Partager la publication "Des prévisions humaines et de celles de l’Esprit-Saint"
Par Yves Germain
Résumé : Devant les peines et les déceptions de la vie quotidienne, la tentation est grande de lire comme une allégorie les versets bibliques annonçant « des cieux nouveaux et une terre nouvelle ». Et pourtant cet espoir d’un avenir radieux est repris aussi bien par les penseurs humanistes et laïcistes. Yves Germain décrypte ici ces versets et montre comment l’heure viendra, l’unité une fois faite entre l’Eglise et la Synagogue, d’une conversion générale de toutes les nations, sous l’action de l’Esprit-Saint.
Comment les hommes, à la fin du 19ème siècle, voyaient-ils le siècle à venir, celui qui précisément vient de s’achever.
Pour s’en rendre compte, il suffit de relire ce qu’écrivait l’un des plus illustres d’entre eux, Victor Hugo, dans sa préface du Guide de l’Exposition universelle qui eut lieu à Paris en 1867 :
« Au 20ème siècle, il y aura une nation extraordinaire… Elle sera plus que nation, elle sera famille. Unité de langue, unité de monnaie, unité de code… L’abolition du parasistisme militaire, les quatre milliards que coûtent actuellement les armées permanentes laissés dans la poche des citoyens… Aucune exploitation ni des petits par les gros ni des gros par les petits, partout la dignité de chacun sentie par tous, l’égalité sortant toute construite de l’instruction gratuite et obligatoire… La prison transfigurée en école… L’homme qui ne sait pas lire aussi rare que l’aveugle-né… La circulation décuplée ayant pour résultat la production et la consommation centuplées… La multiplication des pains, le miracle devenu réalité… L’industrie engendrant l’industrie, les bras appelant les bras. .. Pour guerre, l’émulation. Toute autre colère disparue… Un peuple fouillant les flancs de la nuit et opérant au profit du genre humain une immense extraction de clarté… Cette nation aura pour capitale Paris et ne s’appellera point la France, elle s’appellera l’Europe… Le continent fraternel, voilà l’avenir ! Qu’on en prenne son parti, cet immense bonheur est inévitable ».
L’Eglise catholique ne niait pas certains progrès des sciences et des techniques, mais ses conclusions étaient beaucoup plus réservées. Dès 1846, Pie IX écrivait que « le communisme serait la ruine complète de tous les droits, des institutions, des propriétés et de la société humaine elle-même. » (Qui pluribus)
Léon XIII déclarait peu après :
« Les jeunes gens, n’étant pas habitués au respect de Dieu, ne pouvant pas supporter aucune règle d’honnêteté de vie, et accoutumés à ne jamais rien refuser à leurs convoitises, seront facilement amenés à bouleverser les Etats. » (Nobilissima Gallorum Gens – 1884)
Et Pie XI avertissait en 1929 :
« L’école, si elle n’est pas un temple, devient une tanière. » (Divini illius magistri)
Il est inutile de préciser qu’alors, presque toute la presse et le monde intellectuel en général qualifièrent tous ces propos de bien pessimistes et souvent d’obscurantistes !
Nous savons maintenant ce qu’il en fut de ce 20ème siècle arrivé au bout de sa logique. Alors faut-il désespérer ? Saint Jean rapporte cette étrange parole du Christ :
Jn 14,12 – « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera, lui-aussi, les œuvres que je fais, et il en fera de plus grandes. »
Elles ne peuvent concerner que l’avenir. Certains nous diront qu’il serait temps qu’elles se réalisent… Comment ne pas les comprendre ? Mais l’Ecriture nous invite aussi à la patience :
« Il y a un temps pour toute chose sous le ciel ». (Ecclésiaste 3,1)
D’autres diront qu’ils voient actuellement beaucoup d’iniquité dans le monde… C’est vrai ! Le Saint-Père en présentant ses vœux au corps diplomatique a déclaré que lorsque l’homme n’est considéré que sous l’angle de la matière « Alors tout est possible et la barbarie n’est pas loin ». Mgr Béranger fait une remarque du même genre :
« Il y a une amoralité publique gravissime…Le vrai problème, c’est de réapprendre et d’actualiser les « Dix commandements »…
Si on ne le fait pas, on va vers des naufrages encore plus terribles que ceux de ce siècle. » (Message – Mars 1998)
C’est évident, mais bien peu de chrétiens prennent conscience de l’importance du Décalogue qu’ils jugent « dépassé ». Souvent ils ne comprennent pas eux-mêmes que, plus ce Grand Code de la route sera ignoré et rejeté, plus il y aura d’accidents ! Et pourtant, il n’y aura pas de Paix sans Dieu. Le Christ nous a prévenus :
« Sans Moi vous ne pouvez rien faire. »
Et encore :
« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous. » (Lc 3,16)
« Périr » est à prendre ici au sens spirituel. Celui qui croit au Christ ne périra pas. (Jn 3,16)
Il n’est pas nécessaire d’en appeler au châtiment divin ; l’homme a déjà prouvé qu’il sait s’autodétruire ! Faudra-t-il une guerre générale ? Mais l’avortement, les massacres de civils, la désintégration de la famille, la drogue, etc.. ont depuis 50 ans fait plus de victimes que les deux dernières guerres mondiales !..
