dieu. […] Car la Parole divine trouve en eux son accomplissement véritable et le plus conforme aux yeux de Dieu. De même, au contraire, ceux qui depuis leurs premiers complots contre lui, maintenant encore, le maudissent dans leurs réunions, dès lors et jusqu’à ce jour sont frappés de la Malédiction de Dieu.

Avec Eusèbe, la licorne exprime bien la puissance divine et son représentant sur terre, Notre-Seigneur Jésus-Christ. On peut se demander si de tels commentaires auraient été aussi développés avec la Vulgate, qui traduit ici le mot grec monokérôs par le latin rinoceros, et celui de « gloire » par « force ».

Car le mot « gloire », traduit dans la Septante par des Juifs pleins d’espérance messianique, signifiait avant tout la « gloire de Dieu » du mont Sinaï (Ex 24, 16), reprise plus tard par la « gloire du Fils del’homme » (Mt 25, 31) que nous professons dans le Credo.

Le chapitre 33 du Deutéronome, qui nomme également la licorne, confirme l’interprétation d’Eusèbe. Il rapporte l’épisode où Jacob bénit chacun de ses fils et, s’adressant à Joseph, appelle sur lui, verset 16, la faveur de Celui qui habita le Buisson ardent. Le verset suivant précise : Gloire à son taureau premier-né (Vg : la beauté du premier-né du taureau), ajoutant que ses cornes [celles du taureau premier-né] sont comme celles de la licorne [en Lxx : monokérôtos, en Vg : rinocerotis], ce qui attribue à l’animal la même préfiguration messianique qu’au patriarche Joseph.

Le sens mystique de la licorne est le sens de l’Incarnation et de la Passion du Sauveur

La corne de licorne ne peut être assimilée, dit Justin le Martyr dans son Dialogue avec Tryphon, à aucune autre chose, si ce n’est aux signes qui représentent la Croix, ajoutant que parmi toutes les espèces de cornes, la licorne seule est l’emblème de la Croix.

Dans son Contre Marcion (IIIe livre, ch. 19), Tertullien insiste sur ce sens mystique de la licorne : par cette corne, on ne désignait pas le rhinocéros unicorne, mais le Christ, parce que le poteau de la Croix est unicorne. Il renchérira dans son ouvrage Contre les Juifs.

C’est encore la position de saint Grégoire-le-Grand, dans ses Moralia in Iob (31, 15), qui assimile l’âne sauvage (l’âne des Indes avait une corne au front) au Christ, vivant au désert [c’est ce que l’on disait de la licorne] et refusant d’entendre les discours du diable qui ne peut rien obtenir de lui.

Mais ce sont les bestiaires médiévaux – principalement issus du Physiologos du IIe siècle, lequel fut perpétué par l’Hexaêméron de saint Ambroise, le Bestiaire de Philippe de Thaon, les Etymologiæ de saint Isidore de Séville (XII,2; XII,13) et le De rerum naturis (VIII,1) de Raban Maur – quidonnent l’image la plus complète de la licorne. Que disaient donc tous ces ouvrages depuis 1 000 ans ?

Fig. 8. Bestiaire italien du XIVe siècle. Alors que le cartouche est bicolore, le dessinateur a pris soin de colorier en rouge la blessure de l’animal.

Ils disaient que la licorne, animal indomptable par les hommes, ne peut être attirée que par une vierge auprès de laquelle elle se réfugie, avant d’être mise à mort par ces mêmes hommes transformés en chasseurs, qui répandent son sang en lui perçant le flanc10.

Plus qu’une rhétorique de l’amour courtois, qui ne trouve pas ici toutes ses explications, c’est une représentation mystique du Sauveur qui s’impose, comme le montrent les explications de cette allégorie à l’époque médiévale11.

Der beschloßen Gart des Rosenkrantz Marie, édité à la fin du XVe siècle, expose ce sens mystique dans son commentaire sur Job : La licorne était impétueuse dans le Ciel et sur la terre jusqu’à ce que Notre Dame, l’illustre Vierge Marie, l’attire dans un château [image donnée par le Physiologos] ou dans sa maison, c’est-à-dire dans le sein de son corps virginal, avant de l’endormir avec cette même chair virginale dans laquelle elle se mue, selon la divinité, d’une manière incompréhensible et miséricordieuse, afin que les chasseurs païens et juifs pussent la prendre, et qu’elle pût être conduite volontairement à la mort, et être crucifiée, comme l’entend la glose sur Job.

Et l’ouvrage ajoute : La licorne devint une image du Christ, la jeune fille devint la Sainte Vierge, et le tout, un symbole de l’Incarnation de Notre-Seigneur.

