Le prisonnier n°18376 au camp spécial

Par Le serviteur de Dieu Alexandre

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Le prisonnier n°18376 au camp spécial1

« Si l’homme est libre de choisir ses idées, il n’est pas libre d’échapper aux conséquences des idées qu’il a choisies. » (Marcel François)

Résumé : Historien de l’art devenu moine, le Père Arsénié (1893-1973) fut déporté à deux reprises, la seconde fois dans un camp « spécial » de 1939 à 1958, sans lien avec l’extérieur. Il avait de nombreux enfants spirituels et sa vie a pu être en partie reconstituée. Circulant sous le manteau durant la période soviétique, elle a depuis été imprimée à des centaines de milliers d’exemplaires. L’épisode suivant (qui rappelle un passage bien connu des entretiens de saint Séraphin de Sarov avec Motovilov) montre la force prodigieuse de la prière.

Au cours de l’hiver, un jeune homme est assigné au baraquement de Père Arsénié. Etudiant âgé de 23 ans, condamné à vingt ans de camp, il n’a pas l’expérience de la vie en camps parce qu’il a été expédié directement de la très stricte prison Butirki de Moscou vers ce camp spécial. Encore jeune, il ne réalise pas exactement ce qui l’attend. A peine a-t-il pénétré dans le camp de la mort qu’il rencontre les « criminels ».

Ses habits sont encore convenables parce qu’il n’est en prison que depuis quelques mois. Les criminels, conduits par Ivan le Brun, décident de s’emparer des vêtements du jeune homme. Chacun se rend compte que ce garçon va bientôt se retrouver nu, mais personne ne peut faire quoi que ce soit à ce sujet. Sarikov lui-même n’ose pas intervenir ! La loi du camp stipule que quiconque interfère sera massacré.

Les anciens du camp savent très bien qu’une fois que les criminels ont décidé de jouer pour vos haillons, résister signifie votre fin imminente.

Ivan le Brun a gagné tous les vêtements du jeune homme. Ivan s’approche de lui et lui dit : « Enlève tout, mon ami ! ». Les choses tournent à l’aigre-doux. Le jeune homme, prénommé Alexis, pense que le pari est pour le plaisir. Il refuse d’ôter ses vêtements. Ivan le Brun décide alors d’en faire un spectacle. Commençant par se moquer avec gentillesse, il lui assène des coups. Alexis tente de résister, de se battre à son tour. Maintenant, l’ensemble du baraquement sait qu’il sera battu à mort. Chacun est assis et observe Ivan portant de violents coups sur Alexis.

Il saigne de la bouche du visage. Il vacille. Certains criminels l’invitent ironiquement à se battre.

Père Arsénié n’a pas vu les débuts de la scène, il empile les bûches près du poêle, à l’autre extrémité des baraquements. Soudain, il voit ce qui est en train de se passer : Ivan occupé à tuer Alexis. Alexis en est au point où il se couvre le visage avec les mains, Ivan le frappant et le lui écrasant de façon répétitive. Père Arsénié dépose alors les bûches près du poêle, se dirige calmement vers le lieu de la lutte et, sous les yeux sidérés de toute l’assistance, il saisit le bras d’Ivan le Brun. Ivan est surpris, scandalisé. Le prêtre interfère dans la bataille : il doit mourir. Ivan hait Père Arsénié. Il n’avait jamais osé le toucher par crainte du reste du baraquement, mais voilà qu’il a maintenant une véritable raison de le tuer.

Ivan s’est arrêté de frapper Alexis et dit :  » O.K. pope, c’est la fin pour vous deux. D’abord l’étudiant, et ensuite toi. » Un couteau apparaît alors dans ses mains et il se précipite sur Alexis.

Que se passe-t-il ? Personne n’y comprend rien, mais soudain le doux et faible Père Arsénié se raidit et frappe Ivan sur le bras d’une façon tellement violente que le couteau lui tombe des mains. Ensuite il pousse Ivan en l’éloignant d’Aliocha2. Ivan trébuche, tombe et son visage cogne sur le coin de son lit. Père Arsénié se dirige alors vers Alexis en lui disant : « Aliocha, va te laver le visage, plus personne ne te touchera. » Et ensuite, comme si rien ne s’était produit, il retourne au travail.

