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Par Ray John
REGARD SUR LA CRÉATION
« Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu quand on Le considère dans ses ouvrages. »
(Rm 1, 20)
De la merveilleuse perfection des Œuvres de la Création1
Résumé : John Ray (1627-1705) fut l’un des premiers naturalistes à n’être pas médecin ; observant les végétaux pour eux-mêmes plus que pour leurs propriétés pharmacologiques, il en fonda la classification en Europe. Admis à la Royal Society en 1667, on lui doit, avant Linné, une distinction précise entre genres et espèces. Il note, dans son Historia Plantarum, que les caractères accidentellement acquis ne sont pas transmis à la descendance, ce qui assure la stabilité des espèces. On trouvera ici quelques pages du célèbre ouvrage, publié en anglais en 1691, qui constitue comme son testament scientifique et connut 23 éditions sur un siècle et demi.
L’admiration que provoque en lui l’observation de la Nature est sans doute pour beaucoup dans l’enthousiasme avec lequel il put conduire son œuvre gigantesque. Autant les productions humaines restent imparfaites, surtout quand on les observe au microscope (qui entrait alors en service), autant les productions de la Nature, avec l’agencement si complexe des divers organes du corps, nous apportent l’évidence d’une création par un Agent infiniment sage et puissant. Trois siècles ont passé, mais ces lignes demeurent toujours aussi exactes et vivantes qu’elles le furent sous la plume de Ray.
Comme le principal fondement de la Religion est la croyance et la crainte de Dieu, et qu’on ne saurait l’aimer ni le servir sans le connaître, et sans être pleinement persuadé de son Existence, il est absolument nécessaire de bien établir ce premier principe. On ne saurait en donner des preuves plus démonstratives que par les arguments tirés des lumières de la Nature, et des Œuvres de la Création.
Car la théologie, comme toutes les autres sciences, ne prouve pas, mais suppose son objet, ne doutant point que les hommes ne soient pleinement persuadés de l’existence de Dieu par les lumières naturelles. Il y a néanmoins des démonstrations surnaturelles de cette importante vérité, lesquelles ne sont pas communiquées à toutes les personnes ni à tous les temps, et dont les athées ne conviennent pas par conséquent. Telles sont les illuminations intérieures de l’Esprit ; le don de prophétie ; celui de prédire les choses à venir ; les miracles et choses pareilles. Mais les preuves les plus propres à convaincre les incrédules sont celles qu’on tire des effets, et des opérations exposées aux yeux de tout le monde, qu’on ne saurait désavouer, et dont on ne peut douter. Ces preuves-là ont un autre avantage, qui est, qu’outre qu’elles sont convaincantes à l’égard des plus grands et des plus habiles adversaires de l’existence de Dieu, elles sont aussi intelligibles à ceux, dont les lumières sont les plus bornées. Pour preuve de cela, on entend dire tous les jours qu’il n’est pas nécessaire de prouver cette existence, puisque le plus petit brin d’herbe, ou le moindre épi de blé en font foi ; que tous les hommes du monde ne sauraient produire une chose pareille, et par conséquent qu’il faut que ce soit l’ouvrage d’un Dieu.2 On aurait beau leur dire que ce sont des productions du hasard, ils s’en moqueraient, aussi bien que les habiles philosophes, et traiteraient un raisonnement de cette nature de folie et d’extravagance.
Les particularités, ou les choses contenues dans ce discours, servent également à prouver l’existence de Dieu, et à découvrir quelques-uns de Ses principaux attributs, comme Sa sagesse et Sa puissance. En pourrait-on donner des marques plus évidentes que la grande multitude des créatures, qui sont sur la terre, et la grandeur immense des corps célestes, le soleil, la lune, et les étoiles ?