Tout cela ne doit pas cependant nous effrayer. Ce n’est que la preuve de la vérité de l’Evangile ! Reprenons les paroles du Christ :
Mt 24,12 – « Et à cause des progrès croissants de l’iniquité, la charité du grand nombre se refroidira. »
Puis le verset suivant nous invite à « persévérer »
Mt – 24,13 – « Mais celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé .Et cet évangile du Royaume sera proclamé dans le monde entier. »
C’est donc après un temps d’iniquité, de refroidissement des chrétiens, que l’Evangile sera proclamé dans « le monde entier ». Ce paradoxe apparent laisse deviner une intervention directe de Dieu ; alors les nations aveuglées ouvriront les yeux. Cet événement mondial était déjà annoncé par les prophètes :
Soph 3,20 – « En ces temps-là, je vous ferai revenir, en ce temps-là, je vous rassemblerai, quand je vous ferai avoir renom et louange parmi tous les peuples de la terre. »
Tob 14,5-6 – « Dieu aura pitié d’eux… Ils rebâtiront Jérusalem (l’Eglise). Toutes les nations de la terre se convertiront. »
Is 42,3-4 – « Les nations païennes mettront en son nom leur espérance. » Mt (12,21)
L’Apocalypse confirme :
Apo 21,24 – « Les nations marcheront à sa lumière »
Mais auparavant, comme le précise saint Luc :
Lc 21,36 – « Il y aura une angoisse des nations inquiètes du fracas de la mer et de son agitation, les hommes expirant de frayeur et d’anxiété pour ce qui doit arriver à l’univers. »
Les peuples seront très agités ! Saint Paul annonce aussi un temps de paganisme mondial, puis un Renouveau :
Rom 11,32 – « Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire miséricorde à tous .»
Cette phrase, appliquée à la fin du monde, ne mène qu’à la négation hérétique de l’enfer. Il convient donc de l’expliquer, car Dieu n’enferme personne ! En Hébreu, « enfermer » veut aussi dire « abandonner » ou « laisser libre ». Dieu laissera donc « tous les hommes » désobéir, mais comme il l’a promis, il n’y aura plus de Déluge (Gen 9,11), l’humanité ne sera pas anéantie. Il interviendra en faisant « miséricorde à tous ». Comment ? Comme les prophètes l’ont annoncé :
Joël 3,11 – « Je répandrai de mon esprit sur toute chair »
Et alors :
Is 40,5 – « Toute chair verra le salut de Dieu »
La Bible Osty précise avec raison que « toute chair » veut dire « tous les vivants ». Dieu sauvera, par l’Esprit-Saint, un monde logiquement perdu !
Comme l’expliquent souvent les Pères de l’Eglise, c’est la nouvelle Arche, l’Eglise, qui sauvera l’humanité des flots du paganisme, par la prédication de l’Evangile et l’Esprit-Saint.
Nous devons donc dès maintenant préparer ce temps car, nous dit le Psaume :
« Ceux qui sèment dans les larmes, moissonnent en chantant » (125,5)
Et nous lisons aussi :
« Autre est celui qui sème, autre celui qui récolte » (Jn 4,37)
Dès maintenant nous devons donc vivre la parole du Christ :
« Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé » (Mc 16,15)
Cette phrase n’est pas à comprendre au sens cartésien : « Je crois, je suis baptisé, donc je suis sauvé »… Le Verbe « croire, en hébreu, veut dire aussi « agir ». Pour éviter toute ambiguïté, le Christ dira souvent « Suis-moi ». Ce qui est beaucoup plus difficile que de simplement « croire ». C’est un appel à la fidélité… à l’esprit de sacrifice, à la proclamation et à l’adoration (la louange), en prenant comme modèle le Christ.
