Le Linceul de Turin, victime d’Ulysse Chevalier

Par Emmanuel Poulle

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Le Linceul de Turin, victime d’Ulysse Chevalier1

Emmanuel Poulle*

Résumé : Dans un « mémoire » de 1389 l’évêque de Troyes, Pierre d’Arcis, se plaignit au pape Clément VII de l’obstination des chanoines de Lirey à exposer malgré son interdiction un faux Suaire du Christ qu’il qualifie de « peinture ou tableau ». Le pape répondit par une bulle du 6 janvier 1390 intimant le silence à l’évêque sous peine d’excommunication et autorisant sous certaines conditions la poursuite des ostensions. Ce mémoire fut édité en 1900 par le chanoine Ulysse Chevalier, médiéviste respecté et membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Il constitue depuis lors l’argument historique le plus puissant des adversaires de l’authenticité du Linceul dit aujourd’hui de Turin : si un contemporain, de surcroît évêque du lieu, affirmait lui-même que c’était un faux, la cause est entendue !
Au terme d’une étude attentive des documents publiés en 1900 et 1903 par Ulysse Chevalier, le Pr Poulle s’est rendu compte que le chanoine avait sciemment et habilement biaisé la présentation des versions de la bulle pontificale, ce qui, en replaçant les documents dans leur contexte (une polémique entre l’évêque et les chanoines, Pierre d’Arcis ayant aussi fait appel au Roi de France pour que le bailli de Troyes retire aux religieux de Lirey la garde du Linceul), détruit de fond en comble l’argumentation d’Ulysse Chevalier et met en cause sa probité scientifique.

Ceux qui s’opposent à l’authenticité du Linceul de Turin trouvent dans le dossier relatif à cette relique deux soutiens de taille : les conclusions de l’expertise au carbone 14 réalisée en 1988, et la position exprimée par le chanoine Ulysse Chevalier dans les années 1899-1903.

Ces deux soutiens ont paru suffisants, par exemple, à Mgr Victor Saxer, dans une mise au point récapitulative du dossier parue en 1990, pour conclure que la question de la non-authenticité du Linceul était définitivement réglée2 : conclusion prématurée, puisque, dès l’année suivante, il s’attirait une réponse sèche mais argumentée du R.P. Vittorio Marcozzi3.

Depuis quinze ans, la bibliographie sur le Linceul de Turin s’est considérablement accrue, non pas que le dossier proprement documentaire ait beaucoup progressé (on en reste aux documents exhumés par Ulysse Chevalier), mais parce que les expertises scientifiques se sont multipliées, explorant toutes sortes de pistes, qui ne sont d’ailleurs pas toutes dignes du même intérêt. Les partisans de l’authenticité continuent néanmoins de se voir inlassablement opposer les conclusions du carbone 14 et les documents réunis par U. Chevalier.

Je n’ai pas de compétence pour discuter directement de l’expertise au carbone 14, sur laquelle je me borne à indiquer que des scientifiques plus qualifiés que moi portent un jugement très critique, contestant tour à tour le principe même de l’application de l’expertise en question à un objet archéologique soumis, au long d’une histoire en site non protégé, à trop d’ « accidents polluants », le choix des échantillons sur lesquels elle a été faite, et même des négligences dans le protocole expérimental qui aurait dû être suivi. Je puis seulement dire que, en tant qu’historien, je constate que les conclusions tirées du carbone 14 quant à la datation du Linceul s’avèrent incompatibles avec la filiation qui peut être établie entre la relique aujourd’hui conservée à Turin et sa représentation dans un manuscrit ordinairement désigné comme le «codex Pray », représentation dont il peut être prouvé que la date est nettement antérieure à celle qu’assigne le carbone 14 à la relique turinoise4.

Je voudrais revenir sur l’enquête d’Ulysse Chevalier, dont la contestation a jusqu’à présent été insuffisante, malgré les critiques virulentes et bien documentées de Don Luigi Fossati qui,  à plusieurs reprises depuis plus de quarante ans, a souligné les conclusions, différentes de celles que voulait imposer U. Chevalier, qu’il fallait tirer des documents disponibles5. Car, alors que la notoriété dont bénéficie le chanoine fait, de façon trop générale, accepter sans discussion son point de vue sur le Linceul, je me propose de montrer que, dans cette affaire, son comportement n’a pas été celui d’un historien digne de ce nom.

L’enquête d’Ulysse Chevalier a pris la forme d’une vingtaine de brochures6, dont les plus importantes pour l’historien, parce qu’elles comportent un bel ensemble de documents édités, sont parues respectivement en 1900 et 1903 : Etude critique sur l’origine du Saint Suaire de Lirey-Chambéry-Turin, et Autour des origines du Suaire de Lirey7.  Mais il va de soi que cette vingtaine de brochures, dont le titre est souvent très proche, sinon même répétitif, se complètent mutuellement et qu’elles constituent un dossier homogène.