Les cieux racontent la gloire du Dieu fort et l’étendue donne à connaître l’ouvrage de ses mains. (Ps 19, 1) Rien n’est plus admirable que la manière dont elles sont formées et comment toutes les parties des animaux sont appropriées aux différents usages auxquels ils sont destinés ; et le soin que la Providence a pris de pourvoir à leur subsistance, dont l’Écriture fait si souvent mention. Les yeux de tous les animaux s’attendent à Toi, et Tu leur donnes leur pâture en leur temps. Tu ouvres ta main, et Tu rassasies à souhait toute créature vivante. (Ps 145, 15-16) Regardez les oiseaux du ciel : car ils ne sèment, ni ne moissonnent, ni n’assemblent dans des greniers, et cependant votre Père Céleste les nourrit. (Mt 6. 26) Il donne la pâture au bétail, et aux petits du corbeau qui crient vers Lui. (Ps 147, 9)
Ces preuves de la sagesse de Dieu servent en dernier lieu à nous donner de l’admiration, à nous humilier, et à nous remplir de reconnaissance envers Dieu. Quand je regarde les Cieux, l’ouvrage de Tes doigts, la lune et les étoiles que Tu as arrangées , je dis : qu’est-ce que de l’homme, que Tu te souviennes de lui ; et du fils de l’homme que Tu le visites ? (Ps 8, 4-5)
Le Psalmiste considère souvent de cette manière les œuvres de Dieu, et en fait le dénombrement. J’ai cru ne pouvoir suivre un meilleur exemple.
(…) Il faut au reste avertir le lecteur, que j’entends par les œuvres de la création, que j’ai mises en tête de ce traité, les œuvres que Dieu créa au commencement, et qu’il a conservées jusqu’à présent, dans l’état où elles ont été formées, car les philosophes aussi bien que les théologiens entendent par conservation une Création continuée3. (Préface)
Les observations qu’on a faites dans ces derniers temps à l’aide des Microscopes, découvrent une grande différence entre les productions de la Nature et celles qui sont purement artificielles.
Les choses naturelles vues de cette manière, paraissent d’une forme exquise, ornées de toute la justesse et de toute la beauté concevable. On trouve un lissé inimitable dans les plus petites semences des Plantes, et sur toutes les parties des animaux, dans la tête et dans les yeux d’une petite mouche : une exactitude, un ordre et une symétrie, inconcevable sans le voir, dans la forme des plus petites créatures, soit d’un pou, soit du plus petit vermisseau. Au lieu que les productions les plus parfaites de l’art, examinées de cette manière, paraissent très grossières : par exemple une aiguille la plus pointue et la mieux polie parait semblable à une barre de fer émoussée sortant du fourneau ou de la forge. Les gravures les plus délicates et les reliefs relevés en bosse, les plus curieux, paraissent aussi estropiés, aussi grossiers, et aussi difformes, que si l’on y eut travaillé avec un hoyau et une truelle, tant il y a de différence entre l’excellence de la nature et l’imperfection de l’art. Il faut même ajouter que plus il y a de lumière, de perfection, et de justesse dans les microscopes dont on se sert pour examiner les productions de la Nature, plus on y découvre de beauté et d’exactitude, au lieu que plus on regarde celles de l’art, plus on y trouve d’imperfection et de difformité. (pp. 55-56)
L’Art et la Providence merveilleuse de l’Auteur de la Nature paraissent encore dans la multitude des intentions qu’Il a eues dans la formation des parties4 différentes dont nos corps sont composés, ou des qualités requises pour les approprier aux différents usages, auxquels ils sont destinés. Galien observe dans son traité De formatione Fœtus, qu’il y a plus de 600 différents muscles dans le corps humain, dans chacun desquels il se trouve au moins dix intentions différentes, ou constructions nécessaires à observer ; à savoir la figure, la juste grandeur, la véritable disposition des bouts différents, haut et bas ; la situation du tout ; l’insertion des propres nerfs, des veines, et des artères, chacun desquels doit être dûment placé : en sorte, qu’il n’y a pas moins de 6 000 fins ou intentions, auxquelles il faut faire attention, par rapport aux muscles seulement.
