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Par Gitt, Werner2
REGARD SUR LA CRÉATION
« Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu quand on Le considère dans ses ouvrages »
(Rm 1, 20).
Le lombric1
Résumé : Pour être commun, le ver de terre n’en manifeste pas moins des capacités et des particularités extraordinaires. Dépourvu de squelette, il dispose dans chacun de ses multiples segments de deux coussins hydrauliques où la pression peut monter à 1,5 bar, ce qui lui permet de forer en s’arc-boutant sur la paroi de son tunnel et en enfonçant sa tête comme un coin dans les fissures du sol. Sinon, il peut aussi progresser en digérant la terre, ce qui produit le meilleur des humus. Une vingtaine de lombrics peuvent produire chaque jour jusqu’à 10 grammes de cet engrais sur un mètre-carré de sol fertile.
Pour sa propulsion, le lombric dispose de quatre paires de poils rétractables sur chaque segment. Une fois bien ancré, celui-ci voit se contracter ses muscles longitudinaux, ce qui déplace la partie postérieure du segment vers l’avant. Puis les poils se rétractent et le segment suivant reproduit l’opération.En cas d’urgence, il peut se produire trois « ondes » simultanées de contractions, balayant l’ensemble du corps. Mais ce ne sont là que quelques exemples des processus originaux qui font du lombric un être merveilleusement conçu. Merci qui ?
Je ne vous plais pas ? Écoutez-moi tout de même ! Malgré mon apparence répugnante, je suis, tout comme vous, un chef-d’œuvre original du Créateur ! Vous n’avez donc pas besoin de me jeter un regard si méprisant. Je suis une créature aussi parfaite que vous, mais Dieu m’a destiné à remplir d’autres tâches et mes fonctions sont différentes. C’est pourquoi mon Créateur m’a façonné différemment. De plus, je joue pour vous un rôle plus important que vous ne le pensez !
Êtes-vous prêt à m’écouter un peu ? Vous serez fort surpris ! Peut-être m’estimerez-vous d’autant plus à l’avenir.
Ma crèche
Le premier souvenir qui me vient à l’esprit, c’est une espèce de bande de caoutchouc fermée aux deux extrémités dans laquelle j’ai grandi, bien protégé.
Toutefois, dès l’instant où je me suis senti assez costaud, j’ai quitté cet abri. Ma véritable demeure est la terre dans laquelle vous plantez vos tomates et vos concombres, sur laquelle vous jouez à la balle-au-pied (football) et construisez vos maisons. J’ai creusé laborieusement, croyez-moi!
Mon domicile se situe en effet à environ un mètre cinquante de profondeur. Pour moi, c’est une bonne moyenne, bien que le record détenu soit d’environ 8 m. Je n’utilise mon logement que deux fois l’an, durant la période froide de l’hiver et celle chaude de l’été. Je m’y love confortablement, attendant des jours meilleurs.
Mon nom
Je me sens particulièrement à l’aise quand il pleut. J’aime alors gagner la surface, creusant facilement la terre ramollie. C’est pourquoi on m’a baptisé en allemand Regenwurm : Regen signifie « pluie » et Wurm « ver ». Vous pouvez aussi m’appeler Lumbricus terrestris, cette résonance plus scientifique signifie « ver de terre ». Certains m’appellent gemeiner Regenvurm, « ver de terre commun ». Je ne suis, il est vrai, qu’une créature tout à fait banale, mais pourtant chef-d’œuvre merveilleux de Dieu.
Certaines personnes parmi vous ont des problèmes car elles se considèrent comme très ordinaires. Se sentant peu utiles, elles se révoltent peut-être même contre Dieu. Quelle erreur! Dans ce qui paraît ordinaire, il y a toujours quelque chose de merveilleux et vous n’aurez pas fini de vous étonner.
Ma technique de forage
Au fait, avez-vous jamais eu l’idée de vous poser des questions concernant ma technique de forage ? Peut-être vous êtes-vous déjà demandé comment je procède. Après tout, je ne dispose pas de pelle, comme la taupe ou une de vos pelleteuses, par exemple. Un seul outil est à ma portée, c’est l’extrémité de ma tête robuste et effilée. Extrêmement fine, elle est capable de pénétrer dans les fentes les plus étroites. Pour creuser, je coince ma tête dans la faille et je bande mes muscles fort puissants, écartant ainsi la terre de part et d’autre. En somme, j’utilise tout simplement le principe d’un coin que l’on enfonce.
Vous vous demandez peut-être comment un tel exploit est possible puisque, vous le savez bien, je n’ai pas de squelette. C’est grâce à une invention spéciale de mon Constructeur. Si je veux faire fonctionner correctement mes muscles, il me faut une butée car la pression suscite toujours une contre-poussée. Vous avez dû apprendre cela autrefois en cours de physique. Mon sage Créateur a disposé deux coussins hydrauliques dans chacun des nombreux segments qui entourent mon intestin central (vous pouvez les compter). Sur la base de leurs mesures, certains de vos chercheurs ont constaté que, lorsque je contracte bien mes muscles, il se produit à l’intérieur de ces coussinets emplis de liquide une surpression de l’ordre de 1 560 pascals, c’est-à-dire 1,54 % de la pression atmosphérique. Mais ce sont là des détails compliqués qui risquent de vous ennuyer.
Mon moyen de locomotion
M’avez-vous déjà observé, lorsque je me déplace sur le sol ? Vous avez remarqué, bien sûr, que je raccourcis ou rallonge mes segments. Mais un détail vous a échappé ! Avez-vous remarqué les « ancres » que je « jette » de part et d’autre de mon corps, chaque fois que je gonfle plusieurs de mes segments ? En réalité, j’enfonce de chaque côté, dans la terre environnante, deux paires de soies courtes.
Cet ancrage me permet d’étendre les segments antérieurs et, de cette manière, je me propulse vigoureusement en avant3.

