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Par Paschalis Schlömer Sr Blandina
BIBLE
« Le ciel et la terre passeront ; mes paroles ne passeront pas. »
(Mt24, 35)
Le Voile de Manoppello1 visage de la Parole faite chair
Sr Blandina Paschalis Schlömer2
Résumé : Il existe plusieurs images dites « acheiropoïètes », c’est-à-dire non faites de main d’homme. Les deux plus connues sont celle du Linceul de Turin et celle de la tilma à Mexico. Qu’il s’agisse du Linceul mortuaire de Jésus-Christ ou de la représentation de Notre Dame de Guadalupe sur le poncho de l’Indien Juan-Diego, il ne peut s’agir d’un travail d’artiste, ce que les examens scientifiques ont montré surabondamment. Mais il existe aussi, à 100 kilomètres de Rome sur le versant adriatique des Abruzzes, un visage acheiropoïète du Christ, le Voile du Manoppello ou Volto Santo, c’est-à-dire la « Sainte Face », arrivé là en 1506 selon la tradition. Il s’agit d’un tissu en byssus sur lequel, étrangement, le visage est visible sur l’une comme l’autre face. Le byssus, ou « soie de mer » est un très fin tissu formé à partir des filaments servant à certains mollusques bivalves, notamment les moules et le Pinna nobilis, pour s’arrimer aux rochers. Il faut environ 1 000 coquillages pour obtenir 20 grammes de fibres, si bien que le byssus est, depuis la plus haute antiquité, un tissu réservé à certains usages honorifiques ou de grand luxe. L’état de surface de la fibre fait que le byssus, s’il peut être teint, ne peut être peint. L’image disparaît à la lumière et réapparaît devant un fond opaque. En plein jour, on peut lire à travers le tissu translucide ! Surtout, cette image est celle d’un homme vivant, les yeux ouverts, dont on distingue les lèvres et même les dents, avec cependant des traces de blessures qui se superposent exactement avec celle du Linceul de Turin. Or, jusqu’en 1898, date du premier cliché photographique du Linceul par Secundo Pia, il était très difficile de bien discerner la forme des plaies sur le « positif » du visage : la cassure du nez est imperceptible et les meurtrissures de la lèvre supérieure évoquent plutôt une moustache. Sœur Blandina Schlömer, qui a longuement étudié le Volto Santo, s’est convaincue de son authenticité et, surtout, a découvert une propriété étonnante : le Voile peut être superposé à de nombreuses représentations anciennes du Christ et leur confère l’expression d’un vivant.
Le Tissu.
Le Voile de Manoppello est un tissu parfaitement transparent en soie de mer (byssus) et fut sans doute le dernier des linges utilisés lors de l’ensevelissement de Jésus. Il n’avait pas pour but d’absorber le sang ou le sérum s’écoulant inévitablement du corps suite à ses manipulations. Cette fonction revenait au Suaire d’Oviedo. Le Voile était plutôt destiné à envelopper et honorer de manière digne le visage du mort : une marque d’amour et de respect. L’étoffe employée est d’une telle finesse qu’elle ne pouvait être qu’extrêmement précieuse. En effet, d’après Chiara Vigo3, on ne saurait plus de nos jours faire à la main un tissu de byssus aussi fin.

Fig.1. Fibres de byssus.
Par ailleurs, ce tissu est inapproprié pour servir de support à une quelconque peinture : les fibres sont gainées de sel et rendues à tel point lisses qu’aucun pigment ne pourrait prendre sur cette surface.
Le byssus peut seulement être teint dans la masse, avant tissage, avec des teintures naturelles nécessitant une longue cuisson.

Fig.2. Tissu en éclairage frontal

Fig.3. Tissu à contre-jour (translucide)
Or, en dépit de toutes ces caractéristiques, le Voile présente une variété infinie de déclinaisons du même visage, et ce dans des tons et nuances les plus divers selon l’angle d’où provient la lumière, l’arrière-plan, les conditions ambiantes. Les images changent à chaque variation de la lumière pour disparaître complètement à contre-jour. Seul un tissu vierge demeure alors visible. Les innombrables expressions de ce visage unique sont « fixées » sur ou dans les fibres du tissu, ou alors autour d’elles, mais sans la moindre trace perceptible. Elles semblent vivre indépendamment du tissu. Un tel comportement dépasse notre compréhension, notre logique ou notre expérience ; c’est un cas unique.
Les clichés.
Quand on tire un cliché, on ne peut savoir quel visage apparaîtra sur la photographie, ce qui ajoute à la difficulté de travailler sur ce Voile. Il n’est pas de mots pour décrire exactement ce que j’essaye d’expliquer ici.
Voici quelques-uns de ce que j’appelle les « modes d’apparition » du Voile, concernant l’œil.








