Partager la publication "« la croisade des démocraties »pour une paix bolchevique (janvier 1943-août 1944)"
Par Michel De La Trinité, Fr.
HISTOIRE
« Si l’homme est libre de choisir ses idées, il n’est pas libre d’échapper aux conséquences des idées qu’il a choisies. »
(Marcel François)
« La Croisade des Démocraties » pour une paix bolchévique (janvier 1943 – août 1944)1
Résumé : Il fut annoncé à la voyante de Fatima, pour un temps futur, que la Russie répandrait ses erreurs de par le monde. Parmi ces erreurs, il est possible que figure l’absence de tout sens moral chez les dirigeants. La gestion de la deuxième guerre mondiale par Staline donne un bon exemple de cette voie aujourd’hui si commune. Le calcul, la duplicité, le mensonge furent poussés par le maître du Kremlin à un point si avancé qu’on ne peut exclure une aide préternaturelle. S’explique alors aisément l’accumulation de morts inutiles d’un point de vue militaire, mais agréables à celui qui fut « homicide dès le commencement » (Jn 8, 44). Le piège tendu à la ville de Varsovie en 1944 est à ce titre aussi frappant que la « main tendue » au Vatican par ce persécuteur froid dont la moisson de victimes l’emporte de loin sur celle d’un Dioclétien ou d’un Julien l’Apostat.
Le 20 janvier 1943, Roosevelt et Churchill, réunis à Casablanca, avaient communiqué à tous les États de l’Axe leur exigence d’une reddition sans conditions2. Cette inflexible intransigeance entrait tout à fait dans les vues de Staline. On écartait ainsi délibérément les tentatives des plus sages politiques, celles de Pie XII, comme celles de Franco et de Salazar qui, conscients de l’extrême danger d’une bolchevisation de l’Europe, dans l’hypothèse d’un écrasement complet de l’Allemagne et d’une victoire totale de Staline, s’efforçaient d’obtenir au plus tôt une paix de compromis avec une Allemagne débarrassée d’Hitler.
Le massacre de Katyn : le Communisme « menteur et homicide »
Avec une parfaite clarté de vues et un machiavélisme diabolique, Staline continuait à préparer activement sa paix communiste. Pour cela, il était prêt à tirer profit de toutes les occasions. En février 1943, les Allemands découvrent, dans la forêt de Katyn, les charniers où ont été ensevelis les 15 000 officiers polonais massacrés par les Russes en avril 1940. Sans vergogne, Staline accuse aussitôt les Allemands de ce crime abominable dont il est en réalité le seul responsable. Mais voici le comble du cynisme : lorsque, le 16 avril 1943, le gouvernement polonais en exil à Londres — le gouvernement de la résistance polonaise antiallemande, reconnu par tous les Alliés, l’URSS y comprise —, demande à la Croix Rouge internationale d’enquêter sur ce massacre, le chef du Kremlin ose saisir ce prétexte… pour rompre ses relations diplomatiques avec ce gouvernement trop nationaliste ! et former déjà l’embryon du futur gouvernement polonais communiste, aux ordres de Moscou.
Il faut lire la note soviétique du 25 avril 1943, qui expose les motifs de la rupture diplomatique :
« Alors que les peuples de l’Union soviétique, versant leur sang en abondance dans la lutte contre l’Allemagne hitlérienne3 , ne négligent aucun effort pour abattre l’ennemi commun des peuples russes et polonais, et de tous les peuples démocratiques qui aiment la liberté [sic], le gouvernement polonais, pour satisfaire la tyrannie de Hitler, a porté atteinte, par traîtrise, à l’Union soviétique. »
Et comment cela ?
En ayant l’audace de prêter attention « à l’abominable calomnie hitlérienne » accusant les soviétiques d’avoir « commis un crime monstrueux contre les officiers polonais ». Moyennant quoi, « le gouvernement polonais, ayant rompu en fait ses relations avec l’URSS et adopté une attitude hostile envers l’Union soviétique », le gouvernement soviétique, offensé par cette calomnie, a décidé la rupture4.
Voilà l’homme, véritable suppôt du « Prince du mensonge », auquel Roosevelt et Churchill font une entière confiance et qu’ils considèrent comme un allié généreux, franc et loyal. « J’aime cet homme », déclarera encore Churchill en 1945, au début de la conférence de Potsdam. Il va sans dire que nos trois complices refusèrent obstinément de faire la vérité sur le massacre de Katyn. Au procès de Nuremberg, après avoir tenté vainement d’attribuer ce crime aux Allemands, on décida de n’en plus parler. C’est Churchill qui l’avouera lui-même5.
