Partager la publication "Ce Jour où le Christ est né,"
Par Horovitz Henriette
Nous sommes en 2023 Anno Domini, c’est-à-dire dans la 2022e année qui a suivi la venue du Fils de Dieu sur terre. C’est du moins ce qu’affirment implicitement nos calendriers civils, suivant ici le comput demandé par le pape Jean Ier au moine Denys le Petit (470-540)1. Venu à Rome vers 500, ce savant moine y devint abbé d’un monastère, mais il est surtout connu pour ses traductions, ses travaux d’érudition et comme un « passeur » d’informations entre l’Orient et l’Occident chrétiens. Il fixa la date de l’Annonciation au 25 mars de l’année 754 AUC (ab Urbe condita), donc à partir de la fondation de la ville de Rome, et la naissance de Jésus-Christ au 25 décembre de cette même année 1 de nos calendriers. Or il n’a pas manqué de savants travaux pour affirmer que Denys s’était trompé et que Jésus-Christ serait né avant ou après cette date (les computs vont couramment de – 7 à +5 !). Comment y voir clair ? Un élément nouveau est apparu avec le rouleau 4Q321 trouvé parmi les manuscrits dits de la mer Morte, à Qumrân.
Dans Le Cep n°1 (novembre 1997, p. 58), un article d’Antonio Ammassari signalait déjà que ce fragment permettait de reconstituer les tours de service des 12 familles sacerdotales au Temple. L’auteur en déduisait que l’Annonciation devait être datée un 25 mars, compte tenu de la semaine attribuée à la famille d’Abia à laquelle appartenait Zacharie (Lc 1, 5). Henriette Horovitz, une juive belge convertie au christianisme en 1941, s’est livrée à une minutieuse reconstitution des cycles de garde au Temple depuis l’an 16 AC (Immaculée Conception de la Vierge le 8 décembre) jusqu’à l’incendie du Temple, le samedi 4 août 70 AD. Il s’agit d’un travail d’une redoutable complexité, en raison notamment des semaines et des mois intercalaires que le Sanhédrin décidait pour ajuster l’année liturgique israélite aux mois lunaires fixés par l’observation directe des moissons et de chaque nouvelle lune. En effet, ce n’est qu’en 358 AD que Hillel II instaura un calendrier perpétuel toujours en usage en Israël et dans les communautés affiliées. Dans la foulée, ce sont toutes les fêtes chrétiennes dont la date se trouve ainsi confirmée.
Dans cette enquête, l’auteur rend ainsi justice à l’Église et fait remarquer que la célébration des anniversaires de la naissance et de la mort était et demeure si présente dans le judaïsme que Marie et les Apôtres (dont saint Pierre à Rome) en avaient certainement maintenu la tradition. De plus, ayant sous la main les archives de l’Empire, Dionysius Minor était certainement mieux placé, en 430 A.D., pour recueillir sur place de tels éléments, que les érudits de l’époque moderne réduits à confronter les chroniques qui nous restent des historiens grecs ou romains, tel Flavius Josèphe. Une éclipse de lune visible à Jérusalem, et d’ailleurs signalée par Josèphe, a permis à Henriette Horovitz, en interrogeant la NASA, de situer la mort d’Hérode en mars +6, ce qui est une précieuse balise, puisqu’elle permet de dater le retour de la Sainte Famille depuis son exil en Égypte.
Un livre clair et pédagogique, comportant de nombreux tableaux résumant au fur et à mesure les acquis de cette enquête passionnante.
(Rivesaltes, Éd. Saint-Jude, 2016, 16€)
1 Dionysius Minor était né en Petite-Scythie (d’où le qualificatif de « minor »), aujourd’hui la Dobroudja, en Roumanie, mais son ami Cassiodore le donne comme Arménien et non comme Scythe.
