Partager la publication "La nature est un tout harmonieux"
Par Marcel François
Résumé : On parle bien à tort des « mauvaises herbes ». En réalité l’envahissement d’une terre ou d’un jardin par une plante inutile à l’homme, signale un déséquilibre. Mais la même plante jouera un rôle bénéfique en d’autres circonstances. L’auteur cite nombre d’associations bénéfiques ou maléfiques : c’est tout l’art du paysan que de s’en servir au lieu de les ignorer en agissant sur la nature par des molécules chimiques qui viennent perturber les enchaînements et les équilibres subtilement agencés par le Créateur.
(Cet article est extrait du cours d’écologie que Marcel François donnait à l’Université de Rabat. On trouvera une présentation synthétique des idées de Marcel François dans son ouvrage « La Nature est sacrée » (177 p., 120 FF Franco) disponible auprès du secrétariat).
Lorsque nous considérons la nature de l’action des végétaux sur le milieu, nous les considérons par rapport à nous-mêmes ou par rapport aux plantes que nous cultivons.
Il y a ainsi des plantes bénéfiques et des plantes maléfiques.
Une plante mauvaise, en général, n’est « mauvaise » que parce qu’elle n’est pas complémentaire des végétaux voisins, l’enchaînement primordial ayant été bouleversé. Il s’agira pour nous de la remettre à la place qui lui convient, et où son action peut devenir bénéfique pour nos cultures.
En dehors de nos plantes sauvages locales, il y a aussi des plantes cultivées qui peuvent bénéficier aux autres végétaux.
La détérioration du milieu par l’intervention excessive de l’homme, entraîne l’affaiblissement progressif des plantes cultivées, rendues plus fragiles par nos méthodes actuelles de culture chimique, de telle sorte que leur système de défense est détérioré, nécessitant l’emploi de pesticides pour les protéger.
Effets bénéfiques :
Citons quelques exemples d’effets bénéfiques :
Le Bleuet (Centaurea cyanus), en petit nombre, favorise la croissance des céréales, ainsi que le poids de leur semence. Par contre, ce même Bleuet en grand nombre est néfaste.
Il est possible de rapprocher cette observation de la constatation que nous pouvons faire avec les alcaloïdes et en particulier la morphine : à faible dose, elle est calmante et, à haute dose, elle est convulsante. La plupart des composés chimiques sont doués d’actions différentes selon la dose employée.
– Le Pied d’alouette (Delphinium consolida) se développe de préférence avec le Blé d’hiver.
– L’Anis et le Coriandre se favorisent mutuellement.
– La Sauge et le Romarin également.
– L’Ail, en dehors de ses propriétés bactéricides, a une influence sur la production de l’essence de rose. Les cultivateurs bulgares en cultivent en même temps que leur rose à parfum. L’Ail peut servir à régénérer les vieilles roseraies.
– Les Eglantiers ont toujours des effets favorables sur leur environnement. Ces Eglantiers sont particulièrement riches en vitamines.
– Le poireau et le céléri se stimulent réciproquement.
Il en est de même pour les plantes suivantes :
– les carottes et les petits pois ;
– les concombres et les haricots ;
– les concombres et le maïs ;
– le chou-rave et la betterave rouge ;
– la betterave rouge et les oignons ;
– les pommes de terre et le maïs ;
– les tomates et le persil.
On sait aussi que, si nous plantons du cresson à côté de rangées de radis, les radis ont un excellent goût. Par contre, cultivés à côté de cerfeuil, ils sont particulièrement piquants.
On obtient des radis bien tendres, en intercalant les rangées avec des laitues romaines.
Il est bon de planter entre les légumes des rangées de légumineuses…
Effets à distance et plantes biodynamiques :
Certains effets à distances particulièrement troublants nous montrent que des énergies influencent la végétation, ce dont jusqu’à présent nous n’avons pas tenu compte.
En ce qui concerne les effets à distance, il faut citer les expériences du Dr Ried à Vienne, des professeurs Stoklasa à Prague et Von Brehmer à Berlin. Ils ont tous constaté que les substances minérales pouvaient influencer à distance la croissance des plantes d’une façon très notable. Brehmer a démontré que la potasse placée à distance de pots où poussaient des pommes de terre pouvait stimuler la croissance et augmenter la teneur en potasse des végétaux. Stoklasa a montré que la même potasse, accrochée à des tubes à essais scellés au-dessus des plantes, change la vitesse de croissance des végétaux.
Dans les vergers, l’Ortie améliore la qualité des fruits à pulpe et souvent le poids total de la récolte. A elle seule, elle peut constituer un humus presque parfait. C’est une plante très riche en protéines, en vitamines ainsi qu’en éléments minéraux. Avec cette plante, on prépare un excellent engrais liquide, il suffit de laisser tremper des orties durant deux ou trois semaines dans l’eau, jusqu’à complète désintégration de la plante. La solution obtenue constitue surtout un fertilisant foliaire. Cette solution est odorante.