Dans son Speculum Ecclesiæ écrit au XIIe siècle, Honorius d’Autun allègue que la licorne est le Christ, et la corne qu’elle porte au milieu du front symbolise la force invincible du Fils de Dieu. Il s’est reposé sur le sein d’une Vierge et a été pris par les chasseurs, c’est-à-dire qu’Il a revêtu la forme humaine dans le sein de la Vierge Marie et qu’Il a consenti à se donner à ceux qui le cherchent.

Après avoir rappelé les circonstances de cette chasse, le manuscrit Ashmole de la Bodleian Library, composé à la fin du XIIe siècle, avance : Notre-Seigneur Jésus-Christ est une licorne céleste dont on a dit : Il a été chéri comme le fils des licornes.

Et dans un autre Psaume [Ps 91, 11]: Ma corne sera élevée comme celle de la licorne [unicornis]. Et Zacharie de dire : pour nous, il a élevé une corne de Salut dans la maison de David.[Lc 1, 69] Le fait que la licorne ne possède qu’une seule corne au milieu du front illustre la parole du Christ : Mon Père et Moi nous ne sommes qu’Un.

Fig. 9. Annonciation à la licorne. L’ange Gabriel est un veneur sonnant de la trompe, et ses lévriers se nomment ici Castitas, Veritas et Humilitas. On peut se demander qui l’attire le plus : la licorne ou Notre Dame ? (gravure anonyme vers 1450).

Le manuscrit explique ensuite que la grande sauvagerie de la bête signifie que rien ne put s’opposer à la volonté divine de racheter l’humanité, pas même le diable, qui ne sut ni le lieu ni l’heure de l’Incarnation. La petite taille de la licorne symbolise l’humilité de Jésus-Christ, et sa ressemblance à un chevreau montre qu’Il adopta la chair du péché.

Même des bestiaires plus populaires font leur cette image de la licorne, comme l’illustre ce bref extrait du long Bestiaire divin de Guillaume le Clerc de Normandie (1210-1211) qui consacre un poème à la licorne : Cette bête extraordinaire, qui possède une corne sur la tête, représente Notre-Seigneur Jésus-Christ, notre Sauveur. Il est la licorne céleste qui est venue se loger dans le sein de la Vierge, qui est d’une si grande bonté.

En elle, il revêtit forme d’homme, et c’est ainsi qu’il se montra aux yeux du monde. Tout au contraire, les Juifs l’épièrent, jusqu’au moment où ils s’emparèrent de lui et le lièrent. Ils le conduisirent devant Ponce Pilate et là, ils le condamnèrent à mort.

Enfin, laissons le mot de la fin au cardinal Eudes de Châteauroux : La licorne possède diverses natures : elle a le corps d’un cheval, une tête de cerf, des pieds d’éléphants, une queue de porc. Ainsi le Christ a plusieurs natures, la nature divine et la nature humaine. La licorne a la couleur du buis : le buis est un arbre qui pousse au désert et ne porte pas de fruit. Il est androgyne ; par là, il représente le Christ planté dans le désert, qui, tout en ne péchant pas, prend les apparences du péché. De plus, la licorne ne se saisit pas par violence, on envoie une vierge, et lorsque la bête la voit elle va à sa rencontre, se couche en son sein et se laisse emmener. Quand l’éléphant, combattant la licorne, tombe à terre, il ne peut plus se relever parce qu’il n’a pas de jointures. Alors la licorne, qui est noble, le relève. Ainsi Dieu relève ceux qui tombent dans le péché quand ils crient vers Lui.

En guise de conclusion

Fig. 10. La Vierge Marie chantée par [le chanoine] Firmin Pingré. Cette Vierge à la licorne fut peinte par Jean Pichore en 1518 pour illustrer un des chants royaux de la confrérie du Puy Notre-Dame, à Amiens. (Manuscrit de la Bibliothèque nationale)

L’abondante littérature laissée par la licorne ne nous permettait pas de citer tous les bestiaires. Retenons que, dès la fin du XIIIe siècle, une vision naturaliste de la licorne progressait lentement mais sûrement.

Il ne s’agissait pas d’adopter une nouvelle interprétation de l’animal, venue d’Asie ou d’ailleurs, mais plutôt de délaisser l’harmonie entre le naturel et le surnaturel qui caractérisait des siècles de foi. La tapisserie de la Dame à la Licorne, expression de l’amour courtois, brodée vers 1500 pour le mariage de Louis XII avec Anne de Bretagne, est un parfait exemple de cette vision naturaliste.

Authentifiée par l’archéologie, décrite dans les Livres saints et commentée pendant plus de mille ans, la licorne mérite un autre sort que celui d’un animal fabuleux, comme le monde nous la dépeint aujourd’hui. Cela au moins pour trois raisons qui renouvellent notre foi en l’inerrance de la Sainte Écriture :

La première, c’est qu’on ne peut délaisser l’autorité de la Vulgate, celle de la Septante ou celle des écrits des Pères de l’Église au profit du scientisme actuel, pas plus qu’on ne peut considérer le texte massorétique, qui n’explicite pas ce qu’est la licorne, comme une référence autosuffisante. Rien ne pourra jamais remplacer les versions grecque et latine, qui font tout autant partie du trésor de l’Église. Si l’étude des langues est une chose, la Révélation en est une autre.

