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Par Timmerman, Claude,
REGARD SUR LA CRÉATION
« Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu quand on Le considère dans ses ouvrages. »
(Rm 1, 20)
Résumé : Il existe maintes légendes d’hommes-arbres ou d’arbres qui marchent. Derrière ces légendes se trouvent des réalités biologiques. Ainsi une anomalie génétique provoque la croissance de fibres kératineuses sur les mains et les pieds. Cette sorte d’écorce fait donc des « hommes-arbres », dont certains ont pu être opérés. Les forêts qui se déplacent, chantées par Ovide dans ses Métamorphoses ou par Shakespeare dans Macbeth, correspondent également, mais à petite échelle et très lentement, à des processus naturels, tels le marcottage naturel, les drageons et l’étonnant « palmier à échasses ». Cet arbre, dont les racines ont une partie aérienne pouvant atteindre deux mètres, donne l’impression qu’il peut marcher, mais c’est une illusion.
Depuis la plus haute antiquité, les mythes grecs, celtes ou indiens font référence à des « hommes arbres » et à des arbres qui se déplacent…
La frontière devient mince alors entre l’homme « végétalisé »… et le végétal « humanisé » à qui l’on prête des capacités très anthropomorphes d’action ou de raisonnement…
Ovide dans ses Métamorphoses [X, 86-105] évoque cette humanisation des végétaux qui accourent dans la plaine charmés par la lyre d’Orphée :
« Une colline à son sommet se terminait en plaine. Elle était couverte d’un gazon toujours vert ; mais c’était un lieu sans ombre. Dès que le chantre immortel, fils des dieux, s’y fut assis, et qu’il eut agité les cordes de sa lyre, l’ombre vint d’elle-même. Attirés par la voix d’Orphée, les arbres accoururent ; on y vit soudain le chêne de Chaonie, le peuplier célèbre par les pleurs des Héliades, le hêtre dont le haut feuillage est balancé dans les airs, le tilleul à l’ombrage frais, le coudrier noueux, le chaste laurier, le noisetier fragile ; on y vit le frêne qui sert à façonner les lances des combats, le sapin qui n’a point de nœuds, l’yeuse courbée sous ses fruits, le platane dont l’ombre est chère aux amants, l’érable marqué de diverses couleurs, le saule qui se plaît sur le bord des fontaines, l’aquatique lotus, le buis dont la verdure brave les hivers, la bruyère légère, le myrte à deux couleurs, le figuier aux fruits savoureux. Vous accourûtes aussi, lierres aux bras flexibles, et avec vous parurent le pampre amoureux et le robuste ormeau qu’embrasse la vigne. La lyre attire enfin l’arbre d’où la poix découle, l’arbousier aux fruits rouges, le palmier dont la feuille est le prix du vainqueur, et le pin aux branches hérissées, à la courte chevelure ; le pin cher à Cybèle, depuis qu’Attis, prêtre de ses autels, dans le tronc de cet arbre fut par elle enfermé. »
Tolkien dans Le seigneur des anneaux reprend les légendes nordiques, qui évoquent les « hommes arbres », et il replace dans sa « Terre du Milieu » le peuple des « Ents », les esprits de la forêt : ces créatures humanoïdes à l’apparence d’arbres font partie des peuples mythiques les plus anciens.
Leur nom provient du vocable scot ent , terme qui désigne un « géant », un membre de la « race mystérieuse » aux pouvoirs importants…
Shakespeare dans la célèbre prophétie de Macbeth reprend le mythe des arbres en marche. À l’acte IV, trois sorcières réunies autour d’un chaudron déclarent à Macbeth – qui s’inquiète de ce que son crime soit découvert – qu’il doit se méfier de Mac Duff qui le soupçonne d’avoir tué le roi Duncan…