Chacun est pris de court. Ivan le Brun se lève. Les criminels ne disent pas un mot. Ils comprennent qu’Ivan a perdu la face devant tout le baraquement.

Avec les pieds, quelqu’un essuie discrètement le sang au sol. Le visage d’Aliocha est complètement fracassé, son oreille tordue, un œil fermé et l’autre rouge foncé. Tout le monde se tait. Ils savent que tout est fini pour eux deux, Père Arsénié et Alexis. Les criminels vont les massacrer.

Mais les choses prennent une tournure différente. Les criminels considèrent les actes de Père Arsénié comme audacieux et braves. Alors que tous craignent Ivan le Brun, Père Arsénié n’a pas hésité, bien que l’autre ait tenu un couteau. Ils respectent un homme qui ne montre pas de peur.

Ils connaissaient déjà Père Arsénié pour son amabilité et ses façon inhabituelles ; ils le respectent maintenant pour son courage. Ivan s’est retiré sur son lit et chuchote avec ses amis, mais il réalise qu’ils ne le soutiennent plus. Ils ne sont d’ailleurs pas venus aussitôt à son aide.

Le matin suivant, chacun retourne au travail. Père Arsénié s’occupe d’entretenir les poêles, les nettoyant et ramassant les cendres sur le sol. Le soir, les prisonniers rentrent de leur travail et soudain, avant que les baraquements ne soient verrouillés pour la nuit, le surveillant surgit avec des gardes.

« Attention ! » crie-t-il. Tous les hommes sautent de leurs lits. Ils se tiennent immobiles, en rangs, tandis que le surveillant marche le long des hommes alignés. Arrivés près de Père Arsénié, il commence à lui porter des coups. Entre-temps, Alexis est traîné hors du rang par les gardes.

« Prisonniers 18.376 et 281 : à la cellule de punition n°1, pour 48 heures, sans nourriture ni boisson, pour infraction au règlement du camp, pour rixe ! », crie l’officier. Ivan les a donc dénoncés auprès des autorités. Agir ainsi est considéré par les criminels comme l’acte le plus bas et le plus abject.

La cellule de punition n°1 est une petite maison à l’entrée du camp. Dedans se trouvent différentes pièces de confinement solitaire ; il y en a également une pour deux personnes. Elle contient une planche étroite servant de lit. Cette planche n’a que 50 centimètres de large. Le sol et les murs sont recouverts de feuilles de métal. La pièce ne mesure pas plus de 70 cm sur 1m80.

A l’extérieur, il règne moins 27° Celsius et il vente, si bien que l’on respire difficilement. Il suffit de mettre le pied dehors pour s’engourdir immédiatement.

Les occupants des baraquements comprennent ce que cela signifie : une mort certaine. Comme ils seront incapables de demeurer en mouvement, Père Arsénié et Alexis seront gelés dans les deux heures. Jamais personne n’a été envoyé dans cette cellule par un tel froid. Les seuls survivants sont ceux qui avaient pu sauter de haut en bas durant 24 heures afin d’empêcher leur sang de geler. Si vous vous arrêtez de sauter, vous gelez. Or il fait moins 27°C, Père Arsénié est un homme âgé, Alexis vient d’être battu, et les deux hommes sont épuisés.

Les surveillants les saisissent tous les deux et commencent à les traîner hors du baraquement. Avsenkov et Sazikov3 prennent alors le risque de quitter leur rang pour dire à l’officier  : « Camarade officier, ils vont geler à mort par ce temps. Vous ne pouvez pas les expédier dans cette cellule ! ». Le surveillant les frappe de façon tellement violente qu’ils sont précipités contre le mur du baraquement. Pour sa part, Ivan le Brun baisse la tête. La peur le saisit lorsqu’il réalise que ses propres copains vont le tuer pour cette affaire.