La deuxième, c’est que la licorne de l’Écriture – on vient de le voir – possède un sens spirituel bien défini comme en ont, par exemple, le cerf ou le bouc. On ne saurait comparer pour autant ces animaux à l’Agneau pascal qui reste une métaphore unique.

Enfin, la troisième raison, et pour les mêmes motifs, c’est qu’il convient d’opérer une distinction entre la licorne, animal ayant réellement existé, et les animaux fabuleux cités dans la Bible, tels que le phœnix (Jb 29, 18 dans certaines traductions) ou ce bouc avec une corne au milieu des yeux vu par Daniel (Dn 8, 5), qui, eux, n’existent que par ce qu’ils symbolisent.

1Plusieurs citations proviennent de la thèse de doctorat de Bruno FAIDUTTI, soutenue en 1996 et éditée en deux documents PDF. Le lecteur la trouvera à faidutti.com/unicorn/unicorn.htm. Nous n’avons pas utilisé l’article de Wikipédia sur la licorne.

2En grec μονόκερως monokérôs « monocéros »,étymologiquement « qui n’aqu’une seule corne », mot que nous retrouverons dans la Septante.

3 On a recensé plus d’un millier de relations et dessins de la licorne à travers le monde : en Afrique, en Asie, en Sibérie, sans compter les traditions qui existent dans quasiment toutes les civilisations jusqu’en Amérique. À la Bibliothèque Nationale, pas moins de soixante-quinze manuscrits en font foi. Depuis un siècle, une cinquantaine de livres ont paru sur le sujet.

4Version latine traduite par saint Jérôme au IVe siècle A.D. à partir de la Septante et de l’hébreu. Harmonieuse et concise en théologie, c’est la version officielle de l’Église catholique romaine.

5Version grecque traduite au IIe siècle A.C. à partir de l’hébreu (cf. Lettre d’Aristée à Philocrate), ce qui en fait le texte écrit le plus ancien. Les manuscrits de Qumrân ont confirmé sa fidélité aux écrits juifs de l’époque. Cf.  ://areopage.net/blog/2013/…/dapres-quel-texte-sont-faites-les-citations-de-lat-dans-le-nt.

6Dans le Texte massorétique, composé entre les VIe et Xe siècles A.D. dans un contexte anti-chrétien, le mot hébreu ראם re’êm est souvent traduit par « taureau sauvage, ou buffle », animaux à deux cornes, ce qui en ôte le sens messianique. Malgré cette différence, le Texte n’en reste pas moins une référence scripturaire indispensable. Suivi depuis par nombre d’auteurs spirituels, Origène a rappelé que l’hébreu, le grec et le latin sont les trois langues sacrées qui furent portées sur le titulus de la Croix. Elles se complètent, chacune avec des caractéristiques qui lui sont propres.

7Ipsum est nomen ejus. Ce pouvoir, l’homme le pratique toujours.

8Selon leurs propres dires, Tertullien (IIe s.), Eucher (Ve s.), saint Isidore de Séville (VIe s.), saint Grégoire-le-Grand (VI-VIIe s.), Raban Maur (VIIIe-IXe s.), Eudes de Châteauroux (XIIIe s.) et Hugues de Saint-Victor (XIIIe s.), pour ne parler que d’eux, ont toujours assimilé le « rhinocéros » de la Vulgate à une « licorne » (rinoceros, unicornis) et gardé son sens messianique, ainsi qu’en témoignent nombre de manuscrits de l’époque médiévale.

9Ce fut le raisonnement du savant Ambroise Paré, qui a laissé plusieurs développements sur la licorne et les vertus purificatrices de sa corne. Il avoue ne pas croire en l’existence contemporaine de l’animal, mais précise qu’il ne remet pas en cause l’autorité de la Sainte Écriture.

10Tous ces ouvrages expliquent que la licorne est attirée par l’odeur virginale de la vierge comme, par analogie, la Trinité reconnaît en la Sainte Vierge la seule créature dont l’âme n’a pas été souillée par le péché originel.

11Il est difficile de comprendre – pour nous autres du XXIe siècle ! – l’évidence de cette harmonie qui reliait le naturel (la création visible) au surnaturel (les réalités célestes), exprimant la foi au temps de la chrétienté. L’un n’était que la préfiguration de l’autre, en constituant le « signe » au sens théologique du mot (c’est la définition même de la Sainte Écriture). Les choses de la nature avaient toujours une correspondance avec celles de Dieu, ainsi que l’illustrent les chapiteaux de nos cathédrales. C’est, évidemment à tort, ce que la critique marxiste appelle « l’imaginaire médiéval ».

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