Elles le rassurent sur le fait qu’il restera invincible car « aucun homme né d’une femme » ne pourra le vaincre et qu’il ne risquera rien tant que « la forêt de Birnam ne se mettra pas en marche vers la colline de Dunsinane », et elles lui confirment enfin que « la descendance de Banquo régnera sur l’Écosse ».
La suite est connue : réfugié en Angleterre, Mac Duff apprend la mort des siens et jure de se venger. Il rallie l’armée levée par Malcolm pour marcher contre Macbeth. La noblesse écossaise, fatiguée de la tyrannie de Macbeth, apporte son soutien au prétendant, de même que le comte de Northumberland et son fils Young Siward.
Les soldats, pour progresser vers le château, se dissimulent alors sous des branches d’arbres coupées dans la forêt de Birnam qui semble se mettre en marche vers Dunsiname.
Macbeth, qui a tué Siward durant la bataille qui s’ensuit, se retrouve face à face avec Mac Duff.
Ce dernier lui apprend alors qu’il peut accomplir la prophétie des sorcières, car il est né par césarienne : ayant été arraché avant terme du ventre de sa mère, il n’est donc pas « né d’une femme » et Macbeth sera tué par Mac Duff…
Tout ceci nous montre que cette « humanisation » du végétal est une notion très présente, même dans le monde européen du Haut Moyen Âge… Et nous allons voir qu’elle l’est encore aujourd’hui dans le monde indien et dans le monde amérindien…
Mais ces croyances reposent-elles sur une réalité biologique ?
I. Les « homme à écorce » : une réalité génétique
1) L’hyperkératose épidermolytique
Sous ce nom se cachent deux affections, génétiquement distinctes, qui induisent une prolifération de fibres kératineuses dans l’épiderme conduisant à un aspect écailleux de peau de poisson et, dans les cas les plus graves, à des formes plus exubérantes provocant des excroissances foliacées particulièrement spectaculaires sur les extrémités, mains et pieds.
L’épiderme est constitué de cellules appelées kératinocytes, qui se forment dans la couche basale (couche cellulaire située à la jonction du derme et de l’épiderme).
Les kératinocytes évoluent et migrent naturellement vers la surface. En vieillissant, ils perdent leur noyau et se chargent de kératine.
Ils forment alors lestratum corneum, ou couche cornée. Ils sont ensuite éliminés par desquamation. Ce cycle cellulaire dure environ 40 jours. Il existe un équilibre régulé entre la multiplication cellulaire par mitose des kératinocytes et leur évacuation par desquamation.
Les affections évoquées proviennent d’une synthèse kératinique très excédentaire, sinon dérégulée, d’origine génétique.
Il existe essentiellement deux formes de l’affection, classées suivant la présence (Type II) ou non-présence (Type I) de kératomes sur les paumes des mains et les plantes des pieds (Type II) ou non (Type I).
– Le type I est lié à la synthèse de cytokératine10 (CK-10) ou plus simplement Kératine 10 (K 10).
La synthèse de cette protéine est gouvernée par le gène KRT 10 situé sur le chromosome 17 (17q21).
– Le type II est lié à a synthèse de cytokératine 1 (CK 1) associé à un gène situé dans un complexe génique porté par le chromosome 12 (12 q12-q13).
Comme on le voit, ces deux types sont gouvernés par des mutations autosomales, dominantes et distinctes. Pour être complet, nous mentionnerons qu’il existe un troisième type, dérivé des précédents, associé à un syndrome de surdité.
La lignée d’Edward Lambert : les « Hommes porcs-épics » britanniques.
Dénommé « l’homme porc-épic », Edward Lambert est né en 1716 dans une famille de paysans du Suffolk (sud de l’Angleterre) de parents phénotypiquement sains.
Fig. 1 : Edward Lambert, vu de face

