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Par Anca-Maria Cernea
SOCIÉTÉ
«Il a plu à Dieu qu’on ne pût faire aucun bien aux hommes qu’en les aimant »
(P. Léon Le Prévost).
Sur les erreurs de la Russie1
Résumé : Anca-Maria Cernea est ce médecin catholique roumain, fille d’un opposant au communisme ayant passé 17 années de sa vie en prison, qui en tant qu’observatrice officielle au synode des évêques à Rome, en octobre 2015, a osé interpeller les pères synodaux en les rappelant à leur devoir de reconnaître que la défense de la famille est aujourd’hui une « bataille spirituelle ». Le marxisme et les ressorts de la Révolution marxiste-léniniste n’ont pas de secrets pour elle.
Dans sa conférence, Anca-Maria Cernea a exposé la manière dont le marxisme a œuvré, et œuvre toujours, à la destruction de la famille et de la moralité dans le monde. Elle fait le lien entre cet assaut contre l’ordre naturel voulu par Dieu et le message de Fatima, avertissant que la Russie allait répandre ses erreurs à travers le monde. Pour certains, les propos de Mme Cernea apparaîtront comme sujets à controverse. Mais quoi qu’on en pense, ils méritent d’être écoutés et confrontés à la réalité que nous vivons aujourd’hui : cet effondrement sans précédent, et continu, de la morale sexuelle et familiale dans tant de pays du monde, accompagné d’une mise en cause des réalités les plus fondamentales de l’identité humaine et même de la nature humaine elle-même. Anca-Maria Cernea refuse l’explication, souvent reprise, selon laquelle les aberrations contemporaines ne sont que la mise en œuvre aboutie d’un hyper-libéralisme dont le seul souci est le gain matériel. Elle met ici en mots une analyse qui paraît primordiale dans la lutte contre la culture de mort : cette destruction tous azimuts a pour cible l’ordre divin et le salut éternel des hommes. Face à ce combat livré par « les principautés et les puissances », ce n’est pas une quelconque « décroissance » ni même la (juste) dénonciation de la cupidité humaine qui peuvent suffire, mais la désignation du mal par son nom, et le recours aux armes spirituelles de la prière et de la pénitence.

L’une des meilleures interventions lors du synode sur la famille de 2015, aura été celle de Mgr Fülöp Kocsis, archevêque métropolitain de l’Église gréco-catholique de Hongrie.
Il disait que les attaques contre la famille ne sont pas de simples « défis », ainsi que l’avaient suggéré certains pères synodaux ; et qu’elles ne sont pas non plus expliquées par les facteurs économiques ou sociologiques que présentait le document de travail du synode.
Mgr Fülöp a déclaré que le synode devait clairement affirmer ceci : Ces attaques sont contraires au plan divin, elles proviennent du Malin.Et de citer saint Paul : « Nous avons à combattre, non contre des hommes de chair et de sang, mais contre les principautés et les puissances, contre les princes du monde, c’est-à-dire, de ce siècle ténébreux, contre les esprits de malice répandus dans l’air. » Une autre intervention courageuse a été celle de Mgr Tomash Peta, archevêque du Kazakhstan. Citant Paul VI, il a dit quela « fumée de Satan » pouvait s’apercevoir même dans les discours de certains pères synodaux.
Ces deux interventions résument notre problème.
- La guerre contre la famille et la vie humaine innocente est une guerre spirituelle.
- Cette guerre est aujourd’hui livrée à l’intérieur même de l’Église.
Comme l’a souligné le philosophe brésilien Olavo de Carvalho, plus souvent qu’à notre tour, hélas, nous entendons aujourd’hui deux types d’homélie dans l’Église : le premier est totalement idéologique, pratiquement en faveur des « principautés et des puissances ». L’autre est dirigé presque exclusivement contre l’immoralité sexuelle, la corruption matérielle, le consumérisme, l’hédonisme et d’autres péchés terrestres – ce qui revient à combattre uniquement « la chair et le sang », et non « les principautés et les puissances ».
1. La guerre contre la famille et contre la vie humaine innocente
Lorsqu’on parle de l’assaut contre la famille en Occident, il y a un cliché très répandu selon lequel il a pour cause le consumérisme, l’hédonisme, l’individualisme, et des groupes d’intérêts animés par le désir impitoyable du profit matériel. C’est ce que nous entendons très souvent à l’Église. Cette approche ne vise que la chair et le sang et oublie les esprits mauvais. Le consumérisme et l’individualisme ne sont pas la cause, mais des facteurs favorables. Ils réduisent la résistance morale des personnes et des sociétés. Mais ils ne sont pas la cause. L’attaque contre la famille et la vie humaine fait partie d’une tentative révolutionnaire plus large en vue de redessiner la société humaine et la nature humaine. Sa motivation est spirituelle. C’est une forme de révolte contre Dieu, contre sa loi morale et contre l’ordre de sa Création.
Historiquement, l’avortement a été dépénalisé pour la première fois par Lénine, en 1920. Aux États-Unis, cela n’a été fait que 53 ans plus tard, en 1973, par la manipulation bien connue de l’affaire Roe v. Wade. Le divorce sans faute a été mis en place pour la première fois par l’Union soviétique en 1918, peu après la prise du pouvoir par les bolcheviks. Aux États-Unis, il a fallu 51 ans de plus, avant qu’en 1969 le divorce sans faute ne soit adopté dans l’État de Californie. L’homosexualité a été dépénalisée pour la première fois en Union soviétique, en 1922. L’Illinois a été le premier État américain à dépénaliser l’homosexualité – en 1961. L’éducation sexuelle radicale pour les enfants d’âge scolaire a été introduite pour la première fois en Hongrie, en 1919, par la révolution bolchevique de Bela Kuhn, avec l’objectif évident de saper la famille traditionnelle et la morale par la destruction de l’innocence des enfants. Aux États-Unis il a fallu attendre les années 1960 pour que l’éducation sexuelle perverse, sous l’influence de la « recherche » frauduleuse d’Alfred Kinsey (qui elle-même a reçu une très large publicité grâce au financement de la Fondation Rockefeller), fasse son entrée dans les écoles. Alfred Kinsey était un entomologiste qui a fait semblant de prouver que l’homosexualité humaine était bien plus répandue dans la société qu’on ne voulait l’admettre officiellement (les fameux 10 %), et devait donc être considérée comme normale. Il est important de noter qu’Alfred Kinsey était un communiste, ami de Harry Hay. En 1950 déjà, Harry Hay avait fondé la première association de défense des droits gay de l’Histoire, appelée la Mattachine Society, aux États-Unis. Comme par hasard la quasi-totalité de ses membres, à commencer par Hay lui-même, étaient aussi membres du Parti communiste américain – une officine gérée directement depuis Moscou.