Père Arsénié et Alexis sont traînés vers la cellule de punition et poussés à l’intérieur. Ils tombent sur le sol tous les deux, fracassant leurs têtes contre le mur. A l’intérieur, il fait noir comme dans un four. Père Arsénié se lève et dit :

– « Ainsi, nous voilà ici. Dieu nous a conduits à être ensemble. Il fait froid, Aliocha, et il y a du métal tout autour de nous. »

Ils entendent la porte extérieure se refermer, les serrures se verrouiller, les voix et les pas des gardes s’évanouir. Le froid les saisit et rétrécit leurs poitrines. A travers la petite fenêtre encastrée de barreaux métalliques, la lune envoie un peu de sa lumière lactée dans la cellule.

– « Nous allons geler, Père Arsénié !« , murmure Alexis. « C’est à cause de moi que nous allons geler. Nous allons mourir tous les deux. Nous devons continuer à bouger, à sauter de haut en bas, mais il est impossible de continuer ainsi durant 48 heures. Je me sens déjà tellement affaibli, tellement abattu. Mes pieds sont déjà gelés. Il n’y a pas d’espace ici, nous ne savons même pas bouger.

Père Arsénié, nous allons mourir. Ils sont inhumains, il aurait mieux valu être fusillés. »

Père Arsénié est silencieux. Alexis essaie de sauter, mais ça ne le réchauffe pas. Aucun espoir de résister à pareille température.

– « Pourquoi ne dites-vous rien, Père Arsénié ?  » crie Alexis. Comme si elle venait de très loin, la voix de Père Arsénié répond :

– « Je prie Dieu, Alexis ! »

– « Qu’est-ce que prier quand nous allons geler ? » marmonne Alexis.

– « Nous sommes ici tout à fait seuls, Alexis. Pendant deux jours personne ne viendra. Nous allons prier. Pour la première fois, Dieu nous permet de prier à haute voix dans ce camp, à pleine voix. Nous allons prier et le reste sera la volonté de Dieu  ! »

Le froid est en train de conquérir Alexis et il est persuadé que Père Arsénié perd la tête. Père Arsénié est debout, il fait le signe de Croix et prononce calmement certains mots, dans le rayon de la lumière lunaire. Les mains et les pieds d’Alexis sont engourdis et il n’a aucune force dans ses membres. Il gèle et ne se soucie plus de rien.

Père Arsénié se tient à présent en silence. Puis Alexis  entend les paroles de Père Arsénié de façon distincte, et il comprend qu’il s’agit d’une prière. Alexis n’a été qu’une seule fois à l’Eglise, par curiosité. Bien que sa grand-mère l’ait baptisé quand il était enfant, sa famille ne croit pas en Dieu. Il n’ont tout simplement aucun intérêt pour ce qui touche à la religion. Ils ne savent pas ce qu’est réellement la foi. Alexis lui-même est un étudiant, un membre du Komsomol. Comment peut-il croire ? A travers l’engourdissement et la douleur des coups reçus, Alexis entend distinctement les paroles que Père Arsénié prononce :

– « O Seigneur Dieu, aie pitié de nous, pécheurs ! O Dieu plein de miséricorde ! Seigneur Jésus-Christ, qui à cause de Ton amour est devenu homme pour nous sauver tous, par Ta Miséricorde indicible, sauve-nous, aie pitié de nous et conduis-nous loin de cette mort cruelle, parce que nous croyons en Toi, Toi notre Dieu et notre Créateur. »

Les paroles de la prière s’écoulent, et dans chacune de ces paroles, il y a l’amour et la confiance la plus profonde en la Miséricorde divine, et une foi inconditionnelle en Lui.

Alexis se met à écouter les paroles de la prière. Il est tout d’abord perplexe, puis il commence petit à petit à comprendre.

La prière calme son âme, lui enlève la peur de la mort, et l’unit au vieil homme se tenant à côté de lui.

– « O Seigneur notre Dieu, Jésus-Christ ! Tu as dit avec Tes lèvres les plus pures que si deux ou trois sont ensemble pour demander la même chose, alors le Père Céleste écoutera leur prière. Oui, Tu l’as dit : là où deux ou trois sont réunis en mon nom, Je me trouve parmi eux. »

Alexis répète ces mots après Père Arsénié. Le froid s’empare d’Alexis, tout son corps est engourdi. Il ne sait plus s’il est debout, assis ou couché. Mais soudain, la cellule, le froid, l’engourdissement de tout son corps, sa douleur des coups reçus et sa peur disparaissent.

