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Par Curly Christian

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Une étrange visite …1

P. Christian Curty o.f.m.2

Résumé : L’auteur, un franciscain, était exorciste en Avignon. Il raconte ici comment un certain Pierre vint un jour le voir, non pour quémander son aide, à la manière de ses visiteurs habituels, mais comme pour se frotter à l’adversaire. Était-ce par curiosité, était-ce par défi ? Comment le savoir, puisqu’il quitta brusquement la pièce ! Mais les mots échangés au cours de cette étrange visite nous donnent de précieuses indications. Cette fois encore, le Diable a porté pierre !

Étant exorciste d’une grande ville de France où j’exerce mon ministère à l’ombre de la Vierge bénie, il m’arrive d’accueillir bien des malheureux tourmentés ou persécutés par Satan, ou d’entendre en confession bien des aveux libérateurs3 comme aussi d’être l’heureux témoin de délivrances ou de guérisons que je ne puis qu’attribuer à l’intervention particulière de la miséricordieuse Mère de Dieu, à travers, bien sûr, la prière exorcisante de l’Église dont je ne suis que le serviteur et l’instrument.

Photo d'un exorciste

Aussi m’apparaît-il bon de vous raconter, entre autres faits, ce qui m’est arrivé un certain jour et qui me laissa quelque peu perplexe !

Voici donc que je vois entrer dans mon bureau, qui me sert aussi de confessionnal et de lieu d’accueil, un homme étrange et bizarre. Tout est marqué en lui par le caractère de l’insolite : l’allure, le comportement, l’accoutrement et surtout l’odeur… une drôle d’odeur, répulsive et infecte ! Non pas l’odeur du vice, mais quelque chose d’indéfinissable que j’identifiai après coup à l’odeur d’un œuf pourri ou du soufre. Sans prétendre attribuer cette odeur à quelque chose de préternaturel, je pense qu’il faut en rechercher l’origine dans le genre d’encens utilisé par certaines sectes pour leurs célébrations blasphématoires, et dont la puanteur à la longue imprègne leurs vêtements.

Son comportement était également énigmatique et curieux, en partie scrutateur comme s’il cherchait à sonder mes propres sentiments, à connaître mes pensées profondes, et en partie méfiant. Mais cette méfiance, j’en avais l’intuition très nette, ne me concernait pas mais visait quelqu’un d’autre. Car il lui arrivait par moment de se retourner vers la porte ou bien, soudain, il baissait la voix et me parlait sur un ton de confidence. Je pensais d’abord qu’il avait peur d’être vu ou entendu par quelque pénitent de passage que j’aurais oublié d’accueillir. Mais, à mesure que se déroulait l’entretien, je compris qu’il avait peur d’être espionné ou suivi par l’un des siens ou, mieux encore, d’être surveillé par « Celui » dont il était le malheureux esclave.

Quant à l’accoutrement vraiment bizarre, je l’oubliai très vite et n’y reportai mon attention qu’à la fin de notre entretien lorsque l’homme se leva pour me quitter. C’était un vêtement de couleur violet sombre ou cendré. Bien que ce fût un vêtement d’homme, sa coupe ne correspondait pas à nos normes habituelles. Plus tard, me souvenant alors d’une photo de magazine où l’on montrait une cérémonie diabolique (une messe satanisée), je m’aperçus que c’était un de leurs vêtements « liturgiques ».

Cet homme, d’ailleurs, comme il me le dit, allait se rendre le soir même à une liturgie luciférienne : « Mon Maître, me dira-t-il, travaille surtout la nuit ! »

Cet homme donc, je l’apprendrai peu à peu, pratiquait l’occultisme et la magie noire, comme tant d’autres de mes consultants et pénitents. Mais, alors que ceux-ci viennent me trouver en vue d’une délivrance, l’intention de cet homme semblait tout autre. Il appartenait en outre à une secte luciférienne, par un Pacte ou Rituel comme il me le précisera, et il ne semblait pas désireux d’en être délié.

Mais alors pourquoi venait-il me voir ? Ce n’était manifestement pas pour être libéré d’une emprise de Satan ! Voulait-il alors des hosties consacrées en vue de ce sabbat où il se rendait le soir-même, afin d’y sacrilègier le corps sacramentel du Christ au cours de leur « messe noire » ? Ou bien espérait-il me gagner à leur culte blasphématoire ? Ou bien encore est-il venu tout simplement m’annoncer, de la part de « son » Maître, « leur » victoire ?