Il ne s’agit pas là d’un phénomène spontané. C’est une guerre menée par une idéologie gnostique-révolutionnaire contre la civilisation dite judéo-chrétienne. Elle a été planifiée et mise en œuvre sur plus d’un siècle, menant à la situation que nous connaissons aujourd’hui. Tout cela dépasse de très loin l’égoïsme humain individuel, la concupiscence sexuelle ou la cupidité matérielle. Ce sont plutôt les Principautés et les Puissances, les Dominations du monde infernal, les esprits du mal. Avec leurs instruments humains, parmi lesquels certains décident en toute connaissance de cause de servir Satan, tandis que d’autres jouent le rôle de compagnons de route utiles. Dans cette dernière catégorie, nous trouvons souvent des personnes animées de bonnes intentions, souvent des chrétiens… « car les enfants du siècle sont plus sages dans la conduite de leurs affaires, que ne le sont les enfants de lumière » (Lc 16, 8).
Le livre de Richard Wurmbrand, Marx et Satan, est disponible en ligne. Wurmbrand était communiste au cours de son adolescence, mais il s’est converti au christianisme et devint pasteur évangélique. Il a passé 14 ans dans des prisons communistes en Roumanie où il était très connu pour son comportement héroïque. Mon père, qui l’avait rencontré en prison, parlait de lui avec beaucoup d’admiration. Le livre du pasteur Wurmbrand est le résultat de ses recherches sur les textes et pratiques satanistes de Karl Marx. Il montre que dans ses poèmes, Marx exprime une haine profonde de Dieu et de la race humaine tout entière. Marx ne nie pas l’existence de Dieu, il est jaloux de Dieu ; il le hait et veut prendre sa place. Wurmbrand cite également la correspondance entre Marx et son fils Edgar à qui il s’adresse avec les mots « mon cher démon », ainsi que des témoignages sur des cérémonies étranges que Marx avait l’habitude d’accomplir dans sa maison, toutes choses indiquant qu’il vouait certainement un culte à Satan. Voilà bien la clef qui permet de comprendre la véritable nature de l’idéologie marxiste.
L’idéologie est une erreur de nature religieuse. Elle prétend disposer d’une explication complète de la réalité et offrir le « salut » ici-bas, par des moyens humains, sans Dieu. Il n’y a rien de nouveau ni de progressiste là-dedans. C’est la vieille erreur gnostique, sous une forme contemporaine. Le gnosticisme a été connu de l’Église depuis les premiers siècles chrétiens. C’est une tentative de l’homme qui veut prendre le contrôle, avec les instruments de la connaissance, lesquels lui permettraient d’occuper la place de Dieu et de corriger ce qui, supposément, ne tourne pas rond dans la Création divine.
Au fond, l’idée est la même que celle proposée par le serpent à Adam et Eve : « Aussitôt que vous aurez mangé de ce fruit, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal » (Gn 3, 5). Le pape Léon XIII, au XIXe siècle, voyait que l’idéologie communiste était une erreur de nature religieuse. Il l’appelait la « secte » des « socialistes, communistes ou nihilistes », et il la condamnait. Pie XI dans Divini redemptoris (1937) écrivait que le communisme cache « une idée messianique fausse », est un « mysticisme trompeur». Mais par la suite, jusqu’à Centesimus annus, les papes cessèrent d’insister sur la nature religieuse de cette erreur. Ce sont plutôt des chercheurs et des philosophes laïques qui ont décrit les idéologies contemporaines comme des religions de substitution ou comme des formes modernes de gnosticisme.
Éric Voegelin notait dès les années 1920 que le nazisme et le bolchevisme étaient des « religions politiques » avec leurs propres symboles, leurs prophètes, leurs écritures, leur hiérarchie, leurs cérémonies liturgiques, calendriers, etc. En vérité, il s’agissait de fausses religions, comme Voegelin devait l’expliquer plus tard, car elles ne construisaient aucune culture, elles se contentaient de détruire les cultures existantes. Ces idéologies représentaient une forme particulière de l’erreur gnostique, privée de toute dimension transcendante, se prétendant fondées sur la « science » : un « Eschaton immanentisé ».
Comme l’a remarqué Alain Besançon, le nazisme était une inversion satanique du judaïsme : il prétendait apporter le salut à travers un « peuple élu », en usurpant l’élection d’Israël ; et le communisme était une inversion satanique du christianisme : il prétendait apporter le salut universel.
Notre-Dame de Fatima a mis en garde contre « les erreurs de la Russie » qui allaient se répandre à travers le monde entier. Tel est bien ce qui s’est passé depuis 1917. Le communisme se répandit de deux manières. La première, ce fut l’invasion militaire brutale, les camps de concentration, les prisons, la police politique et la terreur imposée par le gouvernement – cent millions de personnes tuées par leur propre gouvernement en temps de « paix ». Cela commença en Russie, puis continua dans ce qu’on appellerait plus tard le « bloc de l’Est ». La seconde manière passait par la subversion culturelle insidieuse, visant à détruire la résistance morale du monde libre, en le rendant incapable de se défendre contre le communisme. C’est ce qui se fit à l’Ouest, principalement par le biais du « marxisme culturel ». Voilà quelles furent les erreurs de la Russie. Celles-ci n’ont pas simplement cessé d’exister une fois l’Union soviétique officiellement déclarée morte. Le marxisme culturel a été élaboré depuis le commencement en tant qu’outil permettant de saper l’Occident sur le plan moral et culturel, pour en faire une proie facile à prendre en mains. Il se manifeste aujourd’hui comme encore plus révolutionnaire que le marxisme classique : il prétend réinventer la famille, l’identité sexuelle et la nature humaine, alors que le marxisme classique prétendait réinventer la société par une violente confiscation de la propriété.
