Regard sur la recherche biomédicale américaine

Bryan Ellison

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Regard sur la recherche biomédicale américaine1
Résumé : Toute découverte repose sur l’intuition divinatrice d’un chercheur, fût-il aidé par les travaux de ses collègues et les moyens mis à sa disposition par la collectivité. De là l’échec d’une recherche administrée. On le voit avec les énormes budgets publics de la recherche biomédicale américaine. L’auteur montre comment le système des « comités de sage » (pour affecter les crédits) a pour effet de figer les recherches fondamentales, ce qui explique pourquoi la montagne (des milliards de dollars) accouche d’une souris (très peu d’avancées pour les malades).

Les guerres entreprises à coups de milliards contre le cancer et le SIDA se sont terminées en désastres. Malgré la promesse d’une thérapie contre le cancer dès 1976, le public n’a rien obtenu. Les taux de décès par cancer sont restés constants ; beaucoup de scientifiques réalisent maintenant leur défaite. On n’a pas trouvé de vaccin. On se demande toujours comment certains cancers d’origine virale ont pu prendre naissance.

La recherche sur le SIDA a donné un résultat tangible, mais on n’a pas trouvé de vaccin non plus. Les agences médicales n’ont pas fait la preuve qu’elles ont réussi à faire quoi que ce soit en distribuant des préservatifs, des seringues et des guides de poches. Le pire c’est que toutes leurs prédictions se sont avérées fausses : l’explosion du SIDA n’a pas eu lieu et n’a affecté en rien la population hétérosexuelle comme le font les virus transmissibles depuis la création du monde2 ; pas plus qu’aucun médecin n’a pu prévenir l’évolution de la maladie chez un patient (sans connaître très exactement comment il se drogue) puisque le SIDA se manifeste par une trentaine de pathologies toutes différentes, sans aucune relation entre elles.

Malgré les prévisions assurées selon lesquelles le HIV tuerait inévitablement les gens infectés, les deux tiers des séropositifs n’ont encore aucun symptôme de SIDA, 10 ans après leur test positif.

Au sommet de sa puissance, la recherche biomédicale, dans sa guerre aux microbes (polyo, cancer, SIDA), démontre le piétinement des projets entrepris après la deuxième guerre mondiale. A première vue cela semble incroyable. La science moderne américaine est la première du monde et la meilleure de tous les temps.

Comment a-t-elle pu devenir aussi mauvaise ?

– Pour l’argent

Tout simplement : la science a grandi trop vite, a employé beaucoup trop de monde, a  produit beaucoup trop de résultats  d’utilité douteuse.

L’éditeur de Science & Goverment Report, Daniel S. Greenberg, l’a dit tout net : « La recherche biomédicale est une entreprise qui a développé un appétit pathologique d’expansion sans guère de relation avec la productivité scientifique. Elle est devenue un système providence pour une multitude de galériens médiocres qui se posent en hommes de science » (Greenberg, Journal of NIH, février 1990, p.29-30).

L’explosion du financement de la recherche biomédicale depuis les années 50 -quand James Shannon prit le direction du NIH, National Institute of Health – a totalement  fait dérailler la science de la brillante voie dans laquelle elle s’était engagée. L’orientation vers l’augmentation des moyens scientifiques de recherche était basée sur l’idée fallacieuse que l’accroissement du financement produirait l’amélioration de la science et que la qualité était liée à la quantité. En réalité, cette énormité a détruit la science véritable et a entraîné un certain nombre de conséquences, comme détaillé ci-dessous.

1. L’explosion de données inutiles

Par définition, la science est d’abord, un processus d’interprétation plus que de collationnement de données. Bien que l’expérimentation soit nécessaire, l’accumulation de données devient inutile et néfaste quand elle est conduite à son seul profit. Actuellement, c’est ce qui se passe : la compilation de données inexploitables prend le pas sur la recherche elle-même, et la situation empire avec l’augmentation de son financement. L’accroissement du financement augmente la hauteur de la pile des résultats et non la compréhension des phénomènes. La conséquence, c’est la compartimentation de la recherche et l’appropriation d’un domaine par ceux qui en ont la charge, diminuant d’autant la possibilité de collationnement et d’interprétation des résultats. La doctrine se rigidifie et la compréhension globale n’évolue pas. Encore heureux quand les chercheurs ne vont pas chercher des idées dans la chronique scientifique du New York Times (Science, 254 : 649, 1991) !…

2. L’assemblée des Sages gèle le consensus

L’Assemblée des Sages, c’est le système qui a cours actuellement. C’est sous la direction d’un tel organisme que le scientifique peut obtenir le financement, la possibilité de publier, la possibilité d’obtenir des prix et des invitations à des conférences. Situation absurde qui place un concurrent sous la coupe de son adversaire. On se demande si Ford a besoin du Conseils des Sages de Renault pour sortir un nouveau modèle ! Malgré l’opposition des gens sensés, le système perdure depuis une vingtaine  d’années. La rigidité du système augmente au fur et à mesure que le nombre de « sages » augmente. C’est l’effet direct du surfinancement. Le nombre de plus en plus grand de chercheurs crée l’effet de troupeau, étouffant le chercheur isolé qui discute la sagesse des officiels. Ces derniers passent plus de temps à tisser et à conclure des coalitions qu’à marcher sur les pieds de leurs collègues en soulevant les bonnes questions qui menacent les investissements de carrière de la communauté.

