Guerre des civilisations en Europe (3ème partie)

Par le Pr Maciej Giertych

, , , ,

Résumé : Quant à l’Allemagne, hormis la Rhénanie, elle subit la marque de la civilisation byzantine, caractérisée par l’influence et l’efficacité de l’administration et par l’ingérence du pouvoir politique dans la vie de l’Eglise. La civilisation juive a pour fondement la conscience d’être le peuple élu, ce qui amène chaque communauté à se séparer de la population environnante, même si les nombreux mariages mixtes ont fait qu’il n’existe pas de race juive. La civilisation arabe n’est pas définie par l’Islam (il existe un Islam touranien, ou un Islam brahmane) ; toutefois les lois positives du Coran s’imposent au despote gouvernant la vie publique. Conclusion générale : puisque les civilisations s’excluent mutuellement, il convient à chacune de se défendre et de se protéger, en particulier en permettant à la mère de  famille de jouer son rôle transmetteur.

La civilisation byzantine :

La civilisation byzantine s’est développée par opposition à la Rome occidentale. La différence essentielle tenait à l’attitude envers la religion. Dans la civilisation latine, l’Église catholique a réalisé une indépendance doctrinale totale par rapport à l’État. En outre, elle a obtenu le droit de critiquer l’État ou le souverain s’ils agissent de façon immorale. En Pologne cela fut très évident dans le conflit de 1174 entre saint Stanislas, alors évêque de Cracovie, et le roi Bolesław Krzywousty. L’évêque critiqua le roi; le roi tua l’évêque. A la suite de quoi le roi perdit sa couronne, non parce qu’il avait perdu une élection ou une bataille, mais parce qu’il avait perdu moralement. Il dut s’exiler. Cet incident fixa les normes des relations entre l’Église polonaise et l’État. En Pologne il ne convient pas à l’État de critiquer l’Église; et l’Église a non seulement le droit, mais le devoir de critiquer l’État lorsque des questions de portée morale le demandent.

A Byzance la situation était bien différente. L’empereur disposait du pouvoir exécutif même envers l’Église. Il traitait l’Église comme l’un des éléments de son pouvoir, comme il traitait la justice ou l’armée. L’empereur imposait la religion à ses sujets.

Constantin le Grand fit du christianisme la religion d’État, il le décréta depuis son trône. L’empereur convoquait synodes et conciles et en fixait l’ordre du jour.

En conséquence l’État se situa au-dessus de la morale. Son souci premier était d’être efficace et pas nécessairement moral. Dans la civilisation byzantine la politique n’est pas limitée par l’éthique, elle en est affranchie et se fait ainsi souvent barbare. Par exemple on peut citer l’empereur Basil Bulgaroktonos (le Tueur de Bulgares) qui rendit aveugles en 1018 les soldats bulgares vaincus et les envoya à pied chez eux avec seulement un soldat borgne sur cent, pour montrer le chemin.

Le Saint Empire Romain Germanique adopta avec le nom impérial ce même mode d’organisation de la vie sociale1. Ainsi, lorsqu’en Pologne le roi qui tuait un évêque devait perdre son trône, au même moment, l’empereur germanique luttait contre le pape pour la suprématie (Césaropapisme). Un jour il va à Canossa en pénitence ; un autre jour il impose sa volonté au pape. Depuis ce moment jusqu’à aujourd’hui il y a en Allemagne une lutte entre les civilisations latine et byzantine. Dans l’Est de l’Allemagne l’influence byzantine a toujours dominé; à l’Ouest, particulièrement en Rhénanie, l’influence latine est plus sensible. Le retour de la capitale de Bonn à Berlin est, du point de vue de la civilisation, un changement probablement fâcheux.

Lorsque les Chevaliers Teutoniques christianisaient à coups de sabre, notre Paweł Włodkowic défendait les droits des païens (cf. Le Cep n°41, p.61, note 3).

Lorsque les guerres de religion ravageaient l’Allemagne, en Pologne nous avions un État sans chasse aux sorcières ni bûchers. Alors qu’ils suivaient le principe barbare cujus regio ejus religio (telle la religion du prince, telle celle du pays) et que les citoyens devaient changer fréquemment de dénomination, la tolérance religieuse régnait chez nous et beaucoup d’exilés des guerres de religion en Allemagne trouvèrent refuge en Pologne.

Même la catholique Autriche n’était catholique que par la volonté du prince. L’empereur avait l’habitude de se mêler de questions religieuses, y compris sur des sujets de liturgie. Il avait un droit de veto sur l’élection d’un pape (la dernière fois en 1903)9.

Cette habitude est souvent qualifiée de joséphisme, du nom de l’empereur Joseph II toujours prompt à imposer sa volonté à l’Église. Le catholicisme n’empêcha pas Marie-Thérèse de s’associer au partage manifestement immoral de la Pologne avec la Russie et la Prusse en 1772.

Les Allemands ont l’habitude de qualifier de « grands » leurs princes qui ont réussi, comme Frédéric le Grand ou Bismarck, en dépit du fait que leurs actes politiques fussent immoraux. Hitler fut considéré comme grand tant qu’il fut vainqueur, mais plus maintenant puisqu’il a perdu. Ses méthodes immorales n’ont pas payé, elles se sont avérées infructueuses.

