L’œil est fait pour voir (1ère partie)

Par Louis Drs et Paul Murat

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Regard sur la création :

« Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu quand on Le considère dans ses ouvrages. » (Romains 1,  20)

L’œil est fait pour voir1 (1ère partie)

Résumé : L’œil est « fait pour voir ». Il est impossible d’échapper à cette conclusion, si l’on veut bien observer la minutieuse et complexe anatomie de cet organe merveilleux. Il y a un siècle, les docteurs Murat, armés des connaissances (non nulles, on le verra !) de l’époque, ont su tirer cette conclusion. En comparant l’œil aux appareils photo que la firme Kodak venait de mettre sur le marché, les auteurs montrent à l’œuvre l’Intelligence supérieure qui a su agencer autant de sous-organes fonctionnels en si peu d’espace.  Tout est prévu: protection de la lentille par les paupières, son nettoyage par le liquide lacrymal, rotation dans toutes les directions pour suivre un objet, ce qui suppose une fine coordination des six fibres musculaires qui commandent chaque œil. La « chambre noire » du globe oculaire est fermée par un « diaphragme » (l’iris) réglable en fonction de la luminosité, et qui par ailleurs élimine les rayons marginaux. Les nerfs qui traversent la cornée s’y dépouillent de leur myéline, afin qu’elle reste limpide. La simple présence d’un tissu transparent en cet unique endroit de l’organisme, précisément dans l’axe de l’appareil optique, est inexplicable par un hasard de la chimie organique ! Ces tissus translucides arrêtent cependant les rayons thermiques, ce qui nous permet de fixer un foyer ardent sans dommages pour la rétine. On n’en finirait pas d’admirer le nombre incroyable de finalités croisées qui se rencontrent dans  cet organe qui, par ailleurs, participe éminemment à la beauté du corps humain.

L’œil est à bon droit l’organe que de tout temps les philosophes spiritualistes ont choisi pour illustrer la démonstration de la finalité biologique. C’est le type classique des adaptations organiques complexes.

Le professeur Béclard a écrit dans son Traité de physiologie : « L’œil est le plus merveilleux instrument d’optique que l’on puisse imaginer », et Charles Richet [1850-1935], bien que positiviste, a dit de son côté : « Ce serait à mon sens tomber dans un excès fantastique d’absurdité que de supposer qu’il n’y a pas un rapport de cause à effet entre l’œil et la vision. Ce n’est pas par hasard que l’œil voit ; il y a tout un agencement de parties, tout un mécanisme merveilleux dans l’ensemble et les détails les plus minuscules, qui nous permettent de dire avec certitude : l’œil est fait pour voir. L’adaptation de l’œil à un but, qui est la vision, s’impose à nous avec une telle force que les sophismes les plus subtils ne pourront ébranler l’opinion de personne, voire celle des sophistes eux-mêmes. » (Richet, Revue scientifique, 1898.)

Notre étude montrera, nous l’espérons, dans son évidente certitude, toute la précision de cette finalité.

Pour que la vision fût possible il fallait qu’un nombre considérable de dispositions fussent observées et que l’œil présentât dans ses diverses parties la structure d’un appareil photographique, auquel aurait été annexé un appareil de téléphotographie pour la transmission incessante au cerveau des complexes impressions rétiniennes.

Obligés de réduire notre étude au cristallin et à la rétine, organes particulièrement importants, signalons ici brièvement, en les dénombrant également en chiffres romains, les principales merveilles finalistes des autres parties de l’œil. L’étude plus complète en sera faite dans notre volume en préparation sur les Merveilles du corps humain (Téqui, 1911).

Et d’abord, comme un appareil de photographie, l’œil est placé sur un support élevé.

L’objectif ou lentille d’un appareil est encerclée par un tube de cuivre protecteur ; de même l’œil est en retrait dans une cavité osseuse à quatre pans. La direction de la base en est oblique et la paroi interne est la plus longue, d’où accroissement notable du champ visuel en dehors et similitude de l’œil humain avec les appareils à paysages dits « à grand angle ».

Les parois de l’orbite où roule le globe oculaire sont soigneusement matelassées d’une épaisse couche de graisse qui en fait une demi-sphère creuse régulière.