Bien que né dans la région parisienne en 1841, Ulysse Chevalier8 a fait toute sa carrière dans le Sud-Est, une carrière ecclésiastique qui l’a conduit d’une cure en Dauphiné à divers canonicats et à l’enseignement, d’abord au grand séminaire de Romans où il professa l’archéologie (1881-1887), puis aux Facultés catholiques de Lyon dans la chaire d’histoire ecclésiastique (1887- 1906). Parallèlement, au long d’une vie d’un peu plus de quatre-vingts ans, il a mené une belle activité d’érudit, étant membre de diverses sociétés locales (essentiellement dans le Sud-Est) ou de grandes sociétés nationales auxquelles on est admis par cooptation telles que les Antiquaires de France ou la Société de l’Histoire de France. La reconnaissance internationale lui est venue avec son élection comme membre de diverses instances scientifiques européennes aussi prestigieuses que l’Académie royale de Belgique, les académies royales de Palerme et de Turin en Italie, de Madrid et de Séville en Espagne, et bien sûr l’Académie pontificale d’archéologie ; il fut également fait docteur honoris causa de plusieurs universités européennes (Louvain, Oxford, Leipzig). En France même, sa science a été reconnue par les plus hautes autorités puisqu’il a été nommé par le ministère de l’Instruction publique membre de son très respectable Comité des travaux historiques et scientifiques.

Consécration suprême, il fut élu en 1887 correspondant de l’Académie des inscriptions et belles-lettres (il l’était donc lors des publications de 1899-1903) avant d’en être, en 1912, élu membre libre (libre, c’est-à-dire non tenu, puisque résidant en province, aux obligations et servitudes des membres ordinaires) ; la consécration académique ainsi apportée aux travaux d’Ulysse Chevalier leur donnait évidemment une caution décisive.

Tous les médiévistes connaissent et apprécient l’œuvre d’U. Chevalier, ils utilisent encore en particulier ses quatre gros volumes, toujours utiles, du Répertoire des sources historiques du Moyen Age (Topo-bibliographie, et Bio-bibliographie9). Il faut bien reconnaître que la triple qualité d’érudit à l’autorité reconnue, de chanoine, et de correspondant et futur membre de l’Institut ont fait d’Ulysse Chevalier un champion de poids dans le camp de la contestation d’une relique aussi prestigieuse que le Linceul où aurait été enveloppé le Christ. Ajoutons, pour faire bonne mesure, que l’Académie des inscriptions et belles-lettres, entraînée par Léopold Delisle, s’est, sur cette question, rangée sans hésitation derrière son correspondant.

Ulysse Chevalier comptait en effet au nombre des amis de Léopold Delisle, membre d’une exceptionnelle longévité de l’Académie (de 1857 à sa mort en 1910), avec lequel il a entretenu pendant quarante ans une correspondance régulière, qui a par chance été publiée, à l’instigation du frère de l’académicien, peu après le décès de ce dernier10 ; cette publication ne contient malheureusement que les lettres écrites par L. Delisle (la correspondance reçue par Delisle avait été détruite par lui-même peu avant sa mort), mais elles suffisent à jeter une lumière très intéressante sur les relations de confiance et d’amitié qui liaient les deux hommes ; et il apparaît que L. Delisle s’est constamment préoccupé d’obtenir à l’Académie des prix pour un ami qu’il avait aidé à devenir correspondant.

Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que L. Delisle ait tenu à faire hommage à l’Académie, dès le 31 août 1900, de l’Etude critique11, un hommage où la concision qu’imposait un résumé de quinze lignes permettait d’affirmer sans nuances qu’on suivait dans cette Etude « les vicissitudes de cette relique, depuis le jour où un doyen de la collégiale de Lirey la fit fabriquer frauduleusement dans un atelier champenois » ; et, élevant le débat, L. Delisle ajoutait que le mémoire du chanoine se recommandait «encore par des considérations générales d’une haute portée sur la critique avec laquelle doit être traitée l’histoire des reliques, et notamment des reliques de la Passion ». Il revint d’ailleurs sur cette « haute portée » dans le court compte rendu de l’Etude critique qu’il a publié, parallèlement à l’hommage présenté à l’Académie, dans le Journal des savants de septembre 190012. Et, L. Delisle ayant fait une campagne efficace, l’Etude critique fut couronnée par l’Académie des inscriptions au concours des Antiquités de la France de l’année 1901, y obtenant la 2e médaille.

Ce n’est pas tout. L. Delisle confirma constamment, à l’Académie, son opposition à l’authenticité du Linceul ; c’est ainsi que, en 1902, alors que la communication de Paul Vignon, parrainée par Yves Delage, à l’Académie des sciences le lundi 21 avril, avait produit l’émotion que l’on sait (le secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, Marcelin Berthelot, censura la communication de Vignon dans les comptes rendus publiés de son Académie et refusa d’y faire figurer l’intervention de Delage)13.

Il tint, dans la séance de l’Académie des inscriptions qui suivit, le vendredi 25 avril, à réaffirmer avec une certaine solennité que les arguments du chanoine lui paraissaient « avoir jusqu’ici conservé leur valeur », encourageant en quelque sorte, lui qui était bon chrétien, l’athéisme militant de Berthelot.

U. Chevalier, tout au long de cette campagne contre l’authenticité du Linceul, a fait usage d’un ton polémique d’une extrême violence ; ses différentes brochures se présentent d’ailleurs la plupart du temps comme de véritables pamphlets, soit qu’elles s’en prennent à un adversaire nommément désigné (Mgr Colomiatti, pro-vicaire général de Turin, un jésuite, le P. G. Sanna Solaro, ou le chartiste Arthur Loth), soit qu’elles étalent complaisamment les appuis qu’il avait reçus de divers côtés

De toute cette littérature du chanoine, la sérénité commande de ne retenir que le dossier des documents qu’il a publiés dans les deux brochures de 1900 et 1903 ; le reste, qui fait d’ailleurs état d’une bibliographie considérable et garde de ce fait son utilité, est surtout à consulter pour éclairer la psychologie du personnage, qui mériterait à elle seule une étude. Les documents publiés par Ulysse Chevalier dans l’Etude critique sont au nombre de trente-trois, édités sur soixante pages et précédés d’une présentation du même nombre de pages ; et, dans Autour des origines, il a publié dix-sept documents (dont quatre repris, d’après une autre tradition textuelle, de l’édition de 1900), édités sur vingt-neuf pages et précédés d’une présentation de vingt-quatre pages. L’une et l’autre présentations offrent un résumé du dossier, mais non sans l’accompagner des diatribes dont le chanoine était coutumier.

