Bravo, courageux Père Jourdan !

Par Jean-Marie Mathieu

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Résumé : Au sein de la pensée « correcte » se dessine désormais un « islamiquement correct »: toute vérité n’est pas bonne à dire concernant ce monde que le P. Jourdan connaît bien : tant par les thèses qu’il a soutenues en théologie et en histoire des religions, pour avoir vécu dans divers pays à majorité musulmane, par son enseignement à l’Institut pontifical d’études arabes et islamiques, à Rome, puis à Paris, que pour avoir été durant de nombreuses années délégué par l’Eglise catholique pour les relations avec l’Islam. Dans l’ouvrage qu’il vient de publier, le P. Jourdan clarifie nombre de notions confuses qui faussent aujourd’hui le regard des chrétiens sur l’Islam.
C’est que nous projetons à tort sur cette autre croyance notre propre attitude religieuse, au lieu de prendre l’islam pour ce qu’elle est réellement dans son fondateur, ses livres, sa notion de Dieu, son histoire et ses pratiques.
En détaillant bien les différences avec cet « autre » qu’il respecte assez pour ne pas les lui taire, le P. Jourdan nous montre aussi l’inutilité d’un dialogue à sens unique. Est-ce à dire qu’une coexistence pacifique est possible, comme le pense le P. Jourdan ? Sur ce point, c’est l’Histoire qui parlera !

Récemment, André Vingt-Trois, le cardinal-archevêque de Paris  président de la Conférence des évêques de France, a  prédit des jours difficiles. « S’il y a des catholiques qui estiment qu’ils ne peuvent pas vivre sans être aimés de tout le monde, et acceptés de tout le monde et soutenus de tout le monde, je leur prédis des jours difficiles », a-t-il déclaré lors d’un entretien avec Philippine de Saint Pierre1. Il venait juste de préciser que l’Église n’a aucune envie d’agresser qui que ce soit, mais demande « quand même le droit de pouvoir dire des choses qui ne sont pas la pensée correcte

On sait que ce chapitre du ‘correct’ est très extensible : il y a le politiquement correct, le scientifiquement correct, l‘artistiquement correct, le religieusement correct, etc. On pourrait y ajouter l‘islamiquement correct.

Pour ne pas tomber dans ce dernier travers, voici enfin un livre à mettre entre les mains de tous ceux qui s’intéressent au dialogue entre le christianisme et l’islam : Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans ; des repères pour comprendre2 [2]. L’auteur, le P. François Jourdan, eudiste, a passé sa thèse de doctorat  en théologie sur La Tradition des Sept Dormants: une rencontre entre chrétiens et musulmans3, puis sa thèse de doctorat en histoire des religions et en anthropologie religieuse  sur  La mort du Messie en croix dans les églises araméennes et sa relation à l’islam, des origines jusqu’à l’arrivée des Mongols en 1258,  sous la direction du P. Youakim Moubarac et du Pr Michel Meslin, thèse non publiée, hélas !  Il fut membre de l’équipe permanente du Secrétariat national de l’Église catholique pour les relations avec l’islam  de 1991 à 1997, puis  délégué du diocèse de Paris toujours pour les relations avec l’islam ; il a enseigné la mystique islamique à l’Institut pontifical d’études arabes et islamiques (PISAI) de Rome de 1994 à 1998, puis à l’Institut catholique de Paris ainsi qu’à l’École cathédrale de 1998 à 2007. Il a vécu dans des pays majoritairement musulmans : Maroc, Tunisie, Égypte,  Jordanie, Syrie, Turquie ; il est actuellement missionnaire aux Philippines. Il était donc bien placé pour nous donner ces repères précis et précieux en vue de faciliter la « compréhension mutuelle » demandée par le concile Vatican II en Nostra ætate, paragraphe 3.

Compréhension mutuelle entre chrétiens et musulmans qui ne va pas de soi, on peut s’en rendre compte en lisant la première partie du livre, pages 27 à 88, dans laquelle l’auteur mène une ‘Enquête sur une situation bien confuse’. Les ‘perplexités’ du chrétien d’aujourd’hui face à l’islam, en effet,  sont nombreuses.