Staline avançait ses pions pour la bolchevisation forcée de toute la Pologne, moitié par annexion directe, et moitié par le truchement d’une « démocratie populaire ».
Les bombardements des villes allemandes
Pour que l’Allemagne de l’après-guerre fût plus vulnérable à la propagande communiste, il fallait multiplier les massacres et les destructions. Staline insistait auprès de Churchill pour que la R.A.F. intensifie ses bombardements des villes allemandes, si atrocement meurtriers.
Dès août 1942, lors de la première visite du ministre britannique au Kremlin, Staline lui avait déclaré cyniquement : « C’est très bien de bombarder les usines, mais il est au moins aussi important de détruire le plus possible d’habitations d’ouvriers. Il faut raser des villes entières6. »
En avril 1943, Churchill promit de le satisfaire : «… Je peux vous assurer que notre bombardement des villes allemandes s’intensifiera de mois en mois. » Staline ne se contenta pas de ces promesses. Dans les derniers jours de mai, il envoya huit officiers de l’Armée rouge en Angleterre, comme observateurs. Le 11 juin, on leur fit suivre le bombardement de Düsseldorf, qui fut particulièrement atroce7. « Churchill avait atteint son but. À partir du moment où Staline eut appris, par ses observateurs, le caractère impitoyable de la guerre des bombes, où l’on sut au Kremlin ce qui s’était passé à Düsseldorf, une arme au moins des Occidentaux reçut régulièrement des messages de félicitations de l’Est : le Bomber Command de la R.A.F.8» Et les Alliés continuèrent, sans aucune utilité stratégique9, à bombarder systématiquement, criminellement, les quartiers résidentiels des villes allemandes.
La dissolution du Komintern
Pendant ce temps, « les hommes politiques et les experts américains guettaient avec avidité le moindre signe de ce qu’on appelait en Occident la transformation du communisme en nationalisme russe. Ces espoirs s’accrurent lorsqu’en 1943, [le 15 mai], Staline ordonna la dissolution du Komintern, qui n’était plus, depuis longtemps, qu’une fiction. Cette manœuvre extrêmement habile offrit à l’Union soviétique d’immenses possibilités politiques d’expansion, dans la période qui suivit la guerre10 ».
En effet, nos aveugles démocrates ne demandaient qu’à croire cette propagande mensongère qui excusait, croyaient-ils, leur impardonnable complicité avec Moscou. Le gaulliste démocrate-chrétien Maurice Schumann écrivait, triomphant, le 25 mai 1943, que cette décision de Staline « constituait peut-être l’acte politique le plus important de la guerre planétaire, parce qu’elle favorise au-delà de nos espérances l’union entre les pays vainqueurs et l’union à l’intérieur des pays vainqueurs11 ».
Staline, renonçant solennellement à toute propagande marxiste à l’étranger, quelle nouvelle ! Et qui justifie pleinement nos bons apôtres de la démocratie chrétienne de se trouver, de plus en plus, au sein de la « Résistance », au coude à coude avec les communistes, et encadrés, dominés par eux. 1943, c’est l’année où le crypto-communiste Jean Moulin, chargé par De Gaulle d’unifier les divers mouvements de Résistance en France, fonde le Conseil National de la Résistance (CNR). Bientôt, au « Bureau permanent », constitué de cinq membres, on comptera une majorité de trois communistes.
La main tendue au Vatican
Pendant ce temps, à Moscou, dans la sinistre prison de la Loubianka où il se trouvait encore, on faisait de curieuses propositions au P. Walter Ciszek, condamné l’année précédente à quinze ans de travaux forcés : on lui offrait de le libérer pour l’envoyer comme aumônier des troupes polonaises combattant aux côtés des Russes contre les Allemands. Quelle sollicitude soudaine !
Puis on lui propose même « d’aller à Rome pour arranger un concordat entre le Pape et l’Union soviétique ». Avec une clairvoyance et un courage admirables, le jésuite américain refusa tout en bloc : « Aucun marchandage ne m’intéresse ; ne parlons plus de toutes vos propositions12 ! »
Staline, protecteur de la religion
Soucieux avant tout de sa propagande auprès des Alliés, Staline accentue sa politique de libéralisme envers la religion orthodoxe. Le 3 septembre 1943, il reçoit officiellement Mgr Serge, le métropolite de Moscou, accompagné des métropolites de Leningrad et de Kiev, Nicolas et Alexis, tous trois serviteurs inconditionnels du Kremlin.