L’objectif photographique au repos est protégé des poussières et de toute souillure ou heurt par le « bouchon » ou par un « obturateur » perfectionné : système de lames à fente réglable et à mouvement rapides, « guillotine » par exemple, ou bien rideau tendu, marchant au doigt, à la poire ou déclencheur métallique.

L’œil est également protégé, pendant le sommeil ou à l’état de veille, par un voile membraneux à mouvement automatiques, à déclic instantané, les paupières. Deux muscles –un droit et l’autre circulaire– actionnent ces dernières.

De petites plaques cartilagineuses (cartilages tarses), contenues dans le tissu des paupières, empêchent celles-ci de se recroqueviller et protègent par leur dureté l’œil sous-jacent. En outre un appareil de défense très précieux pendant l’état de veille, le réflexe palpébral, est ici annexé à l’obturateur.

Les sourcils détournent la sueur frontale. Les cils protègent l’œil contre les corpuscules de l’atmosphère et préviennent les moindres heurts. Les uns et les autres ont d’autre part un rôle esthétique.

La lentille d’un appareil, pour ne point se souiller de poussières ni se ternir lorsqu’elle reste constamment exposée à l’air, a besoin d’être fréquemment essuyée avec une peau de chamois ou un chiffon fin et, de temps à autre, lavée à l’eau ou à l’alcool.

L’œil est muni dans un but identique d’une burette, la glande lacrymale. Il fallait une humectation constante et des lavages répétés de la cornée. La source d’eau y est effectivement au point le plus convenable (partie supéro-externe de l’orbite) et elle est dotée de la canalisation appropriée. Le liquide sourd insensiblement de dix conduits, est ensuite étalé par les mouvements des paupières et est enfin recueilli à l’opposé, à la partie inféro-interne de l’œil, dans le lac lacrymal où plongent les points lacrymaux.

Ceux-ci, à peine visibles, sont néanmoins toujours béants par suite de la texture fibreuse toute spéciale de leurs parois. Le siphon minuscule que forme le conduit lacrymal supérieur est amorcé par l’abaissement de la pression aérienne intra-nasale dans les mouvements inspiratoires.

La finalité est évidente, dans ces petits conduits qui perforent, en un trajet angulaire, les tissus et finalement l’os nasal, avec pour effet de canaliser constamment les larmes jusqu’à l’intérieur de la cavité nasale où elles sont indispensables à l’odorat et pour humidifier l’air inspiré.

Les larmes coulent abondamment en cas de corps étranger de la conjonctive, de gaz irritant, etc.

Le bord libre des paupières présente sur sa face interne une ligne pointillée formée de trente trous, débouchés d’autant de glandes de Meibomius, dont les sécrétions lubrifient la surface de la cornée et lui donnent le poli et le brillant éclatant que nous lui connaissons.

La face interne des paupières et la surface du globe oculaire sont tapissées avec de la conjonctive, trame lymphoïde, organe de défense contre les microbes de l’air.

Le globe oculaire peut se tourner en tous sens, comme un appareil de photographie, grâce aux coussinets graisseux et à six muscles moteurs. « Les muscles oculaires, dit Brissaud (Leçons cliniques, 1895), ont des mouvements tellement complexes, tellement délicats, tellement variés qu’ils doivent tous être de connivence les uns avec les autres. » On a, en effet, découvert récemment les centres cérébraux de coordination, avec fibres motrices et inhibitrices.

Comment expliquer physico-chimiquement ce mécanisme, précieux à la fonction, et l’apparition, en des points choisis, de ces six fines rênes musculaires qui se dirigent parallèlement ou se croisent, vont se réfléchir dans des anneaux fibro-cartilagineux pour revenir sur elles-mêmes à angle aigu près de leur point de départ, s’enroulent, opposent ou associent leur action, ingénieusement, pour des buts utiles : mouvements de rotation du globe, etc. ?

Des dispositifs complexes assurent la protrusion des globes et leur rétraction.

Tout appareil de photographie se compose essentiellement d’une caisse, d’une « chambre noire », au fond de laquelle va se former, sur une plaque sensible, l’image produite par les rayons lumineux qui traversent un orifice ménagé au-devant de la lentille.

