La confession de Rakovski (6ème partie)

Par le Dr Landowsky

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Résumé : Après avoir montré comment Staline doit s’allier avec Hitler pour que puisse survivre le communisme (Cf. Le Cep n°30), Rakovski en vient maintenant aux moyens d’entrer en contact avec les dirigeants américains, en l’occurrence par l’intermédiaire de l’ambassadeur nommé à Moscou par Roosevelt en 1936, aussitôt la victoire définitive de Staline et la liquidation de Zinoviev et Kamenev.

G.- Par quoi commenceriez‑vous dans le cas présent ?

R‑ Très simple : je commencerais dès demain à sonder Berlin…

G.- A propos d’un éventuel accord sur l’attaque de la Pologne ?

R ‑ Non, pas déjà … Je manifesterais simplement un désir de compromis, et je laisserais percer un certain désappointement à propos des démocraties. Je mettrais aussi la pédale douce en Espagne… tout cela serait un encouragement…. puis alors je glisserais un mot sur la Pologne. Comme vous le constatez, rien de compromettant, mais juste assez pour qu’une partie du POKW1,  les Bismarkistes comme on les appelle, en tirent quelques arguments à présenter à Hitler.

G.– Et rien d’autre ?

R.– Non, au début, rien de plus, et c’est déjà un grand travail diplomatique.

G.– Franchement, sachant les objectifs qui ont dominé dans la politique du Kremlin jusque maintenant, je ne vois personne qui aujourd’hui oserait conseiller un pareil changement, aussi radical, dans la politique étrangère. Rakovski , je vous le propose, essayez de vous transformer par la pensée en celui qui au Kremlin aura à prendre la décision… Sur base de vos révélations, de vos arguments, de vos hypothèses et malgré toute votre persuasion, à mon sens il serait impossible de convaincre qui que ce soit . Moi-même, après vous avoir écouté – et en même temps, c’est indéniable,  avoir été profondément influencé par vos explications et votre personnalité – je n’ai pas été tenté d’envisager un seul instant ce pacte germano‑soviétique comme quelque chose de faisable .

R.– Les événements internationaux vous y conduiront avec une force irrésistible…

G.– Mais les attendre serait perdre un temps précieux. Envisagez donc quelque chose de pratique, quelque chose que je puisse présenter comme une preuve de votre véracité et de votre crédibilité… Faute de quoi, je n’oserai transmettre la teneur de notre conversation et les informations que vous m’avez fournies ; j’en rédigerai certes le compte‑rendu de la manière la plus rigoureuse, mais cela irait aux Archives du Kremlin et y resterait enfoui.

R.– Est‑ce qu’il ne suffirait pas de mentionner qu’on en est venu à considérer que quelqu’un, et même de la manière la plus officielle, devrait avoir un entretien avec un certain personnage très important ?

G.– Il me semble que cela serait quelque chose de concret.

R.– Oui, mais avec qui ?

G.– Ce n’est que mon opinion personnelle, Rakovski, mais vous avez cité les noms de certains personnages, d’importants financiers; si je me souviens bien, vous avez parlé d’un certain Schiff par exemple, puis vous en avez mentionné un autre, qui avait servi d’intermédiaire auprès d’Hitler pour son financement. Il y a aussi des politiciens ou des personnes ayant une position importante, qui sont des LEURS ou, si vous préférez, qui LES servent. Quelqu’un comme cela pourrait nous aider à démarrer quelque chose de concret. Connaissez‑vous quelqu’un ?

R.- Je ne pense pas que cela soit nécessaire. Réfléchissez… Sur quoi allez vous négocier ? Probablement sur le plan que j’ai exposé, n’est‑ce pas ? Et pour obtenir quoi ? Actuellement ILS n’ont rien besoin de faire dans ce contexte. LEUR mission n’est pas de « faire ». Et c’est la raison pour laquelle vous ne pourriez pas obtenir d’accord pour une action concrète et ne pourriez pas en demander… Gardez cela à l’esprit attentivement.

G.– Même s’il en est ainsi à votre avis, il doit y avoir là cependant, d’après ce que vous m’avez dit, une réalité, fut‑elle même inutile… quelqu’un, une personnalité qui puisse donner confirmation et crédibilité à la puissance que vous LEUR attribuez ….

R.– Je vais vous donner satisfaction, bien que je sois sûr que c’est inutile. Je vous ai déjà dit que je ne sais pas qui précisément est des LEURS. Mais j’ai eu des assurances à ce sujet de la part de quelqu’un, qui dut LES avoir connus.

G.– De qui ?