Le byzantinisme n’aime pas la variabilité, l’inconstance ou l’irrégularité. Alors qu’à Rome et maintenant dans la civilisation latine l’unité se fait par le but, les méthodes et les formes pouvant être très différentes, à Byzance et maintenant en Allemagne, l’uniformité imposée par l’État est la règle. Désormais, la propreté et le fonctionnalisme généralement appréciés en Allemagne sont établis. Ceci vient de l’empressement général à suivre les ordres de l’État. Befehl ist Befehl! Un ordre est un ordre! Et ceci est généralement accepté par tous. D’un autre côté, dans la civilisation latine nous sommes individualistes, nous préférons faire les choses à notre manière.

L’entraînement et l’obéissance ont aussi leur mauvais côté. Ils mécanisent la vie commune, étouffent la base et l’activité organique et introduisent d’en haut une uniformité bureaucratique et centralisée: voyez le mode de fonctionnement de l’Union Européenne hyper réglementée, essentiellement gérée par les Allemands10. Ceci transfère la responsabilité des actes sur ceux qui donnent les ordres. Cela peut même justifier le crime.

Il est bien connu que les criminels de guerre Allemands se sont défendus selon le principe qu’ils n’ont fait qu’obéir aux ordres et qu’on leur a dit d’agir comme ils l’ont fait.

Pour eux, la responsabilité n’était pas la leur mais celle du gouvernement. A la limite, seul Hitler était coupable. Dans l’Allemagne d’après guerre une loi fut votée interdisant l’extradition des Allemands. En conséquence, la plupart des crimes de guerre furent jugés en Allemagne, d’après leurs normes et non dans les pays où ils furent commis. 

D’un autre côté, il est remarquable que même dans la Pologne communiste, il restait impensable pour les assassins du Père Jerzy Popiełuszko de se défendre en alléguant qu’ils ne faisaient qu’exécuter les ordres des services secrets auxquels ils appartenaient. Devant une cour de justice chacun est personnellement responsable. On ne doit pas obéir aux ordres criminels, c’est aussi simple que cela.

Liée à cette question, il y a la supériorité, typique de la pensée byzantine, de la forme sur le contenu. Puisque ce n’est pas le but qui est commun mais la forme sous laquelle quelque chose est faite, la forme tend à dominer alors même qu’elle se vide de contenu.

Dans la civilisation latine le but est de première importance et la forme de moindre signification. Nous l’adaptons à notre propre compréhension de ce qui, à ce moment donné, est le plus approprié. Par conséquent nous cherchons constamment des améliorations, commettant fréquemment des erreurs en chemin. Les Allemands byzantins ont perfectionné la méthode de décréter les formes d’en haut. Il était facile de voir qu’en Allemagne, à la fois le capitalisme (Allemagne de l’Ouest) et le communisme (Allemagne de l’Est) fonctionnaient efficacement. Le nazisme aussi fonctionnait efficacement.

Nous avons tendance à être impressionnés par l’efficacité allemande, souvent nous l’envions. Nous rêvons d’avoir leur ordre public, leur fonctionnalité et leur richesse. Cependant le prix à payer est l’acceptation byzantine de se soumettre à l’État pour toute question. Notre force gît dans la diversité, dans notre inclination à critiquer le gouvernement, et nous devrions défendre ces valeurs contre l’intention germanique de tout régler d’en haut, aujourd’hui de Bruxelles plutôt que de Berlin. L’excès de réglementation, si répandu dans l’Union Européenne, est manifestement d’origine byzantine et non latine.

Il y a une tendance croissante dans l’Union Européenne ainsi que dans beaucoup de pays traditionnellement de civilisation latine, à accepter le penchant byzantin de conduire la politique sans éthique. A la différence de la civilisation touranienne, le politicien ou dirigeant doit lui-même avoir une conduite morale dans sa vie privée et il est jugé selon ce critère. Cependant il est libre de mener une politique affranchie des contraintes éthiques. Ceci concerne non seulement ceux qui pratiquent la politique de façon immorale mais aussi ceux qui pensent que la politique est un domaine immoral et s’en tiennent à l’écart, ne s’occupant donc que de leurs propres affaires. Une telle attitude équivaut à laisser la politique dans les seules mains de ceux que la morale indiffère. C’est encore une attitude byzantine. L’attitude propre à la civilisation latine est de s’impliquer, d’agir selon la morale et d’exiger des autres qu’ils se conduisent moralement, en politique nationale comme internationale.

Ici, le fait que les opposants ne respectent pas eux-mêmes l’éthique, n’a pas d’importance. La police aussi doit respecter la morale lorsqu’elle s’occupe des criminels.

Nous sommes tous pécheurs mais chacun devrait désirer agir moralement, de façon responsable et en conformité avec ce qu’il croit être convenable. L’abandon de ce désir en politique est le principal danger pour la civilisation latine dans son contact avec la civilisation byzantine.

La civilisation juive :

La civilisation juive est une des plus anciennes sur terre. Sa durée n’est pas liée à la possession de quelque État ni à une langue spécifique. Dans un sens, la mémoire et maintenant la solidarité avec la terre d’Israël joue quelque rôle, de même que la langue hébraïque, généralement inconnue de la majorité des juifs (bien qu’ils sachent tous lire et écrire au moins depuis le 1er siècle). Jusqu’à très récemment c’était une langue morte et ce n’est que depuis la création d’Israël qu’elle a été ressuscitée comme langue vivante dans cet État. Cependant ni la langue ni l’État ne sont de grande importance pour définir cette civilisation. Les juifs passent souvent d’un pays à un autre et, en même temps changent, d’habitude très facilement, la langue utilisée à la maison pour s’adapter à la communauté.