Ce fut notamment, en 1900, le malheureux Arthur Loth qui entra dans son collimateur. Ce chartiste, qui était l’exact contemporain du chanoine, venait de publier une brochure de soixante-dix pages, Le portrait de N-S. Jésus-Christ d’après le Saint Suaire de Turin.

 Maniant le persiflage avec dextérité, Ulysse Chevalier émaillait son exposé de notes perfides, du genre « Ce n’est pas à l’Ecole des chartes qu’on apprend à démarquer ainsi le linge d’autrui ». Pourtant, le chanoine n’est pas lui-même tout blanc, et il pourrait se voir retourner les amabilités qu’il assénait à celui qu’il contredisait : « Accuser ses adversaires de manquer de raison, de logique et de critique quand on en est soi-même médiocrement pourvu est de la suffisance et non de l’humilité » ; car le dossier des pièces qu’il a réunies laisse pas mal à désirer : aucune analyse ne précède leur édition, la ponctuation et la lecture des textes ne sont pas sans erreurs, et on ne voit pas toujours clairement si l’on a affaire à un original ou à une copie ni, s’il y a un original, quelle en est la nature ; ce qui relativise beaucoup la force de démonstration de ces éditions de textes. De plus, comme une des bulles de Clément VII (document O de l’Etude critique14), avait été, en 1900, rapportée à la même date, le 6 janvier 1390, à laquelle le pape expédiait d’autres bulles, alors qu’elle fut, en 1903, rajeunie de six mois, l’exposé chronologique fourni dans l’Etude critique en préambule à l’édition des documents retrouvés s’en trouve embrouillé et quelque peu inexact15.

Mais il y a beaucoup plus grave : en présence, pour certains des textes édités, de plusieurs témoins offrant des variantes significatives, U. Chevalier a choisi celles qui l’arrangeaient, sans se préoccuper de la place que devaient occuper ces témoins dans la chaîne de leur authenticité. Je vais y revenir.

Les deux séries de documents publiés en 1900 et en 1903 sont présentées dans un ordre à peu près chronologique. Environ la moitié d’entre eux (dix-sept documents en 1900, et sept en 1903) sont des XIVè et XVè siècles, et concernent le sort de la relique après qu’elle eut quitté la collégiale de Lirey en Champagne : ils assurent donc seulement la continuité de son histoire, de Lirey à Chambéry puis à Turin, que personne d’ailleurs ne met en doute sinon pour inventer des romans. Les seize premiers documents de 1900 et cinq de ceux de 1903 (dont les quatre repris de l’édition de 1900) se rapportent à la contestation de 1389, c’est-à-dire à une étape relativement tardive de l’histoire champenoise de la relique, et cinq seulement (tous dans le dossier de 1903) portent sur le début de la deuxième moitié du XIVè siècle.

Pour l’histoire de la discussion sur l’authenticité du Linceul de Lirey qui a agité la fin du  XIVe siècle, le dossier se ramène donc aux cinq documents des débuts de la fondation de la collégiale et aux seize plus un documents de 1389-1390, soit en tout vingt-deux documents, mais en fait quinze seulement si on en retranche les extraits d’inventaires anciens d’archives mentionnant l’un ou l’autre de ces quinze documents mais n’apportant rien de plus quant à leur contenu.

On peut reconnaître trois groupes dans cette quinzaine de documents. Le premier concerne les cinq documents de 1349-1357 (documents A* à E*, à compléter d’ailleurs par des documents précédemment publiés par des historiens troyens, Camuzat et Lalore, mais non repris par U. Chevalier) : ils portent sur la création et sur le « lancement »  de la collégiale de Lirey, c’est-à-dire sur les indulgences dont bénéficieront ses visiteurs, sans qu’il soit fait aucune allusion, comme l’a fait fort justement remarquer U. Chevalier, à quelque relique que ce soit qui serait déposée à Lirey ou que Lirey pourrait accueillir ; c’est seulement avec les deuxième et troisième groupes qu’il est question des ostensions qui avaient lieu à Lirey, et donc de l’existence de la relique litigieuse.

Le deuxième groupe n’est constitué que par le document O (=H*) évoqué ci-dessus, une bulle du pape Clément VII du 28 juillet 1389 qui ne fait preuve d’aucune hésitation quant à l’authenticité du Linceul.

Mais il aurait dû comprendre également l’indult du légat Pierre de Thury autorisant Geoffroy II de Charny (le fils et successeur du fondateur de la collégiale) à procéder à des ostensions du Linceul, indult qui n’a pas été retrouvé mais qui est à plusieurs reprises évoqué par les documents postérieurs ; on peut également y rattacher la bulle de Clément VII du 1er juin 1390 (document L*), postérieure par conséquent aux documents du troisième groupe, par laquelle le pape accorde des indulgences à ceux qui visiteront la collégiale et son Linceul sans faire aucune allusion aux conditions précédemment portées aux ostensions du Linceul. Enfin figurent dans le troisième groupe le rapport (document G) de l’évêque Pierre d’Arcis, ordinaire du lieu où avaient lieu les ostensions, et tous les documents consécutifs à ce rapport : les trois bulles du même Clément VII contredisant ou corrigeant la précédente (documents K = J*, N = I* et P = K*), et les interventions du roi Charles VI et de ses officiers dans la controverse (documents A, B, E et F). Aucune des bulles pontificales n’est conservée en original.

