Les oligarchies dans les démocraties modernes

Par:Plinio Corrêa de Oliveira

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Les oligarchies dans les démocraties modernes[1]

Résumé : On sait que les places publiques et les musées d’art contemporain sont remplis d’œuvres dont un homme sain d’esprit ne voudrait pas dans son salon. Il y a là un paradoxe, puisqu’en démocratie le peuple est souverain et devrait donc voir prises en compte ses préférences esthétiques. Mais les « oreilles » du souverain, ceux qui lui apportent l’information dont il a besoin, les dirigeants des grands médias, exercent en réalité une influence sans proportion avec celle du simple citoyen, soumise toutefois aux dictats des banquiers dont ils ne peuvent se passer. Or ceux-ci se trouvent  être eux-mêmes les vecteurs de la Révolution : le renversement complet de l’ordre naturel auquel, depuis l’orée de l’histoire mais surtout depuis l’instauration de la chrétienté, s’est attelé le Rebelle, C’est ainsi que le tableau de Picasso Les Ménines, est aujourd’hui plus connu et serait sans doute vendu plus cher que le tableau original de Vélasquez qu’il parodie. Choix qui fait penser à la grâce accordée à Barrabas plutôt qu’à Jésus-Christ.

Depuis 1789, l’année de la Révolution française, l’influence de l’État dans les gouvernements révolutionnaires s’est accrue, causant la soumission de plus en plus d’individus à un État qui s’occupe de tout. Il s’est même mis à contrôler les activités culturelles comme la musique, le théâtre, l’art et la cuisine sous le prétexte de subventionner les projets méritoires. Puisqu’il semble avoir des ressources financières illimitées, l’État peut offrir son aide plus facilement que quiconque. Par exemple, il peut promouvoir une certaine école de peinture de manière à mettre hors compétition d’autres artistes. La même chose se produit pour bien des domaines d’activité.

Ainsi, l’État assume de plus en plus le rôle de chef d’un orchestre où chaque personne n’est rien de plus qu’un simple musicien jouant ce qu’on lui a commandé de jouer. Ceci veut dire que, sous des apparences de démocratie, l’État exerce une dictature voilée. Les chefs de l’État sont élus selon des scrutins supposés être libres et secrets. Sur la base de ces suppositions, on affirme que les élus sont vraiment les représentants du peuple et que c’est celui-ci qui commande. Voilà le fondement de la démocratie: le peuple est souverain.

Je pense que cette thèse n’est pas exacte.

Qui a l’oreille du peuple souverain ?

Supposons que les élections soient réellement représentatives du peuple – une thèse sujette à discussion. Dans ce cas, les élus représenteraient vraiment le peuple et celui-ci serait vraiment le roi, le souverain. Dans une monarchie, le pouvoir était exercé non seulement par le roi, mais aussi par ceux qui « avaient l’oreille » du roi, comme on avait coutume de dire. Ce sont eux que le roi consultait avant de prendre une décision. Ils lui transmettaient des rapports, des informations nouvelles, des conseils, etc. C’est donc à travers eux que le roi voyait, entendait et parlait. On disait qu’ils étaient les yeux, les oreilles et la bouche du roi. Alors, comment tout ceci va-t-il s’appliquer au peuple souverain ?

Qui a l’oreille du roi ? Ce sont les médias. Je pense qu’il est parfaitement ridicule de dire que tous les citoyens ont un vote d’égale valeur lorsque le propriétaire d’un grand journal sort plus d’un million de copies par jour et que les autres citoyens sont de simples individus. En réalité, l’oreille du peuple-souverain est entre les mains des propriétaires des journaux, des télévisions, des stations de radio et des autres moyens de communication sociale. Un homme publiant un article lu par un million de lecteurs a évidemment beaucoup plus d’influence que la personne qui influence un cercle de dix amis ou les membres de sa famille. Dire que ce simple particulier a le même pouvoir de décision sur l’avenir de son pays que le propriétaire d’un grand journal ou d’une chaine de télévision, est une farce.

Les vrais aristocrates – ou plutôt les oligarques, puisque l’oligarchie est, selon Aristote, la corruption et la caricature de l’aristocratie – sont les propriétaires de ces moyens de communication sociale.

Toutefois, du fait que les journaux, la télévision et les radios dépendent dans une large mesure des banques, nous voyons que ce sont finalement les banquiers qui dirigent le peuple. Les grands journaux, même ceux qui sont les mieux gérés, ont besoin du soutien d’une banque pour fonctionner. Sinon, la moindre crise due à des augmentations de salaires ou à une augmentation inattendue du prix du papier, du coût des machines ou des gadgets électroniques, etc., peut mettre la société au bord de la faillite. Par conséquent, les banquiers ont en réalité le dernier mot sur ce qui sera ou ne sera pas dit au peuple-souverain.