R.– De Trotsky. C’est de Trotsky que j’ai seulement su que l’un d’entre EUX avait été Walter Rathenau, bien connu depuis Rapallo. C’est lui le dernier d’entre EUX qui ait occupé une position politico‑sociale en vue, car c’est lui qui brisa l’isolement économique de l’URSS. Cela, malgré le fait qu’il était l’un des plus importants millionnaires. Naturellement cela avait été aussi le cas de Lionel Rothschild. Ce sont les deux seuls noms que je peux citer en toute assurance. Bien sûr, je pourrais en citer aussi d’autres qui, par ce qu’ils font et de par leurs personnalités, me font certainement penser qu’ils sont tout à fait des LEURS, mais je ne saurais dire ce qu’ils dirigent, ni à qui ils obéissent.

G.– Citez les noms de quelques uns.

R.– Comme institution, il y a la banque des Kuhn, Loeb & Cie, de Wall Street; à cette banque appartiennent les familles Schiff, Warburg, Loeb et Kuhn: je dis familles, pour mettre en évidence plusieurs noms qui sont tous liés entre eux par des mariages: les Baruch, Frankfurter, Altschul, Cohen, Benjamin, Strauss, Steinhardt, Blom, Rosenman, Lippman, Dreifus, Lamont, Rothschild, Lord, Mandel, Morgenhau, Ezekiel, Lasky. Cela fait, je pense, assez de noms. En pressant ma mémoire, je pense qu’il pourrait m’en revenir d’autres encore, mais je répète que j’ignore qui parmi eux fait effectivement partie d’EUX, et je ne peux pas même vous assurer de l’un d’ eux qu’il soit du nombre. Je ne veux pas en prendre la responsabilité.

Mais ce que je pense assurément, c’est que l’une quelconque des personnes que j’ai citées, même celles ne faisant pas partie d’EUX, pourrait cependant LEUR transmettre toute proposition importante. Mais naturellement, que cette personne quelle qu’elle soit fasse ou non partie d’EUX, il ne faut cependant pas s’attendre à une réponse directe . La réponse sera fournie par des faits. C’est la tactique qui a invariablement leur préférence, et avec laquelle on doit obligatoirement compter.

Ainsi, si vous tentiez d’entreprendre des initiatives diplomatiques, adopter la méthode d’une approche personnelle auprès d’EUX serait inutile : il vous suffirait de vous borner à lancer des idées, à exposer des hypothèses rationnelles, en fonction de certains facteurs définis mais inconnus. Et il suffirait ensuite d’attendre.

G.– Vous comprenez bien que je ne dispose pas actuellement d’un répertoire d’adresses où trouver tous ces gens que vous avez mentionnés. Je suppose qu’ils se trouvent quelque part,  mais bien loin. Où donc?

R.– Pour la plupart aux Etats‑Unis.           

G.– Alors comprenez que si nous décidions devoir agir, cela nous prendrait beaucoup de temps. Or la question est urgente, et urgente non pas tant pour nous que pour vous !

R.– Pour moi ?

G.– Oui, pour vous. Souvenez‑vous que votre procès aura lieu très bientôt. Je ne sais pas, mais je crois pouvoir avancer sans risque que, si ce dont nous avons discuté ici devait intéresser le Kremlin, il faudrait que cela les intéresse avant que vous ne comparaissiez devant le Tribunal: pour vous ce serait essentiel. Je crois donc qu’il est de votre intérêt de nous proposer quelque chose de plus rapide. La chose la plus importante est d’obtenir des preuves que vous avez dit la vérité, et cela, non pas sous un délai de quelques semaines, mais de quelques jours. Si vous y réussissiez, alors cela vous donnerait d’assez solides assurances quant à la possibilité de sauver votre vie … Dans le cas contraire, je ne réponds de rien.

R.– Alors finalement, je prendrai le risque. Savez‑vous si Davis est actuellement à Moscou ? Oui, l’Ambassadeur des Etats‑Unis.

G.– Oui, je pense, bien qu’il aurait dû repartir.

R.– Seule une situation exceptionnelle me donne le droit, contre toutes les règles comme je le constate, de faire appel à un intermédiaire officiel.

G.– Devons‑nous donc penser que le Gouvernement américain est derrière tout cela?

R.– Derrière, certes mais pas dessous…

G.– Roosevelt, alors ?

R.– Qu’en sais‑je ? Je ne peux que tirer des conclusions. Vous êtes constamment obnubilé par la manie de l’espionnage politique.