En réalité, les deux formes du marxisme avaient pour but l’installation d’une société communiste mondiale. Mais comme l’a montré Hannah Arendt, le dessein de toutes les idéologies totalitaires « n’est pas de transformer le monde extérieur, ni d’opérer une transmutation révolutionnaire de la société, mais de transformer la nature humaine elle-même ». Les différences de doctrine entre les deux formes de marxisme ont moins d’importance que ce qu’elles possèdent en commun : elles partagent la même haine de l’ordre du réel, et la volonté de le détruire.
Étant donnés les traits communs partagés par les deux formes du marxisme, de nombreuses personnes de mon pays savent d’instinct reconnaître comme « communiste » certains thèmes de propagande, certaines politiques imposées par l’Union européenne ou l’ONU, certains clichés de langage. Cela se voit souvent dans les discussions et les forums sur Internet, où l’on trouve par exemple un article sur les codes de langage politiquement corrects : de nombreuses personnes réagissent en disant : « Mais c’est du communisme ! » Elles le sentent, et elles ont raison, même sans être toujours capables d’indiquer dans le détail le pedigree communiste de ces phénomènes. Il y a une continuité entre Marx et Engels, pour qui la famille bourgeoise était évidemment un obstacle à la révolution, et Lénine, qui a mis en œuvre la première révolution sexuelle de l’histoire humaine, en légalisant l’avortement et l’homosexualité, en encourageant la promiscuité sexuelle et en rendant un divorce plus facile que d’acheter un billet de train (et non ! ce n’était pas en raison de l’« individualisme » ou du « consumérisme », c’était à cause de l’idéologie satanique marxiste-léniniste). Il y eut ensuite une continuité depuis Lénine jusqu’à l’école de Francfort initiée par Lénine lui-même, avec Georg Lukács et Willi Münzenberg, le chef du Komintern. Ce dernier est réputé avoir dit : « Nous allons pourrir l’Occident jusqu’à ce qu’il pue. »
L’école dite de Francfort avait débuté à Francfort, en Allemagne, mais plus tard elle devait métastaser jusqu’aux États-Unis. On la connaît aussi sous le nom d’« École critique », de « Théorie critique », et elle nous mène directement depuis Lénine jusqu’aux « droits gays » et aux idéologies du « genre » contemporaines, depuis Georg Lukács, Wilhelm Reich, Herbert Marcuse et bien d’autres jusqu’à… l’idéologie du genre de Judith Butler. Les auteurs de l’école de Francfort concentrent leurs efforts sur la destruction de la culture occidentale – simplement en critiquant, en « démasquant », en discréditant, en déconstruisant chacun de ses éléments, mais sans proposer une quelconque utopie explicite pour la remplacer ; ils se contentent de répondre à l’appel de leur fondateur, Georg Lukács : « Qui nous sauvera de la civilisation occidentale ? »
L’une des caractéristiques de cette école est l’utilisation des termes et des concepts propres à la psychologie, en combinant Marx et Freud, de manière à remettre en question les principes moraux de base et les institutions de la société occidentale, à commencer par la famille.
Il existe un autre chemin, parallèle à celui de l’école de Francfort : celui d’Antonio Gramsci. À la différence de l’école de Francfort, Gramsci dit clairement ses objectifs : son plan consiste à obtenir l’avènement d’une société communiste de type soviétique. Mais à la différence de l’enseignement marxiste classique, il recommande de conquérir d’abord l’« hégémonie culturelle » : à travers des mutations graduelles et imperceptibles du langage et des schémas sociaux, mis en place avec l’aide de compagnons de route, tels des acteurs et autres célébrités, ainsi qu’à travers la création de fausses majorités, l’infiltration et la prise en main d’institutions, des médias, de l’éducation et, chose la plus importante, de l’Église catholique – de telle sorte qu’un jour, les gens se réveilleraient dans une société communiste sans se rendre compte de la manière dont ils y étaient arrivés.
Voilà ce que l’on entend généralement par « marxisme culturel ». Le marxisme culturel n’est pas, à l’origine, un produit occidental, malgré le fait qu’il a grandi au cœur de l’Occident. Nous devons discerner avec soin entre la civilisation judéo-chrétienne et ce virus, développé par ses ennemis, en vue de sa destruction. L’« Occident » n’est pas un bloc compact, comme les dictatures russe, chinoise ou islamique. Pour nous, pro-vie et défenseurs de la famille, l’Occident est aujourd’hui un lieu d’intenses confrontations ; nous sommes loin d’idéaliser l’Occident. De nombreuses personnes en Occident, exaspérées par la décadence qu’elles voient sous leurs yeux et par leur défaite dans la guerre culturelle, jugent l’Occident complètement perdu, pourri, et ils sont prêts à chercher des alliés contre l’Occident parmi ses ennemis eux-mêmes, qu’ils idéalisent. Parce qu’ils ignorent la réalité de ces régimes, ils sont influencés par la propagande et par leurs propres illusions, en vue de rechercher une zone de sécurité exotique, où règne l’ordre, et où la vertu est protégée par l’État. Et ainsi certains deviennent alliés de la Russie de Poutine contre leur propre civilisation.
D’autres considèrent même l’islam comme un allié possible pour la défense de la famille contre l’« l’Occident corrompu ». Ce choix remet en mémoire le « désir de mort libéral » décrit par Malcolm Muggeridge.
Le fait est que, tout corrompu qu’il soit, l’Occident a au moins l’avantage d’être encore un champ de bataille. Dans les régimes russe, chinois ou islamique, il n’y a quasiment pas de bataille. Il ne peut y avoir que peu d’opposition, voire aucune. Habituellement, nous découvrons l’existence d’un acte héroïque d’opposition au moment où nous apprenons que ces personnes courageuses qui l’ont tenté ont été assassinées ou emprisonnées. Les politiques d’État dans ces régimes sont déterminées par l’establishment dirigeant seul ; aucune opposition ne peut avoir d’influence sur elles. En réalité, dans ces pays personne ne sait ni ne s’intéresse à ce que les citoyens pensent vraiment. La Russie, la Chine ou l’Iran peuvent fonctionner comme des blocs compacts. « L’Occident », « les Américains », « les Juifs » ne le peuvent pas. Cependant, ils sont accusés en bloc d’être des ennemis du christianisme, par la même propagande qui encense la Russie de Poutine parce qu’il le défend.