Fig. 2 : Edward Lambert, vu de dos

C’est le seul enfant présentant cette affection épidermique kératinisée « écailleuse » – baptisée icthyosis hystrix gravior – qui s’est développée à partir de sa septième semaine, couvrant tout le corps sauf la tête, les paumes des mains, les fesses et les plantes des pieds, parmi les huit frères et sœurs. Il avait été présenté à la Royal Society en 1731, pour y être revu en 1755.
Personne n’avait encore vu une hyperkératose généralisée, de ce type écailleux, couvrant tout le corps, mais il faut croire que cette affection conféra à ses porteurs une certaine séduction puisque Edward eut une descendance sur trois générations !
Fig. 3. Edward Lambert dans son arbre généalogique.

Fort célèbres de leur temps, ces « hommes porcs-épics » connurent une vie financière relativement aisée en s’exhibant dans les foires du Sud de l’Angleterre. Aucune autre famille n’est historiquement connue pour avoir présenté un tel syndrome.
L’interprétation en termes de transmission génétique montre clairement qu’on ne peut ici parler de stricte ségrégation mendélienne simple, directe, autosomale dominante1*.
On notera cependant qu’il apparaît clairement que la maladie atteignait pratiquement uniquement les individus masculins.
Les deux seuls cas de type féminin – notés en outre comme morts en bas âge – ne sont d’ailleurs pas absolument avérés mais répertoriés comme tels à la suite d’observations indirectes, donc malgré tout plus ou moins sujettes à caution. Si ce doute pouvait être levé, et les individus de type féminin finalement exclus du pool d’individus présentant l’affection, il serait possible d’imaginer l’incidence d’un chromosome sexuel X muté à caractère récessif conjointement présent avec le chromosome autosomal muté responsable de l’hyperkératinisation. Mais ceci reste à ce jour une hypothèse de travail.
On notera en revanche que cette affection, si spectaculaire soit-elle, ne semble pas avoir eu d’incidence particulière sur la longévité des individus : la proportion d’individus morts dans l’enfance reste globalement conforme au taux de mortalité infantile du temps.
2) L’épidermodysplasie verruciforme
L’épidermodysplasie verruciforme, également appelée syndrome de Lutz-Lewandowsky, est aussi une affection cutanée rare d’origine génétique. Elle se caractérise en outre par une sensibilité anormale du revêtement cutané aux papillomavirus.
L’affection commence habituellement entre 4 et 8 ans, le plus souvent avant l’âge de 20 ans, mais peut exceptionnellement apparaître plus tardivement, et dure tout le reste de la vie.
Elle se traduit par l’apparition de macules squameuses et de papules parfois exubérantes, situées essentiellement au niveau des mains et des pieds, mais jamais sur la plante des pieds ni sur la paume des mains.
De ce fait, cette affection se rapproche d’une hyperkératose épidermolytique de type I où les excroissances montrent la présence de papillomavirus essentiellement des types 5 et 8.
Cependant d’autres types de Papillomavirus ont été découverts dans les lésions de certains sujets. On constate d’ailleurs que les gènes impliqués, EVER1 et EVER2, sont situés sur le locus EV1 du chromosome 17, le chromosome précisément porteur de l’hyperkératose épidermolytique de type I !
90 % des patients présentent des carcinomes cutanés. Ils se développent le plus souvent en zones photo-exposées.
L’épidermodysplasie verruciforme empêche de développer une défense immunitaire vis-à-vis des papillomavirus à tropisme cutané.
On a recensé environ 200 personnes atteintes de cette affection, également appelée « la maladie de l’homme-arbre ».
Dédé Koswara : un « homme arbre » indonésien
Dédé Koswara, pêcheur indonésien, fut longtemps surnommé « l’Homme-arbre » en raison de la spectaculaire infection qu’il a développée : son corps entier s’est couvert d’excroissances ayant l’aspect de champignons ou de racines, faisant paraître sa peau telle de l’écorce, notamment à ses extrémités.
Fig. 4. Les mains de Dédé Koswara

Fig. 5. Dédé Koswara et la plante de ses pieds

Il fut opéré en 2008, pour le débarrasser de ces excroissances afin de retrouver un aspect et une vie normaux.
Il est décédé le 30 janvier 2016 dans des circonstances connues, sans aucun lien avec sa maladie.
Abul Bajandar : un « homme arbre » bangladais
Fig. 6. Abul Bajandar

