Les faits sont-ils têtus ?

Par Dominique Tassot

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Résumé : La science nous est présentée comme une démarche « hypothético-déductive » : chaque hypothèse, avec son cortège de déductions et de calculs, est confrontée aux faits. Elle se trouve alors validée ou rejetée. Mais la réalité de la pratique scientifique est souvent fort éloignée de cette belle « théorie de la science ». On le constatera dans ce numéro sur plusieurs exemples tirés de la biologie, de la géologie et surtout la préhistoire. Ainsi tous les faits qui évoquent la coexistence des dinosaures avec l’homme sont soigneusement niés. De la sorte ces présupposés généralement admis que Maurice Allais appelle les « idées établies », l’emportent souvent -du moins dans un premier temps- sur les faits qui leur apparaissent contraires. Mais cela ne devrait pas nous surprendre puisque la science est faillible, comme toute activité humaine.

Il est une sorte de justice immanente selon laquelle les faits désagréables finissent toujours par remonter à la surface. Certes « la politique, disait Fabre Luce, c’est l’art non de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent ». Mais au-dessus de cet art, si nécessaire pour donner aux dirigeants le temps de mettre en place des solutions, il existe une science politique soucieuse, elle, d’anticiper et de charger le présent du souci du futur : « gouverner, c’est prévoir ».

Une telle soumission aux faits est-elle transposable dans les sciences ? La question peut d’abord sembler absurde : nous avons tous appris que la science était « hypothético-déductive », que la confrontation -fût-elle tardive- avec les faits, constituait l’essence même de la méthode scientifique, le critère suprême validant ou récusant toute théorie !.. Or précisément, cette vision de la science est elle-même une théorie de la science qui demande à être vérifiée ; et nous allons voir dans ce numéro du Cep que bien des disciplines, biaisées par quelques idées fausses (celles que Maurice Allais appelle les « vérités établies »), ont à leur disposition des stratégies et des tactiques très efficaces pour contourner les faits polémiques. Ces derniers faits font progresser la science (dès lors qu’on s’emploie à les incorporer) mais, bien souvent, restent ignorés car ceux qui pourraient les faire connaître n’y ont aucun intérêt.

Les lois d’Adrian, présentées dans l’article d’Hubert Saget nous donnent une première technique utilisable pour désamorcer un fait polémique. Adrian a mis en évidence une propriété remarquable de l’influx nerveux : on peut l’affaiblir par une action chimique, telle l’action du chloroforme provoquant un sommeil artificiel.

Mais il faut que l’anesthésiant agisse tout près de sa cible : si le nerf est suffisamment long, l’excitation finit par reprendre toute sa force, passée une certaine distance au-delà du point de vaporisation de l’éther. Cette faculté étonnante, analogue à la restauration permanente de l’organisme par le système immunitaire, ou encore à la reconstitution des tissus blessés, est trop indéniable pour être écartée. Elle contredit cependant la théorie de l’information autant que le deuxième principe de la thermodynamique, la loi d’entropie croissante : un message affaibli ou déformé se transmet dans l’état dégradé qui est devenu le sien et ne saurait retrouver sa force ou sa forme originelle (par définition inconnue de récepteur en aval). Le fait, ici, n’est donc pas nié ; il est même pompeusement baptisé du nom de « loi », à la manière dont on parle du « théorème » d’Archimède. Mais l’occultation porte sur l’interprétation du fait. On se garde bien, contrairement aux considérations magistrales qu’en induit Hubert Saget, d’en tirer la conséquence inévitable : l’être vivant n’est pas une machine prodigieusement complexe ; il opère tout autrement, et les théories matérialistes restent impuissantes pour expliquer tant son fonctionnement que son origine.

Cette transcendance de l’information sur la matière, est reprise et théorisée par Werner Gitt dans son article. Cette fois d’une manière générale, les faits informationnels appellent à dépasser le matérialisme et le naturalisme pour admettre l’existence d’un Emetteur primordial à l’œuvre dès le début de l’univers. On mesure ici quelle victoire pour l’esprit humain fut acquise au Kansas, en 1992, lorsque diverses associations de parents (partisans du « design », catholiques et créationnistes) ont obtenu – contre l’avis des universitaires – que la définition de la science dans les programmes scolaires soit modifiée pour devenir la suivante :

« Science : activité humaine consistant à rechercher des explications logiques à ce que nous observons dans le monde autour de nous ». L’adjectif « logiques » a remplacé « naturelles » (cf. Le Cep n°13, p.7). Ainsi le surnaturel retrouve-t-il sa place légitime parmi les facteurs explicatifs dont la science, si elle veut accueillir tous les faits, ne peut se passer.