En voici quelques unes : Faut-il parler seulement de ce qui nous rapproche ? Avons-nous le même Dieu ? Le « Jésus » du Coran, le livre saint de l’Islam, est-il le même que le Jésus des Évangiles ? L’islam est-il une religion révélée ? Peut-on parler du christianisme et de l’islam comme étant  deux religions du Livre ? Muhammad est-il un prophète ? Le soufisme est-il vraiment le cœur de l’islam ? L’Andalousie fut-elle réellement un modèle de tolérance lorsqu’elle était dans l’orbite de la civilisation arabo-islamique ? N’y a-t-il aucun problème entre l’Islam et la laïcité ? Etc.

Dans sa Préface, Rémi Brague, professeur de philosophie médiévale à la Sorbonne, souligne bien l’importance des réponses apportées à ces questions pour en finir avec le faux ‘dialogue’, afin de laisser la voie à un véritable échange dans la connaissance mutuelle des points de vue. Il illustre son propos en reprenant la question du ‘prophétisme’ de Muhammad. « Si un chrétien, écrit-il, reconnaît  à Mahomet la qualité de prophète, de deux choses l’une. Ou bien il donne à ce terme une signification dont aucun musulman ne saurait se contenter. Ou bien il prend le mot au sens fort d’‘envoyé ‘. Auquel cas le musulman aura le droit, voire le devoir de lui demander pourquoi – s’il dit admettre la vérité de la mission de Mahomet – il ne se soumet pas à la loi qu’il a apportée et s’accroche à la loi de Jésus, que Dieu a abrogée et remplacée par celle, définitive, de Mahomet…Dans les deux cas, le musulman aura l’impression, justifiée, qu’on se moque de lui en se payant de mots. » (p.19)

Le P. François Jourdan ne se paie pas de mots et nous donne l’exemple du courage intellectuel – et Dieu sait s’il en faut à notre époque pour aborder des sujets aussi sensibles – en analysant de près les ‘postulats’ essentiels de l’islam et du christianisme dans leur cohérence propre. C’est tout le thème de la deuxième partie de son livre, pages 89 à 137, analysant les ‘Cohérences fondamentales‘.

Pour bien entendre ce que l’autre veut nous dire et pour bien exprimer ce que l’on veut lui annoncer, il faut avant tout reconnaître sa différence. Pour vraiment dialoguer, il faut dialoguer en vérité.

Réalisons bien que c’est la doctrine qui définit l’identité et la vision du monde de chaque croyant, d’où l’importance de bien savoir de quoi l’on parle quand on évoque les conceptions coranique et biblique de la révélation: que sont vraiment le prophétisme, l’inspiration, l’Alliance, le salut divin, etc. ?

Prenons, par exemple, la dernière question abordée de front  pages 135-137 : « l’islam, une religion révélée ? » Certains penseurs chrétiens – dont des évêques – le croient, l’affirment et l’écrivent ; leurs ‘expressions très répandues et d’une ambiguïté insoutenable’ sont citées en Annexes du livre (pp.190-198) sans commentaire aucun, attestant des intentions iréniques de l’auteur. Mais ce dernier  est très clair : « L’islam, aux yeux d’un chrétien, n’est ni une religion traditionnelle ni une religion révélée (même s’il se pense tel) ; en vérité, il est entre les deux. »