L’infusion d’ortie est un insecticide. Elle se prépare en mettant environ 100 grammes d’Orties, préalablement hachées, dans deux litres d’eau. Après ébullition, on laisse refroidir en recouvrant le récipient. Ensuite on filtre et on ajoute 4 litres d’eau à la solution concentrée ; on peut ajouter un peu de savon noir pour obtenir une meilleure adhésion du produit. On emploie cette pulvérisation contre les pucerons et le mildiou.
La Camomille (Matricaria camomilla) est une plante biodynamique ; elle secrète une substance qui stimule la croissance des plantes avoisinantes. Cette substance agit même quand elle est très diluée, de 1 à 125.000 millionième.
Nous remarquerons qu’en général, les plantes médicinales et les plantes odoriférantes ont un effet biodynamique, ainsi que beaucoup de plantes appelées « mauvaises herbes » parce que nous n’en connaissons pas le rôle bénéfique. Ces plantes sont plus riches en oligo-éléments que nos plantes cultivées.
Les plantes sauvages doivent être précieusement récoltées, afin d’être utilisées en couverture ou dans les composts, base indispensable de la culture biologique.
Effets maléfiques :
Naturellement, il est aussi indispensable d’étudier les influences maléfiques que peuvent exercer les plantes entre elles afin d’éviter de les mettre à proximité les unes des autres.
Ces influences réciproques se manifestent par les excrétions racinaires et par les substances secrétées par les micro-organismes du sol. De nombreuses études ont été faites à ce sujet par beaucoup de chercheurs.
– Les plantes appartenant à certaines familles excrètent plus que d’autres, c’est le cas des Labiacées.
– L’Helleborus foetidus a un pouvoir antibiotique élevé ainsi que la Verge d’or (Solidago virgo aurea).
– Une composée des lieux désertiques – l’Encella farinosa – synthétise dans ses feuilles un inhibiteur de croissance.
– Des extraits de feuilles de Hètre sont inhibiteurs de la germination de diverses espèces.
– Le Chiendent (Triticum repens) inhibe la germination des graines de Chêne.
– On constate également des autotoxicités ; par exemple l’Oignon secrète par ses racines une substance thermostable qui gêne la croissance des autres oignons.
– Il en est de même des Pêchers ; même après leur arrachage, on ne peut replanter à la même place de nouveaux pêchers.
– Les Caféiers âgés s’autointoxiquent en raison de leur sécrétion d’acide lignocérique.
– Les semis de Quinquina ne lèvent que progressivement au fur et à mesure qu’on enlève les jeunes plants.
– Le Noyer – Juglans nigra – fabrique des antibiotiques vis-à-vis de la plupart des plantes herbacées.
– La litière de beaucoup de Conifères inhibe la germination de leurs propres graines.
– Le Saule (Salix) détruit les plantes herbacées sous son couvert.
– Les semences de chêne germent fort mal sous les Chênes, par contre elles germent fort bien sous l’ombre légère des Pins et, chose surprenante, un oiseau – le Geai des Chênes – le sait fort bien.
En effet, le geai transporte les glands dans son bec, il reboise toute la surface du terrain très régulièrement, ne met jamais plusieurs glands à la fois, mais les plantes toujours à égale distance les uns des autres ; il en résulte un semis d’arbres ordonné et viable. De temps en temps, il sème en lignes, gardant toujours la même distance entre les plants. Il préfère semer les glands sous l’ombre légère des Pins où, d’ailleurs, ils germent mieux. Toute une génération équilibrée couvre ainsi de larges espaces d’un bord à l’autre de la forêt, montrant que chaque Geai n’empiète jamais sur le territoire de son voisin.
Comme on le voit, ces oiseaux suivent un plan préétabli. Et chose curieuse, écrit l’auteur de ces observations : « Je m’étonne toujours de ce que les sangliers ne touchent jamais aux glands du Geai planteur, alors qu’ils déterrent jusqu’au dernier ceux que je sème moi-même. »
Interactions maléfiques de plantes herbacées :
– Les Coquelicots exercent une influence néfaste sur les Céréales, mais les Coquelicots germent mal au voisinage de l’Orge.
– L’Arroche (Atriplex hortensis) gêne la croissance des pommes de terre.
– La Moutarde sauvage gène également la croissance de la Belladone que l’on cultive pour l’extraction de l’atropine.
– La Consoude (Symphytum) a tendance à éliminer la Moutarde.
– Le Fenouil et le Cumin se gênent mutuellement.
– La Moutarde sauvage nuit aux betteraves.
Il y a des voisinages dangereux tels que : Tomate et Chou-rave, Tomate et Fenouil ainsi qu’Haricot.