On compte aussi, qu’il y a 284 os, dont chacun a plus de 40 usages ou fins distinctes les unes des autres, ce qui peut se monter à 100 000. Il en est à peu près de même à proportion de toutes les autres parties, comme la peau, les ligaments, les vaisseaux, les glandules, et les humeurs : mais encore plus particulièrement à l’égard des différents membres du corps, lesquels par rapport à la grande variété, et la multitude des diverses intentions requises pour eux, surpassent de beaucoup les parties homogènes. Et le moindre défaut, qui s’y pourrait trouver, causerait de l’irrégularité dans le corps, et en plusieurs, des irrégularités évidentes. Je conclus de là, qu’il faut être absolument dépourvu de sens, pour s’imaginer, qu’une machine de cette nature, composée de tant de parties, pour la véritable forme, l’ordre, et le mouvement de laquelle il faut un nombre infini d’intentions, puisse n’être pas un ouvrage d’un Agent tout puissant et tout sage. (pp. 280-281)
(..) En huitième lieu, je parlerai de la main, organe par excellence (organon organôn), cet instrument admirable, nous sert à tant d’usages, qu’il nous serait difficile d’en faire le calcul. On ne saurait en considérer la forme et la structure sans l’admirer. Elle est premièrement divisée en quatre doigts qui se courbent en avant et un autre qui leur est opposé, lequel se courbe de même, et qui a plus de force qu’aucun des autres ; je veux dire le pouce, qui peut se joindre à chacun des doigts séparément, ou à tous les quatre ensemble. De sorte que cette main peut se saisir des corps, grands ou petits, d’un ou de plusieurs à la fois. On peut ramasser la moindre chose en se servant du pouce et d’un doigt, quand ce ne serait qu’un grain de semence ; des autres avec le pouce et deux doigts, aussi bien que pour le maniement d’une aiguille, et d’une plume : et enfin, lorsqu’on veut empoigner plusieurs choses, on se sert du pouce et de tous les doigts.
On peut aussi se servir d’un seul doigt pour montrer les objets, ou pour tirer quelque chose d’un trou, et d’un vaisseau long et étroit : et de chacun séparément, ou de tous en même temps, pour toucher les cordes d’un instrument ou chose pareille.
Les doigts sont fortifiés par plusieurs os, qui forment des jointures pour le mouvement, accompagnés de plusieurs muscles et tendons, comme d’autant de poulies pour les courber circulairement en avant, ce qui est très commode pour empoigner et tenir bien une chose. Tout le monde en connaît si bien l’utilité, soit pour tirer ou pour lever, soit pour tenir ferme toutes sortes d’instruments, ou pour travailler à l’agriculture ou à tous les arts mécaniques, qu’il serait inutile d’en faire le détail. De plus, chaque doigt a plusieurs muscles pour étendre et ouvrir la main, et pour les faire mouvoir à droite et à gauche : de sorte que cette division et ce mouvement des doigts n’empêche pas qu’on ne se serve de toute la main pour aplanir, unir, ou plier des habits, de même qu’à quelques usages mécaniques, comme si elle était plate et étendue ; pour frapper, pétrir et choses pareilles, comme si elle était raccourcie. Peut-on rien voir aussi de plus merveilleux, que les tendons, qui servent à faire plier la jointure du milieu des doigts, qui sont percés pour donner passage aux tendons musclés qui tirent les jointure supérieures, et qui sont tous serrés contre les os et attachés par des filets, de crainte qu’ils ne s’élancent, et n’empêchent les mouvements de la main par leur raideur ?
Les bouts des doigts sont armés d’ongles, comme les bouts des cannes et des fourches le sont de cercles de fer. Ces ongles servent d’ornement, aussi bien que de défenses, et ont plusieurs autres usages. La peau qui couvre le bout des doigts est délicate et d’un sentiment5 exquis, pour nous aider à juger des choses que nous manions. Au reste, si je voulais m’attacher à marquer en détail tous les usages de la main, le temps me manquerait plutôt que la matière. Elle nous sert aussi à faire toutes sortes d’ouvrages, à bâtir une maison où nous habitons, à labourer la terre, à semer les blés, à cultiver les vignes, les jardins et les vergers ; à retenir les grains et les fruits ; à préparer les viandes, à filer, à travailler au métier, à peindre, à ciseler, à graver ; et enfin à écrire, cet art divinement inventé pour transmettre nos pensée à la postérité, à s’entretenir avec les morts, et à participer à leurs observations et à leurs inventions.