Fig. 4 : divers aspects de l’œil.
La relique et le visage.
Il y a des siècles que ce petit tissu, pris entre deux vitres de verre soufflé maintenues par un vieux cadre de bois, lui-même enchâssé dans un monumental cadre en argent, est conservé au sanctuaire, tenu par des capucins, dit du Volto Santo, à Manoppello, petite ville des Abruzzes proche de Pescara.
Fig.5 : Le Voile dans son reliquaire d’argent
(la main donne l’échelle).


Fig.6 : La basilique de Manoppello.
Dès ma première visite, je pus découvrir l’incroyable diversité des facettes de ce curieux petit Voile et prendre quelques clichés particuliers grâce à l’obligeance des capucins. En effet, le Voile se révèle sous des aspects extraordinairement variés, sans aucune logique apparente, et cela au plus grand étonnement de l’observateur attentif.
Fig.7 : Divers aspects du Voile.









Chacun de ces visages semble tout à fait normal, voire anodin, mais dans leur succession, ils peuvent provoquer un sentiment d’ « étrangeté » ; ils prennent un caractère parfaitement inhabituel et inexplicable.
Le tissu a par exemple l’air très vieux, froissé par endroits ; du fait des ans, les fibres un peu usées de la surface semblent mates voire ternes ; en raison de la structure relativement lâche, le tissage peut faire un effet un peu grossier ou, selon les angles de vue, en revanche, très serré et dense ; puis d’un seul coup, il va se révéler d’une extrême délicatesse, complètement transparent et même brillant.
De la même manière, le visage que l’on y voit peut prendre des couleurs intenses, où les détails du dessin des cheveux, des cils et autres forment une image très compacte dans des tons d’ocre foncé aux reflets verts. Puis soudainement, le tissu devient d’un blanc laiteux, d’une extrême finesse, et le visage apparaîtra comme en transparence et vivant, comme si quelqu’un regardait à travers le tissu, le visage encadré par une cascade de boucles aux merveilleux reflets. Ce qui interpelle le plus dans ce visage, ce sont les yeux dont le blanc ressort avec une incroyable intensité. Le regard est affable, nuancé d’un certain sourire. Mais si l’on voit plutôt la surface serrée et dense du tissu, et si le visage prend des teintes ocre verdâtre, il s’apparente plus aux icônes hiératiques de l’Église d’Orient. Ce visage très vivant s’anime davantage encore quand on l’éclaire aux rayons UV, que ce soit par devant ou par derrière.

Fig.8 : Verso sous ultra-violet.
Le tissu devient fortement fluorescent et, lorsque la lumière vient de l’arrière, des taches ressortent sur le front et les joues comme s’il s’agissait d’éraflures ; les paupières et le blanc d’ordinaire immaculé des yeux révèlent de même d’étranges taches. Mais la chevelure aux boucles souples brille d’un tel éclat qu’on s’en détache difficilement. Malheureusement, mon appareil assez sommaire ne réussit pas à capter toutes ces finesses. Ajoutons cependant qu’il est assez difficile de prendre des photos compte tenu de l’extrême délicatesse du tissu d’une part, et de la présence des vitres de verre sur le reliquaire d’autre part.
L’image présente les mêmes caractéristiques qu’une diapositive : les couleurs sont de la même intensité des deux côtés bien qu’on ne puisse déceler la moindre trace de pigments, pas même à la loupe.