Cette affirmation venant d’un religieux catholique, à la fois islamologue et théologien compétent, ne doit pas être prise pour un désir de polémiquer, mais doit être regardée comme une volonté de parler en vérité, pour éviter, comme l’écrit Rémi Brague, « les formules imprécises ou carrément ambiguës, noyées dans un flot de déclarations sincères mais vides, donnant l’illusion d’avoir vaguement dialogué. » Quand le cardinal Barbarin, aux côtés du nouveau grand rabbin de France Gilles Bernheim et face au rabbin Josy Eisenberg, déclare sur France 2, le dimanche 29 juin 2008, que « l’islam n’est pas une religion révélée », il ne veut pas blesser méchamment ses amis musulmans de la capitale des Gaules et de la région lyonnaise, il dévoile seulement en vérité le fond de sa pensée. Bah ! se rassurera-t-on, le Cardinal  n’a rien à craindre puisque, comme aiment à le rappeler de nombreux intellectuels musulmans, citant le verset 256 de la sourate 2 : « Pas de contrainte en religion », l’islam serait  la religion de la tolérance, du respect des consciences. Mais  le P. Jourdan fait litière de cette prétention en nous apprenant, si nous ne le savions pas encore, que ce fameux verset, contraire à plus d’une centaine d’autres  arrivés après lui dans la prédication de Mahomet, « fut abrogé ensuite par la sourate de Barâ’a (9, 29) où fut donné l’ordre de combattre les gens du Livre », c’est-à-dire les juifs et les chrétiens.

Donnons ce verset 29 de la ‘guerrière’ – seule des 114 sourates à ne pas commencer par la formule « Au nom de Dieu : celui qui fait miséricorde, le Miséricordieux  »  –    dans la traduction de Denise Masson :

«  Combattez :

ceux  qui ne croient pas en Dieu et au Jour dernier ;

ceux qui ne déclarent pas illicite ce que Dieu et son Prophète ont déclaré illicite ;

ceux qui, parmi les gens du Livre, ne pratiquent pas la vraie Religion.

Combattez-les jusqu’à ce qu’ils payent directement le tribut après s’être humiliés ! 4»

Le P. Jourdan n’est pas dupe qui cite cette phrase-clef d’Abdelwahab Meddeb dans Le Point  du 17 août 2006 : « Chez les musulmans, le sens commun [sic] légitime les actions islamistes en raison d’un anti-occidentalisme quasi universel. » (p. 71 note 4) Et tout un chacun sait bien qu’il suffit d’une poignée d’illuminés, d’endoctrinés, de fanatisés pour entraîner la masse apeurée…Il y a près de vingt ans, Mgr Adolphe-Marie Hardy, dans le Bulletin de l’Église de Beauvais du 16 décembre 1989, avertissait déjà ses diocésains qu’une minorité de musulmans fanatiques se lève contre l’Occident.

L’auteur consacre la troisième et dernière partie de son ouvrage, pages 141 à 182, à des ‘Compléments‘ du plus haut intérêt!  Il y donne un ‘aperçu des grands courants religieux’ de l’histoire mondiale et pose trois questions: Jésus, ‘Îsâ: est-ce le même? Saint Paul serait-il le fondateur du christianisme? Le dialogue est-il possible (entre chrétiens et musulmans) ?

Arrêtons-nous un peu sur la première question, sujet – ô combien! –  délicat, mais qu’il est nécessaire d’aborder pour que le dialogue islamo-chrétien se déroule en toute franchise : il s’agit de s’interroger sur « Îsâ », c’est-à-dire sur le nom de « Jésus » dans le Coran. Le P. François Jourdan, page 176, cite le dominicain Jacques Jomier, coranologue renommé et spécialiste de l’islam égyptien :

«… Les noms sont les mêmes [dans la Bible et le Coran], mais les portraits foncièrement différents des deux côtés. »

