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Par Murat Louis Dr

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REGARD SUR LA CRÉATION

«Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu quand on Le considère dans ses ouvrages. »

(Rm1, 20)

La racine1

Résumé : Sans le fonctionnement constant des racines, pas une seule plante ne subsisterait, si bien que peu à peu toute vie cesserait sur notre globe. Grâce à l’osmose, les sels solubles dans le sol passent de l’autre côté de la membrane et sont mis à disposition de la plante : première exception aux lois de l’entropie qui veulent l’égalisation de toutes les différences. Plus remarquable, la remontée de la sève (contraire à la loi de la gravitation) est due à la capillarité : les liquides s’élèvent dans les tubes très fins (au lieu de descendre). Surtout, comme pour toutes les cellules, celles de la racine ne prélèvent que les sels et les sucs qui conviennent à la plante et laissent les autres au-dehors. Ce sont là autant de faits qui nous montrent l’œuvre d’un Créateur intelligent et prévoyant. Autre point remarquable : la manière dont la racine se courbe pour aller chercher l’eau, le côté sec de la racine croissant plus vite que le côté humide. À l’évidence, absolument rien dans un être vivant ne relève du hasard !

Nous ne décrirons pas les formes extérieures des racines : pivotantes, fasciculées, adventices, etc., ni leur structure interne montrant de nombreuses couches concentriques : cylindre central avec parenchyme conjonctif, péricycle, rayons médullaires, faisceaux ligneux, faisceaux libériens, assise rhizogène, écorce interne et externe, endoderme, enfin l’assise pilifère sur laquelle se dressent d’innombrables poils absorbants

La distribution ordonnée des radicelles sur la racine est régie par les lois de la rhizotaxie : les radicelles naissent et se disposent par 2 (Crucifères), par 4 (Ombellifères), par 5 (Solanées), en séries rectilignes ou obliques.

Examinons d’abord le mécanisme de l’absorption, les moyens par lesquels la plante arrive à extraire du sol et à porter dans ses organes les substances dont elle a besoin.

Le principal agent de cette fonction est le courant osmotique qui va vers l’intérieur de la plante où les solutions sont plus épaisses que dans le sol lui-même. On sait que l’osmose est le curieux phénomène grâce auquel deux liquides de consistance différente, séparés par une membrane poreuse, se mélangent, le moins visqueux des deux finissant par passer en grande partie du côté opposé de la membrane. Ainsi s’élève considérablement le niveau du côté du liquide le plus épais, le plus visqueux, tandis qu’il s’abaisse du côté du liquide le plus fluide.

Grâce à cette loi de l’osmose, la plante peut extraire du sol qui l’environne et amener jusqu’au niveau de sa tige et de ses feuilles, les nitrates, les phosphates et les sulfates dissous qui la nourrissent.

Si les solutions formées par l’eau de pluie avec les principes de la terre n’avaient été, par une harmonie préétablie, titrées comme il convient, si on les suppose devenant un jour par le fait du hasard plus épaisses que celles des tissus végétaux et que les sucs divers élaborés par les cellules des plantes, ces dernières ne pourraient assurer leur nutrition. La flore entière disparaissant, les animaux herbivores disparaîtraient aussitôt, puis les hommes à leur tour, faute de nourriture et d’air régénéré. Tout l’univers animé serait bientôt gisant dans les affres de l’agonie.

Les merveilleux édifices de matière vivante qui couvrent le globe, s’écrouleraient comme des châteaux de cartes sur lesquels passe un souffle. Tout composé organique se dissoudrait et le silence d’une uniforme désolation s’étendrait sur la terre.

En étudiant cette simple fonction d’une petite racine, nous découvrons, nous soupçonnons en tout cas, les millions de condi­tions semblables nécessaires à la vie, et dont la suppression, même passagère, d’une seule romprait les grandes harmonies de la nature et entraînerait pour le monde organique un désastre sans lendemain.

Peut-on douter, en présence de telles constatations, de l’existence d’un Être conscient et souverain, constructeur ingénieux d’une machine si harmonieusement compliquée?

Aux effets de l’osmose, il faut ajouter, pour la possibilité de la nutrition des plantes, l’action de la capillarité.

Les principes dissous montent dans les tubes fins de la plante en dépit des lois de la pesanteur. Les difficultés tenant aux lois physiques générales sont ainsi ingénieusement tournées grâce aux tubes à calibres très fins dont sont dotées les plantes et à la loi spéciale de la capillarité.