Fig. 9 : Une peinture ?
Comme sur une diapositive, il y a un endroit et un envers du visage en miroir. À Manoppello, on vous fait toujours lire un journal à travers le tissu, ce qui ne présente aucune difficulté. À contre-jour, ou si le jour vient de derrière, l’image s’évanouit, comme si les fibres avaient happé et dissimulé le visage.
Fig. 10a : De face, à contre-jour


Fig. 10b : revers du Voile.
Il ne reste alors que ce petit tissu blanchâtre au tissage irrégulier pris dans son reliquaire en forme d’ostensoir4. Il est difficile d’imaginer quelque chose de plus anodin que ce petit tissu blanc. Pourtant, il recèle un incroyable message.
Les mots font très vite défaut pour décrire un objet qui, comme élément constitutif d’une réalité matérielle, échappe à toute comparaison. Pour peu que l’on soit suffisamment ouvert à ce genre de phénomène, il est à mon avis possible d’en tirer la conclusion suivante : qu’en l’occurrence, il s’agit d’un tissu-relique infiniment précieux du visage du Christ. Un bon nombre d’autres études menées sur cet objet le confirment.
Le Voile et le Linceul
Le visage du Voile de Manoppello se fond parfaitement dans celui du Linceul quand on en superpose les transparents d’une certaine manière, ou encore quand on place un transparent avec le visage de Turin directement sur le reliquaire, comme j’ai eu l’occasion de le faire à Manoppello. On peut utiliser aussi bien le positif que le négatif du Linceul. Les blessures du visage n’en ressortent que plus fortement, et beaucoup d’aspects se complètent pour former un tout inédit et cohérent.

Fig.11 : Recto du Voile sur un négatif du Linceul.
Le fait que deux visages très différents fusionnent en un seul et nouveau visage interpellera tous ceux qui voudront bien envisager cette possibilité, surtout s’ils voient naître ce visage en faisant les gestes pour les superposer. Le nouveau visage qui résulte de la fusion de celui qui figure sur le Voile et de l’autre, présent sur le Linceul, dégage une impression stupéfiante de vie. Le regard de bonté et l’absence de toute amertume, en dépit des nombreuses blessures, se posera sur ceux qui le regardent, animés par la foi, avec une expression d’indicible compassion et d’amour infini, hic et nunc.
Le visage semble nous murmurer les mots mêmes de Jésus : « Ayez confiance ! C’est moi, n’ayez pas peur ! » (Mt 14, 27)
Malgré les difficultés techniques pour photographier le Voile, je trouvai néanmoins quelques clichés tout à fait utilisables et fort utiles pour la suite de mes travaux de comparaison. Je pus utiliser toute une série de ces photos pour mon exposé au Congrès du CIELT en 1997 à Nice. Tandis qu’au premier Congrès (Rome, 1993) j’avais privilégié les icônes et leur parenté avec le Voile, je me concentrai cette fois-ci sur les crucifix de l’époque ottonienne et les différentes représentations de la Véronique jusqu’en 1500. Ces vérifications du ressort de l’histoire de l’art sont nécessaires et me servirent d’entrée en matière. Ma véritable préoccupation demeurait toutefois la suivante : les analyses médico-légales qui restent à entreprendre. Si, à partir de l’exemple des icônes du Christ et d’autres œuvres d’art occidental, je parvenais à démontrer clairement que le Voile de Manoppello, associé au Linceul de Turin, a profondément influencé l’art à travers tous les siècles jusqu’en 1600 et au-delà, et si, suite à cela, les scientifiques s’attelaient de leur côté à la tâche pour entreprendre les analyses spécifiques du genre de celles dont le Linceul de Turin fait l’objet, alors tous mes efforts seraient récompensés et mon désir initial exaucé.
En regardant de près, on peut noter des points et des lignes qui convergent, des traits identiques, des contusions ainsi qu’une asymétrie similaire du visage. Pour expliciter cette réalité renversante de la congruence des deux visages en dépit de leur différence extérieure indéniable, j’ai choisi quelques endroits spécifiques – que je qualifierais de points de congruence – pour les rassembler sur un dessin. Ils ont un peu évolué par rapport à la version de 1999. Cette légère modification dans le positionnement du Voile par rapport au Linceul est le fruit du temps et d’un travail intensif ici même, sur place, ainsi que de conditions de travail un peu meilleures.
Voici les points d’orientation dont je me sers aujourd’hui pour superposer les deux visages :

Fig. 12: points d’orientation et de congruence.
– la pupille de l’œil gauche
– la pupille de l’œil droit
– le nez long et asymétrique (une narine verticale et une horizontale)
– la ligne inférieure de la lèvre supérieure (la ligne médiane au-dessus des dents et les dents elles-mêmes)
– l’hématome sur le côté gauche du nez
– des traces de violence au coin gauche de la bouche
– blessure à la paupière inférieure gauche (entaille en V)
– une ligne verticale sur la joue gauche (qui fait partie d’une série de graves égratignures sur la joue causées par les épines)