En polonais nous parlons de « la nation juive », mais c’est quelque chose de complètement différent d’une nation dans la civilisation latine. Pour nous une nation signifie le passé commun d’un État florissant ou opprimé, une langue commune et une littérature dans cette langue, ainsi qu’un endroit spécifique sur terre considéré comme la patrie. Dans les autres langues européennes, le phénomène de l’unité juive est appelée d’un autre nom que « nation », généralement celui de peuple (le peuple juif, the Jewish people, Judentum) et c’est bien justifié. Ils sont vraiment un peuple, mais leur ciment n’a rien de commun avec la solidarité nationale des nations européennes.

Le ciment provient du caractère sacral de la civilisation et d’une conscience sacrale de la mission spéciale que Dieu leur a donnée. Ils ont conscience d’être le « peuple élu. »

Leur mission, évidemment, était de préparer le monde à la venue du Messie qui devait naître chez eux, et de conserver la vérité révélée jusqu’à son avènement. Ils ont rempli ce rôle.

Beaucoup d’entre eux L’ont reconnu lorsqu’Il est venu et ont apporté la Bonne Nouvelle, l’Évangile, aux autres peuples. Ce qui était la mission d’un peuple est devenu la mission de l’Église.

Les juifs d’aujourd’hui constituent une communauté tragique, un peuple qui n’a pas reconnu le temps de sa visitation: ceux qui n’ont pas reconnu dans Jésus-Christ le Messie attendu. Les juifs qui ont suivi le Christ se sont fondus dans l’universalité chrétienne; ceux qui l’ont rejeté sont devenus errants de par le monde, parmi les croyants des autres religions, ressassant jalousement leur élection, cette conscience messianique qui donne sa marque distinctive à leur civilisation.

C’est une civilisation d’isolement programmé, de distinction voulue des communautés environnantes. Dans le judaïsme il n’y a pas de théologie spéciale que l’on pourrait apprendre et adopter comme converti. On peut seulement se marier dans le judaïsme, en devenir membre biologique. Les juifs ne cherchent pas à convertir. Par volonté propre ils préfèrent vivre à part, en apartheid des communautés voisines. Ils forment leurs propres communes (kahals), se gouvernent eux-mêmes selon leurs propres lois et ils prennent soin de maintenir aussi une séparation spatiale. Ils forment eux-mêmes leurs ghettos ou quartiers dans lesquels ils vivent ensemble, analogues aux Chinatowns américains. C’est seulement l’Allemagne d’Hitler qui a créé l’idée de séparation forcée, d’un ghetto fermé que les juifs n’avaient pas le droit de quitter.

Les juifs ne sont pas des pionniers; ils ne vont pas à la conquête du vaste monde ni ne défient les risques de la nature. Ils s’installent parmi d’autres civilisations, riches de préférence. Ils ont tendance à émigrer des pays pauvres vers les pays riches. Et ils le font toujours en groupe, formant immédiatement leur propre communauté séparée.

Les juifs ne constituent pas une race spécifique. C’est un grand malentendu de prendre l’anti-sémitisme pour du racisme.

Les juifs de Pologne sont racialement impossibles à différencier des Polonais. Les juifs d’Afrique du Nord sont racialement proches des arabes. Les juifs éthiopiens sont proches des éthiopiens, et ainsi dans le monde entier.

Cependant, le fait que les juifs s’accrochent à leur propre communauté, leur propre civilisation, leur propre mise à part, entraîne le développement de différences biologiques. Ce n’est jamais une séparation totale parce que des mariages mixtes sont fréquents, mais là où des communautés juives vivent pendant plusieurs générations, cela est suffisant pour créer quelques différences avec la société environnante. Tout ceci est la conséquence de la conscience commune d’être le peuple élu.

La conviction d’être choisi par Dieu, d’avoir avec Lui une relation spéciale, d’avoir une promesse directe de Lui au seul bénéfice des descendants biologiques d’un peuple, a fait dégénérer le monothéisme en monolâtrie. La foi en un Dieu unique se transforme en foi en un Dieu, en son propre Dieu, un Dieu tribal. Les prophètes ont éradiqué avec succès les tendances polythéistes des juifs de l’Ancien Testament. Cependant, la monolâtrie ne fut résolue que par Jésus Christ qui adressa son message à tous les peuples et pas seulement au peuple choisi. En réalité, la monolâtrie est une forme de polythéisme car elle accepte la possibilité que d’autres peuples aient d’autres dieux.

L’idée du messianisme a surgi chez d’autres peuples, réalisant soudain que Dieu leur avait donné un rôle spécial à jouer1. Mais ceci dura rarement pendant plusieurs générations. Les juifs, en cultivant leur élection, ont créé toute une civilisation basée sur la fidélité à la Loi que Dieu leur avait révélée. Par Loi ils entendent la Torah, le Pentateuque de Moïse, qui pour nous aussi est évidemment un livre saint.

Cependant nous le lisons différemment. Les juifs voient en lui la Loi, immuable et à laquelle il faut obéir.Chaque lettre s’impose pour tous les temps. Jésus Christ nous a enseigné que ce n’est pas la lettre qui est importante mais la volonté du Législateur. Il n’a pas changé la loi, mais lui a donné un contenu. Il accusa les Pharisiens de servir le Seigneur avec leurs lèvres mais non avec leur cœur. Il demanda que l’on sauve l’agneau ou le bœuf tombé dans un puits un jour de sabbat (Mt 12, 11; Lc 14, 5) parce que le sabbat est pour l’homme et non l’homme pour le sabbat (Mc 2:27).