C’est la consommation de la plante qui règle automatiquement l’absorption des aliments à travers la paroi des poils des racines. Quand les cellules contiennent autant de sels que la sève absorbée par les racines, l’équilibre osmotique est réalisé et l’absorption est suspendue. Mais alors deux cas se présentent : la plante décompose ces sels et les utilise, ce qui est le cas pour les phosphates et nitrates de potasse — l’équilibre est alors détruit et l’absorption reprend —, ou bien la plante n’utilise pas les sels absorbés, et, l’équilibre osmotique subsistant, l’absorption reste arrêtée. Ce mécanisme explique l’accumulation du brome et de l’iode dans les Fucus, alors que l’eau de mer en contient très peu.

« La plante sait aussi faire un choix parmi les substances contenues dans le sol, c’est ainsi que les sels de potassium sont très activement absorbés, tandis que les sels de sodium le sont peu2. » Comme le dit également Levêque, « ce qui est vraiment admirable, c’est que la force qui suscite ce courant semble procéder avec discernement ». Les sucs dissous et assimilables passent et non les poussières inertes en suspension ni les solutions nuisibles. La racine ne livre passage qu’aux principes spéciaux choisis pouvant servir à la composition du plasma végétal.

Voici comment, dans leur Traité d’histologie (1904, t. Ier, p. 283), MM. Prenant, Bouin et Maillard tentent d’expliquer ces phénomènes :

« On s’est extasié pendant longtemps, et maints ouvrages le font encore, sur la remarquable propriété par laquelle les cellules font un choix parmi les matériaux dissous qui leur sont présentés et n’absorbent que ceux qui peuvent leur être utiles, se gardant d’introduire dans leur protoplasma des substances dangereuses.

Sans doute, il est vrai que l’exoplasma hémiperméable laisse passer certaines molécules, en arrêtant les autres ; mais le fait de voir pénétrer les substances utiles, alors que les corps dangereux restent au dehors, s’explique très simplement, par la sélection. Il est inutile d’y voir un pouvoir mystérieux et de l’exprimer en langage anthropomorphique ; il suffit de songer à la destruction inévitable, au cours des âges, de tous les types cellulaires dont la membrane aurait été conformée autrement. Ce qui le prouve, c’est qu’en présentant à une cellule donnée des poisons spéciaux que l’espèce n’a probablement jamais eu l’occasion de rencontrer au cours de son histoire, on voit souvent la cellule absorber le poison et en mourir. » Évidemment, comme chez nous et chez les herbivores même, on peut aussi constater des accidents d’empoisonnement. Il n’y a pas infaillibilité absolue de l’instinct sur ce point. C’est toutefois un accident exceptionnel et isolé.

Mais le raisonnement cité repose sur un argument qu’il n’est point, à notre avis, difficile de réfuter.

Ce raisonnement supposerait, dans le cas d’herbivores par exemple, un nombre presque infini d’espèces ayant vécu sur la terre et parmi lesquelles une ou quelques-unes seules auraient survécu. Or, l’histoire de la terre montre l’évidente erreur de cette hypothèse. Bien loin de nous révéler comme un chaos de races innombrables ensevelies, elle montre qu’il n’a existé qu’un nombre relativement limité d’espèces définies qui, après avoir vécu normalement pendant une suite de siècles, se sont éteintes pour des raisons qui, dans aucun cas, n’ont rien eu à voir avec des empoisonnements. Il en est de même pour la flore, à types bien connus, de la période carbonifère.

Nous ne pouvons nous étendre sur les diverses réactions chimiques, encore très insuffisamment connues du reste, qu’est susceptible de réaliser le protoplasma vivant des cellules de la racine. On a observé que le bichlorure de mercure se transforme en calomel, que le nitrate d’argent est réduit, que les persels de fer sont précipités, etc.

Les racines ont des mouvements dont nous allons étudier le curieux mécanisme, en tant que direction ou orientation et en tant que pénétration.

Les racines principales se dirigent toujours vers le bas. Si on place le végétal avec un dispositif spécial, sur une roue animée d’un mouvement rapide, on voit les racines suivre l’impulsion de la force centrifuge, force sans doute confondue par l’« instinct » de la plante avec celle de la pesanteur, qui la guide habituellement.

Les lois du géotropisme gouvernent si bien la racine qu’elle se développe toujours verticalement de haut en bas, sans qu’elle soit en cela attirée par le milieu le plus favorable ou qu’elle veuille éviter la lumière, comme le prouve l’expérience du « pot renversé».

On sème une graine dans un pot qu’on renverse en ayant soin, à l’aide d’un grillage, d’empêcher la terre de tomber : la racine va se développer verticalement et de haut en bas dans l’air et la lumière, tandis que la tige se dirigera de bas en haut dans la terre même du pot et dans l’obscurité.

