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Par Dr Louis Murat
REGARD SUR LA CRÉATION
« Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu quand on Le considère dans ses ouvrages. » (Rm 1, 20)
Les organes liés à la génération[1]
Résumé : Si le fonctionnement « ordinaire » des organes dénote déjà une admirable intelligence conceptrice, l’ensemble des dispositions nécessaires à la transmission de la vie la manifestent bien plus encore. Ainsi le mâle se reproduit dans une femelle ; la production de lait survient à son heure chez la mère, mais le petit tète d’instinct, alors qu’il ne pouvait s’y préparer durant la vie utérine. Les principaux organes sont fonctionnels dès la naissance, selon le synchronisme général de leur formation. Il y a aussi des organes ou des sécrétions transitoires : le colostrum, qui précède la montée laiteuse, a des fonctions laxatives : il nettoie l’intestin afin qu’il puisse recevoir l’aliment lacté ; le bec du poussin est muni d’une pointe dure dont il a besoin pour briser sa coquille, et qu’il perd aussitôt, etc. Comment ne pas admirer tous ces dispositifs enchaînés selon une infinie Prévoyance ?
Dr Louis Murat[2]
En ce qui concerne les organes destinés à la reproduction de l’espèce, disons seulement ici qu’une étude anatomique et physiologique même élémentaire manifeste l’existence d’un plan préconçu, d’adaptations visiblement préétablies chez des individus séparés, avec précision, jusque dans de nombreux détails[3], et semble bien en mesure de dissiper tout doute sur l’existence d’une Intelligence créatrice. Il y a ici appropriation manifeste sans causalité.
Des dispositions multiples sont constatées en vue des unions, y compris des inclinations intellectuelles allant morbidement pour certains jusqu’aux suicides ou crimes passionnels, et qui ne peuvent être, dans leur principe raisonnable et sage, que le fait d’une Puissance extérieure à l’individu et intéressée à la perpétuation de l’espèce. On voit ainsi dans chaque être un concours prévu et préparé aux desseins généraux de la nature.
« Un petit quadrupède vient au monde. Il a fallu que la nature lui fournisse ses deux parents. Nous considérions tout à l’heure avec étonnement dans l’œuf les molécules dociles se rendant exactement l’une après l’autre pour former tantôt un os, tantôt un bec, tantôt un muscle, tantôt un nerf ou un viscère, et finalement un poulet…
Cette fois il y a bien davantage. Il a fallu que les molécules fissent un choix, se décidassent à constituer les unes un mâle avec ses organes si délicats ; les autres une femelle non moins compliquée; et tous les deux ainsi faits que, dans les moindres détails, l’un répond à l’autre, suppose et complète l’autre. Cependant ces molécules qui travaillent ainsi symétriquement n’avaient aucun soupçon les unes des autres. »[4]
Il y a pour l’espèce humaine, nous dit Laulanié, 66.000 spermatozoïdes vivants et mobiles par millimètre cube, ce qui fait au total 300 millions au moins, chez chaque individu, pour 5 centimètres cubes ou 7 grammes. Dérivés par segmentation de cellules épithéliales spéciales des tubes séminifères, ces organites présentent une tête renflée formée par une masse de chromatine revêtue d’une couche de protoplasma, un segment intermédiaire et une queue formée d’un segment principal, d’un segment axial et d’un segment terminal. Leur longueur totale est d’un vingtième de millimètre. La tête est constituée par une petite masse compacte, car elle est destinée à porter sous le plus petit volume possible la chromatine paternelle à l’ovule maternel. Le segment intermédiaire est fort complexe (Duval).
Il se montre formé d’un filament central et d’un filament spiral enroulé autour du premier. L’appendice caudal qui assure la progression est formé en réalité d’une douzaine de cils vibratiles étroitement soudés ensemble.
Dans chacun de ces organites existent en puissance les divers caractères d’hérédité, depuis la ligne du nez et la couleur de l’iris, et tous les traits distinctifs familiaux, jusqu’aux particularités constitutionnelles : aptitudes physiques, intellectuelles et même en partie morale, tempérament, hérédité pathologique, etc. Leur marche atteint 3 millimètres par minute, vitesse relativement considérable. Lorsqu’ils gagnent l’ovaire, qui est lointain, la cause de la progression n’est pas un «chimiotactisme », une attraction chimique pour l’ovule, car elle se produit même si ce dernier a été enlevé. L’orientation de leurs mouvements est parfaite et ils remontent les courants. Ils vont contre le mucus et les cils vibratiles. La force de leurs mouvements est remarquable.