En résumé : dans le premier groupe, il est question d’une collégiale sans relique ; dans le deuxième groupe, les autorités ecclésiastiques (le légat et le pape) entérinent l’existence à Lirey d’une figura seu representatio Sudarii Domini, dont la contestation n’est pas d’actualité ; et, dans le troisième groupe, sous la pression de l’évêque de Troyes, Pierre d’Arcis, Clément VII revient sur son précédent avis, non pas pour l’annuler, mais pour le compléter d’une mise en garde, le roi, quant à lui, se bornant à faire prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au trouble de l’ordre public. Les deuxième et troisième groupes ont été produits dans une fourchette chronologique assez brève : les années 1389-1390.

 L’inconnu porte sur ce qui s’est passé avant 1389 ; les documents existants antérieurs à cette date ne parlent pas du Linceul ; la seule allusion à une présence précoce (c’est-à-dire avant 1389) du Linceul à Lirey se trouve dans le rapport de Pierre d’Arcis, lequel assure qu’il y a déjà eu, au temps de son prédécesseur Henri de Poitiers, des ostensions auxquelles son prédécesseur  s’était opposé.

L’appréciation de leur réalité repose donc entièrement sur la confiance que l’on peut apporter au témoignage de Pierre d’Arcis sur les faits allégués.

On notera d’abord que ce rapport n’est connu que par des copies; U. Chevalier a privilégié l’une d’elles, considérant qu’elle était la minute (il prétend même, sans preuve aucune, qu’elle fut distraite jadis des archives de l’évêché16) du rapport adressé au pape : ce n’est là que son opinion, nullement démontrée. En fait, il est impossible de rien démontrer sur l’authenticité ou la provenance de ce document, privé de tout indice qui pourrait  suggérer une piste ; on lui a reproché d’être mal écrit17 ; il a surtout été mal ponctué par son éditeur, qui a laissé passer des fautes de lecture. Minute ou pas, le texte qui est venu jusqu’à nous correspond sans doute à peu près à celui qui a été envoyé au pape; la date de l’envoi reste inconnue, de même que celle  de son arrivée en Avignon : on a proposé de situer la première entre le début de janvier et la fin de mai 139018 ;  je crois quant à moi que le mémoire est un peu antérieur, ayant été rédigé après l’arrivée en Champagne de la bulle du 28 juillet 1389 (puisqu’une phrase du mémoire de Pierre d’Arcis fait manifestement référence à cette bulle : il précise qu’il ne l’a pas vue), et que les bulles du 6 janvier 1390 lui sont consécutives, même si elles sont loin d’en adopter les conclusions.

Notons par ailleurs qu’il a circulé, on en aura une preuve ci-après, des copies des pièces du dossier qui ne sont pas fiables, ou, plus exactement, qui sont moins fiables que d’autres, comme si quelqu’un avait eu intérêt à faire prévaloir un point de vue plutôt qu’un autre. S’il est donc possible que le seul  texte du mémoire que nous connaissons aujourd’hui soit effectivement celui qui a été envoyé au pape, il est également possible qu’il en soit une image déformée.

Pierre d’Arcis appuie son hostilité aux ostensions du Linceul sur le fait que son prédécesseur Henri de Poitiers aurait déjà éprouvé des doutes sur son authenticité et, mieux même, qu’il aurait retrouvé le peintre qui l’avait produit et que celui-ci aurait avoué les faits. Derrière U. Chevalier, nombreux sont ceux qui, comme L. Delisle (cf. ci-dessus), ont pris pour argent comptant ces affirmations ; elles me laissent plus que sceptique. Non seulement les faits allégués remontent, selon l’évêque de Troyes, à trente-quatre ans, et en tout cas à plus de vingt ans (puisque Henri de Poitiers est mort en 1370), mais ils ne sont évoqués que de façon indirecte, à travers ce qu’aurait fait et dit Henri de Poitiers si l’on en croit son successeur médiat. Pierre d’Arcis aurait pu ne pas se contenter de on-dit, mais bien plutôt retrouver des témoins, faire état de pièces de la procédure qui ne pouvait manquer d’avoir laissé des traces ; or il ne donne d’autre nom que celui de son prédécesseur, pas même celui du prétendu peintre, et il se borne à affirmer sa bonne foi : elle me paraît plus que suspecte. Voulant, pour des raisons que nous ignorons, et qui se cachent derrière celles qu’il invoque, mettre fin aux ostensions du Linceul, il utilise tous les arguments capables de convaincre le pape (trouble à l’ordre public, risques d’idolâtrie, faux miracles, etc.) ; et la fausseté dévoilée de la relique se range au nombre de ses arguments. Il aurait été plus crédible si les dérives dont il fait état avaient laissé des traces dans les chroniques ou dans les archives de l’officialité diocésaine.

Le pape, en tout cas, ne paraît pas s’être laissé convaincre aussi facilement. Le vocabulaire utilisé par les documents pontificaux est de la plus haute importance : il faut y peser les expressions employées et les corrections dont elles ont été l’objet.

