A propos de l’âne et du bœuf

Par Yves Germain

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Résumé : L’âne et le boeuf sont deux animaux domestiques des plus répandus et nul ne s’étonnera de les trouver aux côtés de l’enfant Jésus, dans la crèche de Bethléhem. Mais derrière cette tradition opère aussi un symbolisme biblique propre à chaque animal : l’âne représente les gentils, attendant leur conversion, et le boeuf représente Israël, attendant le Messie.

        Rien dans l’Ecriture ne permet d’affirmer qu’il y avait dans la crèche un âne et un boeuf. Cependant nous allons voir qu’ils y ont leur place par ce qu’ils évoquent.

        Pour les Hébreux l’âne  représentait « les biens matériels » (E. Munk, Voix de la Thora, Exode, p.135), donc les païens. Les Pères de l’Eglise partiront de cette définition et la préciseront.

        Saint Matthieu (21,5) cite la Grande prophétie :

        Zac 9,9 « Voici que ton Roi vient à toi… humble et monté sur un âne, sur un ânon, petit d’ânesse« .

        Certaines traductions nous montrent le Christ assis « sur un ânon et sur le petit d’une ânesse« … (Bible Osty, p. 21-24). Ce qui n’a aucun sens ; d’ailleurs Mc 11, 1-7 et Jn 12,15 ne mentionnent que « l’ânon ».

        Alors pourquoi Zacharie nous donne-t-il ces précisions? Tout simplement parce que l’âne, en hébreu Hamor  (Het MWR), veut dire également « entassement, foule ». Le prophète a donc pris soin de nous préciser que le Messie viendra sur un « âne », « le petit de l’ânesse », et non porté par « la foule » comme on risquerait de le comprendre.

        Saint Méliton au IIème siècle écrit que l’âne représente « le peuple des gentils« , donc les païens1 . Il est ainsi annoncé que le Christ sera d’abord « porté » aux nations par des païens qui se convertiront… Et nous savons maintenant que c’est bien ce qui s’est passé !

        Un phrase de l’Exode doit aussi retenir notre attention : Ex 13, 13. « Le premier-né d’un âne, tu le racheteras par une brebis !…

        Il y a là également l’annonce que l’humanité sera d’abord païenne, et qu’elle sera un jour « rachetée » par une brebis : le Christ, « Agneau de Dieu ».

        Saint Jean Chrysostome écrivait :

        « L’âne, en effet est un animal, le moins intelligent presque de tous les animaux, stupide… C’est ainsi que les homme, avant l’avènement du Christ, étaient souillés par le dérèglement de toutes les passions… semblables à des bêtes de somme, parce qu’ils portaient le fardeau de l’erreur que les philosophes ou les démons leur avaient imposée » (Sur saint Matthieu).

        Le Christ rappelle aussi que l’on « détache son boeuf ou son âne le jour du sabbat pour le mener à boire » (Lc 13,15).

        Et saint Ambroise commentera :

        « Pourquoi en effet n’a-t-il cité aucun autre animal ? N’est-ce pas pour montrer que le peuple juif et gentil en viendra à désaltérer la soif de son corps à l’abondance de la fontaine du Seigneur ? » (Sur Luc II, p.73).

        Saint Hilaire de Poitiers remarque que c’était alors l’âne  qui faisait tourner la meule (Mt 18, 16) et il précise : « ce qu’accomplit la meule est un travail aveugle, car les bêtes de somme ont les yeux clos, tandis qu’on les fait tourner en rond. Et sous le nom d’âne, nous avons souvent trouvé désignés les païens » (Sur Mat II, p.77).

        Les Pères feront aussi remarquer que le croisement âne-cheval produit le mulet, « sans intelligence » (Ps 32, 9), et dont la « stérilité » demeure dans l’Ecriture la marque de ce qui est paοen.

        Enfin autrefois, on mettait un « bonnet d’âne », non pas aux mauvais élèves comme on le croit souvent, mais à ceux qui étaient dissipés et n’entendaient pas les paroles du Maître.

        L’oreille a son importance dans l’évangélisation. Saint Paul le souligne : « Comment pourraient-ils croire celui qu’ils n’ont pas entendu ? Comment pourraient-ils entendre si personne ne prêche ? »  (Rm 10, 14).

        Il nous reste à examiner le bœuf, symbole des Juifs. Tout d’abord, il faut savoir que « l’herbe » est la première nourriture donnée par Dieu (Gen 1, 29) ; elle représente donc sa Parole2 .

        Ensuite, le boeuf « rumine ». Ce verbe, en hébreu comme en français, veut dire aussi « méditer ». Nous pouvons dès lors comprendre certains passages difficiles de l’Ecriture, par exemple :

        Isaοe 1, 3 : « Le boeuf connaîtra son possesseur et l’âne la crèche de son maître« .

        Ce qui veut dire que le croyant en Dieu s’attachera à la personne, son frère, tandis que le paοen sera surtout lié à la crèche, où il trouvera sa nourriture et un abri : « les biens matériels ».

        On peut encore citer :

        Deut 22, 10 : « Tu ne laboureras pas avec un boeuf et un âne ensemble« 

        Saint Méliton explique que « labourer, c’est exercer le travail de la prédication » (p.198). Ce qui est évident, puisque nous sommes incités à la moisson (Mt 9, 37) et qu’il n’y a pas de moisson sans labourage. Nous sommes donc incités à annoncer le Message avec ceux qui partagent la même foi que nous, … et non avec ceux qui soutiennent des thèses païennes. Le Christ le confirme clairement :

        Mt 12, 25 : « Tout royaume divisé contre lui-même va à la ruine« . Comme le disait saint Paul : « La lettre tue, l’esprit vivifie » (2 Co 3, 6). L’âne et le boeuf dans la crèche annoncent l’unité des juifs et des chrétiens sous « un seul Pasteur« .

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1 « La clé du symbolisme« . Réédition : Jean-Pierre Laurant « Symbolisme et Ecriture« , CERF, 1988, p.213. L’âne aurait été pour les Egyptiens le symbole de Typhon, un dieu du mal.

2 Saint Méliton, op. cit., p.138.

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