Nous nous moquons souvent des coutumes juives et nous les dénigrons. Cependant, lorsqu’un juif pieux voyage en train un samedi assis sur une bouteille d’eau en caoutchouc, il fait cela pour rester fidèle à sa religion, car il n’a pas le droit de voyager le jour du sabbat, sauf sur l’eau. Pour lui, ceci montre son obéissance à la lettre de la loi, un impératif moral. Pour nous, ce n’est qu’hypocrisie, désobéissance à l’intention du Législateur. Avec la croissance de la complexité de la vie et une meilleure compréhension des intentions du Législateur, nous adaptons les règles à ce que nous considérons comme moral. Pour nous, la loi dérive de l’éthique. Pour les juifs, c’est le contraire, l’éthique vient de la loi.

Pour eux, bien sûr, la vie exige aussi des changements dans leurs habitudes. Pour leur commodité, ils introduisent des interprétations de la loi, des explications pour diverses circonstances, afin de respecter la lettre de la loi, mais, en réalité, pour trouver un moyen de vivre raisonnablement. Toute l’érudition du judaïsme (Talmud, Kabbale, écrits rabbiniques) consiste en ces interprétations de la loi, commentaires sur les interprétations, commentaires des commentaires, etc., une casuistique permanente multipliant les exceptions à des règles immuables. Tout ce déploiement est inspiré par la commodité. Hors du judaïsme, toute cette érudition est sans valeur. Toutefois son style est souvent copié, constituant une menace spirituelle. Nous devons changer les règles lorsque ceci est exigé par notre compréhension de ce qui est ou n’est pas moral et non pas parce que nous trouvons qu’elles sont difficiles à suivre. Dans la civilisation latine, chaque génération transforme en lois  écrites des normes éthiques. La multiplication des lois restreint sans cesse notre liberté.

Les juifs ne sont contraints que par la Torah et toutes les interprétations ultérieures réduisent la portée obligatoire de ses prescriptions.

Malheureusement aussi chez nous, en désaccord avec notre propre civilisation, des lois apparaissent qui autorisent ce qui n’est pas moral et qui était déjà interdit par des lois écrites: avortement, divorce, homosexualité, cultes sataniques, etc. Ainsi, le lien entre la morale et la loi est perdu; c’est la commodité plutôt que la morale qui devient la source des lois.

Dans notre civilisation, une personne droite, vivant honnêtement, n’entrera pas en conflit avec la loi, même si elle l’ignore. Par contre, vivre en accord avec la lettre de la loi mais malhonnêtement, provient de l’attachement pharisaïque aux règles et non à la morale. L’exploitation des règles, de l’imprécision des lois, de leurs failles, de leur multiplicité et leurs incohérences, les activités à la limite de la légalité, les techniques d’évasion fiscale, tout cela formellement en accord avec la loi, mais immoral, vient de la casuistique rabbinique, de l’habitude de faire dériver la morale de la loi écrite. Pourtant, un tel escroc, agissant selon la loi, n’a, en fait, aucun respect pour aucune loi. On ne peut pas le comparer au voyageur du sabbat assis sur sa bouteille d’eau, qui lui aussi fait une interprétation commode de la loi, mais qui le fait afin d’accomplir la loi et donc en la respectant pleinement.

Puisque de nombreuses lois de Moïse ne pouvaient pas être respectées dans la diaspora (comme l’interdiction d’apprendre le grec), on introduisit des interprétations selon lesquelles la totalité de la loi mosaïque n’est obligatoire que dans la Terre Promise, mais pas en dehors. La diaspora devint une forme d’évasion de la loi. Puisque la morale dérive des règles, il y eut deux morales, l’une pour la Palestine et l’autre en dehors d’elle. D’autres divisions de la morale suivirent, selon les occasions, selon les jours, envers les juifs et les non juifs (les gentils). Il se développa ainsi une éthique de situation qui nous est tout à fait étrangère. Nous ne connaissons qu’une seule éthique, la même dans toutes les circonstances. Mais sommes-nous toujours fidèles à cette conception?

Par exemple, ne traitons- nous pas parfois différemment le vol du voisin et le vol de l’État ou les mensonges aux amis et ceux que nous adressons aux ennemis? De telles morales de situation proviennent de la civilisation juive et nous devons les éviter.

A l’intérieur de la civilisation juive, bâtie sur la Torah, cinq religions se sont développées, selon les livres reconnus pour l’interprétation de la loi. Koneczny résume ces religions de la manière suivante:

Table 2 :

 Exemples
Avec TorahSans Talmudsans KabbaleSadducéens, Karaïtes
avec KabbaleSabbatites, Frankistes
Avec Talmud  
sans KabbaleJuifs lituaniens
avec ancienne KabbaleSépharades
avec Kabbale + pilpoulHassidim, Ashkénazes

Cinq religions, mais sans aucune différence théologique conduisant à des divisions. Sans égard pour la tradition relevant des livres d’interprétation de la Torah, tous les juifs forment une seule famille unie par la conscience messianique d’être le peuple élu. Un juif peut devenir athée, il peut se convertir à une autre religion, même devenir cardinal, il sera toujours considéré par les autres juifs comme un membre de la communauté juive.

Nous sommes souvent impressionnés par la solidarité juive, par la façon dont ils se soutiennent toujours, par leur fidélité à la communauté juive. Nous constatons qu’ils participent à de nombreuses batailles, présents des deux côtés. Mais, après la défaite d’un camp, les juifs du camp vainqueur s’assurent que les juifs perdants ne souffrent pas. Après le conflit suivant, le résultat pourra être l’inverse et la même solidarité s’exercera.