Tout tourne autour de deux formules, existant chacune en deux versions : l’une pour désigner ce qu’on voit sur le Linceul («figura seu representatio Sudarii » ou «pictura seu tabula facta in figuram seu representationem Sudarii »), l’autre pour préciser la mise en garde qui doit accompagner les ostensions («  quod figura seu representatio predicta non est verum Sudarium » ou « quod figuram seu representationem predictam non ostendunt ut verum Sudarium »); selon qu’elles figurent, ne figurent pas, ou ne figurent plus dans les documents pontificaux, on pourra juger de l’accueil fait par le pape à l’intervention de l’évêque.

Dans un premier temps (c’est le document O = H*, que U. Chevalier croyait d’abord produit dans la même foulée que les bulles du 6 janvier 1390, mais qui date en fait, comme il s’en est aperçu en 1903, de la fin de juillet 1389), Clément VII confirme à Geoffroy II de Charny, nonobstant les interdictions formulées par l’évêque, l’autorisation des ostensions donnée par le légat (dont l’indult n’a pas été conservé), et il ne met aucune restriction à ces ostensions ; il emploie alors uniquement et à plusieurs reprises l’expression «figura seu representatio Sudarii » et informe Geoffroy de Charny qu’il impose à l’évêque un «perpetuum silentium » sur les interdictions qu’il avait prononcées. Il est clair que, dans figura Sudarii, le génitif est un génitif objectif, il s’agit  «de l’image ou de la représentation qui figure sur le Linceul », et non d’une image ou représentation du linceul comme le serait une photographie ou un tableau : l’expression, sans affirmer l’authenticité de cette relique, la sous-entend.

Dans le même temps où le pape accordait à Geoffroy la levée des interdictions de l’évêque de Troyes, celui-ci s’agitait, puisque, le 4 août 1389, Charles VI enjoignait au bailli de Troyes, sur plainte de l’évêque, de mettre le Linceul en la garde du roi (document A, engendrant à sa suite les documents B, E et F) ; il désigne alors le Linceul par la formule « pannus manufactus et in figuram vel similitudinem ac commemorationem sacri Sudarii arificialiter depictus» [étoffe…peinte avec art à la main et en figure ou ressemblance et évocation du saint Suaire] , c’est-à-dire par une expression manifestement suggérée par l’évêque puisqu’on la retrouvera deux fois dans le mémoire de Pierre d’Arcis :

 «quidam pannus artificiose, ou artificialiter, depictus » [une certaine étoffe peinte avec art].

C’est ensuite qu’intervient le mémoire établi par Pierre d’Arcis à l’intention du pape, et les trois bulles du 6 janvier 1390 (documents N = I*, K = J*, et P = K* qui renvoie par erreur à N au lieu de P) : l’une est adressée à l’évêque de Troyes, la seconde est de portée générale, et la troisième est adressée aux officiaux de Langres, d’Autun et de Châlons. A l’évêque de Troyes, il est seulement enjoint de cesser les impedimenta qu’il a fait opposer par les agents royaux aux ostensions, du moment que sont respectées les règles qui ont été fixées pour ces ostensions, mais ces règles, qu’énonce la deuxième bulle, ne lui sont pas précisées. Aux officiaux (troisième bulle) sont notifiées les règles imposées pour les ostensions par la deuxième bulle, à charge pour eux d’en surveiller la bonne exécution, mais les copies existantes de cette bulle se sont dispensées de recopier ces règles alors qu’elles figurent dans la bulle elle-même à en juger par son enregistrement. C’est donc par la deuxième bulle (document K = J*) et par l’enregistrement de la troisième que sont connues, dans le détail, les règles imposées pour les ostensions.

U. Chevalier avait publié, en 1900, ces bulles d’après les copies qu’il en connaissait, conservées à la Bibliothèque nationale ;  trois ans plus tard, il fait état des versions qui en ont été retrouvées dans les registres pontificaux. Or tous ces témoins n’ont pas exactement le même texte. Après un rappel des faits, la bulle de portée générale (document K) renouvelle d’abord la confirmation déjà donnée à l’indult du légat et le perpetuum silentium imposé à l’évêque (ce qui renvoie à la bulle du 28 juillet 1389), puis fixe dans quelles conditions doivent se dérouler les ostensions : selon la version publiée en 1900, le clergé doit s’abstenir de revêtir des vêtements de chœur et doit éviter les solennités habituelles dans les ostensions de reliques, et toute ostension doit être accompagnée de l’annonce « que l’image et représentation montrée n’est pas le vrai suaire du Christ et que ce n’en est qu’une peinture ou un tableau ».

Les copies consultées par U. Chevalier en 1900 divergeaient quant au texte de ces conditions : une seule d’entre elles avait le texte que je viens de résumer, tandis que les autres faisaient silence sur l’abstention des vêtements de chœur et modifiaient le texte de l’annonce, qui devenait : « qu’on ne montre pas ladite figure ou représentation comme étant le vrai suaire, mais en tant que figure ou représentation dudit suaire » ; U. Chevalier avait retenu le texte du témoin isolé, rejetant les variantes des autres copies dans l’apparat critique. Or les enregistrements de la bulle K et de la bulle P font état des deux versions : une première rédaction donne en effet le texte du témoin isolé, avec la date du 8 des ides de janvier (6 janvier) et son enregistrement le 8 des ides de février (6 février).

Puis des corrections importantes sont intervenues19 : des mots ont été rayés, d’autres ont été rayés et remplacés, il y a des adjonctions dans les interlignes ou dans les marges ; toutes ces corrections portent sur les règles à suivre lors des ostensions, ce qui produit finalement le texte dont font état les autres copies ; la date du 6 janvier a été conservée, mais celle de l’enregistrement est rayée et remplacée par expeditum 5 kl junii (28 mai), suivi de traditum et correctum 3k1 junii (30 mai). Et l’importance qui s’attache à ces corrections est soulignée par le fait que, dans la marge, en face des deux bulles, une autre main a noté : «Correctum de mandato Johannis de Neapoli ».