Ceci étant, nous voyons qu’en réalité la démocratie n’existe pas. Nous vivons dans une oligarchie dominée par l’argent et ceux qui le possèdent. Telle est bien la réalité.

Ceux qui contrôlent l’opinion publique peuvent l’orienter dans tel ou tel sens selon leur bon plaisir, comme un conducteur avec sa voiture. L’automobiliste doit connaitre les règles de base de la circulation pour éviter les accidents; les leaders d’opinion font de même. Ils doivent éviter les accidents sur la voie qu’ils décident d’emprunter, un point c’est tout. Oui, les propriétaires des médias contrôlent les gens comme ils veulent, mais s’ils ne suivent pas les directives de la Révolution, les banquiers ne leur prêteront pas d’argent lorsqu’ils en auront besoin. Par conséquent, finalement c’est la Révolution qui contrôle l’opinion publique.

Ce que vise la Révolution est de changer progressivement la mentalité des gens en la faisant passer d’une façon de voir les choses à une autre entièrement différente.

L’engouement artificiel pour l’art moderne.

Laissez-moi vous donner un exemple dans le domaine de l’art. Comment l’art moderne en est-il venu à être accepté et même admiré ?

Prenons deux tableaux portant le même nom et peints par deux artistes espagnols différents: Las Meninas [Les Ménines] (1656) de Velasquez et Las Meninas (1957) de Picasso.

Lorsque nous analysons l’œuvre de Velasquez nous admirons son effort pour représenter la réalité telle qu’elle est, vue sous une lumière favorable. Las Meninas montre une grande pièce du palais du roi Philippe IV d’Espagne, à Madrid, où se trouve la jeune infante Margarita entourée de ses demoiselles d’honneur et chaperons, un garde du corps, deux nains et un chien. Derrière eux, Velasquez se peint lui-même portant la croix rouge de l’Ordre de Santiago et travaillant à une grande toile.

tableau Vélasquez Las Meninas

Vous voyez que l’art du tableau de Velasquez reflète la réalité au travers d’un prisme noble.

Cette peinture est un effort pour perpétuer objectivement la mémoire de la noble princesse et de son entourage. Elle cherche aussi à laisser du peintre lui-même, pour l’histoire, une image pleine de dignité.

Il y a un souci de proportion, d’ordre, de beauté et de raffinement. Cette peinture retient légitimement notre attention en tant que document agréable de cette époque et elle pique notre curiosité sur l’identité de ces personnages.  

Maintenant, regardez l’œuvre de Picasso. Il n’a pas d’autre objectif que de défigurer l’œuvre de Velasquez. Il a pris ce tableau du maitre espagnol et l’a déformé autant qu’il a pu. Son acte est celui d’un homme révolté qui hait l’ordre de sa vieille maison familiale ; alors il y entre et le détruit autant qu’il peut.

Tableau de la reprise de Las Meninas par Picasso

Le tableau de Picasso est l’expression typique du communiste qu’il était. En tant que communiste, il voulait voir chaque aspect de l’ancien ordre dénaturé, sinon complètement détruit.  

Même si l’on ignore que ce tableau est la défiguration d’un autre tableau, comment un homme de bon sens pourrait-il avoir la moindre admiration pour la peinture de Picasso ? Les personnages sont difformes ou disloqués; ils ressemblent davantage à des monstres qu’à des êtres humains. Il n’y a aucune compensation culturelle dans cette œuvre pouvant apporter quelque chose à l’esprit d’un observateur non averti. La personne qui la voit a l’impression qu’elle a été conçue par un malade mental. Je pense qu’il n’y a aucun art dans cette œuvre.

Alors, comment expliquer que Picasso soit devenu un champion de l’art moderne, l’un des artistes contemporains les plus populaires ? Je ne pense vraiment pas que ce soit parce que son art est séduisant – il ne pourrait l’être que pour un petit groupe de révoltés, mais pas pour le grand public. Je crois que Picasso est devenu célèbre à cause de l’appui de la Révolution, laquelle veut habituer les gens à l’abominable. Nous avons été témoins de décennies de propagande médiatique vantant sa peinture; nous avons vu ses œuvres être achetées dans des enchères internationales par les banques et les musées du monde entier à des prix exorbitants. Le résultat est que, aujourd’hui, la caricature de Las Meninas par Picasso a une célébrité égale, voire supérieure, à celle du chef d’œuvre de Velasquez.

Lorsque je pense à ces deux tableaux, il me vient à l’esprit que le choix entre Velasquez et Picasso répète, en quelque sorte, le choix entre Notre Seigneur Jésus-Christ et Barabbas. Derrière le choix de Picasso, on trouve sa promotion artificielle faite par les oligarques contemporains, exactement comme le choix de Barabbas fut fait par les promoteurs du mal de ce temps.


[1] Source: Oligarchies in Modern Democracies. Traduction Claude Eon.

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