C’est une méthode de survie qu’ils ont développée en vivant parmi les gentils. Nous n’avons pas une pareille solidarité. En fait nous nous accusons d’esprit de querelle et de jalousie. Nous envions les juifs pour leur fidélité les uns envers les autres par delà tous les conflits.

Cependant, cette différence comporte un autre aspect. Nous pensons devoir soutenir la vérité, la bonté, la justice et pas un concitoyen simplement parce qu’il est notre concitoyen. Nous devons combattre le mal, les mensonges, tout ce que nous considérons, même à tort, comme inconvenant.

Telle est notre idée de la droiture. Nous devons rester nous-mêmes plutôt que de défendre ce qui ne mérite pas de l’être. Tant notre position que celle des juifs ont du sens, mais seulement dans le contexte de nos civilisations respectives. Ceci montre clairement qu’aucun compromis n’est possible sur les questions différenciant les civilisations.

La civilisation arabe :

On croit souvent que les Arabes sont des nomades par nature. Beaucoup d’entre eux l’étaient et il semble qu’ils descendent de gardiens de troupeaux plutôt que de laboureurs, chassant ou suivant leurs animaux en quête de pâturages. Cependant, depuis des millénaires ils se sont tournés vers l’agriculture et la création de villes, si bien que le style de vie nomade n’est guère un trait caractéristique de cette civilisation.

Considérer l’islam comme définissant cette civilisation est également une erreur. Les mosquées ne sont pas des maisons de Dieu, elles n’ont pas d’autel de sacrifice; ce ne sont que des salles de prière. Il n’y a pas non plus de clergé, les imams ne sont que des chefs de prières. Mahomet lui-même était un imam, comme le furent tous les califes. Un imam est quelqu’un qui peut lire et interpréter le coran. Puisque le coran ne peut pas être traduit, l’imam doit connaître l’arabe, au moins suffisamment pour le lire sinon pour le comprendre. Dans chaque mosquée, près de la chaire, il y a une niche décorative indiquant la direction de La Mecque vers laquelle doivent s’orienter tous ceux qui prient.

Les sources de la foi sont le Coran et la tradition appelée sunna. Celle-ci est composée de commentaires et de notes sur le coran par les plus vieux commentateurs. Les sunnites sont orthodoxes alors que les chiites rejettent la tradition et ne reconnaissent pas les trois premiers califes. Les chiites vivent en Iran, au Pakistan, au Bangladesh, en Mongolie et dans les oasis d’Algérie. Le monde arabe est sunnite, comme l’est la Turquie. Les deux branches prêchent cinq obligations: prière, aumône, pèlerinage, jeûne et participation aux guerres saintes.

Quelques coutumes viennent du judaïsme, comme l’interdiction du porc et l’abattage rituel des animaux. Jésus est considéré comme un prophète et Marie une Vierge, mais ils pensent que traiter Jésus de Fils de Dieu est une idée polythéiste. Ce fut Mahomet qui imposa le monothéisme aux Arabes; c’est lui aussi qui interdit les boissons enivrantes et les jeux de hasard, mais n’imposa pas de restriction à la polygamie ni à l’esclavage. L’islam est une religion simple avec peu de compréhension populaire. Peu de musulmans connaissent le Coran, qui est plein de règlements sur l’hygiène et contient une loi précise sur la famille et la propriété, entrant dans les moindres détails. Il comprend aussi un code moral. La femme n’est pas l’égale de l’homme, elle ne prie pas avec lui dans la mosquée. Seul le mari peut divorcer d’avec sa femme. Le voile et la robe sac ne sont pas exigés par le Coran, ils sont pratiqués dans certaines communautés islamiques et pas dans d’autres. L’attitude envers les beaux arts est fixée avec précision, mais généralement de façon négative. Puisque la représentation d’êtres vivants est interdite, l’art arabe est orienté vers de magnifiques ornementations (arabesques).

Le Coran concerne ainsi les domaines de la santé, de la prospérité, de la beauté et de la bonté. Dans le domaine de la vérité, il s’intéresse peu au surnaturel (il n’y a pratiquement pas de théologie) et pas du tout à la nature. La loi sur la famille et la propriété constitue la totalité de la jurisprudence. Cependant les défauts du Coran, du point de vue de la civilisation, vont plus loin. Toutes ses injonctions ne concernent que la seule vie familiale, au mieux le clan, et il ne connaît que le droit privé.

Il n’existe pas de règles de gouvernement dans le Coran. Comment donc un gouvernement pourrait-il être fondé sur le Coran? Le gouvernement est laissé à la volonté et au plaisir de l’autorité, si bien que la volonté arbitraire du dirigeant devient partie indispensable de la loi, ce qui conduit inévitablement à l’arbitraire. En fait le Coran est fait pour satisfaire les besoins de l’État. Le service militaire est au nom de la guerre sainte ; l’impôt tombe sous le devoir de l’aumône, si bien que le soin des nécessiteux devient l’entière responsabilité de l’État. On dit du gouvernement islamique qu’il est parsemé de Coran et doublé de volonté inflexible, donc incapable d’agir sans terreur.