Staline autorise alors la nomination d’un nouveau « Patriarche de toutes les Russies », Tykhon, mort en 1925, n’ayant pas encore eu de successeur. Le 8 septembre, Serge est élu par un synode d’évêques. Le gouvernement constitue en même temps un « Conseil des affaires de l’Église orthodoxe russe » pour assurer les relations entre le Patriarcat et l’État. Suprême ironie : on nomme chef de ce conseil G. Karpoff, jusqu’alors chef de la « ligue des sans-Dieu » !
Bien entendu, Staline s’efforce de donner à ces mesures – destinées en réalité à préparer le rattachement forcé des millions de catholiques uniates à une Église orthodoxe restaurée en Église d’État –, le plus vaste effet de propagande en faveur du régime :
« Depuis les temps les plus reculés, déclare-t-il, le peuple russe est pénétré d’un sentiment religieux. L’Église, depuis l’ouverture des opérations contre l’Allemagne, s’est montrée sous son meilleur jour. Les ecclésiastiques se battent courageusement au front, et donnent tous les jours des preuves de leur patriotisme. Aussi le parti communiste de l’URSS ne peut-il plus priver le peuple russe de ses églises et de sa liberté de conscience13. »
Dans toutes les églises, on se met à réciter des prières pour la santé du tyran. Devenu officiellement le grand protecteur de la religion orthodoxe, le maître du Kremlin va pouvoir se rendre à la conférence de Téhéran où cette tapageuse politique religieuse pourra lui être un précieux atout auprès des Alliés…
Vers la paix soviétique : les accords de Téhéran
L’année 1943 fut jalonnée par les conférences interalliées : à Casablanca en janvier, à Québec en août, à Moscou en octobre, au Caire en novembre et surtout à Téhéran, du 28 novembre au 1er décembre, où Staline avait tenu à se rendre en personne.
« Roosevelt aborda le problème des Nations Unies, si délicat à ses yeux. Staline acquiesça. Il avait, en réalité, déjà donné une adhésion de principe, mais peu lui importaient les principes. C’était des réalités plus tangibles qui l’intéressaient. Il profita de l’heureuse impression produite pour formuler ses demandes qui jamais ne parurent exorbitantes.
Il avait tant de complices dans l’entourage de M. Roosevelt ! Harry Hopkins ne demandait qu’à lui faire plaisir et le franc-maçon Henry Wallace, vice-président des États-Unis, ne parlait que de favoriser la révolution en Europe pour servir la communauté humaine. Staline était le grand allié, l’ami de cœur. Il le savait et en profitait. M. Roosevelt jouait même avec un si réel succès le rôle du « joyeux donateur » que, par prudence tactique, Staline faisait mine d’hésiter à accepter les cadeaux14. »
Les abandons se multiplièrent, aux plus lourdes conséquences d’avenir. La Yougoslavie tout d’abord : « À Téhéran, le mouvement de résistance du général Mikhaïlovitch commença à être sacrifié aux « partisans » de Tito… Deux mois plus tard, en février 1944, Mikhaïlovitch ne recevrait plus d’armes. » Bientôt, il sera lâchement assassiné, sur ordre du chef communiste. « La Pologne et les Pays baltes ne furent pas mieux traités. Les hommes d’État anglo-saxons n’ignoraient pourtant rien des déportations en série perpétrées par la police soviétique… Mais Churchill finit par accepter que Staline annexât la Pologne orientale jusqu’à la ligne Curzon… » Staline exigea encore et obtint la création d’un second front en France, ce qui lui laisserait toute liberté de « libérer » à sa manière les pays d’Europe centrale, dont il ferait autant de satellites de Moscou, à direction communiste.