Le P. Jomier fait, cependant, ici, une petite erreur puisque, question  ‘nom’ de personne justement, il y a un cas – et un seul ! – où un nom  coranique arabe n’est pas du tout le même que le nom biblique (hébreu, araméen ou grec) supposé lui correspondre ; et il s’agit précisément du nom de Jésus. En effet, « Jésus », soit « Yeshou’a » en hébreu et en araméen bibliques, et « Iésous » en grec  testamentaire,  est rendu par l’énigmatique « ‘Îsâ » dans le livre fondateur de l’Islam. Aucun linguiste à ce jour n’a pu expliquer rationnellement l’origine, l’étymologie mystérieuse de ce nom coranique qui semble ‘tombé du ciel’… Après avoir écartée l’hypothèse d’une inversion partielle du nom hébreu de Jésus, le P. Jourdan opte pour celle qui discerne en « ‘Îsâ » le nom d’Ésaü, ce fils de Jacob qui, aux yeux des rabbins, symbolise Rome: l’Empire romain et les chrétiens. « On peut comprendre que le nom symbolique que les juifs utilisaient5 pour parler des Églises chrétiennes et des chrétiens d’alors ait été commode; peut-être Muhammad aurait-il paru trop proche des chrétiens s’il avait repris le nom arabe chrétien Yasû’ , évité précisément par les juifs (…) Cela ne change rien à la vision islamique spécifique du personnage de ‘Îsâ, mais oblige à reconnaître que le Coran a changé le nom du Jésus chrétien, ce qui accentue la distance entre les visions islamiques et chrétiennes. On ne peut se le cacher », conclut l’auteur page 151.

Arrivé là de ma recension du Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans, je dois cependant relever que l’ouvrage n’est pas sans faiblesses ; les désigner carrément entre aussi dans le jeu exigeant de la vérité qui permet de  prendre conscience de nos imperfections afin de les rectifier, de les corriger au besoin.

C’est ainsi que l’auteur écrit, page 44, au sujet du péché originel: il « n’est pas originel au sens historique puisque l’histoire d’Adam et Ève est une parabole sur l’état permanent de l’homme ! »

On aurait souhaité que fût cité à cet endroit le paragraphe 390 du Catéchisme de l’Église catholique publié chez Mame-Plon en 1992, qui dit ceci : « Le récit de la chute (Gn 3) utilise un langage imagé, mais il affirme un événement primordial, un fait qui a eu lieu au commencement de l’histoire de l’homme. La Révélation nous donne la certitude de foi que toute l’histoire humaine est marquée par la faute originelle librement commise par nos premiers parents6

Pages 81-82, le P. Jourdan écrit: « En réalité, [dans l’Islam] la distinction du temporel et du spirituel est variable selon les époques mais le mélange demeure. Muhammad, le fondateur historique, ’le bel exemple’ (sourate 33, verset 21), n’a-t-il pas été tout  la fois chef religieux, politique et militaire ? » Sur ce sujet complexe de la laïcité, entendue comme la séparation du politique et du religieux, on aurait préféré une mise au point plus franche, puisque l’Église catholique comprend la ‘saine et légitime laïcité de l’État’ non pas comme une ‘séparation’, mais bien comme une ‘distinction’ (sans confusion) entre le temporel et le spirituel. Non pas séparer pour diviser, mais distinguer pour unir, le temporel lui-même étant subordonné au spirituel. Alors que le pape Benoît XVI, au début de son voyage  en France, en septembre dernier,  parla  de ‘distinction’ des pouvoirs, un Frédéric Lenoir n’avait que le mot ‘séparation’ à la bouche, citant à la rescousse la splendide réponse de Jésus : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ! » (Mc 12, 17)  Mais César lui-même n’a-t-il pas été créé à l’image de Dieu, n’est-il pas dans la Main de Dieu, ne retournera-t-il pas un jour à Dieu en devant rembourser alors ‘jusqu’au dernier sou’ ? Pour s’en convaincre, il n’est que de relire ce que Jésus répliqua à Ponce Pilate (né à Lugdunum!) préfet de la Province romaine de Judée, donc le représentant, à cette époque, du César romain : « Tu n’as sur moi aucun pouvoir  à part celui que Dieu t’a accordé d’en Haut. » (Jn 19, 11)

Le philosophe Michel Henry (1922-2002) avait bien vu la force incroyable, extraordinaire, imparable d’une telle réplique. Toute vie vient du Père des lumières.