3. Médecine athéorique

David Horrobin, un biologiste, éditeur de Medical Hypothesis, a défini et explicité les modalités de fonctionnement de la recherche « athéorique » (qui est la recherche pour la recherche) :

« Une possibilité (de cet échec de la recherche) est que la plupart des scientifiques établis ne recherchent  pas vraiment à faire de rapides progrès. L’état de confusion athéorique dans lequel ils évoluent n’est pas sans avantage puisque rien ne peut être faux a priori. La recherche en biomédecine athéorique se passe sans risque, car l’absence d’hypothèses entraîne l’absence de résultats erronés. A la base de cette peur de l’échec, il y a pour tous ces scientifiques le désir exacerbé d’être l’inventeur d’une théorie nouvelle.

Mais la plupart des scientifiques en recherches biomédicales sont tout simplement incapables d’avoir une idée et ont une peur bleue de ceux qui pourraient en avoir une. Il se trouvent bien plus à l’aise dans un monde où on peut évoluer sans la contrainte de la relation théorie-hypothèse-résultat, parce que le développement d’un concept est une faculté qu’ils ne possèdent pas » (Horrobin, The Scientist, 26 novembre 1990, p.13).

Tant que le travail scientifique sera évalué par des concurrents évoluant dans le même domaine, l’assemblée des Sages étouffera la vraie science. Ces travaux devraient, plutôt , être évalués par des chercheurs sérieux mais spécialisés dans un domaine différent. Plus les domaines sont éloignés, plus l’étude a de chances de se dérouler convenablement. Cependant, aucune réforme des assemblées des Sages ne sera envisageable tant que l’appareil n’aura pas été dégraissé de cette majorité de chercheurs qui s’adonnent aux travaux scientifiques moins pour l’amour de la science que pour les avantages de carrière. Cependant, le système des Sages pourrait bien se montrer tellement mauvais qu’un remplacement pur et simple de tout le mécanisme de contrôle apparût bientôt comme la seule solution capable de sauver du naufrage la recherche biomédicale..

4. Centralisation de la politique scientifique et conflits d’intérêt commerciaux

En finançant à la demande la recherche scientifique – et notamment la recherche biomédicale –  le gouvernement fédéral a atteint une espèce de monopole dans la science. Une poignée d’agence fédérales – et notamment le NIH – règnent sur la recherche et finissent par édicter des dogmes.

Actuellement, l’industrie pharmaceutique et biotechnologique se nourrit des largesses du NIH. Il est certain qu’une partie des profits découlant du financement fédéral revient aux scientifiques sous formes de redevances sur les brevets, d’honoraires de consultations, de jetons de présence et de parts de marchés boursiers des entreprises. Ces mêmes scientifiques participent aux réunions – en tant que membres de l’association des Sages – et décident de l’opportunité de financer ou non les recherches de leurs collègues ou de les autoriser à publier.

De pareils conflits d’intérêts sont présents en permanence dans toutes les institutions scientifiques actuelles, qu’elles appartiennent aux universités, au NIH ou à la FDA3. Les chercheurs en ont fait une politique ordinaire en faisant semblant de ne pas s’en apercevoir, voire même en altérant les statuts des organismes décideurs.

Ces conflits se produisent inévitablement quand de grosses sommes d’argent sont injectées dans la recherche scientifique. Avec tout cet argent, certains trouvent le moyen astucieux d’en mettre une partie dans leur poche à des fins personnelles. La seule solution qui marche dans ce cas serait de réduire drastiquement le financement de la recherche par le NIH, ce qui reviendrait à supprimer la corruption et à restaurer l’éthique qui avait cours il y a 40 ans.

5. Conduites délictueuses et fraudes

L’excès de financement de la recherche scientifique transforme l’entreprise en un jeu à risque du type « publier ou crever4« . Comme les scientifiques n’ont plus le temps de juger de la qualité de l’interprétation des expérimentations, la compétition dégénère en « course à sacs » à celui qui trouvera le premier. Ceci a semé la fraude sur une grande échelle parmi les laboratoires, dont la seule ressource est d’altérer ou carrément de manipuler leurs résultats expérimentaux. La recherche sur le SIDA – la plus largement financée – a déclenché un nombre considérable d’enquêtes pour fraudes et malversations diverses. Le public connaît au moins celles concernant Robert Gallo et David Baltimore.

