SAMEDI 18 JANVIER 2025

Salon Gonzague De Reynold

L'APOSTASIE, SOURCE DE TOUS NOS MAUX ?

L’épreuve du Feu céleste

 Jean-Marie Mathieu

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L’épreuve du Feu céleste[1]

Présentation : Le visage “révélé” (c’est le mot juste) par le négatif photographique du Linceul de Turin, en 1898, est beaucoup plus qu’une simple image. Selon le mot du poète Claudel : « Plus qu’une image, c’est une présence ». Nous est ainsi rendu présent – peut-être parce qu’une loi supérieure le nécessitait pour notre époque – ce même corps du Crucifié qui est chassé des croix de nos églises et de nos carrefours. La négation de la crucifixion, on la trouvait déjà chez des gnostiques comme Basilide et dans le Coran (s. 4, v. 157) : car c’est aussi le moyen de nier la Résurrection. L’une va avec l’autre. Le Linceul les établit toutes deux avec le même degré de certitude, et c’est pourquoi les preuves scientifiques d’authenticité qui s’accumulent sans cesse, loin de profaner cette icône-relique, en renforcent le double témoignage rendu par le sang versé (du Fils) et par l’inexplicable feu sublimateur (de l’Esprit), aux flammes duquel le corps s’est dématérialisé.

 « Il y a le creuset pour l’argent, le fourneau pour l’or, mais Y H W H  éprouve les cœurs ! »  (Pr 17, 3)

Un artiste ne peut pas ne pas être remué jusqu’au plus profond de l’âme en contemplant le Visage aux yeux fermés empreint sur le Linceul de Turin et apparu en pleine clarté en 1898 grâce au procédé photographique. Visage respirant tout à la fois majesté et humilité, noblesse et paix, force et miséricorde confondantes.

« Plus qu’une image, c’est une présence ! Plus qu’une présence, c’est une photographie, quelque chose d’imprimé et d’inaltérable. Et plus qu’une photographie, c’est un négatif, c’est-à-dire une activité cachée (un peu comme la Sainte Écriture elle-même, prendrai-je la liberté de suggérer) et capable sous l’objectif de réaliser en positif une évidence ! (…) Nous sommes en possession de la photographie du Christ. Comme cela ! C’est Lui ! C’est Son visage ! (…) Quel visage ! On comprend ces bourreaux qui ne pouvaient le supporter et qui, pour en venir à bout, essayent encore aujourd’hui, comme ils peuvent, de le cacher. »

Le poète Paul Claudel écrivit de Brangues-par-Morestel, en date du 16 août 1935, cette lettre adressée à Gérard Cordonnier qui venait de publier un opuscule sur le saint Suaire[2]:

Cette pièce de lin mortuaire dérange au point de susciter indéfiniment l’objection : elle ne serait pas celle qui a entouré le corps de Jésus de Nazareth, « Roi des Judéens » mort crucifié à Jérusalem vers l’an 30 de notre ère. À l’évêque de Troyes, Pierre d’Arcis, prétendant qu’il s’agissait d’une vulgaire peinture, le pape Clément VII d’Avignon, en 1390, intima le silence sous peine d’excommunication. On sait que le chanoine Ulysse Chevalier (1841-1923), célèbre et redoutable opposant à l’authenticité et qui était une des  »gloires » du diocèse de Valence-sur-Rhône, s’est disqualifié par ses fraudes – attitude indigne de la part d’un homme de Dieu – fraudes démasquées et mises au jour tout récemment par le Pr Emmanuel Poulle[3].

                                    Sic transit gloria mundi…

Les adversaires acharnés de l’authenticité du Linceul de Turin crurent tenir l’arme absolue, en 1988, avec les analyses réalisées grâce au test du carbone 14. Mais deux scientifiques français, le Dr Jean-Maurice Clercq et Dominique Tassot, ingénieur des Mines, alertèrent aussitôt l’opinion publique en pointant les failles de ce système d’analyse dont ils étaient informés par les travaux du Dr Marie-Claire van Oosterwyck[4].

Et voici que récemment était révélé l’inimaginable : la Providence a guidé la main de ceux qui prélevèrent les échantillons sur le Linceul en 1978, puisqu’il s’est avéré que ces quelques centimètres carrés de lin (du 1er siècle de notre ère, le Linceul étant authentique) contenaient également des fils de coton rajoutés au XVIème siècle, réduisant ainsi à néant, et faisant même, si l’on y réfléchit bien, sombrer dans le ridicule les différents âges annoncés à grand renfort de trompe médiatique.