Gouverner consiste à appliquer une loi privée élargie aux affaires publiques. Un droit public séparé ne saurait naître tant que ne sera pas abandonné le principe du Coran comme source du droit. Deux écoles se sont formées, l’une pour laquelle n’a de valeur que ce qui est contenu dans le Coran et la sunna, l’autre affirmant que tout ce qui n’est pas condamné par le Coran est autorisé. A partir de ces deux tendances diverses sectes ont vu le jour, jusqu’à des sectes polythéistes (au Pakistan). Quelques unes, comme les Assassins chiites, fanatiquement cruels, opéraient dans le monde touranien et furent finalement traités par les Mongols d’une manière typiquement touranienne: ils furent physiquement liquidés avec leurs familles par une exécution de masse accomplie par une force militaire obéissante. Partout, l’islam s’est adapté aux particularités de la société locale. Il est présent dans de nombreuses civilisations. Tout ce qui est arabe n’appartient pas à l’islam ni tout ce qui est musulman à la civilisation arabe. Il faut distinguer entre ceux qui ont reçu le Coran des Arabes et ceux qui l’ont reçu des Touraniens, des Turcs ou des Iraniens. Du point de vue de la civilisation ce sont des mondes complètement différents. Les lettrés arabes considèrent les Turcs comme pires que les giaours (païens), comme les barbares de l’Islam. L’islam existe dans d’autres civilisations, chez les brahmanes (avec maintien du système des castes), chez les Chinois (en Dzoungarie, avec la polygamie modifiée en femme plus concubines) et ailleurs. L’islam ne définit pas la civilisation arabe.

L’Islam n’a pas créé de civilisation sacrale, comme le judaïsme et le brahmanisme l’ont fait.

La civilisation arabe est seulement à moitié sacrale. Ne sont pleinement sacrales que les plus extrêmes des sectes chiites, chez les Mozabites des oasis du Sahara algérien. Ethniquement ce ne sont pas des arabes mais des berbères. Ils sont attachés à leurs cités saintes, auxquelles ils doivent revenir car leurs femmes n’ont pas le droit de les quitter. Les figures des femmes sont très étroitement voilées. Il est interdit non seulement de boire, mais aussi de fumer. L’autorité de dernier recours est un collège d’hommes versés dans le Coran, existant dans chaque ville. En dehors de cette exception, nulle part l’islam n’a créé sa propre civilisation.

En terre d’islam, une civilisation séparée n’a éclos que là où était adoptée l’interprétation selon laquelle tout ce qui n’est pas interdit par le Coran est autorisé. Dans ces régions, l’islam stimula une civilisation luxuriante, pour ainsi dire au-dessus, ou à côté du Coran. C’est ainsi qu’est née la civilisation arabe, nommée d’après la langue dans laquelle le Coran est écrit, mais non d’après l’élément ethnique auquel elle n’était liée en rien. Ce ne sont pas les Arabes qui ont répandu l’islam. Mais leur langue, grâce au Coran, est devenue la langue d’une civilisation brillante de splendeur intellectuelle s’étendant bien au-delà du cadre du Coran. Ainsi, déjà au 8ème siècle, une philosophie distincte du droit émergea (Abu-Hanif, mort en 772). Toute la civilisation arabe apprécie les lois laïques aussi bien que l’autorité du Coran; la loi peut exister en dehors du Coran, pourvu qu’elle n’entre pas en conflit avec lui. La source du droit est le savoir.

La culture est très appréciée et des écoles de grande qualité ont toujours fait partie de cette civilisation. Elle a sauvé Aristote pour la postérité (repris ensuite par les philosophes latins). Les mathématiques arabes sont particulièrement célèbres, basées sur les chiffres indiens transmis comme « arabes » dans le monde entier (imaginez de longues divisions ou multiplications avec des chiffres romains!). Le droit public est tiré du droit privé avec la complication qu’il doit tout de même être déduit du Coran qui ne contient que du droit privé. A partir de ce droit privé un système social s’est développé. La plus grande partie de la vie publique est despotique, l’État intervenant tout le temps dans n’importe quelle affaire sociale.

Dans les communautés plus petites le cheikh décide de tout, et la même autorité servit le gouvernement des grands États arabes historiques. Cependant, le gouvernant demeure toujours assujetti à l’autorité suprême du Coran (sauf dans les parties islamiques de la civilisation touranienne, où la loi est dérivée du coran mais son interprétation reste une prérogative du seul gouvernant). A l’égard du temps, la civilisation arabe  connaît l’époque, mais n’a pas de conscience historique.

Le contact avec le monde latin après l’invasion de l’Espagne et d’une partie de la France par les Maures (Mauritaniens) fit naître la culture la plus avancée de la civilisation arabe (cordouane). Les trésors architecturaux de Cordoue, Séville et Grenade témoignent de la grandeur de cette culture. Dans la culture cordouane, émergeant du clan, se produisit une émancipation de la famille due à l’adoption de la monogamie. Aussi les forces spirituelles commencèrent-elles à s’organiser à part, en dehors de l’organisation étatique. Partout où ceci se produit, naît une nouvelle chance pour la vie publique, pour le développement d’une opposition, d’une opposition légale, moralement permise, ne constituant rien de déplacé mais étant une manifestation de l’émancipation des forces spirituelles par rapport aux forces physiques. La culture cordouane prouve qu’une telle émancipation est possible dans la civilisation arabe.

Aujourd’hui, à propos du terrorisme islamique, il est important de distinguer entre le fanatisme islamique né dans la civilisation touranienne et analogue à celui des Assassins, et la fidélité religieuse au Coran présente dans la civilisation arabe.