Des restrictions sérieuses des financements ne conduiraient pas seulement à ralentir le nombre des publications bâclées mais donneraient aux scientifiques le temps de penser un peu plus à la signification des résultats obtenus. L’envie de tricher devrait diminuer. De plus, la fraude n’a aucun sens dans le domaine des idées et de l’interprétation des faits, puisque tous les chercheurs sont libres d’examiner une question et d’en débattre.

6. Profil des choses à venir

Comme le budget du NIH continue de croître, le lobby scientifique s’incruste de plus en plus et la structure pléthorique de la recherche travaille à amplifier le désastre. Les politiciens, de leur côté, n’ont pas compris la leçon qui doit être tirée d’une science financée exagérément, et croient encore que le guerre au SIDA est sur la bonne voie. Le président Clinton a montré ce qu’il ne fallait pas faire en amenant le financement de la recherche anti-SIDA à un niveau de 2,5 milliards de dollars, soit bien au-dessus de celui de toute la recherche anticancer. Dans le même temps, le total du financement de la recherche atteignait les 6 milliards de dollars (pour 1994). Ce nouveau budget assurera la domination totale de la recherche HIV sur toute la recherche médicale. De plus, un tel budget a entraîné la nécessité d’un tsar du SIDA avec la nomination d’Harold Varmus, rétrovirologiste connu et proche de David Baltimore, le directeur du NIH. Samuel Broder devient chef du NCI (National Cancer Institute) ; le rétrovirologiste Anthony Fancy devient chef du NIAID (National Institute of Allergy and Infectious Desease).

Plutôt que de faire une réforme pour l’avenir, Clinton a préféré faire monter les enchères en donnant encore plus d’importance à la guerre au SIDA. A la fin, la catastrophe inévitable éclaboussera passablement la réputation de la science médicale.

7. Retour sur les catastrophes historiques

Cette énorme bureaucratie scientifique, et particulièrement le programme de recherche sur les rétrovirus, a été gagnante pendant des décennies grâce au mot d’ordre de la « guerre à quelque chose ». James Shannon réussit le premier à soutirer de l’argent au Congrès en déclarant la guerre à la polio. Richard Nixon mobilisa les chercheurs pour la guerre anticancer. David Baltimore et ses collègues déclenchèrent la guerre au SIDA. Et maintenant, aux dernières nouvelles, on vient de déclarer la guerre au cancer du sein qui est destinée à finir comme les autres dans la trappe des causes perdues d’avance. La mode du jour met le cancer du sein sur le dos de mutations génétiques, alors que de toute évidence elles sont sans lien avec la cause première de la tumeur. L’augmentation du financement de la recherche sur le cancer du sein va verrouiller sur place les erreurs scientifiques précédentes et empêcher définitivement toute découverte de sa cause réelle.

Les progrès dans la recherche seront retardés, des vies seront perdues à cause de la masse d’argent dépensée en pure perte pour cette guerre. Mais alors que l’état de guerre réelle peut mobiliser le concours public pour un certain temps, la guerre technique , quand le public se lasse, peut provoquer des retours de manivelle et l’opposition des gens dès que la défaite apparaît comme évidente. Les guerres décrétées contre le cancer et le SIDA n’ont fait que provoquer des tragédies.

8. La toute dernière des chasseurs de microbes

L’explosion du SIDA, prévue en 1992, s’est finalement produite dès janvier 1993. « Plus de 40.000 Américains, déjà séro-positifs, se réveilleront au premier de l’an affectés d’un diagnostic de SIDA » comme l’annonçait le Los Angeles Times vers la fin de l’année 1992 (LAT du 31-12-1992, p.A29). La prophétie s’est révélée vraie : pendant les 3 premiers mois de l’année 1993, le nombre des cas de SIDA nouvellement répertoriés augmenta de 204 % par rapport aux chiffres de l’année précédente aux mêmes époques !…

Bien que les officiels du SIDA et les médias aux ordres aient battu le tambour afin d’exploiter la peur du public, la pandémie en question ne résultait que des nouvelles définitions cliniques de cas de SIDA. Périodiquement, au moment où le public perd de son intérêt à attendre une explosion du SIDA qui ne vient pas, le CDC rajoute sur la liste d’autres maladies, afin de classer plus de cas comme étant des SIDA, pour gonfler les chiffres.