« Staline était décidément un homme heureux, constate encore Georges Ollivier. Au prix de son adhésion aux Nations Unies [la marotte maçonnique de Roosevelt, Maître à la Holland Lodge depuis 1911 et 32e degré à Albany depuis 1929], il voyait tous ses espoirs comblés […]. Trois soirs de suite, Roosevelt et Churchill banquetèrent avec Staline, et les vins coulèrent généreusement. Une seule fois, Churchill se fâcha ; c’est lorsque « le Maréchal » porta un toast aux 50 000 Allemands qu’il pensait faire exécuter sans jugement. » Mais Roosevelt intervint en riant : « Peut-être pourrions-nous tomber d’accord sur un chiffre plus bas. Disons 49 50015. »
Dans les mois qui suivirent ce sinistre entretien, de décembre 1943 à décembre 1944, Staline fit déporter plus d’un million de personnes du Caucase et de Crimée vers les régions de l’Est. L’opération se solda, une fois de plus, par plusieurs dizaines de milliers de victimes16. Pendant ce temps, le maître du Kremlin continuait à jouer, pour l’Occident, la comédie de la détente.
Un prêtre catholique au Kremlin (avril-mai 1944)
À la fin d’avril 1944, Staline reçut à Moscou un visiteur étrange : le père Stanislaw Orlemanski, prêtre catholique américain d’origine polonaise, exerçant son ministère dans le Massachussetts. Naïf, ou plutôt habilement manipulé, il croyait avoir la mission historique de contribuer à une double réconciliation : entre le Kremlin et le Vatican d’une part, entre la Russie et la Pologne d’autre part. À cette fin, il avait demandé à New-York un visa d’entrée en URSS pour pouvoir « étudier la question religieuse en Pologne ». À la suite de quoi Staline l’avait tout simplement invité à venir s’entretenir avec lui « de la persécution religieuse dans le monde entier » ! Avec l’accord du ministère des Affaires étrangères des USA, Orlemanski était parti pour Moscou par l’Alaska et la Sibérie.
Fin avril, il est reçu à bras ouverts au Kremlin : Staline et Molotov s’entretiennent deux heures avec lui ! Le 28 avril, un article de la Pravda rend compte de l’entretien avec photographie du prêtre en compagnie des deux chefs communistes. Le soir, il est invité à donner un entretien à Radio-Moscou : « Je n’ai pas seulement trouvé un ami en Staline, explique-t-il alors, mais je dois faire une déclaration historique qui sera confirmée par l’avenir : Staline est un ami de l’Église catholique romaine17. »
Après cette entretien sensationnel, il aura encore un entretien de deux heures avec Staline. Il obtint même, rapporte Isaac Deutscher, « une déclaration solennelle, écrite de la main de Staline, dans laquelle le maître du Kremlin offrait sa collaboration au maître du Vatican. Et il laissait à Orlemanski le droit d’en user à discrétion18 ».
Ajoutons que Staline adressa à ce sujet une lettre « à son cher ami », le président Roosevelt, puis un télégramme pour le remercier d’avoir rendu possible ce voyage d’Orlemanski à Moscou.
Ce dernier, grisé de son succès, dès son retour aux U.S.A. s’empressa de donner une conférence de presse (12 mai 1944). Il raconta comment Staline l’avait traité d’une façon « ouverte et démocratique », qu’il avait « parlé avec lui d’homme à homme », qu’il avait pu lui expliquer l’importance de la question religieuse et que Staline avait déclaré être prêt à collaborer avec le Pape « dans la lutte contre l’oppression et la persécution de l’Église catholique », car « en tant que défenseur de la liberté de conscience et de culte », il jugeait « inadmissible » une politique de persécution. Avec une promptitude surprenante, dès le 14 mai, la Pravda reprenait ces déclarations d’Orlemanski en leur donnant un caractère officiel19.
Le 13 mai, le New York Times avait relaté l’événement et « Roosevelt lui-même envisagea de recevoir le père Orlemanski à la Maison Blanche. Il fallut que Cordell Hull déployât beaucoup d’efforts pour le dissuader de prendre cette initiative20 » .
Le piège était sans doute trop grossier pour Rome : Orlemanski, qui avait entrepris ces négociations sans aucune permission, fut frappé de suspens a divinis par son évêque, qui l’envoya ensuite dans un couvent faire pénitence de ses extravagances. Mais Staline n’était pas fou. Ses déclarations mensongères trouvaient en Occident un public avide de les entendre et de les croire sur parole. Ces mensonges réitérés, aussi grossiers fussent-ils, contribueraient à créer l’ambiance de fol engouement pour les alliés soviétiques qui va régner en Europe et en Amérique durant les derniers mois de la guerre. Quelques mois décisifs qui permettront à l’ours bolchevique d’étendre sa griffe sur une dizaine de nations, sans que les Alliés eussent l’idée d’y faire obstacle… En mai 1944, l’avenir de l’Europe centrale allait se jouer. Par la faute des Alliés, ce fut en faveur de Moscou.