Page 90, on peut lire : « Quand un chrétien déclare croire en la Trinité par devoir, mais sans conviction, sous prétexte que Dieu nous dépasse (!), il ne se rend pas compte qu’il affirme sa foi en la Trinité dès qu’il récite le Notre Père. » On aurait voulu que fût précisé à cette occasion que lorsque les juifs s’adressent au Tout-Puissant en disant « Tu as eu pitié de nous, notre Père, notre Roi ! »  – deuxième prière avant le Shema ‘Ahavah rabah’ –  ils ne croient pas pour autant en la Trinité ; en fait, avant  toute prière,  dès qu’un chrétien trace sur lui, avec sa main droite, le simple, l’humble ‘signe de croix’ – ô le majestueux, l’émouvant signe de croix tracé par la Belle Dame à Lourdes devant la pauvrette Bernadette, il y a 150 ans ! – en répétant la formule consacrée « Au Nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ! », il manifeste d’emblée sa foi trinitaire… mais en a-t-on assez conscience ?

Page 163, l’auteur rappelle l’Évangile : « Ailleurs, Jésus a eu ce mot scandaleux : ‘Avant qu’Abraham fût, Je Suis !’ » (Jn 8, 58)  On aurait aimé que fussent cités aussi les trois autres « Je Suis » (Jn 8,  24 et 28, et Jn 13, 19). Le pape Jean-Paul II, lors de l’audience du 26 août 1987, insista sur l’importance de ces quatre « Je Suis » en référence à l’Exode (Ex 3, 14). Jésus est  bien celui auquel revient le Nom divin. En 1992, j’ai essayé de commenter ces quatre expressions  employées absolument – et il n’y a que ces quatre en toute la Nouvelle Alliance – en lien avec les  lettres du Tétragramme Y H W H7.

Venons-en maintenant à un point que je considère comme décisif, car constituant à mon avis le cœur même du livre Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans. Il s’agit d’une expression que l’auteur qualifie de ‘formule générale’ et qu’il emploie à cinq reprises : une fois en rapport avec Dieu, une autre fois avec Abraham  et trois fois avec Jésus. Pour une meilleure compréhension, je signale ces cinq occurrences ; les voici :

Page 33, l’auteur constate : « C’est le même Dieu, ET ce n’est pas le même Dieu », au sujet du Dieu des musulmans comparé au Dieu des chrétiens ; repérons bien le ‘ET’ transcrit en lettres majuscules tel qu’il est imprimé dans l’ouvrage.

Page 43, il note : « C’est lui, ET ce n’est pas lui ! », en parlant de l’Abraham coranique comparé au Patriarche biblique.

Pages 39, 47 et 142, on peut lire: « C’est lui ET ce n’est pas lui ! », au sujet de  « Jésus » dans le Coran  vis-à-vis de Jésus de Nazareth.

En oubliant le principe de non-contradiction, qui stipule que pour  toute proposition P on ne peut pas avoir P et non P en même temps, le père François Jourdan embrouille le sujet sans y prendre garde. Peut-être a-t-il été influencé inconsciemment ici par la « théologie catholique du et » qui permet d’énoncer :  Dieu Un et Trine, Tradition et Écritures, Marie Vierge et Mère, Jésus vrai Dieu et vrai homme, Justice et Miséricorde, etc. Il aurait mieux valu employer la formule générale suivante qui a le mérite d’être claire : « Apparemment, c’est le même (Dieu, Abraham, Jésus), MAIS, en réalité, ce n’est pas le même ! » En faisant porter l’accent sur le ‘MAIS’ – et non plus sur un ‘ET’ mal venu –  on voit tout de suite clairement l’incidence d’une telle expression.