Atteint de la même affection, le Bangladais Abul Bajandar a également été opéré avec succès en 2008 et mène depuis une vie à peu près normale.
Ces exemples montrent que ces affections rarissimes mais pas inexistantes ont pu laisser des traces durables dans l’imaginaire populaire, les légendes et traditions populaires qui en découlent.
C’est ainsi que la chaîne Arte vient de diffuser une série suédoise « Jordskott » traitant des peuples cachés de la grande forêt où certains humains, initiés, protecteurs du « peuple des arbres » acquièrent la faculté de régénérer leur corps en puisant dans le sol par leurs mains les éléments nécessaires : leurs mains se transforment en racines lorsqu’elles s’y enfouissent.
On comprend aisément, à travers les manifestations spectaculaires que nous venons d’évoquer, l’origine de cette tradition légendaire…
II. Le mythe des arbres qui se « déplacent »…
La botanique est riche d’exemples des capacités de multiplication végétative des plantes qui laissent imaginer à terme un « déplacement du végétal ».
1) Le marcottage naturel
Le marcottage correspond à la régénération d’une plante nouvelle, complète, à partir d’un sarment ou d’une tige d’une plante, abusivement alors qualifiée de « mère », qui s’enracine en étant naturellement ou accidentellement mis durablement en contact avec le sol.
Le phénomène est bien connu notamment chez les ronces qui envahissent le terrain par marcottage naturel du bout des tiges. Il est plus rare chez les arbres.
Fig. 7. Le platane du château de Chamarande

Pourtant certains cas naturels sont célèbres, tel le platane du château de Chamarande, vieux de deux siècles, dont des branches traînant au sol se sont enracinées pour donner naissance à trois nouveaux arbres devenus indépendants du « pied mère » (à droite).
Des cas accidentels sont également observés, tel le catalpa, foudroyé, du parc de la maison de Chateaubriand, où l’arbre couché a donné naissance à ramifications secondaires aujourd’hui devenues autonomes.
Fig. 8. La catalpa du parc de Chateaubriand