Remarques pour conclure :

Les questions qui différencient les civilisations s’excluent mutuellement. L’intégration, le terrain d’entente et le « melting pot » ne sont pas possibles. Les civilisations rivalisent entre elles et, dans une société donnée, une seule l’emportera éventuellement.

La guerre entre civilisations a lieu principalement dans les écoles. Qui aura la plus grande influence sur la mentalité de la génération suivante? Qui éduquera les enfants de qui?On pourrait ajouter que le problème avec les immigrants se ramène à la réponse à ces questions fondamentales.

Qui apportera la civilisation aux enfants? Les parents, ou quelqu’un d’autre? Depuis la Révolution française, on observe un accaparement progressif de l’éducation par l’État en Europe. Nous sommes sans cesse témoins de la diminution de l’influence parentale sur l’éducation et de sa laïcisation progressive. L’importance de l’éducation augmente mais l’influence de l’Église et des parents diminue.

Ceci n’est pas une évolution négligeable. Nous risquons de voir des politiciens étrangers à notre civilisation décider de l’éducation de nos enfants alors que les parents remarqueront à peine que leurs enfants s’éloignent de leur civilisation.

Nous devrions nous poser les questions suivantes: notre système éducatif contient-il une ou plusieurs civilisations? Qui décide des programmes éducatifs? Qui décide des tendances éducatives encouragées à l’école, à la télévision, sur internet? Qui possède la plus grande influence sur l’éducation des enfants: les parents, l’école, l’Église, la télévision ou internet? Le système éducatif doit être cohérent; il doit s’accrocher aux principes d’une civilisation. Dans la plus grande partie de l’Europe, ce devrait être la civilisation latine. L’éducation à l’école devrait être un prolongement de celle du foyer et les deux devraient être complémentaires et compatibles.

En 1925, mon grand-père interdit à ma mère la lecture d’un livre donné comme un texte ordinaire dans son école (Chłopi, -les Paysans- de Władysław Reymont, lauréat du Prix Nobel) parce qu’il estimait que ce livre avait un contenu indécent. L’école respecta sa décision. Toute la classe lut le livre, mais non pas ma mère. En fait, elle ne le lut jamais, même lorsqu’elle fut plus grande, parce que son père le jugeait indécent. Quelle école européenne aujourd’hui respecterait semblable requête d’un parent?  Nous devrions demander le retour de ces bonnes habitudes.

Les auteurs des programmes éducatifs  sont souvent guidés par des options idéologiques. Malheureusement, de plus en plus souvent elles sont laïques et délibérément contre la morale.

On entend constamment parler du besoin de donner une « éducation sexuelle » en classe. Les enfants sont endoctrinés en faveur des contraceptifs et des gymnastiques sexuelles. Les choix de lectures donnent souvent la préférence aux auteurs socialistes et athées, tandis que sont éliminés les auteurs catholiques. Dans l’enseignement de l’histoire, il y a beaucoup de mensonges ; on minimise le rôle du christianisme et du patriotisme dans la construction de l’Europe et on glorifie les révolutions et l’internationalisme. En biologie on promeut la théorie non prouvée de l’évolution, afin de diminuer le rôle du Créateur.

Il est vrai qu’il existe des professeurs qui, même dans les circonstances les plus difficiles, laissent de côté les manuels officiels et tentent de transmettre la vérité aux enfants, du mieux qu’ils peuvent. La majorité des professeurs, cependant, répètent simplement ce qui se trouve dans les manuels sans aucun commentaire critique. Ils ne veulent pas risquer d’être réprimandés, ou simplement ne voient pas le biais laïciste de l’endoctrinement dispensé.

Une influence encore plus forte est exercée sur les enfants par la télévision, regardée depuis le plus jeune âge, plusieurs heures par jour. Et quels genres de modèles trouve-t-on dans les programmes? Le normal est morne ; alors, la plupart du temps des situations anormales sont représentées. Malheureusement, la télévision est beaucoup regardée lorsque les parents ne sont pas à la maison.

Une mauvaise influence similaire est exercée par la musique populaire. Elle est enregistrée pour des baladeurs et personne ne sait ce que les enfants écoutent. La musique moderne a souvent un contenu érotique ou satanique.

Lorsque les enfants ont des problèmes, à qui vont-ils se confier? Les parents ont-ils le temps de les écouter et de les conseiller en temps utile?

Il n’y a qu’une seule solution. Pour que le foyer soit le principal éducateur, il faut que la mère soit là. Je sais que je risque la colère de beaucoup de femmes qui liront ceci. Mais ne nous y trompons pas. Lorsque le mode de vie familiale est organisé pour que les mères soient toujours à la maison, la civilisation se perpétue.

Lorsque la mère est absente la plupart de la journée, les enfants risquent d’être éduqués selon un jeu de valeurs étranger aux parents. Un foyer sans la mère est un foyer vide. Les enfants s’enfuient de tels foyers et ils cherchent conseil ailleurs.

Il est absurde qu’il y ait maintenant nécessité économique de cumuler deux revenus dans la famille. Ce n’est pas un choix, c’est une nécessité. Le système social doit être réorganisé pour qu’il soit possible de vivre avec un seul revenu et que les mères soient à la maison. Dans ce cas, l’influence de l’école sur les enfants est minimale. Elle est contrebalancée par l’influence du foyer.

L’interdiction des foulards ne résoudra pas le problème. Les enfants de civilisations différentes agissent les uns sur les autres à l’école et ils s’influencent mutuellement. Avec la diminution d’influence du foyer dans la société occidentale et avec les programmes d’enseignement hors du contrôle parental, nous courons le risque de changements de civilisation à la prochaine génération.