La voix de Père Arsénié emplit la cellule, mais est-ce bien là une cellule ? Alexis se tourne vers Père Arsénié, bouleversé. Tout est transformé autour de lui. Une pensée affreuse lui vient à l’esprit  : « Je perds la tête, c’est la fin, je suis en train de mourir !« 

La cellule est maintenant plus grande, le rayon de lumière lunaire a disparu. Il y a une lumière vive, et Père Arsénié est revêtu d’un ornement blanc étincelant, ses mains sont levées et il prie à haute voix. Son vêtement est le même que celui du prêtre qu’Alexis a vu un jour à l’église.

Les paroles prononcées par Père Arsénié sont devenues faciles à comprendre, familières, et elles pénètrent directement dans l’âme d’Alexis. Il n’éprouve plus aucune anxiété, ni souffrance, ni peur, seulement le désir de ne faire qu’un avec ces paroles, de les comprendre, de se les rappeler pour le reste de sa vie. Il n’y a plus de cellule, ils sont maintenant dans une église. Comment ont-ils abouti à cet endroit ? Et pourquoi y a-t-il quelqu’un d’autre avec eux ? Alexis découvre avec surprise qu’il y a deux personnes assistant le Père Arsénié. Tous deux sont revêtus des mêmes vêtements lumineux et tous deux brillent d’une lumière blanche indéfinissable. Alexis ne voit pas leur visage, mais il pressent qu’ils doivent être très beaux.

La prière emplit la totalité de l’être d’Alexis. Alors, il se lève et commence à prier avec Père Arsénié. Il fait chaud et il est facile de respirer, la joie emplit son âme. Alexis non seulement répète tout ce que dit Père Arsénié, mais il prie avec lui.

Il semble que Père Arsénié ne l’a pas oublié et qu’il l’assiste tout le temps, l’aidant à prier.

La certitude que Dieu existe et qu’il est avec eux emplit l’âme d’Alexis. Il voit Dieu dans son âme. Parfois, Alexis se dit que peut-être tous deux sont déjà morts, mais la voix ferme de Père Arsénié et sa présence le ramènent sans cesse à la réalité.

Depuis combien de temps sont-ils là, il est incapable de le dire, mais Père Arsénié se tourne vers lui et dit : « Va ! Aliochenka, couche-toi, tu es fatigué. Je continuerai à prier et tu m’entendras.  » Alexis se couche sur le sol couvert de métal, ferme les yeux et continue à prier. Les paroles de la prière remplissent tout son être : « …se mettront d’accord pour demander quelque chose, il leur sera donné par mon Père Céleste… » De mille manières, son cœur répond à ces paroles : « réunis en mon Nom… »

« Oui, oui, nous ne sommes pas seuls« , pense Alexis de temps à autre et il continue à prier.

Tout est calme et chaud. Soudain, de nulle part, sa mère lui apparaît. Elle le couvre avec quelque chose de chaud. Ses mains lui prennent la tête et elle le presse contre son cœur. Il désire lui parler  :

– « Maman, peux-tu entendre Père Arsénié en train de prier  ? Je viens d’apprendre que Dieu existe. Je crois en Lui. » Comme si elle l’avait entendu parler, elle lui répond :

– « Aliochenka, quand ils t’ont pris, j’ai également découvert Dieu. C’est ce qui m’a donné la force de vivre. »

Tout ce qui est affreux disparaît, sa mère et Père Arsénié sont près de lui. Les paroles de la prière qui lui était inconnues s’allument en lui et réchauffent son âme. Il est important de ne pas oublier ces paroles, de s’en souvenir pour toute sa vie. « Je désire ne jamais être éloigné de Père Arsénié, je désire être toujours avec lui« , pense Alexis.