C’est bien de cette « Victoire » en effet qu’il fut question tout au long de notre… ou plutôt de sa conversation. Car c’est surtout lui qui parlait comme s’il avait un message à me transmettre, à moi petit prêtre de l’Église de Jésus-Christ ! Et voici pour l’essentiel quelques-uns de ses propos que je ne puis que résumer mais dont j’ai bien pris note :

« Mon Maître vous a vaincus ! Nous sommes en train de détruire votre Église. (Il disait tantôt : Nous, tantôt : Mon Maître). Mon Maître tient la balance des Nations. Nous sommes les maîtres des nations. Nous avons ébranlé l’Église. Mon Maître a le dessus. Il est victorieux ! Reconnaissez-le ! »

Oui, bien sûr, que j’ai reconnu cette soi-disant victoire des « fumées de Satan » ! C’est une telle évidence pour moi que cette domination de Satan dans le monde, contre laquelle nous met en garde la Vierge elle-même en ses diverses apparitions, comme aussi cet ébranlement de l’Église en ses trois colonnes (l’Eucharistie, l’Immaculée et l’autorité de Pierre) qui s’accroît en outre d’une division intérieure profonde et regrettable. Paul VI en porta le douloureux martyre jusque dans sa mort, et Jean-Paul II, cet apôtre marial infatigable, en poursuit le même combat.

En cette Fin des Temps (c’est-à-dire du temps biblique des Nations) où le LIVRE de la RÉVÉLATION (l’Apocalypse) est en train de s’ouvrir, il n’y a pas lieu de s’étonner de cette présence active et maléfique de Satan sur notre terre. Car c’est son Heure, mais c’est aussi et c’est d’abord l’HEURE de la Vierge-Mère, la Femme qui enfante et qui protège, et dont les signes ne cessent de se multiplier, précisément en chacune des nations.

Je lui fis donc remarquer, quand il me laissa parler, que cette victoire démoniaque n’était que provisoire et apparente. Elle ne durera qu’un temps très court, même si ce temps nous paraît long. Car c’est précisément par la CROIX que Jésus a vaincu Satan. Et au moment même où Satan crut avoir triomphé du Christ, ce fut justement l’Heure de sa défaite. Il en sera de même de l’Église, Corps mystique du Christ : à travers sa douloureuse passion actuelle, et probablement son martyre, s’opère peu à peu son renouvellement intérieur, et soudainement apparaîtra sa NOUVELLE PENTECÔTE, tant de fois annoncée et si ardemment désirée ! Ce que mon interlocuteur ne voulut point admettre.

Satan, lui dis-je, n’est qu’une créature de Dieu, bonne à l’origine mais devenue perverse par volonté maléfique. – « Non, me répondit-il, SATAN EST L’ÉGAL DE DIEU ! »

Curieusement, et cela me frappa au cours de cette longue conversation, il n’aimait pas parler du Christ, il préférait nommer Dieu. Et quand je lui fis remarquer que Satan s’était rebellé contre Dieu, l’Auteur de toutes choses, il admit bien cette rébellion, mais pour lui c’était une réussite normale et heureuse.

Plusieurs fois, à des moments importants de cette étrange conversation, il me dit : « Attention ! Vous n’avez pas peur de mon Maître !? » C’était d’abord comme une menace, puis ce fut, de sa part, comme une véritable peur : de ce qui pourrait m’arriver, conscient qu’il était (et il me le dit) que Satan entendait tout et qu’il est puissant. Cela, je le sais bien. Mais je lui fis remarquer que parlant au nom de Jésus, le Christ, dont je suis le prêtre, rien de grave ne pouvait m’arriver sans Sa permission et que, de plus, la Vierge Marie me protégeait comme Elle l’a toujours fait, particulièrement au cours des exorcismes.

Il n’aimait guère qu’on parlât de la Vierge. Aussi détourna-t-il la conversation sur leurs déesses à eux, mères de la nature.

Comme je revenais sur Marie, et qu’il admettait difficilement que « son » Maître, Satan, Lucifer ou plutôt, comme il l’appelait habituellement, Béelzébuth, fût l’adversaire de Marie, la Mère de Dieu, je lui rappelai alors la première des prophéties, celle qu’on appelle le Protévangile (car c’est par cette prophétie que commence l’Évangile du Salut) : « Je mettrai une inimitié entre toi et la Femme »… Ce qu’il reconnut sans difficulté, mais il chercha aussitôt à se rattraper en terminant ainsi cette prophétie : « il mordra la Femme au talon… et donc l’emportera sur la Femme. » Je lui donnai alors la véritable interprétation que fait l’Église de cette Parole de Dieu où l’issue du combat est clairement exposée dans le chapitre 12 de l’Apocalypse : lorsque la femme enfante d’abord un fils qui monte victorieusement auprès de Dieu, par son ascension céleste, puis une multitude d’enfants qui s’affrontent sur la terre au serpent devenu dragon lequel, finalement vaincu par saint Michel et les bons anges, sera précipité dans l’étang de feu pour des siècles sans fin (Ap 20, 10).