Il apparaît donc que, dans un premier temps, les bureaux avaient préparé un texte qui satisfaisait en partie, mais en partie seulement, aux exigences de Pierre d’Arcis ; mais le pape a jugé que ce texte devait être sensiblement édulcoré, et l’a fait corriger : non seulement l’interdiction des vêtements de chœur est supprimée, mais surtout l’annonce à faire n’est plus l’affirmation qu’on est en face d’une peinture (« quod figura seu representatio non est verum sudarium, sed quedam pictura seu tabula facta in figuram ac representationem Sudarii » [que la figure ou représentation n’est pas le vrai suaire, mais quelque peinture ou tableau en forme de figure ou de représentation du Linceul]), mais seulement que ce qu’on montre est une représentation du suaire (« quod figuram seu representationem non ostendunt ut verum sudarium, sed tanquam figuram seu representationem dicti Sudarii» [ que l’on ne montre pas cette figure ou représentation comme étant le vrai suaire, mais en tant que figure ou représentation dudit Suaire])20 ; de plus, cette annonce n’est plus à faire que dans le cas où un sermon est prononcé à l’occasion de l’ostension.

De sorte que, en définitive, le Linceul n’est plus désigné, partout, que par la même expression figura seu representatio sudarii qui avait été utilisée six mois plus tôt (la formule pictura seu tabula, inspirée du pannus artificialiter depictus du mémoire de Pierre d’Arcis et que la première version utilisait une seule fois, en accompagnement du non est verum sudarium, disparaît donc définitivement), expression qui laisse le lecteur dans l’ambiguïté sur la nature, objective ou subjective, du génitif ; et le pape supprime complètement l’affirmation de fausseté qu’impliquait le brutal non est verum sudarium.

L’enregistrement de la bulle du 6 janvier à destination des trois officiaux reçut les mêmes corrections que celles de la bulle de portée générale de même date.

Pour accompagner cette nouvelle rédaction des deux bulles, le pape, en même temps qu’il faisait corriger les textes enregistrés, accordait, le 1er juin (document L*), de larges indulgences aux pèlerins qui visiteraient la collégiale de Lirey, précisant expressément que la présence du Linceul à Lirey donnait lieu à une affluence des fidèles et que la relique y était vénérée (« in qua, ut asseritur, figura seu representatio sudarii Domini venerabiliter conservatur »).

Dans le contexte des événements qui y avaient marqué ces derniers mois, la bulle du 1er juin s’inscrit donc comme un désaveu fort de la première rédaction des bulles du 6 janvier.

On peut se demander ce qui a, entre janvier et mai 1390, provoqué le recul du pape pour ce qui est de la contestation de l’authenticité du Linceul ; si le mémoire de Pierre d’Arcis est bien, comme je le crois, à l’origine des bulles de janvier 1390, il est possible que le pape, après une première rédaction de ces bulles répondant au vœu du mémoire, ait fait faire une enquête, à Lirey ou à Troyes, et conclu à la légèreté des affirmations de Pierre d’Arcis; il faut reconnaître que nombre des allégations de l’évêque relèvent davantage du ragot que de la relation de faits avérés.

On ne sait, puisqu’on ne conserve aucun original bullé, si la première version de la bulle de portée générale du 6 janvier a fait l’objet d’une expédition par la chancellerie. Mais il est possible que, de toute façon, le texte de cette première version en ait été connu ; Pierre d’Arcis, qui invoque son état de santé pour s’excuser de ne pouvoir venir présenter lui-même au pape son mémoire, aura certainement fait porter celui-ci par un mandataire chargé en même temps de suivre son affaire auprès des bureaux, lequel mandataire aura pu avoir copie du projet de bulle, ce qui suffit à expliquer qu’il en ait circulé un texte qui aura rejoint, en Champagne, le dossier de la contestation du Linceul de Lirey et dont la copie a été préférée par U. Chevalier. Mais il n’en reste pas moins que la version définitive, ou si l’on veut la plus authentique, est celle qui résulte des corrections apportées à l’enregistrement de la bulle et dont font état les copies que L. Chevalier n’avait pas jugé bon de retenir dans le dossier publié en 1900.

Loin de faire amende honorable en 1903, il s’est alors pourtant enferré dans son erreur première. Il ne pouvait ignorer que la consultation des registres avignonnais, en lui donnant une version corrigée de ce qu’il avait déjà publié et en lui apportant le document L* qu’il ne connaissait pas, renversait l’argumentation qu’il avait développée depuis trois ans au long de ses nombreuses brochures. Pour éviter néanmoins de se déjuger, il va s’en tirer de façon malhonnête.