Dire que le régime de Poutine défend la chrétienté, c’est comme si l’Allemagne d’après la Seconde Guerre mondiale était encore dirigée par les anciens de la Gestapo, qui feraient semblant d’être investis de la sainte mission de combattre l’antisémitisme. Justice n’a pas été faite en Russie contre les crimes du communisme. En outre, il n’y a pas de preuve que la gigantesque structure du KGB, qui a infiltré le monde entier, ait été dissoute. Et même en admettant qu’elle l’ait été, les conséquences de la subversion morale de l’Occident, inspirée par le communisme, n’ont pas été supprimées : elles continuent de se développer et de se répandre. Parce qu’il n’y a pas eu de repentance, ni d’examen de conscience, que ce soit en Russie ou en Occident, du moins pour ce qu’il en est des agents communistes et des idiots utiles qui ont servi et qui servent encore de complices à la destruction morale et physique inspirée par le marxisme. Le gouvernement russe est tout sauf chrétien. La Russie ne s’est pas encore convertie. Notre-Dame avait bien désigné « la Russie », et non « l’Union soviétique ».
À l’orée du centenaire de Fatima, la Russie demeure toujours la plus importante menace contre la paix et la liberté, et pas seulement dans la région du monde d’où je viens. Ainsi la dévotion à Notre-Dame de Fatima est aujourd’hui plus opportune que jamais. La Russie et le monde entier affecté par les erreurs de la Russie ont urgemment besoin d’être consacrés à Notre-Dame. Et de conversion.
Il est particulièrement choquant de voir tant de catholiques ignorer les appels dramatiques des évêques d’Ukraine (à la fois les latins et les gréco-catholiques) : au lieu de montrer de la solidarité envers nos frères et sœurs en Ukraine, nous admirerions et soutiendrions leur ennemi mortel, Poutine, en le célébrant comme un « défenseur de la vie » !
Il est vrai que le monde occidental a aujourd’hui la pire équipe de dirigeants de l’histoire récente. Mais l’Occident demeure pluraliste : il y a du bien, il y a du mauvais, il y a beaucoup de tendances, dont certaines sont positives, tandis que d’autres sont subversives ou même suicidaires pour le monde libre. Comme l’écrivait Olavo de Carvalho, nous ne pouvons pas nous attendre à avoir une société juste ici-bas ; tout au mieux pouvons-nous espérer une société où nous puissions encore combattre pour la justice. Et donc la civilisation occidentale est notre seule chance.
2. L’Église et la guerre contre la famille et la vie humaine innocente
Les papes ont constamment condamné le communisme, et ce depuis ses tout premiers jours. Pie IX, Léon XIII, Pie XI et Pie XII ont radicalement rejeté le communisme. Et ils ont aussi explicitement mis en garde contre le fait que le communisme constitue une menace contre la famille. Au long de la Seconde Guerre mondiale et des années 1950, cet anticommunisme intransigeant exprimé par le pape et par l’Église a inspiré la résistance au communisme chez des millions de catholiques en Europe.
En Europe occidentale, la démocratie chrétienne, directement inspirée par l’Église catholique, en même temps que la présence militaire américaine, a préservé les pays d’au-delà du rideau de fer du communisme après la guerre. Des chrétiens-démocrates ont posé les fondations de la communauté européenne d’après-guerre, fondée sur le principe de subsidiarité.
En Europe de l’Est, une génération tout entière de chrétiens s’est opposée au communisme, endurant une persécution terrible et même le martyre. L’Église munissait ses fils et ses filles de la foi, d’une direction morale, du courage et de la force. Et les fidèles ont suivi l’Église, et lui ont fait confiance jusqu’au bout. L’un d’entre eux fut mon père, Ioan Bărbuș, leader étudiant d’un parti politique chrétien pro-occidental, très populaire en Roumanie. Mon père a été emprisonné par le régime communiste. À cette époque, mes parents étaient fiancés. Ma mère a attendu son fiancé 17 ans, et elle priait pour lui. Il a survécu par miracle. Ils se sont mariés après sa libération.
Mon père est mort le 7 mai 2001, il y a exactement 15 ans. Dans l’énorme fiche sur lui conservée par la Securitate (la police secrète communiste), ma sœur et moi avons trouvé des informations sur son comportement en prison. Par exemple, à Ajud, au cours des années 1950, ils notèrent que mon père n’avait rien changé à ce qu’il croyait. Il était décrit comme un « élément hostile » au régime. Les autres prisonniers de conscience savaient qu’il était gréco-catholique : ils le respectaient et l’écoutaient. Ce qu’il leur disait, c’est que l’Église catholique était la plus importante force spirituelle à combattre le communisme dans le monde. Cela montre que sa foi en l’Église lui donnait du courage, et il était en mesure d’encourager ses compagnons, qui pour la plupart n’étaient pas catholiques.
Notre église gréco-catholique en Roumanie a été supprimée par l’occupation soviétique. Nos évêques ont refusé toute compromission avec les communistes. C’est de cette manière que notre Église a survécu à la persécution. Les évêques ont mis en garde le troupeau en faisant des sermons contre l’idéologie communiste, et ils ont préparé les fidèles au martyre. Ils donnaient l’exemple de la résistance à la terreur, à la prison et à la torture.
Pas un seul des 12 évêques n’a accepté de renoncer à sa fidélité au Saint-Père. Sept d’entre eux sont morts en prison. On raconte que le pape Pie XII disait qu’il avait eu plus de chance que Notre Seigneur ; parmi les Douze apôtres, il y avait eu un traître, mais aucun des douze évêques roumains grecs-catholiques n’avait trahi le pape.
Mais à Pie XII, succéda Jean XXIII. Et le concile Vatican II ne proclama pas une condamnation du communisme – malgré le fait que de nombreux pères conciliaires avaient insisté pour qu’il le fît. Tout au long de deux mille ans d’histoire de l’Église, l’objectif de tous les conciles (hormis Vatican II) a été de réagir contre l’erreur et de mettre en garde contre elle. Les conciles condamnaient les erreurs. C’est ainsi que la théologie catholique s’est formulée. Mais le pape Jean XXIII dit que l’Église de son temps préférait la miséricorde et n’allait pas prononcer de condamnation.2
Et ainsi le plus grand événement ecclésial du XXe siècle a ignoré l’erreur la plus terrible, la plus homicide de toute l’histoire de l’humanité, une erreur dont l’emprise grandissait alors, réduisant en esclavage la moitié de l’humanité et détruisant peu à peu, insidieusement, la colonne vertébrale morale de l’autre moitié.