Il en restera à jamais un dégoûtant goût de cendres dans la bouche de tous ceux et celles qui ne jurèrent que par « 1260-1390 ! »[5] et qui viennent de subir l’épreuve du feu.

Dispersit superbos mente cordis sui,

   Deposuit potentes de sede,

    et exaltavit humiles[6].

Désormais, aux yeux de nombreux scientifiques des différentes disciplines, l’authenticité du Linceul de Turin ne pose plus aucun problème. Le Symposium tenu à Rome en 1993 attend  toujours ses téméraires et hypothétiques contradicteurs[7].

Les artistes, grâce à leur sixième sens,  »voient » ce que les autres ne remarquent pas ; les scientifiques, grâce à leurs instruments, aboutissent à des conclusions étayées. Et les hommes d’Église, demandera-t-on, puisque le saint Suaire appartient au Saint-Siège ? Les voici, de nouveau et plus que jamais, à l’épreuve du Linceul. Comme l’explique l’épistémologue et mathématicien Arnaud Upinsky, le Linceul fut reconnu authentique dès 1473 par le pape Sixte IV ; puis il y eut la bulle de Jules II en 1506, établissant la fête du saint Suaire[8].

Mais depuis 1988 les hommes d’Église, sur la défensive, ne parlent plus que d’ « icône » et non de « relique », à l’image du cardinal Saldarini en 1998.

L’année 2010 marquera probablement un tournant. En mai, en effet, le pape Benoît XVI s’est rendu à Turin et nous a donné une magnifique méditation devant le Linceul. Il dit sur la plaie du cœur : « cette tache de sang et d’eau est une source qui murmure dans le silence ». Pour lui, le Linceul «  est une icône écrite avec du Sang ». Une icône, nos frères orientaux le savent bien, est  »écrite », malgré qu’il s’agisse en réalité de peinture. Corrigeant légèrement les propos du Successeur de Pierre, on pourrait dire que le Linceul est « une icône écrite avec le Sang du Fils fait chair et avec le Feu du Saint-Esprit ». C’est donc une icône « non faite de main d’homme », la Tradition avait raison[9].

Le Linceul est aussi, comme aime à le rappeler Arnaud Upinsky, « le signe de Jonas » dont nos contemporains devraient méditer le message. Les deux pans de cette toile de lin tissée en chevrons, en forme d’ « arêtes de poisson », ont bien, telles deux mâchoires formidables, comme avalé, tête la première, le corps du Messager de la Bonne Nouvelle déposé dans le tombeau neuf de Joseph d’Arimathie[10]. Mais il y avait ici « plus que Jonas », et le corps glorieux du Ressuscité passa à travers le linge au matin de Pâques, y laissant son message d’outre-shéol, vrai diplôme, acte solennel du Seigneur Y H Sh W H authentifié par son Sceau, signé de son Sang, invincible comme la Vérité. Le Vivant a vaincu la mort !

Cette pièce à conviction, qui a échappé miraculeusement à deux incendies mémorables (à Chambéry en 1532 et à Turin en 1997) et qui figurait sur la liste des cibles à détruire d‘al-Qaïda, si elle était enfin reconnue « authentique » par le Pape, serait d’un grand secours pour l’évangélisation des croyants israélites et musulmans.

Les juifs ne nient pas la mort en croix de Jésus de Nazareth, ils peuvent même lire dans leur Talmud de Jérusalem, traité Sanhédrin 43 a : « La Tradition rapporte : la veille de la Pâque, on a pendu ישו Yéshou(…). C’était un séducteur. » Le Linceul de Turin prouve que le corps de Jésus s’est en quelque sorte dématérialisé au matin de Pâques, avec dégagement de chaleur, ce qui explique à la fois l’empreinte et l’image tridimensionnelle unique au monde, infalsifiable, la plus chargée de sens de tous les temps et de loin la mieux étudiée.