Je pourrais inventer, pour vous satisfaire, toute une histoire: mon imagination est plus que suffisante et je dispose d’assez de dates et de faits véridiques pour donner à mon histoire une apparence de véracité et une apparence telle qu’elle semble l’évidence même. Mais les faits connus de tous ne sont‑ils pas encore plus évidents ? Et vous pouvez les compléter par votre propre imagination si vous le voulez. Voyez vous‑même. Souvenez-vous du matin du 24 octobre 1929. Un jour viendra où cette date apparaîtra dans l’histoire de la Révolution comme plus importante encore qu’octobre 1917. C’est ce 24 octobre qu’eut lieu l’effondrement de la Bourse de New‑York, le début de la fameuse dépression”, une vraie révolution. Les quatre années du gouvernement Hoover sont des années de progrès révolutionnaires: 12 à 15 millions de travailleurs en grève. En février 1933, eut lieu le dernier contre‑coup de la crise avec la fermeture des banques. Il est difficile de faire plus que ce que fit là le Capital pour briser l’Américain traditionnel qui, quant à ses bases industrielles et sur le plan économique, était l’esclave de Wall Street.

Il est bien connu que tout appauvrissement économique, aussi bien dans les sociétés animales que chez l’homme, entraîne un épanouissement du parasitisme, et le Capital est un grand parasite. Mais cette révolution américaine n’eut pas seulement pour unique objectif d’augmenter la puissance de l’argent pour ceux qui pouvaient en disposer, elle prétendit à bien plus. Bien que le pouvoir de l’argent soit un pouvoir politique, auparavant ce pouvoir n’avait été utilisé qu’indirectement, mais dès lors, ce pouvoir devait se transformer en un pouvoir direct. L’homme par lequel ils firent usage d’un tel pouvoir fut Franklin Roosevelt. Avez‑vous compris ?

Prenez note encore de ceci : en cette année 1929, la première année de la révo­lution américaine, en février, Trotski quitte la Russie; l’effondrement de la bourse a lieu en octobre; le financement d’Hitler est décidé en juillet de la même année 1929. Vous croyez que tout cela ce ne sont que des hasards ? Les quatre années du gouvernement Hoover servirent à la préparation de la prise de pouvoir aux Etats‑Unis et en Russie: là‑bas au moyen de la révolution financière, et ici à l’aide de la guerre et de la défaite qui devait s’ensuivre. Un bon roman, écrit avec la plus grande imagination pourrait‑il vous apporter plus d’évidences ?

Vous devez bien comprendre que l’exécution d’un tel plan, à une telle échelle, requiert un homme particulier qui puisse diriger le pouvoir exécutif aux Etats­-Unis, et qui a été sélectionné par la force organisatrice et décisionnelle. Cet homme était Franklin et Eleanor Roosevelt. Et permettez‑moi de vous dire que cet être bisexué n’est pas une simple ironie. Il fallait lui éviter tout risque d’une possible Dalila.

G.– Roosevelt est‑il l’un d’EUX ?

R.– Je ne sais pas s’il est l’un d’EUX, ou bien s’il LEUR est soumis. Que voulez‑vous savoir de plus ? Je pense qu’il était conscient de sa mission, mais je ne peux pas vous dire s’il obéissait sous la pression d’un chantage, ou bien s’il faisait partie de ceux qui dirigent réellement.

 Ce qui est vrai, c’est qu’il remplit sa mission, qu’il réalisa exactement tout ce qui lui avait été assigné. Ne m’en demandez pas plus, car je n’en sais pas plus.

G.– Dans le cas où l’on déciderait d’approcher Davis, sous quelle forme conseilleriez‑vous de le faire ?

R.– En premier lieu, il vous faut choisir une personne comme le « baron » ; lui, pourrait servir… Est‑il encore en vie ?

G.– Je l’ignore.

R.– Bien. A vous de choisir la personne. Votre délégué doit se présenter comme un homme de confiance, pas un personnage secondaire, et le mieux serait qu’il apparaisse comme un opposant secret. Il faudra mener habilement la conversation à propos de la situation délicate (conflictuelle) dans laquelle l’URSS a été mise par lesdites démocraties européennes, du fait de leur front uni contre le National‑socialisme, d’où la conclusion d’une alliance avec les impérialismes français et anglais –l’impérialisme contemporain réel‑ pour la destruction d’un impérialisme potentiel. Il faut qu’il s’exprime en des termes qui identifient la fausse position soviétique avec celle également fausse de la démocratie américaine… qui se voit, elle aussi, forcée de soutenir l’impérialisme colonial pour défendre la démocratie en Angleterre et en France. Comme vous le constatez, la question peut se traiter sur un fondement très logique et solide.