Lorsqu’un de ces organites « rencontre sur son passage un morceau de cristal dix fois plus gros que lui, ou un amas de cellules épithéliales, on le voit le heurter avec violence, le déplacer, et lui imprimer un violent mouvement de rotation, en le rejetant au loin ».[5] Dans certaines espèces animales, leur tête a la forme d’une crête spiroïde : « C’est alors un appareil destiné à faciliter leur pénétration dans l’ovule… Ceux qui ont une tête en tire-bouchon progressent par une rotation semblable à celle d’une hélice» (Duval). Sappey a constaté la présence de 500.000 à 1.150.000 ovules sur les deux ovaires d’une seule personne. Dans une communication à l’Académie des Sciences, il disait : « Si tous ces ovules pouvaient parcourir toutes les phases de leur développement, une seule femme suffirait pour peupler trois villes comme Lyon, Marseille et Bordeaux. »
En ce qui concerne la connaissance anticipée de la naissance, soit de garçons, soit de filles, M. Auvard écrit: « Notre ignorance à ce sujet est complète et, comme le dit Mauriceau, «on ne peut en avoir aucune connaissance certaine, Dieu ayant exprès caché cette préconnaissance à l’homme, afin qu’il n’en abusât pas au préjudice de la propagation de l’espèce, parce que, la plupart désirant des garçons, il y aurait manque de filles. » Certains mystères sont indispensables à la conservation de l’espèce humaine. »[6]
À propos de la délivrance maternelle, le même auteur nous dit : « En résumé, dans toutes les théories qui précèdent… nous trouvons des influences qui peuvent nous expliquer l’apparition du travail, mais aucune d’elles ne nous démontre clairement pourquoi ce travail se produit régulièrement à la fin du neuvième mois. De telle sorte que nous ne sommes guère plus avancés qu’au temps d’Avicenne qui se contentait, comme cause déterminante, de l’intervention divine : Au temps voulu, écrit-il, la naissance a lieu par la grâce de Dieu. »[7]
Chez les animaux vivant en liberté, la conception est périodique : « La périodicité est réglée de manière à préparer les naissances au moment de l’année le plus favorable à l’alimentation des mères et à la santé des petits. Elle a lieu, par exemple, pendant l’hiver, chez les carnivores, les ours exceptés, au commencement de l’hiver chez les rongeurs, à l’automne chez les pachydermes et les ruminants. »[8] Ajoutons, relativement aux fonctions de reproduction, que la composition du lait s’adapte à l’intestin du nouveau-né, apparaissant seulement à la naissance même de l’enfant – un ou deux jours après, quand l’enfant est en état de prendre quelque aliment, et précédé jusque-là d’un liquide presque aqueux, le colostrum –, que la présence seule des mamelles chez la mère est d’une finalité indéniable, évidente. De même, le nid utérin préparé à l’enfant indique une nature qui prévoit[9].
Le colostrum, dont nous venons de parler et que tète l’enfant jusqu’à la montée du lait chez la mère, est un laxatif ayant pour fonction de balayer les sécrétions intestinales, biliaires, etc., dites méconium, qui obstruent l’intestin. « L’enfant venant au monde est si tendre et si frêle qu’il ne pourrait manquer de périr ; on y a pourvu comme à tout le reste ; la Providence a fait pour lui le chef-d’œuvre de son amour : une mère avec un sein pour le nourrir et un cœur pour l’aimer. Et l’enfant qui ne la connaît pas, qui ne se connaît pas encore lui-même, a l’instinct de faire tous les mouvements nécessaires pour téter le lait maternel. »[10] Chez les animaux ovipares, les instincts de nidification et d’incubation des œufs n’ont pas une signification moins nettement finaliste. Chez l’oiseau, les divisions de l’artère mammaire et de l’artère épigastrique donnent naissance à un riche réseau de capillaires spéciaux « formant le réseau admirable. Ce réseau tapisse toute la région abdominale et permet à l’oiseau de couver ses œufs en entretenant la chaleur par une circulation active. » [11]
La reproduction du type masculin chez la plupart des êtres est d’autant plus remarquable qu’elle se fait par l’intermédiaire d’un organisme maternel différent.
Comment le hasard a-t-il placé le fils de l’homme dans un autre être que l’homme? Ce phénomène serait-il explicable en dehors de l’intervention d’une force intelligente ?