N’oublions pas enfin « qu’à celui qui a beaucoup reçu il sera beaucoup demandé ». (Lc 12,48)
Ainsi, en suivant le Christ, nous entrons dans le royaume où se trouvent la justice et la paix comme l’explique saint Paul :
Rom 14,17 – « Le royaume de Dieu, en effet, ce n’est pas le boire et le manger : il est justice, paix et joie dans l’Esprit-Saint »
Il y aurait beaucoup à dire sur la justice dans des sociétés où les riches deviennent de plus en plus riches et où les pauvres sont de plus en plus nombreux !
Quant à la paix, on a l’impression qu’elle fuit, même là où est l’enfant… Pour la rétablir, car elle existait, on veut mettre dans chaque Ecole :
– une infirmière,
– une assistante sociale,
– un médecin,
– un psychologue,
– un policier, même parfois…
Mais là n’est pas l’essentiel, car le malaise est d’abord spirituel et moral ! Quand bien même toutes les automobiles seraient dans un état mécanique parfait, si l’on ne respecte pas tous le même Code de la route, les accidents ne cesseront pas ! C’est pourquoi l’unité entre les ouvriers de la vigne est un préalable essentiel :
« Mis en présence de missionnaires en désaccord entre eux, même s’ils se réclament tous du Christ, les non-croyants sauront-ils accueillir le message authentique ? Ne penseront-ils pas que l’Evangile est un facteur de division, même s’il est présenté comme la loi fondamentale de la charité ? » (Ut Unum sint)
Le véritable œcuménisme ne nous demande pas de ne plus croire que le Christ est « le seul médiateur entre Dieu et les hommes » (1Tim 2,5). Il est invitation à méditer et à réaliser la prière du Christ :
« Père qu’ils soient un… afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17,21)
On cite souvent la première partie de cette phrase, mais la seconde est tout aussi capitale ; c’est lorsque nous serons « un » avec les Juifs, que le monde croira que le Fils a été envoyé par le Père ! La « pêche » miraculeuse se fera avec les deux barques (Lc 5,7), comme l’explique saint Ambroise :
« On appelle à la rescousse les compagnons qui étaient dans l’autre barque. Quelle est cette autre barque ? Ceux-ci viennent de la synagogue à la barque de Pierre, c’est-à-dire à l’Eglise, afin de remplir les barques » (Traité sur Luc, I, p.182)
Saint Paul annonçait à sa manière cette conversion des Juifs, puisqu’il s’écrie :
Rom 11,15 – « Que sera leur réintégration ? Ce sera un vrai retour de la mort à la vie »
Et cela pour le monde entier ! Le prophète annonçait déjà cette unité :
Ez 37,22 – « Un seul roi sera leur roi à tous »
Ez 37,24 – « Il y aura pour eux tous, un seul berger »
Le Christ confirmera :
Jn 10,16 – « Il y aura un seul troupeau, un seul berger »
Et saint Jean nous montre toute la puissance de l’Esprit :
Jn 10,16 – « Et quand il sera venu, il convaincra le monde à propos de péché, à propos de justice »
Oui, le monde sera un jour convaincu ! Nul doute qu’alors durant un temps, Dieu régnera sur terre, comme l’annonce l’Apocalypse avec les « mille ans » (Apo 20,5) et saint Paul :
« Car il faut qu’Il règne jusqu’à ce qu’Il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds » (1 Cor 15,25 – Ps 109,1 – Mc 12,36 – Mt 22,43 – Lc 20,42-43)
Et encore :
Rom 16,20 – « Le Dieu de paix écrasera à l’avenir Satan sous vos pieds »
Il ne faut pas voir ici la fin de Satan qui ne sera « anéanti » que par le Retour du Christ (2Th 2,8). C’est un triomphe mondial de la prédication durant un temps. Ces phrases ne peuvent se comprendre que si nous savons que pour les Pères de l’Eglise « les pieds » désignent les « prédicateurs ».