À partir de ce moment-là, l’Église ne fut pas positivement favorable au communisme, mais elle cessa de considérer la lutte contre le communisme comme une priorité. Certains évêques catholiques ont continué de lutter contre le communisme – un exemple éminent étant donné par l’Église de Pologne sous la conduite du cardinal Wyszyński. Mais tous les évêques catholiques du monde n’en firent pas autant. Certains d’entre eux ont même activement promu le communisme à l’intérieur de l’Église – par exemple, sous la forme de la théologie de la libération en Amérique latine, une opération du KGB très réussie.
Il ne faut pas s’étonner que les chrétiens-démocrates n’aient pas seulement failli dans leur opposition au communisme en Amérique latine, mais qu’ils soient même devenus les instruments de la prise en main communiste de leur pays – Salvador Allende a pris le pouvoir au Chili grâce au soutien d’Eduardo Frei. Rafael Caldera fut le parrain d’Hugo Chavez, à la fois au sens littéral et au sens politique.
À partir des années 1960, alors que des dizaines de millions de personnes avaient déjà été tuées au nom du communisme, et que tant d’autres dizaines de millions d’âmes et d’intelligences avaient déjà été infectées par le virus du marxisme culturel, le problème du communisme a tout simplement été flouté jusqu’à disparaître du champ visuel de l’Église. La prédication contre le communisme cessa d’être systématique comme elle l’avait été avant Vatican II, et de nombreux catholiques en sont venus à penser que les condamnations antérieures du communisme n’étaient plus contraignantes.
Le langage des encycliques d’après le concile diffère de celui écrit par les papes antérieurs, du moins en ce qui concerne le communisme. Pie XI avait consacré toute une encyclique, Divini Redemptoris (1937), à la lutte contre le communisme. Il n’hésitait pas à nommer l’Union soviétique et à parler des atrocités commises par les communistes contre les chrétiens en URSS et au cours de la guerre civile d’Espagne, et il insistait sur le fait qu’il ne s’agissait pas simplement d’excès isolés, mais du fruit naturel du système communiste.
Pie XII disait que l’Église protégerait l’individu et la famille contre le communisme. Il écrit : « L’Église livrera cette bataille jusqu’à la fin, car c’est une question de valeurs suprêmes : la dignité de l’homme et la rédemption des âmes. »
Avant Jean XXIII, les papes n’idéalisaient pas pour autant le capitalisme, mais ils disaient clairement que le communisme devait être rejeté totalement, tandis que le capitalisme comportait des éléments qui devaient être corrigés. À partir de Jean XXIII, les documents officiels de l’Église sont passés d’un anticommunisme explicite à une position de neutralité entre les « deux blocs », le bloc communiste et le bloc capitaliste, en les blâmant tous deux pour leur matérialisme, pour la mise en danger de la paix à travers la course à l’armement de la Guerre Froide, et pour leur compétition en vue de la prise en main du tiers-monde par le biais de leurs plans d’expansion, également impérialistes.
Cette neutralité de l’Église, ses appels au désarmement symétriquement adressés aux deux blocs, n’eurent évidemment aucun effet réel sur le bloc soviétique, mais en Occident ils ont bel et bien affaibli la position et l’autorité morale des hommes politiques anticommunistes. En demandant fermement aux gouvernements et aux organisations internationales d’assumer de nouveaux rôles et de se charger de nouvelles tâches, l’Église contribuait au développement de l’État-providence actuel. Mais aussi à la mise en place progressive de structures de pouvoir supranational, comme l’ONU et l’UE d’aujourd’hui, qui sont désormais les principales entités qui mènent les combats contre la vie, la famille et la présence chrétienne dans la vie publique. Ainsi l’Église a contribué à la sécularisation décrite par le pape Benoît XVI. La charité, le secours aux pauvres et l’aide aux malades, les hôpitaux, les écoles et les universités inventées par l’Église chrétienne, qui font partie de sa mission dans le monde, ont presque tous étés graduellement pris en main et sécularisés par les gouvernements et les institutions internationales après la Seconde Guerre mondiale.
Dans la doctrine sociale catholique d’après Vatican II, le rejet du marxisme est devenu moins radical, en même temps que l’hostilité à l’égard de la liberté économique a progressé. Le langage des encycliques est passé du langage chrétien classique à un langage médiatique idéologiquement contaminé.
Dans Divini Redemptoris, Pie XII recommandait encore la charité chrétienne comme remède principal à la pauvreté. Dans Pacem in Terris (1963), la moitié de la planète ayant déjà succombé à des dictatures marxistes dépendant de l’Union soviétique, Jean XXIII se réjouissait de ce que « les hommes de tout pays et continent sont aujourd’hui citoyens d’un État autonome et indépendant, ou ils sont sur le point de l’être. » Il célébrait la fin du colonialisme mais ne semblait pas se rendre compte que la plupart des nouveaux pays « indépendants » étaient tombée en réalité sous une domination coloniale bien pire, la domination soviétique.
Il exaltait les Nations unies. Dans Populorum Progressio (1967), Paul VI faisait porter la culpabilité de la pauvreté du tiers-monde exclusivement sur le colonialisme – le vieux colonialisme occidental, bien sûr, et non pas le nouveau, le colonialisme soviétique. Il ne mentionnait pas ces dictatures. Populorum Progression critiquait le « libéralisme débridé », « la libre concurrence en tant que norme directrice de l’économie, et la propriété privée des moyens de production en tant que droit absolu », mais ne s’étendait pas sur les désastres économiques et moraux causés par l’économie marxiste dans chaque pays, sans exception, où elle avait été appliquée. Le pape louait le rôle de la planification concertée pour la promotion du progrès économique et social, employant des arguments empruntés à la théorie néo-marxiste de l’échange inégal pour dire que « la règle de libre échange ne peut plus – à elle seule – régir les relations internationales ». Il appelait aussi à la mise en place d’une « autorité mondiale en mesure d’agir efficacement… ».
