La confession de Rakovski (7ème partie)

Par le Dr Landowsky

, , , ,

« Si l’homme est libre de choisir ses idées, il n’est pas libre d’échapper aux conséquences des idées qu’il a choisies. » (Marcel François)

Résumé : Au terme de cet entretien de 6 heures tenu en français entre Rakovski et G. Cusmine, en présence du Dr Landowsky, Cusmine demanda au docteur de tout mettre par écrit, puis de dactylographier lui-même la traduction en deux exemplaires, l’un étant destiné à Staline. Par la suite, Cusmine confirma que Staline avait choisi de jouer le plan Rakovski, en l’amnistiant lors de son procès et en signant avec Hitler ce pacte dit Molotov-Ribbentrop qui devait durer 666 jours1. Il confirma aussi l’existence de ce cercle d’hommes influents, alors basé principalement aux Etats-Unis, et qui semble le maître d’œuvre de la révolution mondiale.

L’entretien avait duré environ six heures. J’avais donné une deuxième fois de la drogue à Rakovski. A l’évidence la drogue opéra bien, quoique je ne pusse le vérifier que par certains symptômes d’animation. Mais je pense que Rakovski aurait parlé exactement de la même manière s’il avait été dans son état pleinement normal. Manifestement, le sujet de la conversation touchait à sa spécialité, et il était passionné d’exposer ce dont il avait parlé. Car si ce qu’il disait était vrai, il avait alors, de tous ses efforts, tenté de faire triompher ses idées et son plan. Et si c’était faux, c’était la marque d’une imagination extraordinaire, et cela constituait une formidable manoeuvre pour sauver sa vie déjà presque perdue.

Mon opinion sur tout ce que j’avais entendu ainsi n’a guère d’importance. Je n’ai pas une érudition suffisante pour en comprendre l’universalité et les perspectives.

Mais lorsque Rakovski aborda la partie la plus importante de son sujet, je ressentis la même impression que lorsque je vis pour la première fois ma propre radiographie sur l’écran de l’appareil à rayons X…

Mes yeux étonnés virent apparaître quelque chose de trouble et de sombre, quoique réel ; quelque chose comme une apparition. Il me fallait coordonner l’image et les mouvements, les corrélations et les actions, jusqu’au degré où il fût possible de deviner à l’aide de l’intuition logique ce dont il s’agissait. Je pense que je venais d’observer pendant plusieurs heures  « une radiographie de la révolution » à l’échelle mondiale. Il est possible que cela ait en partie échoué, ou ait été déformé par suite des circonstances et des personnalités qui la reflétaient. Ce n’est pas pour rien en effet que le mensonge et la dissimulation sont permis dans la lutte révolutionnaire et y sont acceptés comme la norme de moralité. Et Rakovski, en tant que dialecticien passionné doué d’une grande culture et orateur de toute première classe, était d’abord et avant tout un révolutionnaire fanatique. J’ai relu la conversation à de nombreuses reprises, et chaque fois j’ai ressenti mon incompétence sur ces questions. Ce qui m’avait semblé jusque là,  pour moi et pour le monde entier, être la vérité et la réalité d’évidence, aussi ferme que des blocs de granit, ce sur quoi l’ordre social s’établit comme sur le roc immuable et permanent, tout cela se mua alors en un épais brouillard. Apparaissaient là des forces colossales, incommensurables et invisibles, dotées d’un impératif catégorique, et en même temps désobéissantes, menteuses et titanesques : quelque chose comme le magnétisme, l’électricité ou l’attraction terrestre. En présence de cette révélation phénoménale, je me sentais comme un homme de l’Age de pierre, la tête encore toute pleine de superstitions primitives concernant les phénomènes de la nature, qu’on aurait soudain transporté un soir dans le Paris actuel. Et je suis encore plus stupéfait qu’il pourrait l’être.

A bien des reprises, je me refusai à admettre cette histoire. Au départ, je me persuadai que tout ce que racontait Rakovski n’était que le fruit de son imagination.     

Mais même m’étant ainsi convaincu d’être le jouet de l’un des plus grands romanciers du monde, c’est en vain que je cherchai à trouver par quelles forces suffisantes, par quelles raisons logiques et par quels gens dotés de personnalités assez puissantes, pouvaient alors s’expliquer les gigantesques progrès de la Révolution.

Je dois avouer que si ce furent par les seules forces, les seules raisons et les seules personnes qui sont officiellement mentionnées dans les récits d’Histoire, alors il me faut déclarer que la Révolution est le miracle de notre époque. Mais non, en écoutant Rakovski il me devenait impossible d’admettre qu’un petit groupe de Juifs qui émigrèrent de Londres eussent réussi à faire que cette « apparition de la révolution  » que Marx appelait de ses voeux aux premières lignes du Manifeste, fût devenue aujourd’hui une gigantesque réalité et une menace universelle. Que ce que Rakovski avait narré soit vrai ou non, que le secret et la force réelle du Communisme soit ou non le Capital International, reste que la vérité d’évidence pour moi est que Marx, Lénine, Trotsky et Staline sont une explication bien insuffisante des événements. Ces gens évoqués, que Rakovski nomme « EUX », avec une révérence quasi-religieuse dans la voix, sont-ils réels ou fantastiques? Telle est la question. Mais s’ILS n’existent pas, alors il me faut dire d’eux ce que Voltaire disait de Dieu: « Il nous faudrait l’inventer », car seule une telle hypothèse peut expliquer l’existence, l’étendue et la puissance de cette Révolution mondiale. Quoi qu’il en soit, je n’ai aucune chance de la voir. Ma position ne me permet pas d’envisager avec beaucoup d’optimisme la possibilité pour moi de survivre à plus ou moins brève échéance. Mais ce suicide des Etats bourgeois d’Europe dont parla Rakovski et qu’il prouva être inévitable, serait bien pour moi, qui ai été initié à ce secret, la preuve magistrale et définitive.