Fig. 13 : Superposition du Voile et du Linceul
– À quel moment est née l’image ?
Le fait avéré d’une possible coïncidence des traces picturales atteste une grande proximité dans le temps et une succession dans l’ordre de l’apparition des images : Turin précède Manoppello, et dans ce sens l’image de Turin est plus « ancienne » que celle de Manoppello. Pour des raisons physiologiques, un intervalle de plusieurs heures avant la mort est exclu. Il est en revanche pensable une fois que la rigidité cadavérique est intervenue. En effet, un corps vivant, blessé, traverse un processus constant de modifications, ce qui rend alors impossible une position identique de la bouche, par exemple, ou des paupières, ou encore des piqûres d’épines. Mais sur le Voile de Manoppello et le Linceul de Turin, on observe une position identique de la bouche et des yeux. La coïncidence des traces picturales, lorsqu’on superpose les deux images, et l’aspect fortement modifié du visage (en effet le Linceul de Turin montre le visage d’un mort, le Voile de Manoppello celui d’un vivant) permet donc d’admettre que le Voile de Manoppello montre le visage du Christ lors du « processus » de régénération du visage au moment de la résurrection. On peut donc affirmer que pour la naissance de ces deux images, il y a succession chronologique.
Une rencontre de médecins en juin 2010
Pour éclaircir un peu cette question de la succession chronologique dans la naissance des deux images, j’avais, en juin 2010, invité un petit groupe de médecins à Manoppello. J’étais curieuse de savoir ce que ces praticiens auraient à dire au sujet de certaines blessures et de certains phénomènes qui apparaissent sur le visage de Manoppello : trouve-t-on des signes de la mort survenue, lors même que ce visage ne peut être que celui d’un vivant ? Faut-il, doit-on éventuellement admettre, d’un point de vue médical, que les images de Turin et de Manoppello sont nées suivant un certain ordre chronologique ?
Différents médecins spécialistes se sont rassemblés et le recteur du sanctuaire nous a plusieurs fois accordé la permission de passer une heure à observer le Voile de très près. Le côté « évanescent » de l’image – en effet, elle semble se diluer en partie ou complètement lorsqu’elle ne se trouve ni dans un espace clos ni devant un fond opaque lui permettant de ressortir – ne manque pas de laisser le spectateur attentif et abasourdi. Il a aussi fallu que les médecins commencent par s’habituer à ces disparitions et apparitions constantes de l’image. Sous une lumière plus vive projetée par devant, nous pouvions remarquer très nettement, se dessinant le long du côté externe du visage sur les joues et le front, des taches d’un rose clair et vif. Celles-ci se démarquaient fortement des taches verdâtres et bleuâtres le long du nez et autour des yeux. Selon certains avis, ces taches ressemblaient fortement aux rougeurs apparaissant sur la peau lors d’une réanimation, lorsque le sang absorbe l’oxygène, ou encore à l’aspect de certains nouveau-nés qui viennent juste de prendre leur première respiration (Fig. 14).
Fig. 14 : Taches rosées sur le visage

C’est alors que m’est revenue à l’esprit cette remarque d’une sage-femme qui disait que le Volto Santo lui faisait toujours penser aux prématurés ; ils avaient souvent la même apparence. Comme je n’étais pas en mesure de faire cette comparaison, je pris simplement note de ces remarques. Mais je trouvai inouïe la pensée que là, dans le visage de Jésus, le passage de la mort à la vie soit en quelque sorte capté comme une nouvelle naissance. Les taches ou les parties livides autour du nez et des yeux furent interprétées par les médecins comme des modifications chromatiques semblables à celles d’hématomes plus anciens occasionnés soit par les coups au visage soit par les chutes. L’ouverture de la bouche pouvait être due à l’enflure des muqueuses du nez, lequel avait été cassé, rendant impossible la respiration nasale. Pour moi, la bouche est ouverte suite au dernier grand cri qu’a poussé Jésus et dont les Évangiles font état. Peut-être ce cri a-t-il été causé par les souffrances innommables de la mort par suffocation, ou encore, selon l’avis de certains cardiologues, par un arrêt cardiaque suite à des infarctus préalables et non soignés. Sans doute toutes ces causes se seront-elles conjuguées.
Lorsque nous avons échangé nos avis, l’un des médecins fit remarquer que le blanc de l’œil vire au noir quand les yeux restent ouverts au moment de la mort. C’est précisément ce phénomène que j’ai observé sur le Volto Santo lorsqu’on l’éclaire par derrière : le blanc de l’œil semble sombre, presque noir (Fig. 44).

