Le sang du Linceul, témoin de la véracité des évangiles

Par Dominique Tassot

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Résumé : Parmi les signes de l’authenticité du Linceul de Turin, un des plus remarquable est l’aspect des taches de sang. Les contours sont nets, comme si le sang avait coagulé avant le décalque. Mais les fibrines sont intactes, prouvant que la séparation du corps et du tissu s’est faite sans arrachement. Qui réfléchit à ces faits et à leurs implications ne peut que conclure : le Linceul est à la fois témoin de la Passion et preuve de la Résurrection.

On a beaucoup parlé de la « tridimentionnalité » du Linceul : ce fait étonnant que le négatif photographique, après analyse des variations de densité lumineuse, restitue le relief du corps. Mais le mystère des traces de sang, pour moins spectaculaire, n’en est que plus parlant et plus profond.

1. Il s’agit bien de sang, et de sang humain :

Les sceptiques avaient d’abord déclaré qu’il s’agissait de peinture et, en 1978, l’expert américain Walter Mc Crone prétendait que le fer inorganique observé dénotait la présence d’un pigment. Mais en 1979 Adler, chimiste au New England Institute, montrait que le rouissage du lin – un trempage de plusieurs mois dans l’eau courante – avait déposé le fer, le calcium et le strontium observé dans les fibres du lin.

Au même moment on détectait par fluorescence X la présence d’hémoglobine, par analyse microchimique celle de porphyrine, et l’observation des bordures des plaies par fluorescence sous ultra-violet confirmait la présence de sérum.

Puis le Professeur Baima Bollone déterminait même le groupe sanguin : AB.

2. Pas d’effet « buvard » sur le linge :

Que le drap mortuaire d’un supplicié porte des traces de blessures paraît à première vue, simple à comprendre…

A la réflexion, la chose s’avère plus complexe. Quand on répand du sang sur un linge, le liquide est attiré sur les fils de l’étoffe, par capillarité.

Il se déplace ainsi à des distances variables et crée une tache aux bords irréguliers : c’est l’effet « buvard ». Or les taches principales observées sur le Linceul forment un décalque exact des blessures dont elles proviennent ; les bordures sont nettes et précises, preuve que le sang était coagulé sur le corps avant son transfert sur le tissu.

Ainsi la plaie du côté, oblongue, a les dimensions exactes, en coupe, du fer d’une lance romaine (45 mm sur 15 mm), notamment celles de la « Sainte Lance » conservée à Saint-Pierre de Rome sur l’autel de saint Longin.

3. Les reports de sang :

Toute goutte de sang qui sèche sur une matière imperméable prend peu à peu l’aspect d’une petite cuvette, comme le montre la figure ci-dessous.

Fig. 1. : Section pratiquée au travers d’une goutte de sang qui a séché sur une surface imperméable (croquis P. Vignon)

Les rebords de la goutte sont constitués par la fibrine, enserrant les globules rouges dans un coagulum indéformable à l’aspect rouge vif et vernissé. Le centre est fait de sérum qui s’évapore peu à peu, rendant concave la goutte primitivement convexe1.

C’est pourquoi, sur les taches de sang du Linceul, le contour est net et plus coloré que le centre.

Une question se pose alors : comment ce sang coagulé, décomposé en fibrine et en sérum, a-t-il pu se reporter sur le Linceul ?

Le cadavre une fois enveloppé, le sang se ramollit effectivement, sous l’action des émanations humides dégagées par les chairs. Un décalque sur tissu peut être obtenu quand la moitié de la fibrine qui donne sa solidité au caillot s’est dissoute2. L’autre moitié forme des filaments qui relient la chair au tissu. Mais lorsqu’on détache le bandage d’une plaie, les filaments se déchirent.

Or les filaments de fibrine sur les empreintes de sang du Linceul ne présentent aucun arrachement.

Pendant plusieurs mois, Paul Vignon s’est exercé à décoller en douceur de petits morceaux de tissu. Il y parvenait parfois en soulevant le tissu par petites saccades de 1 à 2 millimètres, afin que les filaments de fibrine retombent sur leur point d’origine. Avec de plus grands morceaux, la chose devient impossible une partie du sang a coagulé et s’arrache. Que dire alors du décollement simultané et en douceur d’un linceul de 5 mètres carrés !

5. Une preuve de la Résurrection :

Il a donc fallu que le contact du Linceul avec le corps du supplicié cessât à ce moment précis où le sang était arrivé à un état assez visqueux pour se reporter sur le tissu, sans être liquide au point de s’y étaler. Pour reprendre les mots d’Antoine Legrand : « L’on n’aurait pu sortir le corps sans que ne se produisent des perturbations dues à la fibrine. D’autre part, si le corps était resté le sang se serait étalé. Le corps a donc cessé d’être physiquement présent à l’intérieur des linges sépulcraux.

Si le corps avait été enlevé ou s’il avait repris vie en se réanimant, il y aurait eu infailliblement des arrachements, déchirements et autres bavures  au lieu des contours de sang si précis qu’offre le Linceul3« .

