Alliance et Chiffre 8

Par Yves Germain

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Résumé : Le chiffre 8 revient souvent dans la Bible pour évoquer l’alliance divine. La Résurrection est célébrée le « huitième jour » de la semaine hébraïque : le samedi, jour du « sabbat » est en effet le septième et dernier jour de la semaine proprement dite (« chabbat », en hébreu, est construit sur « shéba » qui est le chiffre 7, et la racine « shaba » veut dire « jurer »). L’auteur donne divers exemples de cette signification symbolique que les Pères de l’Eglise ont souvent commentée.

Pour associer à Dieu le chiffre 8, certains ont fait des calculs sur le tétragramme (Y H W H) à partir des chiffres représentés par les lettres hébraïques:

Y = 10 ; W=6 ; H=5

Donc Y H W H= 10 +5 +6 +5 = 26, et 2+6=8

Ce chiffre 8 est représenté par la lettre H et la huitième de l’alphabet ; elle est le symbole de la “clôture”. C’est notre H aspirée. C’est pourquoi saint Augustin a décomposé l’Histoire en 7 parties (La cité de Dieu), la huitième étant le temps de la Résurrection finale. De même dans l’Apocalyspe de Saint Jean, la “Bête” est le 8ème roi (Ap 17.11).

Saint Méliton écrit :Ce nombre se rapporte au jour du Seigneur (dimanche), de la Résurrection, ou bien à la résurrection future de tous les hommes à propos de laquelle il est écrit en tête du Psaume 6 : pour la fin sur l’octacorde1”. Les grandes fêtes juives duraient 7 jours et le huitième était “le grand jour”. C’est ce jour où le Christ fera ses déclarations les plus importantes.
Or le dernier jour, le plus solennel de la fête, Jésus se tenait debout et Il lançait à pleine voix : “Si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi” (Jn 7,37), et en Jean 20,26 : “Et huit jours après”, (Il apparaît à Thomas). C’est huit jours après la confession de saint Pierre qu’a lieu la Transfiguration (Luc 9,28).

Cela se faisait depuis l’Exode :

Le huitième jour tu me le donneras” (le premier-né du bétail) (Ex 22,29). “Le huitième jour vous aurez une assemblée solennelle” (Nombre 29,35).

Il est donc normal de voir le Christ ressusciter le huitième jour, c’est-à-dire le dimanche, “le grand jour”.

Aussi toutes les alliances seront-elles marquées par le chiffre 8 et également par un cercle (la bague).

Noé, “le huitième” (cf. 2 Pierre 2, 5) entra dans l’arche “dans laquelle un petit nombre, à savoir 8 personnes, furent sauvées à travers l’eau”. (1 Pierre 3,20). L’arc-en-ciel est circulaire.
L’alliance avec Abraham a pris pour signe la circoncision au 8ème jour (cf. Gn 17,12) ; l’anneau est de chair. Abraham aura 8 enfants (1 Ch 1,28-32, cf. Gn 25,2).

Moïse arrive 8ème dans la famille de Jethro, après 7 filles (Ex 2,16s). Le rouleau de la Thora, livre de l’Alliance, se présente comme circulaire.

Moïse a 80 ans quand il reçoit les Tables de la Loi (Ex 7,7). Il est considéré comme le huitième fidèle depuis Abel, après Hénoch, Noé, Abraham, Isaac, Jacob, Joseph.

Le Christ ressuscite le 8ème  jour, le crâne marqué par le signe circulaire de la couronne d’épines. La coupe de la Cène est circulaire, comme l’est notre hostie, alliance nouvelle en son Corps et en son Sang.

Comme le dit si bien Saint Irénée, le Christ “récapitule” les premières alliances (Contre les Hérésies).

Saint Ambroise écrira :

Le Huitième jour assigné pour la circoncision figurait que la  purification de toutes fautes devait s ‘accomplir au temps de la Résurrection.” (Traité sur Luc 1, p.97)

Le Christ est encore appelé “fils de David” qui était le huitième fils de Jessé (1 Sam 16, 10-1 1), “le plus jeune”. David vient après six juges et Saül.

Dans notre écriture arabe, le chiffre 8 se compose de 2 cercles, les 2 Alliances (ancienne et nouvelle). Est-ce un hasard ?

Enfin, dans le Livre de Tobie, celui-ci est figure du Christ pour les Pères, et Sara est figure de l’humanité.

C’est Tobie, le huitième, qui épousera seul Sara, après ses “7 prétendants”. Il guérira aussi son père Tobit (la synagogue).

Dans l’Apocalypse de Saint Jean, on retrouve le même schéma; la Bête qui veut conquérir l’humanité a sept têtes (Ap. 17,11). La huitième tête – l’Antichrist pour les Pères, Satan incarné – sera définitivement “anéantie” par le retour du Christ (2 Th 2,8). Après les “7 Eglises”, tantôt fidèles et tantôt infidèles, l’Epoux, le Christ, fera entrer l’Eglise, l’Epouse (la Huitième) dans l’Eternelle félicité.

On remarquera aussi que de nombreuses alliances se nouent autour d’un puits circulaire (Gn 22,31).

En résumé, comme le dit une note de la Bible de Crampon relative au chapitre 13 de l’Apocalypse :

Le nombre 8, d’après une idée commune chez les Pères, est le symbole du grand jour de la béatitude éternelle, octave glorieuse, succédant aux 7 jours du Dieu créateur et sanctificateur, pour achever la grande semaine divine” (St Augustin, sermon 259, dans l’octave de Pâques). C’est le nombre de la création restaurée et glorifiée par le Christ.

On le voit, il y a une extraordinaire unité dans l’Ecriture.

A propos du Royaume eschatologique :

Dans Le Cep n°11, Maurice Conat avait défendu avec conviction l’idée que le Christ doit revenir régner sur cette terre (même transformée). Une lectrice ayant fait remarquer que le millénarisme était “condamné” par l’Eglise catholique, nous tenons à apporter la précision suivante. Le 19 juillet 1944, le Saint- Office prenait un décret sur le millénarisme (DS 3839) dont la réponse fut confirmée par Pie XII le jour suivant.

Et voici le texte (traduction J. Hoffman, Cerf, 1996) :

Question : Que faut-il penser du système du millénarisme mitigé qui enseigne qu’avant le jugement dernier précédé ou non de la résurrection de plusieurs justes, le Christ notre Seigneur viendra visiblement sur notre terre pour y régner ?

Réponse : Le système du millénarisme mitigé ne peut pas être enseigné de façon sûre.

A contrario, on déduit de ce décret qu’un catholique peut enseigner le Règne eschatologique, et à condition de ne pas être entraîné par ses convictions au point d’exclure une autre lecture des nombreux versets de l’Ecriture qui en traitent ou y font allusion.

C’est ici le lieu de rappeler, de manière générale, que les articles du Cep demeurent, pour le fond, sous la responsabilité de leur auteur.

Le rédacteur porte à connaissance des lecteurs un texte qu’il estime intéressant, sans prétendre se substituer à leur jugement personnel : le courrier des lecteurs est là pour lancer, le cas échéant, un débat.

Au besoin seront publiés une mise au point ou un article complémentaire.


1 Jean-Pierre Laurant, Symbolisme et Ecriture, Cerf, Paris, 1988, p.112.

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