Les musulmans, de leur côté, peuvent lire en Coran sourate 4, v. 157 : [Ils disent] «nous avons vraiment tué le Messie, ﻋﯿﺳﯼ Îsa, fils de Marie, le messager d’Allah… Or, ils ne l’ont ni tué ni crucifié, mais ce n’était qu’un faux semblant. » [11]

Le célèbre historien musulman Tabari (839-923) commente: « Les Juifs traînèrent ‛Îsaà un endroit où ils avaient préparé une croix pour le crucifier, et un grand nombre de Juifs se rassemblèrent autour de lui. Ils avaient un chef nommé Yéshû‛a, qui était également parmi eux. » Ce fut ce Yéshû‛aqui aurait donc été crucifié en lieu et place du Messie ‛Îsa « fils de Marie. »[12]

Les invraisemblables romans écrits pour conter que Jésus n’a pas été crucifié, ou n’est pas mort en croix, commencent avec le gnostique Basilide (IIè siècle), persuadé que Simon de Cyrène a pris la place du Christ. Métamorphosé d’un coup de baguette magique, le porte-croix aurait revêtu les traits de Jésus. Les motifs sont, bien sûr, théologiques : Dieu fait homme n’a pu mourir sur une croix comme un esclave.

Il faut donc qu’il y eût substitution au dernier moment. Certains gnostiques, confondant Jude, l’un des « frères » de Jésus, avec l’apôtre Thomas, dit autrement Didyme (le « jumeau »), ont supposé que « Jude Thomas », jumeau et sosie du Messie, aurait été mis en croix à sa place. Le Coran est dans cette même veine, car « il a puisé dans les apocryphes chrétiens de Syrie », comme l’a expliqué récemment un historien français[13].

Le Linceul de Turin prouve sans contestation possible que le corps qui y fut déposé mourut bien sur une croix, les plaies l’attestent. Et comment douter que ce corps fut réellement celui de Jésus de Nazareth « premier-né d’entre les morts » ! Saint Jean l’évangéliste a témoigné pour tous les âges : « Alors entra à son tour l’autre disciple, arrivé le premier au tombeau. Il vit et il crut. En effet, ils n’avaient pas encore compris que, d’après l’Écriture, il devait ressusciter des morts[14]. »

         Saint Paul, cet Hébreu fils d’Hébreux, versé dans tous les savoirs rabbiniques de son époque, converti sur la route de Damas et devenu ardent missionnaire de l’Évangile, nous permet d’entr’apercevoir les vertigineux mystères divins. Il écrit en effet aux chrétiens de Colosses, à propos du Christ: «  Il est l’icône du

Dieu invisible, Premier-né de toute créature (…) Il est le Principe,

Premier-né d’entre les morts. » Quant à l‘Épître aux Hébreux, elle nous annonce avec solennité que ce Fils qui soutient l’univers par sa parole puissante est, de Dieu le Père, « rayonnement de sa gloire, empreinte de sa substance » [15]. Se dessine ainsi une remarquable analogie trinitaire avec le Linceul de Turin :

   : Père des cieux, à la gloire et à la substance invisibles ;

W : Fils incarné, adorable icône du Dieu invisible, rayonnement  de sa gloire, empreinte de sa  substance.

HH : Saint Linceul, véritable icône écrite avec le Sang du Fils et avec le Feu du Saint-Esprit, inestimable relique de lin fin sur laquelle le rayonnement (dû à la désintégration des noyaux de deutérium ?) du corps glorieux de Jésus a encrypté l’empreinte, en reflet, en vis-à-vis, de la Personne hypostase du Verbe fait chair ressuscité dans l’Esprit.

La Sainte Face (positif)

La Sainte Face[16]

La Sainte Face ( négatif)

Pour couronner l’ensemble, la langue hébraïque nous offre cette perle enfouie dans le champ paternel : le mot hébreu חור  hour,  qui sert à désigner le lin blanc, est l’exact vis-à-vis du mot  רוח  rouah = Esprit[17].    

Dans sa lettre citée plus haut, Claudel continuait : « Ce que nous apporte cette apparition formidable, c’est encore moins une vision de majesté écrasante que le sentiment en nous, par-dessous le péché, de notre indignité complète et radicale, la conscience exterminatrice de notre néant. Il y a dans ces yeux fermés, dans cette figure définitive et comme empreinte d’éternité, quelque chose de destructeur. Comme un coup d’épée en plein cœur qui apporte la mort, elle apporte la conscience. Quelque chose de si horrible et de si beau qu’il n’y a moyen de lui échapper que par l’adoration. »

Ces yeux fermés, d’une gravité mystérieuse, d’une éprouvante douleur, d’une indicible douceur et pureté, nous invitent à lire ces lignes inscrites au Livre de la Sagesse : « Tu as pitié de nous, parce que Tu peux tout ; Tu fermes les yeux sur les péchés des hommes, pour qu’ils se repentent. Oui, Tu aimes tous les êtres et n’as de dégoût pour rien de ce que Tu as fait[18]. »  Merci


[1] N.B.Cet article (revu & augmenté) est en ligne sur le site Contrelittérature depuis le 6 janvier 2011.