Le CDC avait déjà fait le coup en 1985 et en 1987. Alors qu’auparavant le CDC incluait 12 maladies dans la liste, celle-ci fut allongée par des cas de complications légères comme les tuberculoses pulmonaires, les pneumonies bactérielles récidivantes, des désordres dans les formules sanguines et même les insuffisances de globules blancs chez un sujet sain ! Afin d’augmenter le pourcentage de femmes dans les listes, le CDC rajouta également les cancers du cerveau, premier type de SIDA n’affectant que le sexe féminin.

Les conséquences de la nouvelle définition des diagnostics cliniques sont énormes : « les nouvelles charges sur les services sociaux déjà submergés, les traumatismes émotionnels chez les patients déjà infectés… l’augmentation des malades du SIDA bien-portants par ailleurs, et des ennuis sociaux de toutes sortes.

Cette altération importante des diagnostics cliniques courants conduit à des traumatismes dont on n’évalue pas encore les conséquences » (LAT, 31-12-1992, p.A29).

Mais alors que de telles angoisses peuvent ruiner des vies, quelques lascars arrivent, à cette occasion, à tirer avantage de la situation. Car c’est une autre victoire pour les activistes de la guerre au SIDA. Ils vont utiliser cet accroissement pour réclamer un supplément de financement prétendant que, finalement, la crise SIDA est plus sévère que prévu. On pourrait croire qu’ils seront satisfaits. Eh ! bien, pas du tout : « beaucoup disent qu’on ne va pas assez loin et au cours des conférences de Los Angeles les représentants de la HCF, (Health Care Foundation) et d’autres groupes déclarèrent que « les nouvelles définitions  n’étaient pas suffisantes et qu’on devait ouvrir encore la possibilité pour d’autres maladies de figurer sur les listes » (Stolberg, AIDS Tally to Increase Due to New Definition, LAT, 31-12-1992, p.A3).

Cette manipulation cynique de la peur du public est de nature à rapporter gros, mais elle entraîne également des tragédies pour les malades.

9. Un cas parmi tant d’autres

C’est l’histoire de M. et Mme S. et de leur fille, vivant en Floride et qui débute en janvier 1992.

A cette date, le mari est trouvé séropositif, suite à un test de routine dans son entreprise. La nouvelle provoque l’effondrement dans la famille. Mme S. subit le test et est trouvée séronégative. Leur enfant nouveau-né est également séronégatif.

Puis le mari va trouver le médecin qui lui ordonne de prendre de l’AZT. Dès le mois de mars le mari, qui était bien-portant en janvier, tombe malade (diarrhées, nausées, perte de poids, etc.). L’épouse note quand même que le mari a commencé à ressentir les symptômes juste après avoir pris l’AZT. Averti, le médecin traitant exige que le mari continue la cure car, dit-il, « c’est la seule solution » !. Mme S. consulte le docteur Duesbergs. Sur le conseil de ce dernier le mari cesse le traitement. Son état s’améliore rapidement. Mme S. déclare : « Nous sommes arrivés à la conclusion que toute l’hypothèse HIV-SIDA est une erreur, un sale tour tragique » (Theresa S., A Personal Experience, 8 décembre 1993).

10. Conclusion

Quand le public, à la fin, comprendra la nature de ces techniques trompeuses, l’hypothèse HIV-SIDA et ceux qui en firent état se trouveront sévèrement jugés. Les chercheurs feront de leur mieux pour contrôler la chute, en acceptant graduellement l’idée de co-facteurs et en écartant le HIV de la situation vedette qu’il occupe aujourd’hui, pour un rôle moindre dans le syndrome. Ils essayeront peut-être de prouver qu’en fait ce sont eux qui ont découvert l’importance toute relative du HIV dans le SIDA, déguisant cette honteuse marche arrière en progrès dans la recherche anti-SIDA. Cependant, le fait qu’ils maintiennent fermement leur position actuelle et la possibilité qu’ils ont de recevoir encore plus de financement qu’auparavant, semble faire craindre que l’Etablissement de la recherche anti-SIDA n’ait encore rien compris, ce qu’il apprendra peut-être quand il sera trop tard.

A ce moment-là le public rendra responsables les chercheurs en technique biomédicale et les experts de santé ; et la chasse inutile aux microbes sera jugée enfin en conséquence.


1 Extrait de La Lettre du PCC, fév. 1996 (SCBI, 47 rue Cler, 75007 Paris)

2 Ndlr. Il serait plus exact d’écrire ici : « depuis la Chute ». A la Création, microbe et virus n’étaient pas pathogènes. Tous jouaient un rôle physiologique utile, comme du reste (et heureusement !) la plupart de leurs descendants actuels. Lire à ce sujet : Les microbes sont-ils nos ennemis ? par le Dr Marc Emily

3 FDA : Food and Drugs Administration. Service public chargé d’évaluer et d’autoriser les médicaments et les aliments.

4 Publish or perish !…

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