L’œil a aussi sa chambre noire (le globe oculaire, la coque fibreuse appelée sclérotique), avec une ouverture vitrée sur l’avant (la cornée transparente), un diaphragme (l’iris) et une lentille (le cristallin).

Dans l’orifice antérieur de la sclérotique taillé en biseau, à pourtour elliptique d’une régularité géométrique, s’enchâsse, ainsi qu’un verre de montre, la cornée. Les couches superficielles du tissu de cette dernière sont formées de lames élastiques destinées à lui donner un poli spécial.

La cornée est plus convexe que le globe sclérotical de manière à pouvoir ménager en avant de l’iris une « chambre antérieure » qui est nécessaire au système dioptrique de l’œil. La cornée est aplatie dans sa zone périphérique. Nous verrons plus loin l’admirable finalité optique de cette curieuse particularité.

Par une disposition organique tout exceptionnelle, il n’y a pas de vaisseaux sanguins dans la cornée, dont ils troubleraient la limpidité. En revanche il y a une trame très serrée de nerfs sensitifs –en vue de la production du réflexe cornéen protecteur– mais ceux-ci « se dépouillent de leur myéline en abordant la cornée et sont ainsi parfaitement transparents ». (Nimier et Despagnet).

La présence seule de ce tissu vitré plus limpide que le crown-glass, précisément à l’endroit voulu pour correspondre géométriquement aux axes de l’appareil d’optique – alors qu’un épais tissu d’une semblable transparence ne se retrouve nulle part ailleurs dans l’organisme -, cette présence ne peut être raisonnablement expliquée par de purs hasards physico-chimiques.

La lentille cristallinienne disposée perpendiculairement dans l’intérieur du globe oculaire est séparée de la cornée, en avant, par l’humeur aqueuse, et de la rétine, en arrière, par l’humeur vitrée.

« L’appareil régulateur hydrostatique de l’œil » (régulation autonome de la pression des liquides intra-oculaires), déjà signalé par Nicati, a été étudié en 1909 par Kuschel.

En dehors de nombreuses autres fonctions : maintien de la forme du globe, nutrition de l’œil, rôle dioptrique, etc., les humeurs aqueuse et vitrée, l’une liquide, l’autre gélatineuse, et parfaitement transparentes, arrêtent les radiations caloriques qui accompagnent les rayons lumineux. L’humeur vitrée est logée dans une membrane, cristalline aussi, l’hyaloïde.

Si l’on concentre avec une lentille des rayons caloriques derrière un écran spécial, on obtient un faisceau calorique qui n’impressionne en aucune façon la rétine. Il est en effet arrêté par les humeurs transparentes de l’œil. Mais si le foyer du faisceau obscur est dirigé sur un autre point, les paupières par exemple, la sensation de brûlure est vive.

Ainsi nous pouvons regarder et voir nettement des foyers ardents : feu, lampes, soleil, etc. sans nous brûler la rétine et sans compromettre notre vue (Wittmaak, Landois, Fabre, etc.).

Quant aux rayons chimiques qui accompagnent aussi les rayons lumineux, ils sont absorbés par le pourpre rétinien. Toutefois les rayons ultra-violets inutiles pour l’œil humain, sont arrêtés par les milieux dioptriques oculaires. La cornée et le cristallin surtout sont fluorescents, « condition heureuse – avoue le transformiste Testut (Traité d’anatomie humaine, t.III, 1905)– qui fait de ces milieux réfringents de véritables organes protecteurs de la membrane visuelle. » Le cristallin manifeste une fluorescence très intense quand on dirige sur lui des rayons ultra-violets invisibles.

Les rayons infra-rouges sont normalement arrêtés par l’humeur aqueuse (Bordier, Précis de physique biologique, 1903, p. 325).

Pour éviter une image à foyer irréguliers, diffuse, floue, sans finesse et sans détails, la lentille est précédée dans l’appareil photographique d’un diaphragme qui élimine plus ou moins, suivant le degré d’éclairage, les rayons marginaux.

Dans l’œil, « l’iris est un véritable diaphragme qui règle lui-même et par acte réflexe le diamètre de son ouverture » (Mathias Duval, professeur de physiologie à la Faculté de médecine de Paris, Cours de physiologie, p. 594, 8e édition, 1907), jusqu’à ce que l’image rétinienne ait atteint le maximum de netteté.