[2] [1] CORDONNIER, Gérard, Le Christ dans sa Passion révélée par le saint Suaire de Turin, Paris, 1934.

[3] Cf. art. »Le Linceul de Turin, victime d’Ulysse Chevalier », in Le Cep n° 43, 2008. Peut être lu en ligne sur le site : le-cep.org.

[4] CLERCQ, Jean-Maurice Dr & TASSOT, Dominique, Le carbone 14 face au Linceul de Turin, Paris, Éd.de l’OEIL, 1988.

[5] Deux nombres inoubliables pour n’importe quel kabbaliste : 26 et 39 entourés de 1 et 0. 26 : le nombre du tétragramme YHWH ; 39 : le nombre de Moïse.

[6] Lc 1, 51-52.

[7]Actes du Symposium scientifique international,  »L’identification scientifique de l’homme du Linceul : Jésus de Nazareth », Rome, 1993, édités par le CIELT, Paris, F-X de Guibert, 1995.

[8] UPINSKY, Arnaud-Aaron, L’Église à l’épreuve du Linceul.« Et vous, qui dites-vous que je suis ? », Paris, F.-X. de Guibert, 2010, 3ème édit. mise à jour, pp. 28-30.

[9] « non fait de main d’homme » = αχειροποίητης , acheïropoiètès.

[10] Jésus enfant voulut être sous la protection tutélaire de saint Joseph le Juste, analogue du Père céleste, époux très chaste de la Vierge Marie ; mort, il désira s’entourer encore symboliquement d’un Joseph, soulignant ainsi le  »retour à son Père ». Qu’on ne s’étonne pas de l’importance du personnage de Joseph d’Arimathie (un laïc, en quelque sorte) dans la Légende du Graal… On admirera le tableau de La Nativité exécuté par Georges de LA TOUR en 1640 : l’artiste français y a représenté l’Enfant Jésus, yeux fermés, le corps serré dans des bandelettes blanches rappelant le suaire.

[11] Cf. MATHIEU, Jean-Marie, Le Nom de gloire. Essai sur la Qabale, Éd. DésIris, 1992, pp. 140-143, où sont expliqués le sens de Yéshou‘a (Josué-Jésus), celui de  Yéshou et enfin celui de l’énigmatique ‛Îsa.

[12] Cf. TABARI, La Chronique. De Salomon à la chute des Sassanides, Arles, Actes-Sud, 2002, p. 114.

[13] PETITFILS, Jean-Christian, Jésus, Paris, Fayard, 2011, p. 397 ; l’auteur, à propos de la Résurrection pp. 436-438, n’a pas peur de parler longuement du linceul de Turin, « dont on a toute raison de croire à l’authenticité ».

[14] Jn 20, 8-9.

[15]Col 1, 15 & 18 : icône :εἰκών eïkôn ;Premier-né : πρωτοτόκοϛ prôtotokos; He 1, 3 :  rayonnement : ἀπαυγασμά  apaugasma ;  empreinte : χαρακτήρ charaktèr  ; substance : ὑπόστασεωϛ  hupostaséôs.

[16] Les spécialites de l’art byzantin notent que la teinte brune des visages et des mains sur les icônes traditionnelles veut symboliser la couleur de la terre transfiguée par la Résurrection du Logos incarné. Or, les fibrilles de lin du Linceul roussies au matin de Pâque ont justement cette couleur ocre jaune. Il est donc possible de penser que ce fut le Linceul qui influença l’art icônique sacré.

[17] Cf. MANDELKERN, Solomon, Concordantia hebraïca, Tel-Aviv, J. Schocken, 1978, p. 377 : linteum candidum et subtile , où sont données les quatre occurrences bibliques : Est 1, 6 & 8, 15 ; Gn 40, 16 ; Is 19, 9.  Sur le site internet Wiktionnaire,  au mot Linceul, est donnée l’étymologie : du latin linteum « petite pièce de lin », accompagnée d’une représentation du Linceul de Turin.

[18] Sg 11, 23-24.

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