Il est clair qu’à long terme, on peut finir par laisser croire, le pied mère ayant disparu, que l’arbre – secondairement remplacé en fait par une marcotte – s’est déplacé…
Le botaniste français Francis Hallé va encore plus loin dans la confusion et n’hésite pas à dire, en citant le cas des palétuviers et du palmier Phytelephas2 :
« Chaque fois que le Phytelephas atteint une certaine hauteur, sa base se couche sur le sol sous l’effet du poids de ses feuilles et de ses fruits. Une fois tombé, il va pousser par un bout et mourir par l’autre pour reprendre une pousse verticale.
Il y a énormément de plantes qui fonctionnent comme cela dans ces forêts3. »
Il s’agit bien simplement d’un type de ce marcottage naturel tel que nous l’avons évoqué : le palmier qui a un appareil racinaire des plus réduits finit par se déraciner naturellement s’il est trop haut, par se coucher sur le sol où il va régénérer depuis sa tête, si l’irrigation de la sève est maintenue, une nouvelle plante.
Il n’y a là vraiment rien de nouveau !
Cette propriété de marcottage, connue depuis la plus haute antiquité, est classiquement utilisée en arboriculture (agrumes, vigne, camélias, etc.) et exploitée commercialement pour la multiplication des végétaux en horticulture.
2) Le rejet ou drageon
À l’inverse de la marcotte où des tissus d’organes aériens et les tiges produisent des racines pour recréer une plante autonome, c’est ici la racine qui va produire un méristème et bourgeonner une tige aérienne, véritable « plante fille ».
C’est une propriété connue aussi en arboriculture où elle est très largement exploitée. Le fait est particulièrement spectaculaire chez le noisetier ou le framboisier.
Il est très fréquemment observé chez le lilas ou surtout l’ailante glanduleux (Ailanthus altissima) dont les capacités de rejet sont ahurissantes.
D’origine chinoise, l’ailante glanduleux dit « faux vernis du Japon » a été introduit comme variété botanique dans tous les arboretums du monde et comme plante ornementale, mais ses capacités d’essaimage vont très vite le faire redouter…
En Australie, il a été classé comme espèce envahissante en Nouvelle-Galles du Sud et dans l’État de Victoria ; en Nouvelle-Zélande, il est répertorié par l’Accord national de lutte antiparasitaire des végétaux comme plante « indésirable » !
Le baobab n’est pas connu pour avoir de telles capacités, même si Saint-Exupéry nous explique que les drageons de baobab, qui risqueraient de faire exploser sa planète s’ils se développaient, sont la hantise du Petit Prince qui les arrache très consciencieusement jour après jour […].
Si nombre d’arbustes sont susceptibles de rejeter, il s’en trouve un, bien connu des notaires, qui a la capacité inverse : l’épine noire ne rejette jamais !
Cette propriété est admise par le Code Rural qui a entériné le bornage des limites cadastrales fondées sur la présence de cette plante, ce qui explique aussi son omniprésence dans les haies du bocage (enfin, là où il en reste encore…)
Si le peuplement végétal peut se déplacer sous l’effet du drageonnage, les individus en eux-mêmes ne se déplacent pas !
3) Le palmier à échasses : Socratea exorrhizza
Originaire des forêts d’Amérique Centrale et du Sud, il doit son nom à ses « racines-échasses » qui forment un cône soutenant le stipe (ou « tronc ») au-dessus du sol. Ce cône racinaire apparaît dès le plus jeune âge.
Chacune de ses racines extérieures peut mesurer jusqu’à 2 mètres de long. Le stipe peut mesurer 10 à 20 mètres de hauteur pour seulement 10 à 20 cm de diamètre.
Fig. 9. Le palmier à échasses.

Les racines aériennes sont très utilisées par la pharmacopée indienne : la partie interne est employée comme aphrodisiaque, le mucilage a la propriété de dilater le col de l’utérus : il est utilisé pour faciliter les accouchements, ou en infusion pour traiter l’hépatite.
Son fruit est comestible.
L’arbre sert de support à de nombreux épiphytes.
Le palmier à échasses (Socratea exorrhizza) est l’un des végétaux les plus étonnants qui existent, sinon par ses capacités, au moins par les délires qu’il a pu susciter dans le monde scientifique.
Ce palmier, d’après les traditions indiennes, est en effet réputé « capable de se déplacer pour se faire une place au soleil » : c’est pourquoi il est surnommé par elles « palmier marcheur » ou « arbre qui marche ».
Là, le déchaînement des tenants de « l’adaptation » n’a plus connu de bornes et très vite le déplacement de l’arbre, sous l’influence du phototropisme, est devenu un dogme !
– Si la lumière est « meilleure d’un côté », les racines vont pousser préférentiellement de ce côté-là et mourir de l’autre, et donc l’arbre se déplacer du côté où il y a plus de lumière en gagnant jusqu’à un mètre par an. [sic !]
La quantité de racines (de l’ordre de 10 à 20) montre clairement que leur agencement ne va pas clairement pouvoir faire écran à la lumière et différencier nettement un côté sombre et un côté clair… Mais cela permet de noircir du papier et de mettre en évidence le côté obscur de la recherche à défaut de la faire progresser…
– Pour se protéger des inondations, les racines échasses pourraient être une adaptation permettant au palmier de croître dans des forêts de zones marécageuses. [resic !]
Fig. 10. Le palmier à échasses : racines.

Manque de chance, la plupart des individus observés, notamment au Nicaragua, ne fréquentaient absolument pas ce type d’habitat et préfèrent les flancs des collines les plus pentus !…
Mais des stratégies encore beaucoup plus élaborées ont été proposées !
– En 1980, John H. Bodley et Benson ont suggéré que « les racines échasses permettaient au palmier de se déplacer depuis
son point de germination, si un autre arbre lui tombait dessus et le renversait ».
Si un tel événement se produisait (ce qui doit arriver statistiquement tous les jours ?), alors le stipe produirait de nouvelles échasses verticales et pourrait ainsi se redresser car, finalement on observerait une certaine forme de marcottage au long ou en bout du stipe, tel que nous l’avons déjà vu.