Fig. 15 : Blanc de l’œil devenu sombre
Depuis 1995, je me demandais ce que cela pouvait bien signifier. Existe-t-il donc vraiment un rapport avec la mort ? Car les yeux de Jésus sont restés ouverts après sa mort, étant donné que la rigidité cadavérique est intervenue immédiatement. Et une heure plus tard, lors de la descente de croix, il était impossible de fermer aussi bien les yeux que la bouche ! Sur le linceul de Turin, on peut distinguer les dents dans la bouche ouverte ; il suffit de réviser un peu ses habitudes de lecture. C’est plus difficile pour les yeux, car les paupières et toute la zone autour des yeux sont blessées. Mais quand on éclaire le Volto Santo par devant, le blanc de l’œil est d’un blanc resplendissant autour de l’iris, et d’après un oculiste, la position des pupilles correspond à une personne qui serait restée très longtemps dans le noir et revoit la lumière pour la première fois. Le regard est perçu différemment par chacun, mais il est toujours reçu comme très fort et surtout très vivant
On ne peut s’approcher de ce visage qu’avec grande pudeur et un médecin n’ira pas crier sur les toits ses observations et ses impressions. La rencontre avait pour but d’approcher le Volto Santo d’un point de vue médical. Non pas l’étoffe, mais le visage. Qu’y voit donc un médecin? C’était là une question d’ordre général. Ma question plus précise concernait le moment de la naissance, plus exactement le moment natif de cette image : avant ou après la mort ? Je suis en quête d’arguments plausibles, justement, de précisions médicales susceptibles de confirmer mes propres observations issues du travail de superposition : qu’en est-il de ce visage représenté sur ce tissu?
Second examen par des médecins (2011-2012).
En novembre 2011 et en février 2012, une dizaine de médecins italiensse sont rassemblés afin de confronter leurs opinions et connaissances au sujet des signes lisibles sur le Voile. Tous rapportent que le Visage est « vivant » et qu’on y reconnaît exactement les mêmes marques et blessures que sur le Visage du Crucifié imprimé sur le Linceul de Turin. Ils ont diagnostiqué les symptômes d’une fracture de la base crânienne, un hématome orbital bilatéral, une asymétrie faciale due à la paralysie d’une branche du 7e nerf entravant la fermeture de la bouche.
En 2013, un dentiste allemand, le Dr Ute Stass, a diagnostiqué une fracture du type Le Fort II. C’est une fracture faciale qui s’étend depuis l’os nasal au niveau ou en-dessous de la structure naso-frontale jusqu’aux processus frontal maxillaire. Ce type de fracture justifie une bouche ouverte et une déformation latérale qui s’étend depuis le milieu du visage vers les côtés. Les conséquences d’une fracture Le Fort II sont : une partie médiane du visage allongée, l’arête du nez cassée, une bouche ouverte, un déplacement de la ligne mandibulaire depuis le centre vers la droite. Ce déplacement est la conséquence d’une fracture du processus condylaire de la mandibule.
Un cardiologue italien a souligné que la cause de la mort était un arrêt cardiaque soudain, une rupture du myocarde (un cri fort) alors qu’une partie du muscle du cœur était en train de se dissoudre (le muscle devient mou comme de la marmelade, ce qui empêche toute opération ou insertion d’une aiguille). Selon le cardiologue, le Psaume 21 donne pratiquement une description médicale de la mort de Jésus : « Mon cœur est devenu liquide comme de la cire »… Une telle rupture cardiaque est généralement précédée d’une série d’infarctus du myocarde. Il a aussi identifié une rigidité cadavérique (rigor mortis), la sugillation (une agglomération de sang donnant une couleur bleu violette à la peau suite à un arrêt cardiaque) autour du menton, qui est surtout visible lorsque la personne meurt en position verticale ou se noie. Les chercheurs d’Oviedo ont démontré qu’au moment de sa mort, Jésus a incliné la tête, comme on le trouve aussi écrit dans l’Évangile de Saint Jean : « …. Et il inclina la tête et rendit l’esprit. » (Jn 19, 30)
La mort cardiaque subite a gelé le Visage du Christ au moment de sa mort, et sa Face n’a point changé d’aspect durant les 36 heures pendant lesquelles Il resta dans le tombeau. Le Visage du Linceul de Turin est celui du Christ mort et ne peut par conséquent être appelé la Face du Seigneur. Le Christ est l’Éternel Vivant et il se révèle ainsi dans le Voile de Manoppello, dans son Suaire (Jn 20, 7) Un simple linge funéraire devient ainsi un signe de la Vie éternelle.
Les linges funéraires de Jésus-Christ.

