Partager la publication "Alain Didier (14 janvier 1950 – 2 novembre 2022)"
Par In Memoriam

Notre ami Alain Didier vient de nous quitter brusquement, au moment même où sa dernière pièce, Knock 2, divertissement sur le pénible sujet de la crise sanitaire, est jouée au Théâtre du Nord-Ouest et lui vaut les applaudissements, debout, d’une salle enthousiaste. Né à Châteauroux où se déroula son enfance, il y reçut de ses parents et de la fréquentation de la Cité Catholique de Jean Ousset une très solide formation chrétienne. Il excelle dans les disciplines littéraires et suit, en Histoire, l’enseignement d’un remarquable maître qu’il révérait, l’abbé Étienne Gaulmier. Très tôt, au contact des grands classiques qu’il lit avec passion, éclôt chez lui une vocation de dramaturge.
À seize ans, il écrit la première version d’une tragédie en alexandrins, Tibériade. Il étudie le droit et les sciences politiques à Orléans, puis à Paris où se déroulera toute sa vie professionnelle : au GIM (Groupement des Industries Métallurgiques) où il aura la responsabilité du Service des Études Juridiques. Par de nombreuses monographies, son esprit de synthèse et la clarté de son style lui permettront de rendre plus accessibles les différents aspects de cette branche complexe du droit qu’est le Droit du Travail.
Alain Didier est l’auteur d’une importante œuvre théâtrale publiée en six volumes par l’Harmattan en 20191. « Mon théâtre – écrit-il dans le vol. VI : Doctrine, production, critique – est d’abord essentiellement chrétien. Il reflète, en effet, la résistance d’un catholique français à un demi-siècle d’apostasie… C’est un théâtre largement historique… Un tiers de mon théâtre a été écrit en alexandrins…
Ce tiers correspond à des sujets antérieurs à 1789. » Ce dernier vol. VI réunit, en particulier, des essais sur le théâtre : Pour un théâtre de Chrétienté, La Tragédie chrétienne et nationale aux quatre derniers siècles, Renaissance de la tragédie, Henri Ghéon, précurseur du théâtre de Chrétienté.
Le théâtre en vers d’Alain Didier lui avait mérité, le 20 mars 2019, le prix de poésie du Cercle Renaissance, qui lui fut remis par Benoît Neiss. Il entendait redonner à nos contemporains le goût d’un théâtre de qualité dans la lignée des Montherlant, Henri Ghéon ou Anouilh. Renouant brillamment avec l’alexandrin, bien délaissé au théâtre depuis Rostand, son œuvre se caractérise par un goût pour la théologie chrétienne et par une recherche de la vérité historique (Éden, Ponce Pilate). Il évoque les croisades médiévales (Tibériade, Baudouin de Toulouse, passion et mort d’un chrétien) ou explore les arcanes de l’histoire contemporaine. Ses pièces évoquant des événements postérieurs à 1789, aussi savamment documentées qu’émouvantes, sont écrites en prose, ainsi 1917 ou l’Abdication et La Nuit de Rakovsky. Avec Eugenio (Versailles, Via Romana, 2012, préface de Judith Cabaud), qui rend hommage au pape Pie XII, il renvoyait aux poubelles de l’Histoire le très marxiste Vicaire (fiction de 1963).
Alain Didier se positionne donc très nettement dans la lignée des écrivains-historiens de théâtre, rejoignant ainsi un souhait de La Fontaine : « instruire en distrayant. »
Rénover le théâtre chrétien, en vers au surplus, œuvre de renaissance culturelle, est une tâche aujourd’hui ingrate. À de bien rares exceptions près (Jean-Luc Jeener en est une), un tel théâtre attend hélas aujourd’hui son metteur en scène. Plusieurs pièces d’Alain Didier ont été lues par des acteurs professionnels sur scène (au Théâtre du Nord-Ouest), ou dans d’autres cadres : les participants aux colloques du CEP, s’en souviendront avec nostalgie.
Que son épouse Margaret trouve ici le témoignage de notre reconnaissance.
« Le nom du sage vivra à jamais » (Si 37, 25)
1 En voir la liste détaillée dans Le Cep n°96, septembre 2021, p. 70-71. Une suggestion pour aller à la découverte de cette œuvre d’un grand intérêt : commencer, peut-être, par Ponce Pilate. Drame en troisactes (édition séparée, Versailles, Via Romana, 2009).