Accueil » In memoriam : Yves Nourissat
, ,

C’est presque avec soulagement que beaucoup ont appris le départ pour l’au-delà d’Yves Nourissat, dont les derniers mois furent rendus ô combien ! douloureux par une déglutition devenue impossible, allant de pair avec une insuffisance respiratoire. Il était né dans une vielle famille chrétienne de Dijon : son père, notaire, y fut un pilier de l’Association des Juristes catholiques et choisit tout naturellement, pour prénommer ce fils, le saint breton patron des hommes de loi ; un de ses frères est devenu prêtre.

Esprit délié, profond et cultivé – peut-être aidé en cela par une scolarité à la maison jusqu’au bac –, il entre en 1961 à l’École Polytechnique et en sort comme Ingénieur de l’Armement. Très vite, il rencontre l’œuvre de Fernand Crombette : il en étudie ce qui était alors disponible, y trouve la réconciliation qu’il attendait entre toutes les facettes de la vérité, et aussi sa vocation d’apôtre infatigable. Il mettra ainsi les trois tomes de la Géographie divine dans les mains du géophysicien Xavier Le Pichon, père de la tectonique des plaques et fervent catholique, avec cette réponse : « C’est un travail sérieux, mais je ne puis en accepter la chronologie » (en milliers d’années). Jamais de tels refus – et ils furent nombreux – ne le découragèrent : parvenu à une complète cohérence entre ses orientations intellectuelles, morales et politiques, il ne pouvait s’arrêter à des considérations d’opportunité ou d’intérêt personnel, ce qui donne à ses écrits cette clarté et cette simplicité remarquables. Signalons tout spécialement son étude sur l’éther1, ce milieu vibrant, support des ondes électromagnétiques et lumineuses, mais que les physiciens ne savent plus intégrer dans leurs équations. Il y a six mois, un Américain nous écrivait pour entrer en contact avec l’auteur dont il ignorait tout.

Signalons aussi, dans Le Cep n°60, cet article sur « La longue vie de souffrance de Louis XVII », qu’il est difficile de lire sans penser que notre ami s’identifiait de quelque manière avec ce prétendant toujours éconduit, mais toujours aussi convaincu de la vérité qu’il incarnait.

Préoccupé trop exclusivement peut-être par les choses de l’esprit, éloigné de toute mesquinerie, il faisait parfois penser à cet albatros dont le poète nous dit : « ses ailes de géant l’empêchent de marcher. » Cela explique sans doute la facilité avec laquelle ses supérieurs de l’Armement lui permirent de prendre une retraite largement anticipée, ce qui le libérait pour des tâches plus en harmonie avec ses centres d’intérêt. Ainsi, connaissant bien la part d’interprétation que recèlent toutes les sciences, y compris la physique, il ne fut pas ébranlé par la datation médiévale avancée par les radiocarbonistes pour le Linceul de Turin et devint tout naturellement membre fondateur du CIELT.

Mais ce chercheur de vérité savait aussi que la hiérarchie des valeurs met l’ordre du cœur au-dessus de l’ordre des esprits comme de celui des corps. S’il ne lui fut pas donné de connaître les réussites professionnelles et affectives que son intelligence laissait espérer, et après un mariage malheureux, il sut transporter dans l’ordre de la charité cette absence de compromis qui l’habitait. Aucun respect humain ne pouvait l’arrêter quand il s’agissait d’aider autrui. Saint Martin dut conserver une moitié de son manteau (propriété de l’armée romaine dont il ne pouvait se dessaisir), tandis qu’Yves Nourissat n’a souvent pas hésité à donner au-delà du raisonnable, allant jusqu’à mettre son appartement à la disposition de sans-logis. Il n’hésitait pas à quémander auprès de ses connaissances pour ses protégés. « Celui qui a pitié du pauvre prête au Seigneur », dit le psalmiste (Ps 19, 17).Insensible au respect humain, Yves avait un respect admirable des personnes, s’abstenant de toute médisance ou critiques oiseuses, aussi inoffensives pussent-elles paraître.

À ce titre, notre ami aura su amasser dans le Ciel bien des trésors qui l’y attendent.

Signalons encore, outre cette attention pour les personnes, sa grande piété, son chapelet souvent à la main, son sens de l’Église universelle, autre face de son apostolat. Une semaine avant sa mort, à la réception du dernier numéro du Cep, il écrivit un petit mot au secrétaire, pour lui signaler une erreur minime dans sa dernière adresse. À cette lettre étaient jointes les litanies du Chef-Sacré de Jésus, dévotion lancée par Theresa Higginson et qui allait si bien avec sa démarche de christianisation des intelligences.Et jusqu’à son dernier souffle, Yves Nourissat voulut dissiper les brumes d’une science trop humaine coupée de la foi et séparant de Dieu nos contemporains ; d’une science devenue folle, substituant aux observations et à la contemplation de la création les idoles de la raison humaine, idoles d’autant plus séduisantes qu’elles se parent de vérités mathématiques. Aux arguties techniques des « sciences dures », il opposait la candeur de la foi, la douceur de la « science des cœurs ». Inlassablement, notre ami a semé le bon grain dans les âmes ravinées par la pluie du scientisme. Puissions-nous en voir les fruits!

Il vient donc de quitter ce qui fut pour lui, plus encore que pour beaucoup d’autres, une « vallée de larmes », ayant peu connu les satisfactions personnelles et sociales qui sont aussi le lot commun. Mais si le Christ est apparu à saint Martin pour remercier celui qui ne lui avait donné que la moitié de son manteau, nous sommes en droit de penser que le Juste Juge saura recueillir à ses côtés notre ami dont l’occupation majeure et constante fut, tout au long de tant d’années, d’une manière ou d’une autre, « à temps et à contretemps » (2 Ti 4, 2), de Le faire connaître.

Que sa fille et ses petits-enfants lisent ici, avec nos condoléances, notre conviction que « la mémoire du juste vivra éternellement » (Ps 112, 6).

1 « L’Éther, agent universel des forces de la nature », éd. CESHE, 1986.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Retour en haut