Telle fut à peu près l’approche de l’enseignement social de l’Église à l’égard du communisme jusqu’à ce que Jean-Paul II publiât Centesimus Annus. Dans Centesimus Annus, Jean-Paul II rappelait ce que les papes d’avant Vatican II avaient l’habitude de remarquer : que ces idéologies sont des erreurs de nature religieuse. Il mettait en garde contre les « religions politiques », ces théories utopiques qui prétendent assurer l’avènement d’une société parfaite ici-bas.
En revanche les papes, spécialement Paul VI et Jean-Paul II, ont défendu la vie et la famille, en maintenant et en expliquant l’enseignement catholique sur le mariage et la procréation, dans des documents ecclésiaux repères comme Humanae vitae et Familiaris consortio, qui constituent des forteresses puissantes de la culture de vie de la famille face aux assauts des idéologies révolutionnaires – en réalité, contre le marxisme culturel, même si celui-ci n’est pas explicitement désigné dans ces documents.
Grâce à Jean-Paul II, au mouvement polonais Solidarnosc et au président Reagan, le communisme classique a été vaincu dans la plupart des pays en 1989.
Mais cette défaite se révèle plutôt comme une mutation vers le marxisme culturel (qui peut aussi revenir au marxisme violent – cela ne devrait pas étonner ceux qui sont familiers de la dialectique marxiste). Les erreurs de la Russie évoquées par la prophétie de Fatima continuent de se répandre. Le fait que, pendant des décennies, la lutte contre le marxisme classique a cessé d’être traitée comme une priorité par l’enseignement social de l’Église, affaiblit la capacité des fidèles, et spécialement celle des hommes politiques catholiques, à reconnaître et à combattre le marxisme culturel.
L’une des conséquences d’une prédication ne visant que la chair et le sang – en ne condamnant que l’individualisme capitaliste et le consumérisme comme responsables de la révolution culturelle, et non pas l’idéologie – est que les gens en viennent à penser que le remède est de poser des limites au capitalisme par le biais de davantage de règles de la part des gouvernements et des autorités internationales. Ainsi, la gauche gagne bien des élections grâce aux catholiques, puis met en œuvre toujours plus de changements révolutionnaires que les responsables de l’Église attribuent une nouvelle fois au consumérisme, ce qui pousse derechef les catholiques à voter pour la gauche, qui promet de limiter l’individualisme et le consumérisme capitaliste, et la spirale continue. C’est ainsi que, dans de nombreux pays du monde, le vote catholique finit par favoriser le marxisme culturel.
Les politiques catholiques s’étaient fermement et efficacement opposés au marxisme violent dans l’Europe des années 1950. Mais quelques décennies plus tard seulement, d’autres politiques catholiques ont fini par aider à mettre en œuvre le marxisme culturel dans leur pays. Le premier ministre chrétien-démocrate Giulio Andreotti a ratifié la loi d’avortement en Italie en 1978. Wilfried Martens a signé une loi semblable en Belgique en 1990. Des leaders chrétiens-démocrates allemands participent fièrement aux parades gays. Jean-Marc Ayrault, qui a commencé sa carrière politique dans le Mouvement rural de la jeunesse chrétienne, était à la tête du gouvernement socialiste français qui a imposé le mariage homosexuel, et qui a violemment réprimé les protestations du mouvement pro-famille LMPT.
L’Union européenne a rejeté ses racines chrétiennes ; elle a rejeté les fondations posées par des hommes politiques chrétiens comme Robert Schuman, Alcide de Gasperi et Konrad Adenauer. Elle est devenue un super-État d’inspiration idéologique, conduite par d’anciens radicaux des années 1960 (convertis entre-temps à la démocratie libérale socialiste), ne cessant d’imposer la politique culturelle marxiste à ses États membres – à travers sa propre législation et dans d’autres pays – par le biais de la pression politique et économique.
En Amérique latine, les violents mouvements de terreur communiste des années 1960 n’ont pas réussi à mettre les peuples de leur côté. Mais au cours des ans, ils se sont déplacés vers le marxisme culturel, en créant des partis qu’ils n’appellent plus « communistes ». Ils prennent part aux élections démocratiques et ont ainsi gagné la quasi-totalité du continent. Cela a été possible grâce au fait que le langage et le programme de ces partis de gauche coïncidaient avec le langage et les priorités de l’Église catholique : la justice sociale, la lutte contre les inégalités, l’impérialisme, la pollution et le changement climatique. Une fois au pouvoir, les terroristes marxistes des années 1960 tels Mujica en Uruguay, Dilma au Brésil, et d’anciens montoneros associés aux Kirchner en Argentine, en sont venus à prendre les rênes de leur pays et ont commencé à légaliser des choses comme l’avortement et le « mariage gay ».
L’hostilité à l’égard de la liberté économique et les appels au contrôle gouvernemental dans les documents de l’Église catholique font leur retour, à travers un langage encore plus frappant, dans Evangelii gaudium et Laudato si’ du pape François. Les termes comme « inclusion », « exclusion », « marginalisation », « inégalité », et « développement durable » sont fréquents. La critique de la liberté économique que nous trouvons chez le pape François est d’une fermeté sans précédent : « Une telle économie tue. »
Ayant vécu sous un régime communiste, je peux témoigner du fait que le contrôle gouvernemental sur l’économie non seulement ne donne pas la vie, mais pousse invariablement à la ruine des pays naguère prospères, en causant d’immenses injustices, des souffrances et des humiliations.
Dans les pays socialistes, le vol et la violence sont la politique de l’État ; la corruption devient la seule chance pour obtenir des biens de première nécessité. Et un hiatus énorme, bien plus profond que n’importe quel écart antérieur, fait son apparition entre la nouvelle classe privilégiée et ses sujets réduits en esclavage.
En réalité, dans le monde d’aujourd’hui, le problème est plutôt l’excès de régulation que son manque ; il est très difficile de trouver un endroit où le gouvernement ne régule pas l’économie dans le détail. Mais là où il y a moins d’interventions gouvernementales, il y a moins de pauvreté. La plus grande pauvreté et la plus grande inégalité entre citoyens privilégiés et citoyens pauvres en Amérique latine, aujourd’hui, se trouvent à Cuba et au Vénézuela, où l’économie est la plus réglementée.