Par le jeu alternatif de fibres circulaires concentriques et de fibres en rayons de roue, le tissu de l’iris modifie sans cesse les dimensions de la pupille. En se contractant comme des anneaux élastiques, les fibres circulaires rétrécissent la pupille, tandis que les fibres rayonnées, en se rétractant, la dilatent. N’y a-t-il pas là une disposition providentielle des fibres, un agencement discoïdal unique dans l’organisme et dont l’ingéniosité est des plus remarquables, résolvant ce problème en apparence fort ardu d’obtenir à la fois une dilatation et une contraction en cercle ?

Les diaphragmes les plus perfectionnés de l’industrie, jeu de lamelles métalliques imbriquées, tendent à imiter aujourd’hui le fonctionnement si parfait du disque irien et portent précisément à cause de cela le nom de « diaphragmes iris ».

Grâce à l’iris, le pinceau central de rayons à foyers fixes pénètre donc seul sur le cristallin. Ce pinceau est renforcé, d’ailleurs, par les milieux réfringents de l’œil, surtout la cornée dont la réfraction est particulièrement forte. Ces divers milieux ont effectivement pour fonction, non seulement de conduire, mais aussi de condenser la lumière, et c’est sur le cristallin que s’obtient la quantité additionnelle de réfraction nécessaire à l’accommodation.

Nous étudierons plus loin l’arc réflexe irien, l’admirable mécanisme automatique formé de conducteurs nerveux où circule l’influx instantané, électrolytique, qui règle à tout instant les mouvements du diaphragme vivant et les dimensions de l’orifice pupillaire. Disons dès maintenant que le primum movens de ce réflexe est l’arrivée et l’action nuancée de la lumière sur la rétine ; la propagation du réflexe est due à l’excitation du centre médullaire des fibres irido-dilatatrices ; le point d’arrivée enfin en est constitué par les fibres musculaires radiées ou bien circulaires de l’iris.

On peut faire jouer à volonté ce réflexe de deux façons opposées, en mettant à la surface de l’œil quelques gouttes d’atropine, substance qui amène la dilatation extrême de l’iris par spasmes des fibres radiées et paralysie des fibres circulaires, ou au contraire d’ésérine, alcaloïde qui tétanise les fibres circulaires et réduit la pupille à un point.

Les gracieuses formes de l’iris et ses vives couleurs : bleue, perse, verte, noire, noisette ou marron, ainsi que le fond noir velouté de la pupille, contribuent pour la plus large part, avec la convexité brillante de la glace cornéenne, au rôle esthétique général de l’œil, cette perle vivante.

L’intérieur de la chambre obscure d’un appareil photographique est toujours peint en noir. De même l’intérieur du globe oculaire est tapissé par une membrane d’une couleur noire, la choroïde.

La choroïde a pour rôle, non seulement d’absorber, suivant l’incidence, les rayons qui tombent mal et détermineraient une réverbération désordonnée et nuisible, et peut-être aussi les rayons les plus irritants, mais encore de réfléchir les autres rayons sur la rétine à la façon du tain d’un miroir (miroir choroïdien). (Duval, loc.cit., p. 590 ; Lefert, Aide-mémoire de physiologie, p.260, 6e édit.1908).

Ainsi les rayons lumineux traversent le cristallin, l’humeur vitrée, toutes les couches de la rétine, de 1 à 10, puis atteignent la choroïde sous-jacente, s’y réfléchissent, et reviennent sur la dixième, puis sur la neuvième couche rétinienne (couches des cônes et bâtonnets).

Ils traversent ensuite, transformés en vibrations nerveuses, les autres couches de 9 à 1 (éventail des fibrilles du nerf optique), d’où l’impression est transmise au cerveau.

La choroïde présente une vascularisation sanguine extrêmement riche. Ce réseau tout spécial a pour but d’empêcher le fond de l’œil de se refroidir et de maintenir la rétine à une température constante et élevée. C’est « un appareil de caléfaction ». (Duval, loc.cit. p.590).

(à suivre)


1 Extrait des Merveilles de l’œil, Paris, Bloud et Cie, 1911, pp. 5-12

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