Ce fut là le tournant de notre conversation. Car, à partir de ce moment où Marie était intervenue dans notre échange, il sembla moins à l’aise et perdit peu à peu de son assurance. C’est alors qu’il laissa transparaître pour la première fois quelque chose de son inquiétude, puis de son angoisse et enfin de son désespoir. Je lui avais dit précédemment que « son » Maître ne pouvait pas lui donner la paix du cœur ni le vrai bonheur, tandis que mon Maître à moi, le Seigneur Jésus, était venu pour apporter la paix et la joie intérieures à tout homme. Il m’avait dit de son Maître, au commencement de la conversation, qu’il apportait l’argent, le pouvoir et la gloire humaine à tous ses adeptes mais, avait-il ajouté, avec un certain mépris : « c’est là le niveau le plus bas… pour ceux qui s’enlisent dans l’immédiat et dans le matériel, car ce que Béelzébuth apporte surtout, c’est la vie mystique pour les esprits les plus élevés. »Et cet homme était conscient de faire partie de cette soi-disant élite.

La Sainte Vierge, que je priais continuellement dans le sanctuaire de mon cœur, travaillait-elle cette âme qui était, elle aussi, son enfant ? Toujours est-il qu’il se trouva peu à peu ébranlé dans son argumentation et dans son esprit… et qu’il commença à reculer, en me mettant à nouveau en garde contre « son » Maître dont lui-même, à ce qu’il m’a semblé, avait grand’ peur.

Comme alors je lui affirmais que mon Maître Jésus l’aimait lui aussi, que Jésus était mort pour tous les hommes sans exception, et qu’il pardonnait tout… il me parla alors de son BLASPHÈME, tandis que dans sa voix perçait un accent de désespoir (ce n’est qu’après son départ que dans mon esprit la lumière se fit, lorsque je pris conscience que c’est précisément à propos de Béelzébuth que, dans son Évangile, Jésus parle du Péché, du Grand Péché contre l’ESPRIT SAINT… Ce Béelzébuth dont cet homme se disait le disciple et l’envoyé.

De toute manière, je l’invitai à se repentir, à quitter « son » Maître… lui disant que tout péché, même le blasphème, était pardonné, que chaque nuit je demandais pardon à Dieu, précisément pour tous ceux qui le blasphèment. Visiblement, quelque chose se passait en lui, comme un trouble profond, un combat entre deux sentiments irréductibles : une espérance inouïe et un tragique désespoir !… Finalement, je lui demandai s’il acceptait que je prie sur lui ? Comme il ne semblait pas décidé, je fis intérieurement un exorcisme, le plus court, qui me suffit parfois à démasquer Satan et à le déstabiliser. Puis, je le répétai à voix haute. Mais il manifesta le désir de me quitter ! Et il se leva aussitôt ! Comme s’il fuyait un combat !

Il accepta cependant de me dire son nom : Pierre ! Ce qui me laissa dans un certain étonnement.

C’était alors un dimanche, le jour du Seigneur. Mais après coup je pris conscience que c’était aussi la fête de Notre-Dame du Carmel. On était aussi dans les jours de la nouvelle lune, ce temps privilégié où les sectes occultistes célèbrent leurs « sabbats ». Ce sabbat, si j’ai bien compris, avait eu lieu la veille et il recommençait le soir même, peu après notre entretien… entre le crépuscule et l’aurore, ces deux moments qu’affectionne particulièrement Satan, lorsque la lumière du jour et les ténèbres de la nuit s’entrela­cent et se mêlent, rendant alors possible toute confusion dans ce que voient les hommes et dans les pensées de leur cœur. J’avais remarqué son regard brillant, non pas vicieux mais par moment luisant avec des éclats qui me surpre­naient. Sa conversation était correcte, mais il lui arrivait soudainement de me dire « tu »… comme si nous étions de vieilles connaissances, ce qui, d’ailleurs, quand il s’agit de « l’Autre », est bien le cas ! Non seulement pour l’exorciste que je suis mais, hélas, pour le pauvre pécheur que je reste.

Aujourd’hui encore je m’interroge sur le sens de cette visite inattendue qui ne m’a pas livré son secret. Saurai-je un jour pourquoi cet étrange visiteur était venu me voir ! Est-ce Satan, Béelzébuth, qui l’avait inspiré de me rencontrer afin de me donner son message ? Ou bien est-ce, au contraire, la Vierge Marie qui me l’amena pour qu’il soit pris en pitié et, qu’avec d’autres âmes, je le garde dans la prière, lui et tous ses comparses ?


1 Repris du Sourire de Marie, n°407, août 2013, p. 40-46.

2 Le père Christian Curty o.f.m. fut rappelé à Dieu en octobre 2012. Il était exorciste à Avignon où son bureau fut témoin de multiples phénomènes au cours d’exorcismes. Membre du Mouvement sacerdotal marial.

3 Sauf quand il s’agit d’un non-catholique (orthodoxe, protestant, juif, musulman ou païen, ce qui n’est pas rare), je commence toujours l’exorcisme par le Sacrement du Pardon, qui suffit parfois à obliger l’intrus à se démasquer car cet « être » ne supporte pas la Présence Sacramentelle de Jésus.

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