13 mai 1944: une victoire sans fruit
Le 13 mai 1944, au Garigliano, la XIVe Armée allemande du maréchal Von Mackensen était enfoncée par l’Armée d’Afrique du général Juin. Trois semaines plus tard, les troupes alliées pourront entrer dans Rome.
Cette magnifique victoire française ouvrait aux Alliés des possibilités stratégiques nouvelles que le général Juin se proposait d’exploiter au plus tôt. Il suffisait de poursuivre l’offensive par l’Italie du Nord et de franchir le Brenner pour pénétrer en Autriche jusqu’à Vienne et bientôt en Allemagne méridionale, puis jusqu’à Dresde et la vallée de l’Elbe. Ce plan génial, qui avait le triple avantage d’abréger la durée de la guerre, d’épargner la France et surtout de permettre aux Alliés d’occuper Vienne et Berlin bien avant les Russes, fut rejeté par Churchill, Roosevelt et De Gaulle, qui ne voulurent contrister en rien le grand ami Staline.
Le 22 juillet 1944, le corps expéditionnaire français fut donc dissous et la victoire d’Italie ne fut pas exploitée21. C’est dire à quel point Staline, après les désastreux accords de Téhéran, fut le maître souverain de la guerre dont il orientait les opérations au seul profit de l’Union soviétique. L’horrible drame de l’insurrection de Varsovie allait en fournir une nouvelle preuve…
1er août – 2 octobre 1944 : Staline organise le massacre de 250 000 Polonais
Voici d’abord la version de l’histoire officielle, — celle de nos manuels et encyclopédies —, sans doute revue et corrigée par les services du KGB, tant elle est discrète et complaisante à l’égard des crimes de Staline : « L’insurrection déclenchée à Varsovie par le général Bor Komorowski, chef de l’Armia Krajowa, critiquée et peu soutenue par l’URSS[sic !], fut écrasée après deux mois de terribles combats (août-septembre 1944), ce qui aggrava encore les désaccords entres les communistes et le gouvernement de Londres22. » Voici maintenant l’horrible vérité qu’il importe de faire connaître pour dévoiler à quel point le communisme est odieux, inhumain, satanique23.
Le 31 juillet 1944, les troupes de l’Armée rouge étaient aux abords de Praga, faubourg de Varsovie sur la rive droite de la Vistule. La capitale polonaise se trouve sur la rive gauche, à quelques centaines de mètres seulement. Le grondement de l’artillerie russe, toute proche, faisait trembler les murs de la ville. Depuis dix jours, presque toutes les nuits, les avions soviétiques venaient bombarder les positions allemandes de la capitale. Le général Bor, chef des unités clandestines de l’armée polonaise dépendant du gouvernement en exil, était persuadé que les Russes si proches allaient attaquer la ville d’un moment à l’autre. D’ailleurs, le 29 juillet, à 20 h 15, la radio de Moscou diffusa en polonais un appel aux armes : « Polonais ! L’heure de la libération approche ! Polonais aux armes ! Faites de chaque foyer polonais une forteresse dans la lutte contre l’envahisseur ! Il n’y a pas un moment à perdre24. »
Le lendemain, les chefs du gouvernement polonais purent entendre à Londres un appel analogue retransmis également par Moscou : «… Pour Varsovie qui n’a jamais abdiqué ni cessé le combat, l’heure d’agir a sonné25… » On apprenait aussi, le 31 juillet, que le premier ministre polonais, Mikolajczyk, arrivé à Moscou, était reçu par Staline.
« L’appel de la radio était si net, l’armée russe si proche, la visite de Mikolajczyk si réconfortante » (Lane), que le général Bor, en accord avec son gouvernement, ordonna aux forces de l’intérieur d’attaquer sans plus attendre. Cette participation active à la libération imminente de la capitale ne serait-elle pas un atout important pour la Pologne nationaliste dans les pourparlers de paix qui suivraient ? Les Polonais ne pouvaient imaginer que Staline serait assez diabolique pour tendre un piège mortel à toute la population de Varsovie qui combattait comme lui le même ennemi allemand. Ce fut pourtant ce qui arriva.
Dès que l’insurrection eut éclaté, les Rouges stoppèrent leur offensive aux portes de la ville et leurs avions cessèrent de survoler Varsovie.