– Le Seigle est l’ennemi des mauvaises herbes, il étouffe les graines de Pavot et les empêche de germer. Pour débarrasser une culture de son chiendent, il suffit de semer du Seigle deux fois de suite.
Par ailleurs, le Seigle a sur les Pensées sauvages un effet très curieux. A l’ordinaire, la Pensée sauvage ne germe que dans la proportion de 20 à 30 %.
Or, dans un champ de Seigle c’est dans la proportion de 100 % qu’elle lève. On comprend maintenant l’intérêt des cultures mixtes aussi bien vivrières que forestières. A nous d’étudier et connaître les végétaux capables de s’entraider ou de se nuire.
L’enchaînement organique :
L’enchaînement organique de notre monde peut se définir par une suite d’enchaînements trophiques, autrement dit des enchaînements alimentaires. Ces enchaînements sont souvent fort complexes, de telle sorte que, si l’homme intervient pour se débarrasser d’un élément de cette chaîne qui lui est nuisible, la plupart du temps il détruit les prédateurs qui lui sont utiles et il les détruit mieux qu’il ne détruit l’élément nuisible.
En effet, les prédateurs sont souvent plus gros et plus sensibles au poison que l’insecte à détruire.
Prenons par exemple la chaîne alimentaire fort simple, constituée par des pucerons, une mouche – la Chalcide – une Araignée et une Guêpe. La Chalcide est une mouche qui normalement détruit les pucerons. Cette mouche peut à son tour être détruite par une Araignée, laquelle est parasitée par les larves de la Guêpe.
Si nous employons une substance toxique, comme un produit organochloré, à coup sûr, nous détruirons toutes les Guêpes et même les Abeilles, de telle sorte que l’Araignée pourra se développer et parasiter la Chalcide, ennemi naturel du puceron. L’homme aura ainsi détruit le prédateur utile et il restera toujours des pucerons insensibles aux insecticides, de telle sorte que ces parasites pourront se développer ensuite en toute tranquillité, puisque leur ennemi aura été définitivement détruit par l’homme. D’où la nécessité pour le cultivateur d’avoir de nouveau recours aux insecticides. Il s’agit là par conséquent d’un cercle vicieux.
Conclusion :
Si la société moderne continue à développer son industrie et sa mécanisation d’une façon différentielle, pathologique, jusqu’à remplacer l’activité non seulement physique, mais également mentale de l’homme, elle se détruira elle même.
L’industrialisation de la culture, l’emploi de la fertilisation chimique et des pesticides, entraînent à plus ou moins longue échéance la destruction de nos sols et la pollution de nos eaux ; et pourtant l’eau et le sol nous font vivre.
L’industrie a un rôle secondaire, elle nous apporte plus de confort et plus de rapidité dans nos déplacements, mais elle ne nous fait pas vivre. Cette fertilisation chimique a remplacé une fertilisation naturelle, renouvelable, grâce à l’activité des micro-organismes qui procuraient à nos plantes vivrières leur nourriture physiologiquement normale. L’agroalimentaire a utilisé des additifs souvent dangereux à la longue pour notre santé. La meunerie moderne a enlevé au pain ses éléments nutritifs les plus importants afin, en partie, d’augmenter son profit. L’industrie chimique augmente de jour en jour la toxicité de notre monde, jusque dans les endroits les plus éloignés des centres industriels.
La monoculture généralisée tend à transformer les terres fertiles en déserts : près de 150 millions d’hectares de terres riches ont été détruits par la monoculture américaine et les terres cultivables diminuent d’années en années, au fur et à mesure de l’accroissement de la population humaine. La terre des hommes devient comme la peau de chagrin de Balzac, qui diminue de surface au fur et à mesure que les désirs et les besoins des hommes augmentent. La civilisation scientifique et technique gaspille son intelligence et sa fortune dans les recherches spatiales, alors que seule la terre a été faite pour l’homme et qu’elle se meurt. En détruisant la forêt dans les pays intertropicaux, elle détermine la pauvreté irréversible de ces sols, pauvreté génératrice de misère pour ses habitants, parce que plus on va vers l’équateur, et plus la forêt joue un rôle climatique irremplaçable, de telle sorte que 120 millions d’hommes sont actuellement dans une situation désespérée.
Si l’homme moderne continue à remplacer la nature, à négliger les processus naturels de fertilisation, processus qualitativement supérieurs à ceux imaginés par lui, et s’il continue à mécaniser sa société, il la transformera en une société barbare, où la machine sera Reine, de telle sorte que la plupart des hommes n’auront plus leur place dans cette société mécanisée. L’homme vivra en parasite de la machine et finalement la machine, aux pouvoirs mécaniques supérieurs à ceux de l’homme, détruira une humanité qui n’a pas su comprendre que ses activités mentales et physiques étaient indispensables à son équilibre, afin qu’il puisse se développer harmonieusement, en accord avec les conditions naturelles du milieu pour lequel Dieu l’a créé.