Puisqu’il revenait, dans Aux origines, sur l’édition des bulles de Clément VII qu’il avait déjà donnée dans Etude critique, on se serait attendu à ce qu’il la fonde sur les nouveaux documents découverts, c’est-à-dire sur les enregistrements, revêtus de plus d’authenticité diplomatique que les copies de la Bibliothèque nationale ; c’est ce qu’il paraît faire en mettant en vedette, dans la liste des sources, pour chacune des bulles retrouvées dans les registres, le témoin avignonnais ; mais ce n’est qu’un leurre : pour imposer une nouvelle fois sa précédente version, U. Chevalier va jouer de l’apparat critique

Pour la bulle de portée générale, il ne précise jamais, dans l’apparat critique, qu’il y a des mots ou des portions de phrases rayés ou ajoutés dans la marge ou en interligne : il n’y a dans ce texte, à en croire le chanoine, aucune correction, seulement des variantes textuelles ; ce qui le conduit à user d’un étrange apparat : le registre étant désigné par le sigle A, il n’est pratiquement jamais invoqué comme tel (de façon à conforter, chez le lecteur, la conclusion que c’est le registre qui a servi de base à l’édition), alors qu’intervient à plusieurs reprises un sigle A2, qui renvoie, selon l’usage, à un correcteur de A, mais dont le sens n’est précisé nulle part, et derrière lequel le lecteur est discrètement invité à subodorer l’existence de corrections. C’est ainsi que, pour la suppression de la clause d’interdiction des vêtements de chœur, le registre avignonnais et les copies non retenues en 1900 sont mis sur le même plan par la formule ambiguë «A2CDP remplacent par nullas tout le passage précédent depuis quandiu ». Même chose pour la restriction au cadre d’un sermon de la mise en garde à faire publiquement : comment déceler, dans la formule «A2CDP ajoutent…»21, qu’il y a, chez l’un des témoins, une adjonction marginale, devenue chez les autres une banale variante ? Quant à la correction faite au texte de la mise en garde, la gestion trafiquée de l’apparat critique a entraîné U. Chevalier à y commettre une bévue qui tourne à sa confusion, puisqu’il en est venu à laisser croire que sa copie préférée (signalée par le sigle B) ne comporte pas le verbe est dont elle est pourtant, avec la rédaction primitive du registre, le seul témoin !

Pour la bulle aux officiaux, U. Chevalier a procédé autrement : tenant compte, cette fois-ci, de la version enregistrée corrigée, il n’y fait figurer d’autre apparat critique que la sobre annonce (faisant il est vrai, avec le mot « corrections », fonction d’aveu) : «mêmes corrections dans le texte de la première rédaction qu’à la pièce précédente », ce qui est pour le moins surprenant puisque l’édition de «la pièce précédente » en question (la bulle de portée générale) ignorait justement ces corrections !

 La statue de l’historien probe et critique qu’il aimait se voir édifier prend ici quelques coups durs.

Une fois rectifiés les choix abusifs faits par U. Chevalier dans un apparat critique qu’il traitait de façon si cavalière, les différentes bulles de Clément VII ne permettent en aucun cas de conclure que le pape avignonnais reconnaissait qu’il y avait forgerie. En fait, le pape ne prenait pas parti hésitant quant à l’authenticité contestée, et refusant de proclamer qu’il s’agissait d’une peinture, il se bornait à recommander la prudence.

Les documents réunis par U. Chevalier doivent donc cesser désormais, dans tout débat sur l’authenticité ou la non-authenticité du Linceul de Turin, d’être lus et invoqués dans la version, fausse, qu’il en a publiée. Ils constituent, certes, un dossier important de l’histoire du Linceul de Turin, mais il faut les prendre uniquement pour ce qu’ils sont : des témoins passionnants de ce qui fut assurément un moment essentiel de l’histoire de la relique et des remous suscités par sa mise au jour, mais des témoins qui ne sont en mesure ni d’affirmer ni d’infirmer l’authenticité de la relique turinoise. Laissant U. Chevalier à ses phantasmes, scientifiques et historiens peuvent continuer, en toute sérénité, de chercher les preuves de l’authenticité du Linceul, chacun dans le domaine de ses compétences.


1 Repris de la Revue d’Histoire de l’Eglise de France, t.92 (n°229) Juillet-Décembre 2006, où l’on trouvera en outre le texte complet de la bulle de Clément VII, du 6 janvier 1390, dans ses différentes versions.

* Ancien Directeur de l’Ecole des Chartes, Membre de l’Institut (Académie des Inscriptions et Belles Lettres), Vice-Président du Centre International de Paléographie latine, Directeur du Département Historique et Iconographique du CIELT (Centre international d’Etudes sur le Linceul de Turin).

2 Mgr V. Saxer, « Le Suaire de Turin aux prises avec l’histoire », dans RHEF, t.76 (1990), p.21-55.

3 V. Marcozzi, « Le Suaire de Turin : un faux à faire disparaître ? », ibid., t.77 (1991), p.326-328.

4 Le codex Pray est fréquemment invoqué comme témoin important du Linceul de Turin depuis que le Pr Lejeune l’a identifié comme tel (« Etude typologique des suaires de Turin, de Lier et de Pray », dans L’identification scientifique de l’homme du Linceul, Jésus de Nazareth, actes du symposium scientifique international, Rome 1993 [Paris, 1995], p.103-109 et ill.14). Sur la date du codex Pray, voir en dernier lieu E. Poulle, « Le saint Suaire et la datation du codex Pray, The holy Shroud and the dating of the codex Pray », dans Revue internationale du Linceul de Turin, n° 25 (2003), p.6-19.

5 Les articles les plus récents : Don L. Fossati, « Le vicende polemiche di Lirey, i più antichi documenti sulla Sindone », dans Studi cattolici, n° 287 (janvier 1985), p.23-31 ; et « Il memoriale di Pierre d’Arcis et gli scritti di Clemente VII al vaglio della critica », dans L’identification scientifique.., p.113-121.