Cela fait, il est alors très facile de formuler une hypothèse d’action : la première, c’est que ni 1’URSS ni les Etats‑Unis n’ont intérêt à l’impérialisme européen. Ceci ramène donc la dispute à une question d’hégémonie personnelle.

En outre, pour des raisons tant idéologiques qu’économiques, la Russie et l’Amérique désirent toutes deux la destruction de l’impérialisme colonial européen, que cela se fasse par voie directe ou indirecte. Les Etats‑Unis pour leur compte le désirent encore plus.

Si l’Europe devait perdre sa puissance dans une nouvelle guerre, l’Angleterre n’ayant pas de forces propres, de par la disparition de l’Europe en tant que force et puissance, elle pencherait alors aussitôt vers l’Amérique de tout son poids et avec celui de l’Empire, du fait de la communauté de langue, et ceci arriverait inévitablement à la fois politiquement et économiquement….

Analysez ce que vous venez d’entendre à la lumière de la conspiration de gauche peut‑on dire, et cela sans que cet exposé ait pu choquer un bourgeois américain. Une fois ce point atteint, on pourra se donner un interlude de quelques jours. Puis en ayant noté la réaction, il faudra faire un pas de plus. Maintenant Hitler se lance en avant. On peut dorénavant parler d’une agression : il est réellement l’agresseur et il n’y a plus aucun doute là‑dessus. Et alors on peut donc poursuivre en posant la question: quelle action commune doit être entreprise par les Etats-Unis et l’Union Soviétique, en vue de la guerre entre les impérialistes que veulent ceux‑ci ? La réponse pourrait être la neutralité. On peut toutefois se poser cette question : la neutralité certes, mais elle ne dépend pas seulement du désir d’une des parties, mais aussi de l’agresseur. Il ne peut y avoir de garantie à cet égard que si l’agresseur ne peut attaquer ou si cela ne lui convient pas. Dans ce but la solution infaillible est l’attaque de l’agresseur contre un autre Etat impérialiste.

A partir de là, il est très facile d’exprimer la nécessité et l’aspect moral comme assurance de provoquer un conflit entre les Etats impérialistes, au cas où ce conflit ne surviendrait pas spontanément. Et dès lors que l’idée sera acceptée sur le plan théorique, on pourra régler la question des actions pratiques à entreprendre, qui ne seront qu’affaire de technique. Voici un plan possible :

1) un accord avec Hitler pour le partage en deux de la Tchécoslovaquie et de la Pologne (ou mieux de cette dernière seule).

2) Hitler acceptera. S’il est capable de soutenir un bluff pour la conquête, c’est à dire de prendre quelque chose en étant allié avec l’URSS, cela représentera pour lui une pleine assurance que les démocraties s’inclineront. Il sera sourd à leurs menaces verbales, car il sait que les mêmes qui essaient de l’intimider par des menaces de guerre sont en même temps des partisans du désarmement et que leur propre désarmement est réel.

3) Les démocraties attaqueront alors Hitler mais pas Staline; elles raconteront à leurs peuples que, bien que tous deux soient coupables d’agression et d’annexion‑partage, des raisons stratégiques et logiques les forcent à les battre l’un après l’autre : Hitler d’abord et ensuite Staline.

G.– Mais est‑ce qu’elles ne nous tromperont pas ?… Si elles étaient véridiques en le disant ?

R.– Mais comment le pourraient‑elles ? Staline n’a‑t‑il pas pleine liberté d’action afin d’aider Hitler en suffisance ? Est‑ce que nous ne lui mettons pas en mains la possibilité de faire poursuivre la guerre entre les capitalistes jusqu’au dernier homme et jusqu’au dernier franc? Avec quoi pourraient‑elles l’attaquer ? Les Etats occidentaux épuisés auront déjà assez à faire avec la révolution communiste chez eux, qui par ailleurs a une chance de triompher.

G.– Mais si Hitler s’assurait d’une victoire rapide et que, comme Napoléon, il mobilise alors toute l’Europe contre l’URSS ?

R.– Voilà qui est bien improbable. Et vous oubliez l’existence des Etats‑Unis. Vous négligez le facteur de la puissance, plus important encore. N’est‑il pas naturel que l’Amérique, imitant en cela Staline, aide alors pour sa part les Etats démocratiques ? Si l’on devait coordonner contre la montre l’aide aux deux groupes de combattants, on serait assuré, à coup sûr, d’une extension continue de la guerre.

G.– Et les Japonais ?

R.– Est‑ce que la Chine ne leur suffit pas ? Que Staline leur garantisse sa non-­intervention. Les Japonais sont très amateurs de suicide, mais pas cependant au point d’être capables d’attaquer simultanément la Chine et l’URSS. Une autre objection encore ?