Or le sang ne se trouve pas en surépaisseur  sur le relief des fils de lin, comme on pourrait s’y attendre, mais surtout entre les fils : « les reliefs des grains du tissu sont « moins colorés » que l’entre-fils, la coloration n’est pas superficielle« 4.

Tous ces faits ne supportent qu’une seule explication : à un moment précis, aussitôt créé ce décalque des plaies et des caillots dans le tissu de lin, le corps s’est comme dématérialisé. Le Linceul n’a pu être ôté du cadavre par une main humaine.

C’est pourquoi l’évangile nous dit de saint Jean, voyant les linges gisant sur la banquette du sépulcre : « Il vit et il crut« .

6. Le Linceul témoin de la Passion :

Plus on interroge un faux témoin, plus il risque de se « couper », d’ajouter des détails qui vont le démentir, etc… A l’inverse, plus on interroge un témoin véridique, plus les faits nouveaux et vérifiables qu’il présente vont montrer sa véracité. En ce sens le Linceul est un véritable témoin: plus on l’étudie, plus se manifeste son authenticité.

Cette relique à l’évidence miraculeuse est donc un signe préparé par Dieu pour un temps où les hommes seraient à même de l’examiner avec les multiples ressources d’une technologie avancée.

Aujourd’hui, cette même science dont les esprits forts s’emparent pour attaquer la foi, vient donc montrer la vérité historique de chaque détail du récit des évangiles.

Il est un point particulièrement lourd de signification. On aurait tendance à attribuer au Christ le groupe sanguin O, celui du « donneur universel ». La figure du Christ risquerait alors de se réduire à celle d’un modèle de générosité, ce qui ne dérange guère.

Or il s’agit en fait du groupe AB, comme l’avait déjà établi l’expertise faite à Lanciano en 1970, sur les fragments d’une hostie miraculeusement transformée en chair au 8ème siècle.

Le groupe AB est celui du « receveur universel », celui qui peut tout accepter, tout assumer, tout prendre sur lui, ce qui est l’exacte définition de la passion (du verbe « pâtir »), par opposition à l’action : pensons aux grammairiens distinguant l’actif et le passif. Loin d’un messie dominateur et triomphant, comme l’avaient rêvé les Juifs. Jésus-Christ vient à nous en « rédempteur » véritable5 : il commence par se charger lui-même de tous les coups, toutes les épines, fruits de la malice humaine, par supporter en personne et jusqu’au bout les conséquences du péché d’Adam. Après seulement advient la gloire de la Résurrection.

De là cette grandeur inimitable du visage que la photographie nous a « révélé » en 1898, cette union qu’aucun artiste n’aurait su produire entre le dépouillement tragique de l’homme des douleurs et la sérénité parfaite de celui qui est passé au-delà de la mort.

Ainsi le Linceul, témoin de la Passion6 aux yeux des apôtres qui n’y observaient encore que les traces de sang, est-il devenu à nos yeux  le témoin de la Résurrection7.

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1 Cf. Paul Vignon, Le Linceul du Christ, Etude scientifique, Paris, Masson 1902, p.103-108.

2 Paul Vignon, Le Saint Suaire de Turin devant le science l’archéologie, l’histoire l’iconographie la logique, Paris, Masson, 1938, p.23.

3 A. Legrand, Le Linceul de Turin, Paris, Desclée De Brouwer, 1988, p.193.

4 C’est Antoine Legrand qui fit le premier cette remarque, lorsqu’il fut autorisé à examiner le Linceul à la loupe lors de l’ostention spéciale de 1973 (cf. A. Legrand, op. cit., p.67.

5 Le Rédempteur, celui qui « rachète » du latin redimere. La mystique de Fougères, Sœur de la Nativité (1731-1798), reçut ces phrases qui expriment si bien le mystère et la grandeur du sacrifice de la croix : « J’ai vu, dit Notre-Seigneur, la révolte de l’ange et celle de l’homme. Je les ai mises dans la balance et j’en ai jugé différemment. Du côté de l’homme, j’ai vu moins de méchanceté que de faiblesse et de misères. Du côté de l’ange, j’ai vu une malice pure, un orgueil insupportable. Je me suis dit à moi-même : ces deux créatures ne doivent pas subir le même sort. Perdons l’ange rebelle et sauvons l’homme coupable. Rachetons l’homme de la mort qu’il a méritée. Suppléons à sa faiblesse en satisfaisant nous-mêmes pour ce qu’il doit à notre justice. La justice y trouvera ses droit, aussi bien que notre miséricorde. Le moment de l’Incarnation fut décidé« .(P. Roberdel, Sœur de la Nativité, Résiac, 1992)

6 En 1201, Nicolas Mésaritis, conservateur des reliques impériales à Constantinople, mentionne « le sindon funéraire du Christ : celui-ci est en lin défiant le décomposition parce qu’il a enveloppé le corps nu du mort ineffable après la Passion« .

7 Cette expression : « le Linceul témoin de la Résurrection« , remonte à saint Cyrille de Jérusalem (c. 340 A.D.)

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