Quand Rakovski eut été ramené à sa cellule, Gabriel resta un certain temps plongé dans ses pensées. Je le regardai, mais sans le voir, et en fait mes propres idées et conceptions avaient perdu pied, étaient en quelque sorte en suspens.              

« Comment considérez‑vous tout cela ? » demanda Gabriel.

-« Je ne sais pas, je ne sais pas », répliquai‑je, et c’était vrai ; mais j’ajoutai : « Je pense que voilà un homme étonnant, et si nous avons affaire à une falsification, alors elle est extraordinaire ; en tout cas c’est un trait de génie ».

-« C’est pourquoi, si nous avons le temps, nous devrons avoir là dessus un échange de vues… Je m’intéresse toujours à votre opinion en tant que celle d’un profane et celle d’un médecin. Mais maintenant, il faut mettre sur pied notre programme. J’ai besoin de vous en tant que spécialiste, mais d’un rang modeste. Ce que vous avez entendu du fait de votre fonction un peu particulière, est peut‑être du vent et de la fumée que le vent emportera ; mais ce peut être aussi quelque chose dont l’importance est insurpassable. Une terminologie restrictive est ici inappropriée. Etant donné cette possibilité, un puissant sentiment de prudence me force à limiter le nombre de personnes qui soient au courant. Pour le moment, il n’y a que nous deux qui sachions. L’homme qui a manipulé l’appareil d’enregistrement ne connaît pas le français. Et le fait que nous n’ayons pas parlé en russe ne fut pas un caprice de ma part. En bref, je vous serais reconnaissant d’être le traducteur. Dormez quelques heures. Et dès que possible mettez‑vous à la traduction et écrivez la conversation, que le technicien reproduira pour que vous l’écoutiez. Ce sera un travail difficile. Je vais donner des instructions pour qu’il se mette d’accord sur l’heure avec vous, Vous ne savez pas dactylographier, et l’enregistreur devra donc fonctionner très lentement. Quand vous aurez achevé la version française, je la lirai. Il faudra ajouter quelques remarques et épigraphes : je le ferai. Pouvez- vous vous servir d’une machine à écrire ? »

-« Très mal, seulement en tapant avec deux doigts. » 

-« Bien, débrouillez‑vous ainsi tout de même. Mais faites, je vous prie, le moins de fautes possible ! »

Gabriel appela le technicien. Nous nous mîmes d’accord pour commencer à 11 heures, et il était déjà 7 heures. Je partis dormir un peu. On m’appela ponctuellement.

Nous nous installâmes dans mon petit bureau. Gabriel m’avait demandé de faire deux exemplaires de la traduction. J’en fis trois, pour en garder un pour moi. Je pris le risque car il était parti pour Moscou. Je ne regrette pas d’en avoir eu le courage.

Épilogue :

Comme on le sait, Staline suivit les conseils de Rakovski. Il fit un pacte avec Hitler. Et la IIème Guerre mondiale servit uniquement les intérêts de la Révolution.

Le secret de ces changements de politique peut être compris à la lumière d’une conversation ultérieure entre Gabriel et le Dr Landowsky, qui figure dans un chapitre postérieur du livre  Symphonie en rouge majeur. En voici quelques brefs extraits :

Gabriel. ‑ Vous vous souvenez de la conversation avec Rakovski ?.. Savez vous qu’il ne fut pas condamné à mort ? Bien, sachant tout cela, vous ne serez pas surpris que le Camarade Staline ait cru sage de tenter ce plan en apparence si étrange … Avec un tel plan, on ne risquait rien, et au contraire on pouvait gagner beaucoup… Pressez votre mémoire, et vous serez à même de comprendre bien des choses.

Le Docteur. ‑ Je me souviens assez bien de tout. N’oubliez pas que j’ai entendu la conversation à deux reprises, que je l’ai écrite,  et qu’en plus je l’ai traduite… Puis‑je savoir si vous connaissez les gens que Rakovski évoquait par ILS ou par EUX ?

Gabriel. ‑ Pour vous manifester ma confiance je vous répondrai que non! Nous ne savons pas en toute certitude qui ILS sont, mais finalement une grande part de ce que dit Rakovski s’est vu confirmé ; par exemple il est exact qu’Hitler fut financé par les banquiers de Wall Street.