Nous sommes inquiets de voir l’Église s’abaisser vers un activisme terrestre contaminé par l’idéologie, ce qui encourage certains groupes « progressistes » qui disposent d’un plan parfaitement conçu en vue de construire un monde parfait (lorsqu’ils en auront fini avec celui-ci) – tels les « mouvements populaires », les environnementalistes, les pacifistes, les indigénistes, les activistes « anti-discrimination » et les « experts de la population ». Malheureusement, les représentants de ces groupes semblent aujourd’hui considérés par le Vatican comme d’honorables partenaires pour le dialogue, y compris des personnages comme les frères Castro et Evo Morales. Caritas Internationalis travaille à leurs côtés au Forum social mondial, une organisation qui fait la promotion de l’avortement, de l’homosexualité et du communisme dans le monde entier.
Comme l’a dit jadis le vieux leader communiste espagnol Santiago Carrillo, le résultat du dialogue entre catholiques et communistes n’a jamais été la conversion d’un communiste à la religion catholique ; en revanche tous les catholiques impliqués sont devenus communistes. La coopération avec les communistes sur des questions pratiques, sans remettre en question l’idéologie perverse du marxisme, transforme les catholiques en compagnons de route de la Révolution.
Au lieu qu’ils prêchent le vrai Dieu aux païens pour les convertir, ils sont utilisés par les païens contre le vrai Dieu. Jésus se montra très sévère quant aux priorités lorsqu’il dit à Pierre : « Arrière, Satan ! Vous m’êtes un sujet de scandale ; parce que vous n’avez point de goût pour les choses de Dieu, mais pour celles des hommes. »
Dans les Dix commandements, l’interdiction de l’idolâtrie précède celle du meurtre, du vol, de l’adultère. Beaucoup d’âmes sont perdues en raison de la concupiscence sexuelle ou de la cupidité à l’égard des possessions matérielles. Mais c’est encore bien pire lorsque tous ces péchés sont inspirés par une volonté de puissance satanique qui fait que les gens essaient de prendre la place de Dieu. Ils deviennent les éléments d’un gigantesque système à l’échelle mondiale, qui répand le ressentiment et la haine dans les communautés, étend la perversion morale à des sociétés entières, mais aussi les meurtres de masse, le vol et la corruption matérielle à une échelle inconnue à ce jour.
Ainsi, pour la rédemption éternelle de millions d’âmes, l’Église devrait conduire le combat contre les idéologies, et spécialement contre le marxisme culturel, à la fois dans son enseignement public et dans la confession. Jésus a dit aux apôtres : « Vous, donnez-leur quelque chose à manger ». C’est de cette manière que l’Évangile formule le principe de subsidiarité. Jésus n’a jamais dit : « Allez demander à César d’organiser un système d’assistance sociale impériale et d’assurer la justice sociale. »
La famille est la première et la meilleure institution de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Si nous voulons aider les gens à sortir de la pauvreté, nous devons commencer par défendre la famille – et la moralité chrétienne – parce que la charité catholique ne peut pas être séparée de l’évangélisation. Nous ne pouvons pas défendre la vie et la famille en même temps que nous demandons un rôle accru pour le gouvernement dans la société, ou la création d’un gouvernement mondial.
Les chrétiens ne devraient jamais soutenir ni accepter la concentration du pouvoir entre les mains de quelques-uns, si merveilleux que soit le monde qu’ils promettent. Les révolutionnaires utiliseront toujours ce pouvoir contre la chrétienté.
Alors nous ne devrons pas nous étonner si la société est sécularisée, si la charité est remplacée par l’assistance sociale, si l’éducation est remplacée par l’endoctrinement idéologique et la perversion morale ouverte, si le soin aux malades est remplacé par l’euthanasie, si la liberté de conscience et de parole est remplacée par le politiquement correct imposé par le gouvernement, et si la vie du citoyen est réglée dans tous ses détails par des ingénieurs sociaux, tandis que la culture de la vie et de la famille perd sans cesse du terrain. Nous ne devons pas nous étonner lorsque des gouvernements parviennent à corrompre des associations caritatives chrétiennes en les obligeant à abandonner leur esprit chrétien en échange de fonds, ou par l’imposition de pratiques contraires à l’enseignement de l’Église, de telle sorte que de nombreuses ONG catholiques finissent par perdre leur esprit chrétien, en abandonnant l’évangélisation, pour ne plus proposer que de l’activisme social.
Si nous voulons défendre la famille, nous devons reprendre le monde aux révolutionnaires. Nous avons besoin d’une Reconquista – d’abord au sens spirituel, puis au sens culturel et aussi au sens politique. Afin de sécuriser la famille, nous devons gagner une plus grande guerre : celle qui est menée contre notre civilisation. Car la famille et la vie humaine ne sont en sécurité que dans la normalité de la civilisation judéo-chrétienne. Nos objectifs pro-vie et pro-famille sont d’une importance vitale. Cependant, si nous ne nous focalisons que sur eux, en ne nous préoccupant pas du reste, nous ne pourrons pas les atteindre non plus. Si nous laissons l’autre côté contrôler tout le reste – le langage, la culture, l’éducation médiatique, la législation, l’économie, la vie publique, le gouvernement, la santé, tout – alors nous ne devrons pas nous étonner de voir que toute victoire que nous puissions obtenir pour la famille sera, au meilleur des cas, de courte durée.
Un langage clair est une condition importante pour la victoire dans les luttes spirituelles et culturelles : « Que votre oui soit oui et que votre non soit non, tout le reste vient du Malin » (Mt 5, 37). Le vocabulaire chrétien dispose de tout ce dont il est besoin pour décrire la réalité. Nous devons simplement parler chrétien, hablar cristiano comme on disait jadis en Espagne.
Nous n’avons pas besoin d’emprunter leurs outils de langage aux idéologies que nous combattons : cela leur permet de prendre les premières places morales et de nous reléguer à des positions défensives, avant même que le débat n’ait commencé. Même des termes comme « paix », « justice », « liberté », familiers dans le langage chrétien, sont utilisés de manière idéologique : ainsi leur sens originel est déformé ou inversé. Le devoir des pasteurs est de rendre claire cette distinction.