Notre civilisation doit être activement défendue. Même au risque de la pauvreté, nous devons insister pour garder le contrôle de nos enfants. Nous devons aussi insister pour garder le contrôle des programmes éducatifs; nous devons demander que  les programmes de télévision proposent des causes nobles et des modèles honnêtes. Nous devons aussi demander qu’un comportement conforme à notre civilisation soit loué et l’inconvenant méprisé. Nous devons insister pour que la musique immorale soit bannie. Nous devons insister pour que la tenue de la société en général soit convenable et, lorsqu’elle ne l’est pas, qu’elle soit pénalisée. Nous devons essayer d’influer sur l’éducation de ceux qui vivent parmi nous mais ne reçoivent pas un soutien suffisant de leur famille. Nous devons aussi essayer d’influer sur ceux d’entre nous qui relèvent d’autres civilisations. Nous devrions passer à l’offensive pour l’éducation.

Sinon, notre civilisation perdra.

A un niveau différent la situation est plus optimiste. Tout à fait en dehors de tous les maux que le colonialisme comportait, il est de fait que les colons européens tentèrent de greffer leur propre civilisation sur les peuples soumis.

L’un des principaux moyens pour y parvenir fut d’inviter les individus les plus brillants à venir étudier en Europe. Des élites furent formées à penser à la manière européenne. Lorsque vint la décolonisation, ce furent principalement les indigènes éduqués à l’européenne qui assumèrent la responsabilité de gérer les pays fraîchement émancipés. Beaucoup de cette forme d’influence se poursuit avec les étudiants des anciennes colonies bénéficiant des privilèges d’une éducation européenne. Les Etats-Unis font la même chose en invitant beaucoup d’étudiants du tiers monde à étudier chez eux.

L’éducation est un des moyens pour promouvoir sa propre civilisation; il y en a d’autres. Les colons ont souvent laissé un système légal et un type d’organisation sociale, un système de représentation politique, une méthode d’organisation de la police, de l’armée, du service médical, du service des forêts, etc. Ils ont aussi laissé une morale chrétienne et une structure de l’Église chrétienne, devenant progressivement ethniquement locale. Tout ne marche pas aussi bien qu’il le devrait, mais la norme européenne est généralement ce qu’il faut viser.

Actuellement, tout à fait en dehors de l’héritage colonial, en traitant avec les pays du tiers monde, les européens (comprenant ceux des Etats-Unis, du Canada, d’Australie, etc.) exigent certaines normes de comportement comme conditions des relations. D’habitude il est demandé un certain degré de démocratie, de respect des droits de l’homme, de lutte contre la corruption, de responsabilité économique. En formulant ces exigences nous éduquons les autres à notre façon de penser.

Évidemment, tout ce qui a été accompli dans le tiers monde par l’Ouest n’est pas louable.  Malheureusement, nous avons tendance à exporter nos maux: la guerre ou les armes, le socialisme et autres idéologies matérialistes, le contrôle des naissances, la promiscuité sexuelle, l’instabilité de la famille, le genre de vie hédoniste. Les membres des autres civilisations, voulant se protéger contre ces maux, résistent aussi aux influences positives de l’occident. Nous serions beaucoup plus efficaces à promouvoir la civilisation latine si nous prenions soin de la protéger chez nous.


1 L’empereur Otton II (967-983) épousa Theophano (972), nièce de l’empereur byzantin Jean Ier Tzimiskès (969-976) et sœur de l’empereur Basil Bulgaroktonos (le Tueur de Bulgares) (976-1025). Alors que son père Otton I vivait encore, Otton II fut couronné empereur du Saint Empire par le pape Jean XIII qui présida aussi le mariage avec Theophano. Ceci établit un lien avec le titre impérial byzantin et stimula les ambitions impériales des souverains germaniques. A cette époque, Byzance était très riche et objet d’envie pour les princes occidentaux, plus frustes. Theophano apporta avec elle en Allemagne une cour splendide qui constitua un certain modèle pour les empereurs du Saint Empire. Telle est l’origine de l’influence de Byzance sur l’Allemagne, qui dure encore aujourd’hui.

9  Ndlr. Ce veto de la Maison de Habsbourg contre le cardinal Rampolla, Secrétaire d’Etat de Léon XIII, qui avait soutenu les nationalismes en Europe centrale et poussait au démembrement de l’Empire, permit l’élection de Joseph Sarto, seul pape canonisé depuis saint Pie V (1565/1572, le pape de Lépante). 

10 Ndlr. Il faudrait ici introduire la vaste question de la normalisation européenne, démarche typiquement « byzantine ». On a voulu confondre normalisation et réglementation, ce qui a pour effet (en imposant la norme à toutes les installations) de hausser les coûts et de freiner l’innovation : tout ce qui est astucieux est inévitablement « hors normes » !

1 Ndlr. Soloviev distingue le messianisme, unique et propre aux juifs, et le « missianisme », qui fait que nombre de nations ont un rôle universel à jouer, une mission qui leur est propre : « L’idée d’une nation n’est pas ce qu’elle pense d’elle-même dans le temps, mais ce que Dieu pense sur elle dans l’éternité » (L’idée russe, Paris, Perrin et Cie 1888, p.45). Dans cette perspective on pourrait dire que le testament de saint Remy fixe la mission des Francs. Soloviev parlait de la France comme le « Verbe de l’humanité.»

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Retour en haut