Lascaux… certains dessous peu honorables

Par le Dr. Pierre-Florent Hautvilliers

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Les dessous de la préhistoire

Résumé : Les grottes de Lascaux sont mondialement connues. L’examen de certains éléments montre que, malgré cette notoriété, tout n’a pas été entrepris pour préserver et protéger ce patrimoine comme il convenait.

Sur un site préhistorique aussi célèbre que Lascaux, on pourrait s’attendre à ce que les autorités de tutelle, y compris les autorités préhistoriques chargées des conseils techniques et de la supervision du site, aient pris toutes les précautions nécessaires à la préservation des peintures des grottes avec les compétences et le professionnalisme requis.

Il semblerait que ce fut loin d’être le cas et qu’une désinvolture grande ait été de rigueur, à la lecture des éléments que nous donnerons plus loin sans commentaire.

Lorsque les grottes furent ouvertes au public qui affluait du monde entier pour admirer les peintures1, il fallut vite déchanter : des moisissures apparaissaient çà et là et se développaient sur les parois des grottes, en particulier près des éclairages. Une seule décisions s’imposait, celle de fermer les grottes aux visites. Ce qui fut fait douloureusement, compte tenu de l’afflux de touristes que ce site procurait. Après avis des experts, il fut décidé d’effectuer des travaux de ventilation et de climatisation puis de rouvrir les grottes. Les visites reprirent en 1957 et 1958.

Cependant, à la surprise générale, les améliorations attendues ne suivirent pas et les grottes furent définitivement fermées au public.

Devant la perte financière représentée par ce coup d’arrêt touristique, il fut alors décidé de construire, à côté des grottes, un fac-similé en béton avec des reproductions identiques aux peintures, exécutées selon les mêmes techniques préhistoriques : Lascaux II. La publicité aidant, et les visites ne comportant pour seule restriction que le nombre de visiteurs pouvant être contenus dans ces étroits boyaux, une attente de plusieurs heures devint nécessaire pour absorber les milliers de touristes qui se pressaient chaque jour au guichet de réservation de la petite ville de Montignac. Un parc « éducatif » sur la préhistoire fut alors construit de l’autre côté de la ville, le Thot, où le touriste, en attendant son heure de visite, peut découvrir tous les secrets de la préhistoire et de la réalisation de Lascaux II. Quant aux grottes originales, on peut toujours les visiter, moyennant une autorisation du ministère de la culture… ce qui se fait sans trop de difficultés avec quelques relations en Dordogne.

Au delà de l’aspect anecdotique, il est curieux de constater que les mesures conservatoires prises en 1957 n’ont pas été efficaces. On peut se demander si ces mesures d’aménagement arrêtées ont été décidées avec compétence. Il est fort probable que ce fut le cas. Mais alors ?

Lors du 9ème Congrès international de Préhistoire qui se tenait pour la 1ère fois en France, à Nice, le 12 septembre 1976, congrès dédié à la mémoire et à l’œuvre de l’Abbé Breuil (qui a particulièrement étudié Lascaux), une information2 très intéressante avait circulé parmi les congressistes, donnant un éclairage différent sur les problèmes persistants de Lascaux. Ils seraient dus à la manière dont les travaux d’aménagement furent menés durant l’hiver 1957-58.

Les voici résumés :

  • Aucune réglementation précise concernant la protection des peintures n’a été donnée au cours des travaux.
  • Les travaux ont été menés sans surveillance particulière et dans le désordre le plus complet.
  • Les travaux de dégagement ont été effectués à l’aide de marteau-piqueurs, dégageant ainsi beaucoup de poussière.
  • A la fin des travaux, toutes les parois, y compris celles qui portaient les gravures et les peintures, étaient recouvertes d’une bonne couche de poussière et tout a été nettoyé et lavé à grand renfort de seaux d’eau plus ou moins propre pendant plusieurs semaines dégageant ainsi une humidité énorme.
  • L’intérieur des grottes a servi régulièrement d’urinoir à l’ensemble des ouvriers qui ne prenaient pas la peine de sortir à l’extérieur pendant les trois mois, correspondant à la durée des travaux.
  • Durant les travaux, effectués l’hiver, les aérations étaient obstruées à cause du froid par des sacs d’engrais vides.
  • Des centaines de mètres cube de déblais ont été retirés des grottes à la pioche et à la pelle, sans qu’aucune fouille systématique n’ait été prévue , pour être jetés en remblais au pourtour de l’entrée et en bas de la colline. Il est probable que des objets préhistoriques ont été perdus à jamais.
  • D’autre part, en dehors des travaux, et à de très nombreuses reprises sur plusieurs années, des éclairages très puissants diffusés par des projecteurs de 2000 watts ont été utilisés pendant le temps des relevés des peintures et des gravures sans être régulièrement éteints entre deux visites. Il en a été de même durant le temps de passage des nombreuses équipes de télévision tant françaises qu’américaines et autres, dont les séances de tournage pouvaient s’étendre sur de nombreux jours.

On pourrait penser que ce cas de figure fait parti d’un passé révolu. Si l’on a interdit de faire exploser des mines dans un large secteur pour que les vibrations telluriques engendrées ne risquent pas de porter un quelconque préjudice aux peintures de Lascaux, il n’en demeure pas moins qu’en 1995, les responsables du site n’ont pas hésité à faire exécuter des travaux par un excavateur juste devant l’entrée de la grotte.


1 Parmi les visiteurs célèbres, on peut citer le peintre Picasso qui s’écria à l’issue de la visite : « J’ai enfin trouvé mon maître« .

2 Défense de l’Homme, n°311- Janvier 1976.

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