Comme l’a écrit Darwin à propos du règne animal, « n’est-il pas étonnant de voir l’ovule microscopique d’une bonne vache laitière devenir un mâle dont une cellule réunie ensuite à un autre ovule produira une femelle qui, arrivée à l’état adulte, aura des glandes mammaires développées, propres à fournir en abondance du lait et même un lait de qualité particulière. »[12]
« À propos de la phylogenèse, nous dit aussi M. Yves Delage, quels problèmes grandioses ! Comment les éléments sexuels microscopiques contiennent-ils les innombrables caractères qui se manifestent fatalement chez l’adulte issu de leur réunion ? La chose a priori semble impossible et cependant l’observation banale nous la montre se passant tous les jours sous nos yeux. » [13]
Enfin constatons, comme un exemple des plus saisissants de finalité, et comme une manifestation non douteuse d’un plan préconçu et de précautions arrêtées, la présence d’un poumon prêt à fonctionner et adapté à des conditions futures chez l’enfant qui est encore dans le sein de sa mère et à qui l’organe est à cette période tout à fait inutile. Quelle explication satisfaisante, purement physico-chimique, pourrait-on donner de tous ces faits : évidente appropriation des sexes l’un à l’autre, nombre sensiblement égal d’individus de chaque sexe, formation embryonnaire de l’être qui se trouve adapté par avance aux conditions du milieu extérieur, ses yeux aux vibrations lumineuses, ses oreilles aux ondes sonores, ses poumons à l’air, etc.? « Au dehors brille la lumière; au dedans, malgré les ténèbres, s’élaborent ces instruments d’optique qu’on appelle les yeux – au dehors, les bruits, les sons; au dedans se forment ces instruments d’acoustique qu’on nomme les oreilles; – au dehors il y a des végétaux, des animaux qui pourront servir de nourriture; au dedans se fabriquent des tubes, des cornues, des appareils compliqués qui serviront à la digestion, à l’assimilation; – au dehors, des milieux très divers, la terre, l’eau, l’air; au dedans se construisent des organes de locomotion adaptés au milieu dans lequel vivra l’animal. »[14]
Citons encore un fait du même ordre particulièrement concluant au point de vue de la finalité intentionnelle et spécial aux animaux ovipares.
Les poussins, les petits de l’autruche, etc., sont pourvus d’un bec corné, formant à la naissance une saillie blanche, dure, coupante comme un éclat de porcelaine, appelée le diamant. Cette écaille solide est la seule partie dure de leur corps, la petite arme donnée à tous pour se frayer un passage à travers les coquilles les plus résistantes. La prévoyance divine la leur a donnée exprès pour cette fin, car cette pointe ne tarde pas à tomber quelques jours après la sortie du petit.
[1] Repris des Merveilles du corps humain, Paris, Pierre Téqui, 1912, pp. 545-554.
[2] Auteur, en collaboration avec son frère le Dr Paul Murat, de publications scientifiques récompensées par l’Académie de Médecine et l’Académie des Sciences. A collaboré avec Albert de Lapparent, fondateur de la chaire de géologie à l’Institut catholique.
[3] Voir en particulier LAULANIÉ (directeur de l’École vétérinaire de Toulouse), Éléments de physiologie, 2° édit. 1905, p. 1013.
[4] Chanoine J.L. de la PAQUERIE, Éléments d’apologétique, t. Ier, p. 249, Bloud, 1908.
[5] Mathias DUVAL, Précis d’histologie, in-8°, Masson, 1898, p. 189.
[6] AUVARD, Traité pratique d’obstétrique, 4ème édition, 1898, p. 20
[7] Auvard, loc. cit., p. 284.
[8] LAULANIÉ, op. cit.
[9] Ndlr. Le naturaliste John RAY, en 1691, faisait une remarque semblable à propos de la synchronisation des rythmes saisonniers entre le règne animal et le règne végétal et voyait la « surintendance d’une Providence supérieure » dans :« la commodité et l’avantage de la saison, dans laquelle les animaux produisent leurs petits, la plus propre à leur fournir la nourriture et tout ce qui leur est nécessaire. Nous voyons ainsi que, suivant le cours ordinaire de la Nature, les agneaux, les chevreaux et plusieurs autres créatures naissent au printemps, lorsque l’herbe tendre et les autres plantes nécessaires pour leur pâture abondent. Il en est de même des vers à soie… dont les œufs produisent par l’ordre de la nature au temps que les mûriers commencent à bourgeonner, et à pousser les feuilles qui servent de nourriture à ces insectes précieux : les aliments sont tendres pendant que les vers le sont, et requièrent plus de force et de substance, à mesure que ces insectes avancent en vigueur, et grossissent » (L’Existence et la Sagesse de Dieu manifestée dans les Œuvres de la Création,1691, trad. fr. Utrecht, J. Bradelet, 1723, pp. 139-140)
[10] LA PAQUERIE, op. cit.
[11] CAUSTIER, Histoire naturelle, Vuibert et Nony, 9ème édit., p. 98.
[12] DARWIN, Variation des espèces, t. II, p. 2.
[13] Y. DELAGE, L’Hérédité et les grands problèmes de la biologie générale, 1895, Préf. p. IX.
[14] D. L. de SAINT-ELLIER, L’Ordre du monde physique et sa cause première, in-18, Bonne Presse, 1895.