Couché sur le sol, aux pieds de Père Arsénié, Alexis écoute, à moitié endormi, les belles paroles de la prière. Père Arsénié prie, et les autres en vêtements lumineux prient avec lui et le servent. Ils semblent étonnés de la manière dont Père Arsénié prie. Père Arsénié ne demande plus rien, il glorifie Dieu et Le remercie. Combien de temps cela dure, personne ne peut le dire.

Les seules choses dont Alexis s’est souvenu sont les paroles de la prière, la lumière chaude et joyeuse, Père Arsénié en prière, les deux autres en vêtements lumineux, et un sentiment incomparable et immense de chaleur intérieure et de renouvellement.

Quelqu’un cogne à la porte, la serrure gelée craque, des voix se font entendre à l’extérieur de la cellule. Alexis ouvre les yeux. Père Arsénié prie encore. Les deux êtres en vêtements lumineux le bénissent ainsi qu’Alexis et s’en vont lentement. La lumière aveuglante s’estompe et la cellule redevient finalement obscure, froide et sombre.

– « Debout, Alexis ! Ils viennent pour nous ! » dit Père Arsénié.

Alexis se lève. Le chef du camps, le médecin, le chef principal du secteur spécial et le Major arrivent. Derrière la porte quelqu’un dit :

– « Ceci est inexcusable – on devrait le rapporter à Moscou. Nous savons comment ils vont considérer cela. Des cadavres gelés – ce n’est pas la manière moderne ! »

Dans la cellule, un vieil homme se tient debout avec une veste rapiécée ainsi qu’un jeune homme dans des vêtement déchirés et le visage meurtri. Les visages sont paisibles et leurs vêtements recouverts d’une épaisse couche de gel.

– « Ils sont vivants ? Comment ont-ils survécu ici pendant deux jours ? » demande le major avec étonnement.

–  » Nous sommes vivants, Monsieur« , dit Père Arsénié. Chacun regarde l’autre avec surprise.

– « Fouillez-les !« . « Sortez !« , crie l’un des surveillants.

Père Arsénié et Alexis sortent de la cellule. Les surveillants enlèvent leurs gants et commencent à les tâter. Le médecin enlève également les gants, met la main sous les vêtements de Père Arsénié et d’Alexis, et se dit à part soi :

– « Surprenant ! Comment ont-ils pu survivre ? C’est vrai, toutefois, ils sont chauds. » Le docteur pénètre dans la cellule, regarde tout autour et demande :

– « Qu’est-ce qui vous a gardé au chaud ? »

– « Notre foi en Dieu et la prière« , répond Père Arsénié.

– « Ce sont simplement des fanatiques. Renvoyez-les directement aux baraquements« , dit un des surveillants d’une voix irritée. Pendant qu’il s’éloigne, Alexis entend quelqu’un dire :

– « C’est surprenant. Dans ce froid, il n’auraient pas pu vivre plus de quatre ou cinq heures. C’est incroyable, en considérant qu’il fait moins 27°C à l’extérieur. Vous, les surveillants, vous avez sûrement eu de la chance. Leur mort aurait pu avoir de fâcheuses conséquences pour vous. »

Le baraquement les a regardés comme s’ils venaient de ressusciter des morts. Chacun leur demande : « Qui vous a sauvés ? » Ils répondent tous deux : « Dieu nous a sauvés. »

Ivan le Brun est transféré vers un autre baraquement. Il a été tué une semaine plus tard par une roche qui est tombée sur lui. Il est mort dans une douleur atroce. La rumeur rapporte que ce sont ses propres amis qui ont fait chuter le rocher.

Alexis est devenu un autre homme, comme s’il était né à nouveau.

Il suit Père Arsénié autant que possible et demande à chacun tout ce qu’il connaît à propos de Dieu et des offices orthodoxes.

(Ce récit a été rapporté par Alexis et confirmé par différents témoins qui vivaient alors dans le baraquement).


1 Ndlr.Véritable institution dans les camps soviétiques, les « criminels » (ougolovniki) sont des prisonniers de « droits commun », par opposition aux prisonniers « politiques ». L’Administration ferme les yeux sur leur exactions qui contribuent largement aux souffrances inffligées par le Goulag.

2 Diminutif d’Alexis

3 Deux « politiques » dont l’un est un ancien dirigeant du Parti communiste.

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