Malgré tout, durant la première semaine, l’insurrection sembla prendre l’avantage. Mais bientôt l’armée allemande tourna toute sa puissance et sa fureur contre les insurgés. Une bataille sinistre et désespérée commença. Les Polonais manquaient tragiquement d’armes et de vivres. Le 8 août, leur premier ministre, encore à Moscou, supplia Staline d’intervenir.
Celui-ci, mentant effrontément, prétendit d’abord qu’il s’agissait d’un « bobard », qu’il n’avait encore aucune preuve sérieuse que l’on se battît à Varsovie26 ! Puis il promit l’aide de l’Armée rouge… qui ne bougea pas. Et le 14 août, l’agence Tass fit savoir qu’il était inopportun de secourir la ville et qu’il était grand temps de blâmer l’effusion de sang inutile, imposée par les Polonais de Londres.
Le 22 août, les femmes de Varsovie adressaient au pape Pie XII, par voie radiophonique, un appel déchirant : «… Très Saint Père, personne ne nous vient en aide. Les armées russes, qui depuis trois semaines sont aux portes de Varsovie, n’ont pas avancé d’un pas. L’aide qui nous vient de la Grande-Bretagne est insuffisante. Le monde ignore notre lutte. Dieu seul est avec nous27… »
Pendant plus de quarante jours et quarante nuits, les Polonais continuèrent à se battre héroïquement, avec les seuls secours infimes parachutés par quelques rares avions britanniques partis de leurs trop lointaines bases.
En effet, leur rayon d’action limité rendait l’aller-retour extrêmement périlleux. Pour que l’opération réussît, il eut suffi que les avions alliés, après avoir largué leur matériel sur Varsovie, eussent pu atterrir sur les bases russes toutes proches de la capitale. Staline refusa.
Le 14 août, Churchill et Roosevelt renouvelèrent leur demande. Le 16, nouveau refus28. En septembre, lorsque l’insurrection sera pratiquement écrasée, l’URSS autorisera l’atterrissage de quelques avions.
Il était trop tard. Faute d’approvisionnement, l’insurrection prit fin le 3 octobre 1944. Et l’armée rouge resta l’arme au pied devant Varsovie de septembre à la mi-janvier 1945. Quatre grands mois durant lesquels les Allemands eurent le temps de se venger en brûlant et en détruisant la ville rue par rue et maison par maison. Le plan de Staline avait parfaitement réussi : le gouvernement polonais de Londres était discrédité. L’armée polonaise de l’intérieur était décapitée. Autant dire que les séides de Moscou, chargés de constituer un gouvernement communiste, n’auraient plus d’ennemi à redouter. « L’incroyable trahison était complète, conclut l’ambassadeur américain en Pologne. Qu’importait à ses auteurs qu’une grande ville fût en cendres et que 250 000 habitants eussent été massacrés ? Ils étaient arrivés à leurs fins29. »
1 MICHEL DE LA TRINITÉ (Frère), Toute la Vérité sur Fatima, (10) Saint-Parres-lès-Vaudes, CRC, 1986, extrait t. III, p. 110-119.
2 Ndlr. Cette exigence inhumaine, si fréquente depuis le conflit mondial de 1914 et qui a fait de bien des guerres modernes autant de « guerres totales », marque la fin de la chrétienté, pour laquelle l’adversaire est encore considéré comme un être humain. La gestion récente des guerres contre Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi participe de ce même esprit pour lequel ne compte plus la légitimité locale d’un gouvernement.
3 Des millions de vies humaines auraient sûrement pu être épargnées, tout en obtenant les mêmes résultats militaires, si Staline ne s’était appliqué habilement à provoquer cette effroyable hécatombe au sein de son propre peuple, pour en faire son argument majeur auprès des Alliés et obtenir d’eux le maximum d’avantages territoriaux : Comment résister à un chef d’État qui a contribué à la victoire des Alliés au prix de 20 millions de victimes russes ? (cf. Michaïl HELLER & Aleksandr NEKRICH, L’Utopie au pouvoir. Histoire de l’URSS de 1917 à nos jours, Paris, Calmann-Lévy, 1982, p. 370-372).
4 « Le viol de la Pologne, un modèle d’agression soviétique », par Stanislas MIKOLAJCZYK, Annexe VII, p. 317-318.