 La rétrospective historique proposée par Guy Berthault, évoque une autre technique de contournement : légiférer sur l’exception, et négliger, comme un cas très particulier, ce qui est le fait général.

Le principe de superposition, qui régit encore presque toute la géologie des roches sédimentaires, affirme que les couches supérieures se sont formées après les couches inférieures d’un dépôt. L’idée paraît d’une telle évidence qu’elle se passe même de démonstration . Et de fait il a fallu attendre deux siècles pour que des expériences viennent valider (et en réalité infirmer) ce principe. C’est que le dépôt vertical en eau calme, comme celui que fait l’enfant laissant tomber du sable au fond d’un verre d’eau, est exceptionnel dans la nature.

Les sédiments ne tombent pas du ciel ; ils gagnent le large à la faveur d’un courant horizontal d’abord assez rapide pour les avoir entraînés, ensuite assez ralenti pour les laisser se déposer, chaque grain selon sa taille et sa densité. Les facteurs mécaniques sont donc indispensables pour expliquer 95 % des roches sédimentaires ; mais on les a négligés et remplacés par une fiction si séduisante qu’elle a échappé à la vérification expérimentale.

Avec les dinosaures d’Acambaro, se démasque une science colossale aux pieds d’argile – c’est le cas de le dire ! En effet, sur 33.000 statuettes de céramique découvertes en 5 ans de fouilles au Nord de Mexico, 800 environ représentent diverses espèces de dinosaures dont certaines n’étaient ni décrites (l’iguanodon) ni même connues (le stégosaure) à l’époque (1945-1950). Les indices d’antiquité (patine, érosion, gisement à 6 pieds de profondeurs enchevêtré parmi les racines de grands arbres), la datation par thermoluminescence, la valeur artistique, tout concourait pourtant à y reconnaître l’œuvre d’une culture précolombienne comme il en existe une vingtaine en Amérique latine.

Une mission archéologique dépêchée de Mexico, ayant elle-même choisi le lieu et procédé à des fouilles, déterra des figurines semblables et conclut à l’authenticité de la découverte. Mais, de retour à Mexico, l’expert officiel entrevit tout l’enjeu et recula : selon son rapport écrit il s’agissait nécessairement de faux, puisque l’homme ne vivait pas encore à l’époque des dinosaures. A l’appui de la thèse du faussaire, aucun autre argument. A l’appui de l’authenticité, toutes les preuves requises. Mais un fait contraire à une « vérité établie » n’a sa place ni dans les articles savants, ni dans les communications académiques.

Les mêmes faits ont pourtant suffi à un juge pour reconnaître l’authenticité des figurines et condamner un fouilleur clandestin pour vol du patrimoine national. Ces mêmes faits sont écartés sans discussion par les autorités académiques qui n’hésitent jamais à se constituer à la fois juge et partie.1

C’est ainsi que la science officielle a bien du mal à se conformer aux données factuelles, à les recueillir avec cette soumission attentive qui fait le vrai découvreur. Les non-dits volontaires, les comptes-rendus biaisés, les refus de prise en compte, les interprétations insuffisantes, les attaques personnelles, les jugements sans appels, etc., sont autant de procédés malheureusement trop fréquents dans les sciences.

C’est que la science est une activité humaine : elle reflète donc les travers, les mesquineries, les faiblesses de la chétive créature que nous sommes. Mais il y a plus, le refus de reconnaître la vérité, lorsqu’elle se présente avec tous les traits de l’évidence, est la forme savante du péché contre l’esprit, la plus grave en un sens puisqu’elle attente à la raison et à l’intellect, cette faculté sublime en laquelle les penseurs médiévaux voyaient l’image de Dieu en l’homme.


1 Le cas des objets découverts à Glozel, en France, est emblématique. Il aura fallu plus de 100 ans pour que leur authenticité finisse par être admise ; ils attestaient l’existence d’une écriture en Occident, à une époque où les « experts » n’admettaient l’écriture qu’en Orient (cf. Le Cep n°8).

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