Ils doivent prêcher le royaume de Dieu et sa justice, et non la « justice » socialiste comprise comme le contrôle gouvernemental sur l’économie, comme la redistribution des revenus. Ils doivent prêcher la paix qu’offre le Christ, et non telle que la définit l’ONU. Ils ne doivent pas prêcher contre la liberté – comme s’ils étaient implicitement d’accord pour dire que la liberté signifie le « libertinage sexuel », tel que la définissent les partisans de la « libération sexuelle » (les marxistes culturels), ou bien qu’elle est synonyme de « cruauté financière », comme le soutiennent les partisans de l’économie planifiée (les marxistes classiques). Les pasteurs de l’Église doivent prêcher la vraie liberté, qui est la libération du péché, de l’esclavage de Satan. Veritas liberavit vos. La vraie libération signifie rédemption : ainsi elle ne pourra jamais être mauvaise ni excessive.
L’utilisation par les chefs de l’Église d’un langage qui embrouille, politiquement correct, contaminé par l’idéologie, au lieu de la parole de Dieu, conduit bien des sociétés catholiques vers la confusion morale et politique, et vers la défaite dans la guerre culturelle. Les fidèles deviennent incapables d’identifier la source des attaques contre la vie et la famille, et de les combattre avec succès. L’utilisation d’un tel langage par les chefs de l’Église signale aux fidèles engagés dans la politique qu’ils doivent « tourner uniquement à gauche ». Elle rend quasi-impossible aux hommes politiques catholiques le soutien au marché libre, l’opposition à l’État nounou, à l’immigration musulmane, le scepticisme à propos du changement climatique ou du rôle de l’ONU. Car s’ils s’engagent dans cette voie, ils vont devoir dire des choses qui sont différentes, voire contradictoires par rapport à ce que le monde entend de la part de l’Église.
Alors ils sont soit discrédités en tant que politiques catholiques, soit contraints de soutenir des causes gauchistes. C’est une des raisons pour lesquelles, dans la plupart des pays catholiques, les catholiques ne peuvent avoir une représentation politique. C’est aussi la raison pour laquelle tant de pays catholiques sont aujourd’hui gouvernés par des marxistes culturels, bien que la véritable situation sur le champ de bataille – l’espace public que les idéologies révolutionnaires disputent au christianisme – soit loin d’être aussi mauvaise qu’elle peut le sembler à celui qui ne s’informe que par le biais des médias. Il existe encore une majorité silencieuse de gens normaux, dont les nouvelles télévisées n’évoquent même pas l’existence. Il y a tous ces millions de personnes venues pour les funérailles de Jean-Paul II, à la grande « surprise » des journalistes et des analystes. Il y a tous ces millions qui sont récemment descendus dans la rue, ici à Rome, contre l’idéologie du genre. Sans compter les millions qui s’opposent au communisme au Brésil. Ces gens ont seulement besoin d’être guidés par leurs pasteurs dans la bataille spirituelle.
Nous devons prier davantage pour nos pasteurs. Nous devons prier davantage pour l’Église.
Lorsque les pasteurs sont à la tête de leur peuple dans la bataille spirituelle, alors on gagne les guerres culturelles, et alors des batailles politiques sont elles aussi remportées. Nous avons vu de telles victoires récemment en Pologne où les pasteurs ont prêché la conversion et pris la tête du peuple dans de gigantesques « offensives de prières » ; où les pasteurs sont capables de briser la magie des idéologies contemporaines, simplement en les montrant telles qu’elles sont, comme saint Irénée l’a fait avec le gnosticisme en son temps. Le secret du succès n’est pas que l’Église ait soutenu un parti donné. Mais l’Église a inspiré et créé tout autour d’elle un univers vivant, fait d’innombrables associations caritatives, clubs, sources médiatiques, initiatives citoyennes. Un tel environnement pourrait donner naissance à un parti politique qui défende effectivement le christianisme, la famille et la vie humaine.
Alors, comment réparer le monde ?
« Cherchez donc d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît » (Mt 6, 33).
La normalité terrestre de la civilisation chrétienne avec tous ses bienfaits n’est qu’un produit secondaire de l’évangélisation ; elle appartient à « toutes ces choses qui nous seront données par surcroît »… si du moins nous « cherchons d’abord le royaume de Dieu et sa justice ».
La vraie priorité de l’Église doit être de nous conduire dans la bataille spirituelle, de sauver des âmes, de dire au monde entier, alors qu’il ne nous reste plus qu’un an jusqu’au centenaire de Fatima : « Repentez-vous de vos péchés et convertissez-vous à Dieu, car le royaume du ciel est proche. » Ce royaume de Dieu, qui n’est pas de ce monde.
On ne peut établir le paradis sur terre ; le bien et le mal continueront de coexister au sein des réalités d’ici-bas, jusqu’à ce que le Seigneur lui-même vienne dans la gloire pour juger le monde, et faire le tri. Mais on peut obtenir au moins un certain degré de normalité à travers l’évangélisation et la conversion des personnes et des sociétés. C’est le mieux que nous puissions faire : « réparer le monde ». Lorsqu’il y a assez de sainteté et de vertu dans nos communautés, lorsque suffisamment de gens partagent les mêmes critères moraux objectifs (les Dix commandements), alors on n’a plus besoin de faire confiance à des bureaucrates gouvernementaux tout-puissants afin d’empêcher la société de devenir une jungle sans foi ni loi. C’est alors qu’on peut se faire confiance, et les citoyens, tout comme la société dans son ensemble, pourront jouir de la liberté. Alors les institutions s’en tiennent à leur tâche et l’accomplissent de manière décente, la famille est en sécurité, et la culture de vie peut gagner contre les idéologies de mort. Alors la civilisation est moralement forte, et tend à se défendre avec succès contre les barbares, et aussi à prêcher l’Évangile aux barbares et à les convertir au christianisme. C’est de cette manière que l’Église a créé la culture chrétienne et la civilisation, et c’est cela que l’Église doit continuer à faire.
1 Conférence donnée en anglais par Anca-Maria Cernea lors du “Rome Life Forum” les 6 et 7 mai 2016. Traduction reprise sur le blog de Jeanne Smith.
2 Ndlr. On lira avec intérêt le récit poignant écrit par un camérier de cape et d’épée de Pie XII puis de Jean XXIII, récemment traduit en français par François Thouvenin : Franco BELLEGRANDI, Nikitaroncalli : Biographie critique de Jean XXIII, éd. Saint-Remi, 2017, 218 pages.