Fig. 16 : Le Samedi Saint

Fig.17 : Au dimanche de Pâque.
Les différents linges mortuaires, dans l’ordre de leur superposition :
-Le Suaire d’Oviedo, imbibé de liquides durcis (mauve) ;
-La Sainte Coiffe de Cahors : arrière et sommet du crâne (bleu vif) ;
-Le Linceul de Turin, enveloppant l’ensemble (gris) ;
-Le grand Suaire de Kornelimünster5, en byssus (vert) ;
-Le Voile de Manoppello, sur le Visage (brun) ;
-Le « Sindôn Munda » de Kornelimünster, en lin, comme tapis de sol (violet).
La prière nous permet de saisir la chose suivante : le Voile montre un visage régénéré d’après la mort, un visage vivant par-delà la Passion, un visage qui, en dépit de toutes les souffrances endurées, ne traduit pas l’ombre d’une amertume; bien plus, il rayonne d’une bonté et d’une paix silencieuses, tendres et miséricordieuses. C’est le visage de Jésus comme personne, une personne qui a traversé la mort et s’est éveillée à une vie nouvelle.
C’est un visage transfiguré qui porte encore les traces de la Passion. Mais c’est avant tout le visage d’un vivant. Bien que tout le monde ne croie pas en la Résurrection, cependant, devant ce visage, tous ne peuvent que reconnaître que c’est celui d’un vivant. Tous ne sont pas sensibles à la beauté de ce visage. Cette beauté se révèle à nous quand notre cœur est prêt à faire silence. Chacun est responsable de ce qu’il peut ou ne peut pas voir. Cela dépend aussi de notre attitude intérieure.
Objectivement, le Linceul de Turin et le Voile de Manoppello se complètent pour attester la mort et la Résurrection de Jésus-Christ. Mais le Voile de Manoppello lui-même est le mystère qui nous permet une rencontre personnelle avec le Ressuscité. D’après le pape Benoît XVI, qui vint vénérer le Voile le 1er septembre 2006, cette rencontre requiert foi et charité et nous rappelle qu’ « il faut toujours chercher le Visage du Christ ».
Appréciation personnelle
À mes yeux, le visage du Volto Santo, la Sainte Face, est un cadeau particulier pour notre époque, car c’est aujourd’hui seulement que nous disposons des moyens techniques pour en étudier les spécificités et le comparer avec les autres reliques. En outre, depuis quelques années il est possible de l’observer de près. De même, ce n’est qu’avec la photographie, en particulier la photographie numérique, qu’il nous est possible de mieux déceler certains détails qui ont permis d’établir clairement le rapport entre les différents linges.
La Tradition connaît les images « non-faites de main d’homme ». Ce faisant, au début, l’expression ne désignait que le Voile portant le visage très net du Christ et non le Linceul avec son image plus difficile à lire. Aujourd’hui, nous pouvons sans difficulté reconnaître à ces deux linges le statut de documents que le Ressuscité Lui-même nous a laissés pour notre plus grande consolation et pour notre rédemption. Il nous incombe de nous pencher sur leur étude, et il y aura à l’avenir d’autres branches des sciences à même d’y travailler.
Pourtant, quand le Christ nous a laissé son image, son véritable but ne consistait pas à occuper notre intellect. Et je me dis la chose suivante : « Dieu, qui a merveilleusement créé l’Homme avec sa dignité et l’a encore plus merveilleusement renouvelé » – comme il est énoncé lors de l’Offertoire – a surtout souci de rencontrer personnellement sa créature, l’homme, créé à son image et à sa ressemblance, donc comme un être doué d’une âme et d’un esprit.