L’auteur nous a d’ailleurs guidé, de son propre chef, vers pareille solution, puisqu’il  écrivait page 31, note 1: « Dieu est l’Unique mais pas le même ! » dans la foi musulmane et dans la foi chrétienne. Ajoutant page 132 : « des emprunts islamisés, (qui) ont l’apparence de leurs origines [c’est-à-dire la Bible juive et chrétienne], mais (qui) ne correspondent plus au sens qu’ils avaient dans le judaïsme ou le christianisme. » Et, enfin, constatant page 134 : « Nous avons vu combien, malgré les apparences extérieures, il [l’Abraham biblique] ne correspondait pas à l’Ibrâhim coranique. » [il aurait  plutôt fallu écrire que c’est Ibrâhim qui ne correspondait pas à Abraham, mais passons…]

Faisons un petit retour en arrière, à la page 133 que j’ai gardée pour la bonne bouche, car il  s’y trouve cet excellent paragraphe qu’il convient de lire en entier :

« Ainsi, dans le Coran, Jésus a bien le titre de ‘messie’…mais ce titre est vide ; Marie est bien vierge et mère…mais on ne sait plus pourquoi ; il y a bien une alliance au Sinaï…mais il n’y a plus de peuple élu ; il y a bien Abraham…mais il est devenu fondateur à La Mecque ; il y a bien Isaac…mais tout dépend désormais d’Ismaël ; il y a bien des pactes… mais il n’y a plus l’Alliance biblique. Il y a toujours un ‘mais’. Le petit carré de mosaïque est bien là …mais il a changé de sens: c’est bien lui…mais ce n’est pas lui 8!  L’apparence est trompeuse (les meilleurs s’y laissent prendre !). Il faut le reconnaître et en tenir compte, sous peine d’entretenir des confusions et incompréhensions en chaîne interdisant tout dialogue inter-religieux sérieux, au-delà du partage du thé à la menthe ou même d’une vraie solidarité humaine. »

Ce véritable morceau d’anthologie serait à apprendre par cœur !

C’est en lisant et en faisant lire Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans, que l’on pourra le plus efficacement ‘remercier’ le courageux P. Jourdan, qui croit  en la coexistence pacifique entre croyants et religions, à condition que soit réalisée une approche ouverte et décomplexée de ce qui les unit, mais aussi et surtout de ce qui les sépare.

Pour nous, catholiques, il est raisonnable de penser que la ‘civilisation de l’amour’, annoncée par les derniers papes, succédera à la guerre des peuples musulmans, guerre qui verra la destruction physique de tous les lieux saints de la religion du Croissant. C’est Arnaud Dumouch, laïc professeur en théologie catholique, qui nous apprend, en effet, que cette destruction finale de l’Islam, par les armes des nations liguées contre lui, fait explicitement partie de la foi eschatologique des musulmans eux-mêmes, aussi étonnant que cela puisse paraître9.

Vous avez dit islamiquement incorrect ?


1 Cf. le site ktotv.com, le 12 avril 2009.

2 Préface de Rémi Brague, Paris, l’Œuvre, 2007 (NB. Le manuscrit de ce livre fut refusé par plusieurs éditeurs chrétiens…).

3 Thèse publiée chez Maisonneuve et Larose, (1983) 2001.

4 Cf. Le Coran, t. I, Paris, Gallimard, (1967) 1980, p. 228.

5 Et qu’ils utilisent toujours d’ailleurs, il suffit d’aller sur le site du rav Ron Chaya, par ex., pour s’en rendre compte : Leava.fr

6 Cf. le discours de Paul VI  du 11 juillet 1966. Notons que le livre du P. Jourdan a obtenu l’imprimatur  « (seulement pour la doctrine catholique) » comme il est précisé en page 4.

7 Cf. Le Nom de gloire ; essai sur la Qabale, Méolans-Revel, DésIris, 1992, pp. 26-28 et  252 note 30.

8 C’est moi qui souligne en gras cette phrase dans laquelle, bien sûr, j’aurais préféré voir écrit « apparemment » à la place de « bien« , on l’aura compris.

9 A. Dumouch vient de publier deux livres en Avignon, aux Ed. Docteur angélique : sur La fin du monde (2007) et sur Le mystère de l’islam ; prophéties de la Bible et du Coran (2008). On se reportera également à son site : eschatologie.free.fr

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