Ce membre sert pareillement à tous les arts : on ne saurait rien corriger, ni faire aucune expérience sans son assistance. Cela étant on est inexcusable, comme l’observe judicieusement Aristote, de se plaindre que la Nature ait moins favorisé l’homme que les autres créatures, auxquelles elle a donné plusieurs choses pour les garantir des injures des saisons ; aux unes du poil, à d’autres des coquilles, de la laine, des plumes, ou des écailles ; au lieu que l’homme seul vient au Monde nu et sans aucune couverture : qu’elle ait donné aux autres créatures des armes naturelles pour se défendre et pour offenser leur ennemis ; aux unes des cormes, aux autres des sabots, des dents, des serres, des griffes, des éperons ou des becs ; au lieu que l’homme seul est privé de tous ces avantages, et vient au monde faible et désarmé. Mais une main, conduite par la raison supplée avantageusement à tous ces défauts-là, et nous sert de dents, de serres, etc. en nous aidant à manier toutes sortes d’armes, soit épées, lances, soit armes à feu, etc.
L’homme a encore un grand avantage sur les animaux, qu’ils ne sauraient changer leur couverture quand il leur plaît, ni quitter leurs armes, ou en prendre d’autres dans les occasions : ils ont toujours les mêmes vêtements sur le corps, en hiver et en été, le jour et la nuit, et se reposent chargés de leurs armes : au lieu que l’homme change d’habit selon les saisons : il s’habille chaudement en hiver, et légèrement en été ; il peut se couvrir la nuit et se découvrir le jour, plus ou moins, selon que les occupations ou les exercices le requièrent.
Il peut aussi se servir d’armes différentes dans les occasions, selon qu’elles lui sont les plus propres ou les plus commodes. Il sait dompter et gouverner par là toutes les autres créatures, et qui plus est, il se sert pour son propre avantage des facultés dans lesquelles elles excellent, à savoir, de la force du bœuf ; de la vigueur et de la vitesse du cheval ; de la prudence et de la vigilance du chien ; etc.
Enfin, sans ce membre admirable, nous aurions vécu comme les bêtes, sans maisons à l’abri des bois et des rochers ; sans vêtements, sans blés, sans vins, sans huile, ne buvant que de l’eau ; sans jouir de la chaleur agréable du feu, et des autres avantage que nous en tirons, soit pour rôtir, pour bouillir ou pour la pâtisserie, etc. Il aurait fallu se nourrir comme les bêtes sauvages, de noix, de glands, et des autres productions naturelles de la Terre. Nous aurions été exposés à toutes sortes d’injures, et aurions eu de la peine à nous défendre contre les plus faibles créatures.
Je ne ferai que parcourir les autres paries du corps qui restent à examiner. Peut-on assez admirer l’épine du dos, divisée en autant de vertèbres, pour en faciliter le mouvement ? Car si ce n’eût été qu’un seul os, il aurait été souvent exposé à se casser par la longueur : qu’elle soit pyramidale, et que les vertèbres d’en bas soient larges et aillent en diminuant par degrés en montant, pour donner plus de force et de fermeté au tronc du corps. Que toutes ces vertèbres soient si bien et si artificiellement jointes ensemble qu’elles ont autant de force que si ce n’était qu’un seul os : qu’elles soient tous percées au milieu, par un grand trou qui sert de passage à la moelle de l’épine ; et qu’elles aient chacune en particulier un autre trou de chaque côté, pour la communication des nerfs avec les muscles du corps, et pour y conduire le sentiment et le mouvement : qu’en vertu de l’étroite liaison des vertèbre dont on vient de parler, cette épine soit formée de manière, à ne pouvoir admettre une grande courbure parce qu’elle ne saurait pas s’éloigner beaucoup d’une ligne droite, et encore moins d’une angulaire, de sorte que ce ne peut être tout au plus, qu’une courbure circulaire modérée. Car sans cela, la moelle de l’épine aurait pu être trop comprimée, et par conséquent la communication et le passage des esprits auraient été bouchés de part et d’autre.
J’ajouterai ici une observation par rapport au mouvement des os, et à leurs articulations ou jointures : c’est le soin que la Providence a pris d’en faciliter le mouvement, par deux liqueurs préparées pour en faire l’onction et en humecter les têtes et les bouts. La 1ère est huileuse et procède de la moelle.