On peut invoquer pour expliquer le mécanisme de ces mouvements, utiles à la plante, sauf dans des cas expérimentaux qui ne se rencontrent que tout à fait exceptionnellement dans la nature, la pesanteur (géotropisme), l’humidité (hydrotropisme), la lumière, la pression, la température…

Voici, par exemple, mise en évidence, l’influence de l’humidité. Quand l’humidité est inégale sur les deux faces de la racine, la face tournée vers le milieu le plus humide s’accroît moins ; donc la racine se courbe et se dirige vers l’humidité : c’est ainsi que les racines des arbres plantés sur les bords des rivières se dirigent vers l’eau.

Remarquons que c’est là une simple constatation du phénomène, mais que la cause première de ce retard de croissance du côté humide, qui se produit si à propos sur les racines seules pour orienter vers une source, vers le lieu où se trouve sa nourriture et la grande quantité de liquide dont il a besoin, un Platane ou un Tilleul par exemple, reste tout aussi mystérieuse.

Rien, à ce point de vue, n’est expliqué. Pourquoi, avec les mêmes lois et dans le même milieu, comme nous l’avons vu dans l’expérience du pot renversé, la tige se dirige-t-elle malgré tout en haut et la racine en bas, après être parties l’une et l’autre du même point, de la même graine initiale ? Quand bien même on remonterait d’explications naturelles en explications naturelles, de phénomènes en phénomènes, on se buterait toujours à l’ignorance des causes initiales, et, dans le rejet obstiné de Dieu, au mur impénétrable de l’agnosticisme. On aurait alors reculé la diffi­culté, mais on ne l’aurait pas résolue, et la merveille resterait toujours identique.

Ce qui est pour nous manifeste et indéniable, c’est le but de l’hydrotropisme, ingénieux stratagème employé par la nature pour faire découvrir et atteindre sa nourriture à la plante, cet être vivant inférieur qui ne dispose ni d’intelligence, ni de vue, ni d’ouïe, ni d’odorat, ni de moyen de déplacement pour sustenter son existence.

On peut mettre en évidence l’influence de l’humidité sur la direction des racines en semant une graine au milieu de la terre humide contenue dans un tamis qu’on suspend en ayant soin de l’incliner. La racine subissant le géotropisme se dirige verticale­ment en bas et traverse la toile métallique pour sortir dans l’air. Une fois sortie, la racine a une de ses faces qui est plus voisine de la terre humide, aussi elle va subir l’influence de l’humidité et rentrer dans le tamis ; mais, aussitôt rentrée, le géotropisme va de nouveau agir seul et fera sortir la racine, qui rentrera de nouveau en décrivant ainsi une série de sinuosités.

Il faudrait encore tenir compte, dans l’interprétation de ces phénomènes, du rôle de fixation qui est dévolu indubitablement aux racines des plantes, rôle sans lequel la végétation, la végétation forestière en particulier, ne pourrait subsister.

Ces sinuosités si marquées ne seraient-elles pas, en conséquence, dues aussi en partie à un vague instinct, à des forces spéciales relatives à cette deuxième fonction : direction à choisir par la plante en vue de fixer solidement le végétal ?

Sans doute ici encore on trouverait une explication mécanique, car il y en a toujours une, Dieu ayant caché à dessein sa main derrière les lois qu’il a posées ; mais ces explications, toutes mécaniques qu’elles soient, révèlent, chez ces organismes inconscients et aveugles qui ne font aucun acte volontaire ou raisonné en vue d’un but utile quelconque, le plan admirable de celui qui les dirige, dissimulé derrière les lois physico-chimiques, comme un père qui, dans la pénombre, guide de sa main la main de son enfant écrivant sous la clarté d’une lampe…

D’intéressants travaux ont été faits récemment sur l’action de la pesanteur dans le géotropisme positif. « Le géotropisme positif des racines serait dû à l’action de la pesanteur sur certains corps figurés, relativement lourds, contenus dans certaines cellules à l’extrémité des racines3 Ainsi il existerait dans chaque radicelle un curieux appareil d’orientation et d’équilibre, absolument semblable à celui que l’on a découvert chez les crustacés, et com­posé en somme d’un corps lourd suspendu en général et agissant comme un fil à plomb dont les positions relatives font naître des excitations indicatrices de l’orientation.

Grâce au géotropisme, l’enracinement des végétaux a toujours lieu. Quelle que soit la position des graines disséminées, les racines qu’elles émettent arrivent toujours à s’enfoncer dans la terre.

Pour les racines se développant dans l’eau, le capuchon résistant qui les termine empêche les petits poissons et les animalcules de mordiller et de détruire leur extrémité tendre.


1 Repris de L’idée de Dieu dans les Sciences contemporaines. Le firmament, l’atome, le monde végétal, 3e édit., Paris, Pierre Téqui, 1911, p. 272-284.

2 CAUSTIER Eugène, Hist. nat., Paris, Éd. Vuibert, 1917, p. 328.

3 Expériences de Francis Darwin, « Sur la théorie statolithique du géotropisme », Année biologique, 1903.

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