Saint Bonaventure au 13ème siècle annonce un temps de « ruine » de l’Eglise, puis son renouveau. Il écrit :
« Alors sera accomplie la prophétie d’Ez 40, quand la cité descendra du ciel (Apo 21,2), non certes « celle qui est d’en haut », mais celle qui est d’en bas, c’est-à-dire l’Eglise militante, quand elle sera conforme à l’Eglise triomphante, autant qu’il est possible en cette vie. Alors, ce sera l’édification de la cité et la restauration, comme au commencement. Et alors, ce sera la paix. Mais combien de temps durera cette paix, Dieu le sait. » (« Les Six jours de la Création » , Cerf, p.373)
Pour le Saint-Père, « le projet de Dieu est de construire un Royaume de Paix et de justice dès cette vie. C’est la perspective biblique des « cieux nouveaux et de la terre nouvelle. » (Is 65,17 – 2P 3,13 – Apo 21,1 – Redemptoris missio, p.85)
Le Concile a confirmé et précisé :
Nostra Aetate 4 (Edition Fides)
« Avec les prophètes et le même Apôtre (Paul), l’Eglise attend le jour, connu de Dieu seul, où tous les peuples invoqueront le Seigneur d’une seule voix et le serviront sous un même joug » (Soph 3,9 – Is 66,23 – Ps 65,4 – Rom 11,11-23), p.552
« L’Eglise catholique (doit) s’employer efficacement et sans arrêt à rassembler toute l’humanité et la totalité de ses biens sous le Christ chef en l’unité de son Esprit » (Lumen Gentium 2,13) p.33.
Ad Gentes – 1
Le devoir des Apôtres et de leurs successeurs « est de perpétuer cette venue afin que « la parole de Dieu soit divulguée et glorifiée » (2Th 3,1), le royaume de Dieu annoncé et instauré dans le monde entier » , p.433.
En conclusion, examinons la Parole du Christ :
Jn 3,5 – « Il nous faut renaître de l’eau et de l’Esprit »
Il nous faut ici bien comprendre le symbolisme de l’eau et celui de l’Esprit. Si l’eau représente l’Esprit, comme on le dit souvent, on ne trouve plus ici qu’une sorte de répétition malheureuse…
Dans son « Commentaire sur saint Jean », saint Thomas d’Aquin écrit que « le Seigneur présente son enseignement comme une eau vive en raison du mouvement de cette eau. »
C’est cette eau, son enseignement, que le Christ propose à la Samaritaine. Et il précise bien que « celui qui boira de cette eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif. » (Jn 4,14)
Le Christ poursuit :
Jn 7,38 – « Celui qui croit en moi,… de son sein couleront des fleuves d’eau vive. »
Et saint Thomas d’Aquin explique :
« Les fleuves symbolisent la répartition des dons de l’Esprit-Saint, parce que, « à l’un la diversité des langues, à l’autre le don de guérison… »(1Cor 12,10)
Saint Grégoire le Grand écrit dans son livre « Les Morales » (Liv. 9, ch. 6) :
« Si, en effet la parole de la prédication n’était pas une pluie, Moïse n’aurait pas dit : « Que ma parole se répande comme la pluie ». (Deut 32,2)
L’eau était donc déjà pour les Hébreux un symbole de la Parole de Dieu.
C’est l’eau, parole de Dieu, qui nous donne la vie, et qui purifie le cœur de l’homme !
C’est pour cela que saint Jude dira des païens jouisseurs :
Ce sont des « nuées sans eau, emportées au hasard par les vents. »(12)
C’est donc l’eau, parole de Dieu, qui nous abreuve et que nous devons donner à notre prochain, et c’est l’esprit qui convertit. Quand il veut, car le Christ dira à Nicodème :
Jn 3,8 – « Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. »
C’est pourquoi aussi le Christ dira : « Vous devez, vous aussi, vous laver les pieds les uns les autres. » (Jn 13,14)
Pour bien comprendre cette phrase il faut savoir que « la poussière » est le symbole de la multiplicité, de la division des humains, et que pieds représentent les « prédicateurs ». Une bonne annonce de la Parole de Dieu ne peut donc se faire que lorsque nous nous débarrassons de nos divisions, donc dans l’unité ! Quant à l’Esprit il est souvent représenté par « le feu » à la Pentecôte, par « la colombe » au moment du baptême du Seigneur par exemple, et par « l’ombre ». L’ange dit à la Vierge Marie :
Lc 1,35 – « L’Esprit-Saint viendra sur vous et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. »
N’en doutons pas, comme l’Ecriture l’annonce, l’Esprit viendra sur « toute chair », afin de nous faire traverser la nouvelle Mer Rouge : les flots du paganisme. Alors nous entrerons dans « la terre nouvelle » de la civilisation de l’Amour.
« Le Très-Haut possède toute science… Il annonce le passé et l’avenir. » (Ecclésiaste 42,19 – Is 44,7)
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