G.– Non; si cela dépendait de moi, j’essaierais… Mais pensez‑vous que le délégué… ?

R.– J’en suis certain. Je n’ai jamais eu l’occasion de lui parler, mais veuillez noter un détail: la nomination de Davis fut annoncée en novembre 1936 : on doit assumer que Roosevelt avait pensé bien plus tôt à l’envoyer, et que dans cette intention il entreprit les démarches préliminaires; nous savons tous que l’examen de la question et les explications officielles de la nomination prennent plus de deux mois. Donc apparemment, sa nomination fut acquise en août… Et que se passa-t‑il en août ? C’est en août que Zinoviev et Kamenev furent fusillés.

Je suis prêt à jurer que sa nomination s’est faite en vue d’une nouvelle implication, de LEUR part, dans la politique de Staline. Oui, je le pense assurément. Avec quelle agitation intérieure n’a-t‑il pas dû alors entreprendre son voyage, en voyant tomber l’un après l’autre les chefs de l’opposition dans des purges successives. Savez‑ vous s’il assista au procès de Radek ?

G.– Oui.

R.– Vous le verrez. Entretenez‑vous avec lui. Il attend cela depuis plusieurs mois.

G.‑ Nous devons maintenant en terminer pour cette nuit ; mais avant de nous séparer je veux encore savoir quelque chose. Faisons l’hypothèse que tout ce dont nous avons parlé se vérifie et que tout se déroule avec un plein succès. ILS” vont poser des conditions particulières. Pouvez‑vous deviner de quoi il pourrait s’agir ?

R.– Ce n’est pas difficile à deviner. La première condition sera de mettre fin aux exécutions de communistes, c’est-à-dire des trotskystes comme vous les appelez. Ensuite, naturellement, ils demanderont l’établissement de plusieurs zones d’influence, comme je l’ai déjà mentionné. Ce seront les frontières qui devront délimiter le Communisme formel du Communisme réel.

C’est la condition la plus importante. Il y aura là des concessions réciproques, pour une aide temporaire mutuelle pendant la durée du plan et le cours de son exécution. Vous constaterez par exemple ce phénomène paradoxal que toutes sortes de gens, ennemis de Staline, se mettront à l’aider; sans qu’il doive s’agir nécessairement de prolétaires ni d’espions professionnels. Des personnes d’influence apparaîtront à tous les niveaux de la société, même à des niveaux très élevés. Elles se mettront à aider le Communisme formel stalinien, à partir du moment où il deviendra, sinon réel, mais du moins un Communisme objectif. M’avez‑vous compris ?

G.– Un peu. Vous enveloppez ces choses sous une casuistique si impénétrable !..

R.– S’il nous faut en terminer, je ne peux que m’exprimer de cette manière. Mais voyons si je ne peux  pas cependant vous aider à mieux comprendre. Il est bien connu que le Marxisme s’est appelé hégélien. C’est ainsi que s’est vulgarisée cette doctrine. L’idéalisme hégélien est une variante, répandue pour l’esprit occidental mal informé, du mysticisme naturel de Spinoza.

EUX sont spinosistes, ou peut‑être devrait‑on plutôt dire à l’inverse que le spinosisme c’est EUX, en ce sens qu’il ne fut qu’une version, appropriée à l’époque, de LEUR propre philosophie, qui, elle, est beaucoup plus ancienne et d’un niveau beaucoup plus élevé. Après tout, un hégélien et pour cette raison même un adepte de Spinoza, était fidèle à sa foi, mais seulement temporairement, tactiquement.

La question ne se situe pas comme le prétend le Marxisme, à savoir que la synthèse s’élève comme le résultat de l’élimination des contradictions. C’est comme résultat d’une fusion mutuelle des opposés que de la thèse et de l’antithèse s’élève en tant que synthèse la réalité, la vérité, comme une harmonie finale entre ce qui est subjectif et objectif.

 N’apercevez-vous pas déjà cela ? A Moscou, il y a le communisme, à New York, le capitalisme : c’est la thèse et l’antithèse. Analysez alors l’un et l’autre : Moscou, c’est le communisme subjectif mais aussi le capitalisme objectif, le capitalisme d’Etat. New‑York, c’est le capitalisme subjectif, mais le communisme objectif. Une synthèse existe sur un plan personnel, la vérité: c’est la Finance Internationale, celle du Capitalisme‑Communisme, c’est EUX.

(Suite et fin au prochain numéro)


1  Ndt : le Haut Commandement Allemand

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