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Par:P. Leonardo Castellani
P. Leonardo Castellani[1]
Le Credo de l’incroyant
Je crois au néant, producteur de tout,
d’où sortirent le ciel et la terre,
et en l’Homo sapiens, unique roi et seigneur,
qui fut conçu par l’évolution de la guenon et du singe,
est né de la sainte matière,
a lutté sous les ténèbres du Moyen Age,
est passé entre les feux de l’inquisition,
est tombé dans la misère,
a inventé la science,
est parvenu à l’ère de la démocratie et de l’intelligence
et, depuis lors,
s’est mis à instaurer dans le monde le Paradis terrestre.
Je crois au libre penseur,
à la Civilisation de la machine,
à la fraternité humaine,
à l’inexistence du péché,
au progrès inévitable
et à la vie confortable.
Amen
[1] Note du Dr François Plantey. J’ai découvert la vie et l’œuvre du Père Leonardo Castellani par un de ces hasards qui n’en sont pas. Dans un Airbus d’Iberia qui me ramenait à Buenos Aires, je tombai, dans ABC, quotidien royaliste espagnol, sur un éditorial de Juan Manuel de Prada. Je compris immédiatement que le Père Castellani, qu’il qualifiait de Chesterton argentin, avait dû être un homme exceptionnel. Je cherchai alors ses traces dans Buenos Aires. La Providence me fit rencontrer un couple qui l’avait assisté durant les dernières années de sa vie. Aide inestimable car une présentation brève du Père et de son œuvre est fort difficile. Il naquit à Reconquista, dans la province de Santa Fe, le 16 novembre 1899. Après des études chez les Pères jésuites de Santa Fe, il entra le 27 juillet 1918 au noviciat de la Compagnie, à Cordoba. En 1920, il part poursuivre ses études en Europe. Elles seront exceptionnelles. Diplômé de l’Université Grégorienne de Rome, il passe trois années à la Sorbonne, y suivant les cours de philosophie d’Emile Bréhier. A l’Hôpital Saint-Antoine, il étudie le domaine des maladies mentales dans le service du Dr Dumas. Il fut élève du P. Marcel Jousse sj, (dont il introduisit les œuvres en Argentine) à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes et à l’Ecole d’Anthropologie ; élève également de Georges Wallon. Après son diplôme d’études supérieures de philosophie, il séjourna en Allemagne et en Autriche pour approfondir encore ce domaine avant de revenir en Argentine à la fin de l’année 1935. A Rome, il obtint le titre le plus élevé conféré par l’Eglise. Son « diploma bullado » (portant le même sceau de plomb que les bulles pontificales) atteste que Sa Sainteté Pie IX et le Général des jésuites, le P. Wladimir Ledochowski, ont conféré en 1931 au P. Castellani le titre de « Doctor sacro universalis cum licentia ubique docendi » qui autorise le titulaire à enseigner dans toutes les universités catholiques du monde, avec le droit de publier sans censure préalable.
Il fut théologien (considéré comme un saint Thomas argentin), philosophe, poète, romancier, conteur, auteur de romans policiers évoquant irrésistiblement Chesterton ! Le genre policier, avec la résolution d’énigmes reposant sur une œuvre de l’intelligence, sur une opération intellectuelle, par ses possibilités d’exploration psychologique, de critique sociale et de réflexion religieuse, exerça sur le P. Castellani le même attrait que sur Chesterton.
En politique, le fil directeur de sa pensée fut l’antilibéralisme. Il jugea le libéralisme comme une étape dans le processus de destruction de la chrétienté, commencé à la Réforme, se poursuivant avec les Lumières et la Révolution Française pour aboutir au communisme. On lui décerna le titre de Docteur honoris causa de l’Université de Buenos Aires et il reçut le prix « Consagracion Nacional » en 1975.
Il passa les dernières années de sa vie comme “ermite urbain”, sa prédication attirant les fidèles de toute l’Argentine, et mourut le 15 mars 1981 à Buenos Aires. .