6 Elles sont énumérées dans la bio-bibliographie du chanoine publiée en 1912 : M. le chanoine Ulysse Chevalier, son œuvre scientifique, sa bio-bibliographie, nouv. éd. publiée par les soins de la Société d’archéologie de la Drôme (Valence, 1912), p.47-48 : les travaux d’U. Chevalier y sont énumérés par grands thèmes, et, dans chaque thème, regroupés par leur objet : les articles sur le Linceul figurent, dans la rubrique « Liturgie », sous les n° 122-142. Je n’ai pas retrouvé d’autres travaux que le chanoine, mort en 1923, aurait consacrés à la question du Linceul après 1912, et notamment pas la nouvelle édition de l’Etude critique qu’il annonçait dans Autour des origines (p.7), et qui devait comprendre « l’histoire de la controverse,  augmentée de plusieurs documents », sans doute ceux qu’il venait d’exhumer. Peut-être parce qu’il aurait « été sommé de ne plus rien écrire sur la question » (P. B. Bollone, 101 questions sur le saint Suaire [Saint-Maurice, 2001], p.92).

7 La première est parue dans le Bulletin d’histoire et d’archéologie du diocèse de Valence, t.20 (1900), p.113-167, et la seconde dans les Mémoires de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, 3e série, t.7 (1903), p.237-312. Toutes deux peuvent être consultées en tirés-à-part publiés les mêmes années pour faire partie de la Bibliothèque liturgique, t.5, 2e et 4e livraisons.

8 Notice dans J. Leclant (dir.), Le second siècle de l’Institut de France, 1895-1995, recueil biographique et bibliographique des membres associés étrangers, correspondants français et étrangers des cinq académies, t.I (1999), p.284-285.

9 Si Ulysse Chevalier est honoré par les chartistes, il n’était pas lui-même chartiste, comme on le dit parfois (par ex. D. Raffard de Brienne, Enquête sur le saint Suaire [Paris, 1998], p.70).

10 Lettres de Léopold Delisle, 3e fascicule, Correspondance adressée à M. le chanoine Ulysse Chevalier, 1866-1910 (Valence, 1912).

11 Académie des inscriptions et belles-lettres, comptes rendus des séances, 1900, p.437.

12 Journal des savants, 1900, p.560

13 De la communication de P. Vignon, il ne fut publié qu’un court extrait où il n’est absolument pas question du Linceul, dont le nom était ainsi formellement banni des publications de l’Académie des sciences (« Sur la formation d’images négatives par l’action de certaines vapeurs », dans Académie des sciences, comptes rendus des séances, t. 134, 1er semestre 1902, p. 902-904) ; se bornant à décrire le phénomène chimique par lequel le communiquant se proposait d’expliquer la formation d’une image par un processus non photographique, le compte rendu publié résume en quelques phrases anodines le contenu du chapitre II du livre que P. Vignon allait publier à la fin de cette même année 1902 : Le Linceul du Christ, étude scientifique. C’est Yves Delage lui-même qui a, peu après ce fameux 21 avril 1902, raconté, dans le numéro du 31 mai 1902 d’un magazine scientifique hebdomadaire, la censure dont il avait été la victime et publié ses commentaires à la communication de P. Vignon qu’il n’avait pu faire paraître dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, ni même, semble-t-il, développer en séance : Revue scientifique, 4e série, t.17, p.683-687. Dans le même temps, entre le 17 mai et le 7 juin, la même revue avait d’ailleurs fait une large place aux échanges polémiques qui ont opposé à P. Vignon un autre adversaire du Linceul, Maurice Vernes (ibid., p ; 613-628, 654-657, 721-722).

14 Les documents publiés en 1900 sont identifiés par une suite de lettres, de A à Z puis de AA à GG ; ceux publiés en 1903 ont également été identifiés par la même suite de lettres, de A à Q, ce qui crée forcément des confusions ; je citerai les uns et les autres par la lettre que leur a affectée Ulysse Chevalier, mais en distinguant la série de 1903 par un astérisque ; les documents qui ont été publiés en 1900 et republiés en 1903 à partir d’un nouveau témoin ont reçu une lettre, différente, dans chacune des deux séries.

15 On lui préférera de beaucoup le cadre chronologique placé par Mgr Saxer en tête de son article de 1990.

16 U.Chevalier, Etude critique…, p. 27, n. 6.

17 Cf. L. Fossati, op. cit., p. 115. Dans le ms de la BNF, coll. De Champagne, 18, fol. 74v (ex 69), en accompagnement de la copie de l’une des bulles du 6 janvier 1390, se trouve une traduction très libre, du XVIIe siècle, du mémoire de Pierre d’Arcis.

18 P. B. Bollone, op. cit., p. 88.

19 Ces documents des registres avignonnais sont facilement consultables sur les photographies qui accompagnent les articles de Don Fossati (cf. n. 4).

20 La correction figuram non ostendunt se trouve dans les documents J*= K et K* = P, mais pas dans le document N, puisque celui-ci ne précise pas des conditions mises aux ostensions. Sur le plan paléographique, la correction est intéressante : elle appelait le remplacement des trois nominatifs qui suivent quod par des accusatifs ; aux deux premiers, écrits sans abréviation, il a été ajouté un tilde, mais le troisième, qui était écrit « pdca » avec, pour l’abréviation par contraction, un trait de fuite en ligature avec le radical abrégé et ne pouvait de ce fait recevoir un tilde supplémentaire, a été complété, dans l’intervalle qui le séparait de non, par un m, plongeant bien entendu puisque final.

21 Pour ajouter à la confusion, l’appel de la note « n » manque dans le texte, de sorte que cette adjonction de A2 CDP ne peut être localisée : si c’est une faute typographique involontaire, elle est particulièrement fâcheuse.

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