5 « Les gouvernements des États victorieux décidèrent que ce problème devrait être passé sous silence, et le massacre de Katyn ne fut jamais étudié en détail. » (Mémoires de Churchill) ; cité par HELLER & NEKRICH, p. 342. Depuis, le gouvernement britannique s’est toujours opposé à l’érection d’un monument, en Angleterre même, en l’honneur des victimes de Katyn.
6 David J. IRVING, La destruction des villes allemandes, Paris, France-Empire, 1965, p. 99.
7 Id., chap. 7, « Düsseldorf, manifestation de masse pour Staline », p. 99-109.
8 Id., p. 109.
9 Id., p. 259-266.
10 HELLER & NEKRICH, op. cit., p. 349.
11 Cité par Jacques MARTEAUX, L’Église de France devant la Révolution marxiste, Paris, La Table Ronde, 1958, t.1, p. 647.
12 Walter CISZEK, L’Espion du Vatican, Paris, Salvator, 1968, p. 146-147. Il faut lire ce témoignage exceptionnel.
13 Cité par MOURIN Maxime, Le Vatican et l’URSS, Payot, 1965, p. 123.
14 Georges OLLIVIER, Franklin Roosevelt, l’homme de Yalta, Paris, La Librairie française, 1955, p. 210.
15 Id., p. 209-213.
16 HELLER & NEKRICH, op. cit., p. 370.
17 STEHLE Hans Jakob, La Diplomatie secrète au Vatican. Les Papes et les communistes, Zurich, Benziger, 1993, p. 230.
18 Id., p. 404-405.
19 Id., p. 231.
20 Jean ELLEINSTEIN, Staline, Paris, Fayard, 1984, p. 411. Orlemanski essaya même de rencontrer le délégué apostolique à Washington et la presse annonça qu’il serait reçu par le Pape ! (ADSS, t. XI, nos 289 & 298).
21 Lire René CHAMBE, Le Maréchal Juin, duc du Garigliano, Paris, Presse de la Cité, 1968, ch. 16 « L’Italie, victoire inexploitée malgré les avis de Juin », p. 320-344.
22 Michel LARAN, Encyclopædia universalis, « Pologne », p. 278, édition de 1980. Très curieusement, dans la Grande encyclopédie Larousse (édit. 1981), Céline GERVAIS reproduit mot à mot la même formule mensongère (art. « Pologne », p. 9 657). Dans des ouvrages qui, respectivement, ne comptent pas moins de 20 000 et 12 000 pages, ces quatre lignes trompeuses consacrées au terrible drame de l’insurrection de Varsovie sont significatives.
23 Arthur Bliss LANE (ambassadeur des USA en Pologne, de 1944 à 1947) : J’ai vu la Pologne trahie, Paris, Sfelt, 1949, ch. 3 : « Un crime incroyable » p. 38-52 ; Stanislas MIKOLAJCZYK (ancien Premier ministre de Pologne) : Le viol de la Pologne. Un modèle d’agression soviétique. Mémoires, Paris, Plon, 1949, ch. 6 : « Trahison » p. 82-112 ; Isaac DEUTSCHER, Staline, Paris, NRF, 1953, p. 406-407 ; HELLER & NEKRICH (très incomplet !), op. cit., p. 351.
24 LANE, op. cit., p. 39.
25 MIKOLAJCZYK cite in extenso ce long appel aux armes diffusé par la station moscovite Kosciuszko et retransmis également par la BBC (p. 85-86).
26 MIKOLAJCZYK, op. cit., p. 96 ; DEUTSCHER, op. cit., p. 407.
27 ADSS, t. IX, n° 313. Cet appel pathétique fut transmis par la secrétairerie d’État au gouvernement américain. Sans résultat.
28 Ambroise JOBERT, dans son Histoire de la Pologne, coll. « Que sais-je ? 591 », Paris, PUF, (1953) 1974, signale l’appel aux armes lancé par la radio de Moscou le 29 juillet (p. 117-118). Mais il ne fait aucune allusion à ce double refus de Staline, qui manifeste sans conteste possible le dessein criminel du maître du Kremlin.
29 LANE, op. cit.. p. 52. Pourquoi ces événements tragiques, qui montrent, à l’évidence, le caractère intrinsèquement pervers et foncièrement satanique du communisme, sont-ils l’objet d’une universelle conspiration du silence ? Malheureusement, je n’ai trouvé, dans les discours et dans les biographies du pape Jean-Paul II, aucune dénonciation de ce crime abominable du bolchevisme contre la capitale de sa patrie polonaise. Qui donc alors parlera ?