Fig. 18 : Christ de Compassion (Berlin, XIIe s.) sans et avec superposition du Voile.
Toute personne dans son bon sens et à l’âme droite peut, en contemplant le visage du Voile, faire l’expérience que Jésus-Christ est vivant et vient à sa rencontre personnellement grâce à ce visage. Il est aujourd’hui comme Il était au Ier ou au IVe siècle, au tournant du Ier, du IIe ou du IIIe millénaire. Et Il est « Dieu avec nous », pour nous, le Vivant. Il est tout à la fois l’Agneau et le Pasteur. Il veut nous regarder et que nous le regardions. Et dans cet échange de regards, Il veut nourrir notre âme, spirituelle comme la Sienne. Car Il est Amour.
Conclusion : Jésus-Christ, hier et aujourd’hui.
Mais si force du cœur et savoir-attendre vont main dans la main, alors le Cœur de Dieu doit posséder une force infinie, divinement infinie, pour pouvoir attendre notre amour aussi longtemps. Dieu…comme Il est différent de nous ! Son Cœur n’est qu’infinie bonté. Pouvoir découvrir tout cela de ses propres yeux dans le Volto Santo touche au plus profond des entrailles, nous atteint au cœur. Impossible de rester de marbre.
Il est encore une autre expérience : toutes les Paroles de Jésus prennent une vie nouvelle devant sa Face : « Je suis le Bon Pasteur. Je suis la Résurrection et la Vie. Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent. » Tout ce qui figure en grandes lettres d’or sur les pages ouvertes de l’Évangile que tient en main le Pantocrator des grandes mosaïques le représentant, toutes ces tesselles qui brillent de mille feux au firmament des coupoles, deviennent tout de simplicité ici, à Manoppello, et s’offrent à l’expérience spirituelle : « EGO SUM LUX MUNDI »
« JE SUIS LA LUMIÈRE DU MONDE.
Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres »
(Jn 8.12)


Fig. 19 : Christ Pantocrator (Sinaï, VIe s.) sans et avec superpositiondu Voile
La Face du Sauveur est avant tout lumière. « Lumière pour éclairer les Nations et gloire d’Israël Son peuple. » Cela signifie que la Face du Christ illumine toute créature et rend lumineux le visage de tout homme pour peu qu’il se laisse faire. Mais tous ceux qui Lui appartiennent, qui font partie de Son peuple, qui « croient à la lumière » (Jn 12.36) deviennent eux-mêmes lumière dans cette Lumière et auront part à Sa Gloire, car « l’Agneau sera leur lumière », l’Agneau « qui se tient comme égorgé sur le mont Sion ».
« Et videbunt FACIEM eius – et ils contempleront Son Visage » – « plein de Grâce et de Vérité ». (cf. Ap 22. 4 et Jn 1. 14).


Fig. 20 : Christ ressuscité (Prague, XIVe s.) sans et avec superposition du Voile.
1 Extraits choisis repris de Jesus-Christ, the Lamb and the Beautiful Shepherd, the Encounter with the Veil of Manoppello, Associazione di Volontariato, 65024 Manoppello, 2014, 128 p. Une traduction française est en cours d’édition. Traduit ici à partir de l’original allemand par Cynthia Krystyna Simla et Isabelle Schobinger.
2 La sœur Blandina, trappistine et peintre d’icônes, s’intéresse au Voile depuis plus de 33 ans. Ses recherches ont été présentées à 2 congrès du CIELT : à Rome en 1993 et à Nice en 1997.
3 Ndlr. Héritière d’une lignée de tisserandes de byssus sur l’île de Sant’Antioco, Chiara Vigo est la dernière dépositaire de cet antique artisanat méditerranéen.
4 Ndlr. On peut se demander si, dans un temps reculé, l’ostensoir eucharistique, avec ses deux vitres se faisant face, n’a pas été inspiré par cette relique dotée de deux faces équivalentes.
5 Ndlr. Kornelimünster est une ville gallo-romaine puis carolingienne jouxtant Aix-la-Chapelle. L’antique abbaye qui détenait deux reliques de la Passion, a été dissoute par Napoléon en 1802 et c’est une église paroissiale qui les abrite aujourd’hui.