La 2de visqueuse et gluante, et vient de certaines glandules posées dans ces articulations. Le mélange est admirable pour cela. Car outre que ces ingrédients sont naturellement onctueux, la composition qui s’en fait les améliore encore mutuellement. Celle qui est visqueuse ajoute à l’onction de l’huile, et l’huile empêche l’autre de se tourner en gelée et d’avoir trop de consistance. Cette onction est d’une grande utilité, et surtout à tous égards. (pp. 327-332)
Que le foie sépare continuellement la bile d’avec le sang, et la fasse passer dans les intestins, où elle est nécessaire pour exciter à aller à la selle, aussi bien que pour exténuer le chyle, et le rendre assez subtil et assez fluide, pour le faire passer dans les orifices des veines lactées ?
Que les rognons aient un si grand nombre de petits siphons ou de tubes, pour conduire les parties urineuses dans les bassins et dans les uretères, découverts en premier lieu par Bellini et mieux observés ensuite par Malpighi ? Que toutes les glandes du corps soient de véritables assemblages de petits vaisseaux frisés, qui tournent et sont joints ensemble, et qui donnent au sang le temps de s’arrêter et de réparer les humeurs par les pores des vaisseaux capillaires, en d’autres propres à cela, et qui vont tous se décharger ensuite dans un conduit commun, ainsi qu’on peut le voir dans les ouvrages du Docteur Wharton , de Graaf, Bartholin, Rudback, Bilsius, Malpighi, Nuck et autres ? Que les glandes séparent une si grande variété d’humeurs toutes différentes par rapport à la couleur, au goût, à l’odeur, et à plusieurs autres qualités ?
Enfin, que tous les os, et tous les muscles, aussi bien que tous les vaisseaux du corps soient formés d’une manière si merveilleuse, et tellement appropriée à leurs différents mouvements et usages, et même si géométriquement, selon les meilleurs règles du mécanisme, qu’on ne saurait rien changer dans tout le corps, soit figure ou situation, ni même la jonction d’une seule partie, ni en diminuer la masse ou la grandeur, ou y faire le moindre changement sans tout gâter. Peut-on, dis-je, faire réflexion à tout cela, sans surprise et sans étonnement ?
Il semble même qu’il y ait plus de géométrie dans les seuls muscles, que dans toutes les machines artificielles du monde. C’est pourquoi il faut être habile mathématicien pour juger des différents mouvements des animaux. Sténo, le docteur Croon, et Alphonse Borelli ont fait quelques essais sur ce sujet.
La sagesse infinie et la puissance de Dieu ne paraissent-elles pas aussi évidemment, en ce que l’on trouve sous une même peau, une infinité de parties différentes, si diversement entremêlées, les dures et les molles, les fluides et les fixes, les solides et les creuses, celles qui ont du mouvement avec celles qui n’en ont point ; les unes avec des cavités semblables aux mortaises pour recevoir, les autres avec des tenons pour remplir ces cavités ? Et toutes ces parties sont tellement serrées, qu’il ne se trouve pas la moindre cavité inutile dans tout le corps ; et cependant si éloignées de s’entrenuire, ou d’empêcher leurs mouvements respectifs, qu’elles contribuent et concourent toutes à une même fin, et au but général du Créateur qui est le bien et la conservation du tout. Cela bien considéré, il faudrait avoir perdu l’esprit, pour s’imaginer que ce pût être une production du hasard, et que cela ne fut pas dirigé par un Agent très sage et très intelligent ? (pp. 340-342)
1 Repris de L’Existence et la Sagesse de Dieu manifestées dans les Œuvres de la Création, par le Sieur Ray, Membre de la Société Royale, traduit de l’Anglais, Utrecht, Jacques Broedelet, 1723.
2 Ndlr. Si cet argument, considéré comme décisif par Ray, a perdu aujourd’hui de son efficacité, c’est pour deux raisons peut-être liées entre elles : l’instruction donnée, principalement livresque, ne pousse plus à méditer sur les choses qui s’offrent à nos sens ; l’évolutionnisme, en faisant du temps une cause, dispense de réfléchir sur l’origine des êtres. Il en résulte que la preuve classique de l’existence de Dieu par l’ordre dans l’univers, n’est plus comprise.
3 Ndlr. Considération importante car, aujourd’hui, certains voudraient lire dans la notion de creatio continua une justification de l’évolutionnisme, comme si l’action créatrice de Dieu s’était poursuivie au cours du temps.
4 On dirait aujourd’hui « organes ».
5 Sensibilité.