Le schéma proposé à l’appui est d’ailleurs éclairant :
1 – sujet initial
2 – accident
3 – reprise de végétation aboutissant à la génération d’un nouvel appareil racinaire
4 – redressement du sujet néoformé.
Le déplacement potentiel du sujet n’excède évidemment jamais la hauteur du stipe !
L’année 1983 a été particulièrement fertile :
a) Swaine a proposé que « les racines-échasses permettent au palmier de se déplacer afin d’éviter les débris organiques. » [sic !]
Il est vrai que les éléments organiques sont particulièrement néfastes pour les végétaux, c’est de notoriété publique !
Il a également suggéré que « les racines échasses permettent une stratégie de croissance verticale unique ». [resic !]
Chacun sait que les pins et les séquoias sont réputés pour leur « croissance aléatoire » : cela doit être lié au manque de racines échasses…
Quant aux palétuviers, dotés eux de racines échasses, ils ont évidemment une croissance verticale unique : il suffit de les regarder !
- Staghorn, lui, a suggéré que « des racines échasses pouvaient faciliter la croissance rapide vers la canopée lorsque la lumière devenait disponible dans le sous-étage ».
Curieux de comprendre cet étrange engouement scientifique pour accréditer des rumeurs fantaisistes issues des traditions indiennes, Gérardo Avalos, directeur de la School of Field Studies au Center of Sustainable Developpement Studies (États-Unis), entreprit une étude systématique et statistique au Costa Rica où il a observé des dizaines de sujets sur une pente de plus de 45°.
Ses conclusions sont nettes, publiées dans une étude parue en 2005 : « Dans des conditions normales, le palmier ne se déplace pas ! Le palmier ne glisse pas vers le bas le long de la pente. S’il ne le fait pas sur une pente aussi forte, il y aurait peu de chance qu’il le fasse en terrain plat… »
On s’en doutait un peu…
Pour évaluer l’incidence du phototropisme, G. Avalos a par ailleurs mesuré le degré d’inclinaison (écart de la verticale) des stipes de plus de 50 sujets, qui se sont tous retrouvés dans une fourchette de 5°.
L’ensemble des résultats est donc remarquablement homogène et traduit que ces palmiers ont des stipes parfaitement verticaux, indépendamment de la déclivité du sol comme du phototropisme associé à leur environnement !
Le palmier à échasses ne se déplace pas, il ne « marche » pas non plus !
Fin de la récréation scientifico-mythologique !
Les nostalgiques de Shakespeare pourront toujours faire un pèlerinage dans le comté de Perth sur les rives de la Tay, près du village de Dunkel : on leur y montrera le dernier chêne – selon la tradition – témoin de l’antique forêt de Birnam…
Lui non plus semble n’avoir jamais marché un jour jusque-là….
1 L’arbre généalogique présenté ici est le dernier publié, dressé par L. S. PENROSE & C. STERN, « Reconsideration of the Lambert pedigree (Ichtyosis hystrix gravior) », in Ann. Hum. Genet., 1958, p. 22, 258-283. C’est celui qui est repris dans les publications de la Fondation Lejeune.
2 Phytelephas est un genre de palmier de la famille des Arécacées qui regroupe des espèces originaires d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale. Il est aussi dénommé « palmier à ivoire » car lorsque son fruit se durcit, il devient de l’ivoire végétal aussi appelé corozo, massivement utilisé avant l’emploi des matières plastiques pour l’usinage des boutons, et toujours en usage dans la bijouterie de fantaisie.
3 Cité par Sabah RAHMANI, in Le Monde n° 2 217, du 27 avril 2016.