Beaucoup de ce qu’il dit encore s’est avéré également vrai. Tous ces mois au cours desquels je ne vous ai pas vu, je les ai consacrés à une investigation relative aux informations de Rakovski.

Il est vrai que je n’ai pas réussi à déterminer précisément qui fait partie de ces remarquables personnages, mais c’est une réalité qu’il existe là une espèce de cercle constitué de financiers, de politiciens, d’hommes de science, et même d’ecclésiastiques de haut rang, très riches et puissants, qui occupent des postes élevés. Si l’on doit juger de leur idéologie par ses résultats (essentiellement en tant qu’ils sont des intermédiaires), elle semble étrange et inexplicable, du moins à la lumière des conceptions usuelles… puisqu’en fait celle-­ci offre une grande similitude avec l’idéologie communiste. Bien sûr, il s’agit d’idées communistes très particulières. Mais laissons de côté ces questions concernant leur caractère, leur genre d’affaires et leur profil; reste qu’objectivement, selon l’expression de Rakovski, ceux‑ci, imitant Staline aveuglément dans ses actions et ses erreurs, édifient le Communisme.

Ils suivirent l’avis de Rakovski presque à la lettre. Il ne se passa rien de concret, mais ils n’opposèrent pas de refus ni ne déchirèrent leurs vêtements avec horreur. Bien au contraire, ils écoutèrent tout avec une grande attention. L’Ambassadeur Davis évoqua avec précaution les procès passés, et alla même jusqu’à suggérer que l’on gagnerait beaucoup dans l’opinion publique américaine par une amnistie rapide en faveur de Rakovski. Il fut très observé durant les procès en mars, comme de naturel. Il assista en personne à tous; nous ne l’autorisâmes pas à se faire accompagner de techniciens, pour éviter tout risque qu’ils ne « télégraphiassent » avec les accusés. Lui n’est pas un diplomate professionnel et il ne connaît pas les techniques particulières. Il se vit donc obligé de regarder les accusés tout le temps, essayant de leur parler le plus possible avec les yeux selon moi, et nous pensons qu’il réussit à stimuler le moral de Rosenholz et de Rakovski. Ce dernier confirma l’intérêt que Davis lui avait manifesté durant le procès, et confessa qu’il lui avait fait un signe secret de salut maçonnique. A la suite de quoi il y eut encore une chose étrange, qui ne peut être objet de falsification. Le 2 mars à l’aube, on reçut un message radio d’une station très puissante disant: « Amnistie, ou bien le danger nazi va s’accroître « …Le radiogramme était chiffré avec le chiffre de notre ambassade à Londres. Vous pouvez imaginer qu’il s’agissait donc de quelque chose de très important.

 Le Docteur. ‑ Mais la menace n’était pas réelle ?

Gabriel. – Comment donc pas réelle ! C’est le 12 mars que se terminèrent les débats du Tribunal Suprême, et à 9 heures le même soir le Tribunal commença ses délibérations.

Et le même 12 mars à 5 heures 30 du matin, Hitler ordonna à ses divisions blindées de pénétrer en Autriche. Naturellement ce fut une simple promenade militaire ! Tout cela faisait‑il matière suffisante à réflexion ? Ou bien devions‑nous être assez stupides pour considérer le salut discret de Davis, le radiogramme, le chiffre, la coïncidence de l’invasion avec le verdict, et aussi le silence de l’Europe, comme étant de simples hasards ? Non, de fait nous ne LES avons pas vus, mais nous avons entendu LEUR voix, et compris LEUR langage.

_______________________________

Note de G. Knupfer

Il serait superflu d’ajouter un long commentaire. Qu’il suffise d’énoncer l’évidence: c’est l’un des documents politiques les plus importants du siècle. Beaucoup d’entre nous connaissaient depuis des décennies les faits rapportés ici, mais c’est la première fois que nous en obtenons l’aveu circonstancié et détaillé par quelqu’un qui faisait partie du cercle très restreint des véritables organisateurs du complot. A l’évidence Rakovski était l’un d’EUX.

La cohérence interne de ce document et le fait que les événements ultérieurs se déroulèrent exactement selon le plan indiqué, constituent une double preuve de la véracité de cette histoire .L’ouvrage d’où ce texte est tiré est un document essentiel pour tous ceux qui veulent comprendre les événements qui surviennent dans le monde et leurs causes, et aussi pour apprendre à connaître ce qui seul peut stopper les conquêtes de la révolution : le pouvoir exclusif d’émission des monnaies doit être impérativement rendu aux Etats, et cela partout. Si on ne le fait pas à temps, le Communisme vaincra2.


1 Depuis la signature à Berlin, le 23 août 1939, jusqu’à l’opération Barberousse avec l’ouverture du front Est, retardée au 22 juin 1941.

2 Plusieurs commentateurs ont signalé bien des traits communs entre la constitution de l’Union Soviétique et la constitution de l’Union Européenne. Sur ce thème, relire le témoignage de Boukovsky : J’ai vécu dans votre avenir, dans Le Cep n° 26 ainsi que celui du Lt Colonel Farrel : Réflexions d’un pilote américain en Corée, dans Le Cep n° 19.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Retour en haut