Fig. 1. Coupes transversale et longitudinale d’un lombric.
(Par KDS4444 — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=46856696)
Écartons cependant toute fausse conception. Ces soies ne sont nullement des vestiges d’un pelage d’autrefois.
Tous mes ancêtres étaient aussi lisses que moi. Eux aussi avaient été spécialement conçus pour ce mode de vie. Au fait, que ferais-je d’un pelage en pleine terre ? Chacun de mes segments porte huit soies d’ancrage qui, cependant, ne me dérangent nullement. Si je n’en ai pas besoin, je les cache dans des poches très pratiques, disposées sous la peau.
Pensez-vous que tout cela s’est développé tout seul ? Vous ne croyez certainement pas que votre montre-bracelet s’est construite et assemblée toute seule. Et je suis de conception bien plus complexe qu’une montre, me semble-t-il ! D’ailleurs, votre montre-bracelet est-elle capable de se reproduire ? Moi, oui ! Je renonce cependant à vous expliquer le principe très compliqué de ma reproduction. Je ne voudrais en aucun cas vous fatiguer.
« Ma petitesse »
Il est temps d’ajouter quelques-unes de mes caractéristiques à cette description. J’ai un an environ et je mesure 20 cm. Certains membres de ma famille peuvent atteindre l’âge vénérable de 10 ans. Nos plus grands parents vivent en Australie. Ils atteignent une longueur de 3 m pour un diamètre de 3 cm. N’est-ce-pas colossal ?
Placé au-dessus de mon gosier, mon cerveau, bien plus petit que le vôtre évidemment, fonctionne néanmoins selon le même principe. Pensez-vous que je n’en ai pas besoin ? Dans ce cas, expliquez-moi par quel processus trois ondes de raccourcissement et de gonflement parcourent simultanément mon corps quand je suis pressé ! Mon œil consiste uniquement en un point sensible à la lumière, se situant à l’extrémité antérieure de mon corps. Mon Créateur savait bien qu’un œil compliqué ne me servirait à rien. Il me suffit de reconnaître le moment où je perce la surface et à quel instant je dois à nouveau creuser en profondeur. Je dois éviter la lumière solaire. Pour moi, elle s’avère dangereuse.
Elle pourrait même causer ma mort. Cela dit, je puis néanmoins supporter une déshydratation allant jusqu’à 70 % du poids de mon corps et je peux survivre cent jours dans l’eau. N’essayez pas de m’imiter !…

Fig. 2. Tête et partie antérieure du lombric.
Mes ennemis
Je préférerais ne pas en parler… Et pourtant, s’il vous tient à cœur de bien me comprendre, il vous faut connaître aussi cette réalité directement liée à l’une de mes propriétés les plus surprenantes. Vous ne pouvez pas me tuer en sectionnant mon corps. Dans certaines conditions bien précises, je suis capable de reconstituer des anneaux amputés. Mon Créateur a programmé mes gènes de telle manière que ma partie postérieure repousse si elle est arrachée accidentellement. Mais ce n’est pas tout : ma tête même, y compris tout ce qu’elle contient, peut se reconstituer ! Ce ne sont pas des contes de fée, mais la stricte vérité ! Malheureusement, mes ennemies les taupes en tirent parti.
S’il m’arrive de tomber dans l’une de leurs galeries, elles me sectionnent la tête avec trois ou quatre segments. Me réduisant ainsi à l’immobilité, elles me collent alors au mur de leur chambre à provisions. Dans l’un de ces cagibis terrifiants, un biologiste polonais a dénombré un jour 1 200 vers de terre… J’ai cependant une chance de m’en tirer, pourvu que j’arrive à échapper à la gourmandise hivernale des taupes.
Si, entre-temps, la partie amputée s’est reconstituée, je peux fuir à toute vitesse ce lieu dangereux. Mais hélas ! la taupe n’est pas mon unique ennemi. Je pourrais vous en raconter bien d’autres : poursuites épouvantables, tortures auxquelles vous aussi… Mais là, je préfère m’arrêter, politesse de lombric oblige…
Ma nourriture.
En attendant, le Créateur m’a confié une tâche à remplir ici-bas: ameublir la terre et lui fournir l’engrais dont elle a besoin4. C’est pourquoi je creuse de nombreuses galeries dans la terre arable.

Fig. 3. Les turricules d’humus rejetés en surface.
S’il m’arrive de tomber sur des endroits durs au point de ne pas pouvoir me coincer dans la moindre fente, je crache simplement dessus ! Une fois la terre ramollie, je l’avale purement et simplement. C’est aussi ma méthode pour pénétrer dans les couches profondes. De cette manière, je mange non seulement de la terre, mais encore du feuillage et d’autres substances organiques. Si vous saviez tout ce qui transite par mon intestin ! Ce qu’il en reste, vous le trouvez sous forme de petits tas de tortillons dits turricules, c’est-à-dire « petites tours », disséminés à la surface du sol. N’en soyez pas dégoûté, c’est le meilleur des humus !
Mes performances
Des scientifiques ont calculé que, sur un hectare de bonne terre, nous sommes capables de produire plus de 100 kg d’humus en l’espace de 24 heures5 ! Cela représente, par an, 40 tonnes bien tassées que nous répartissons régulièrement sur toute la surface. Naturellement, je n’accomplis pas cette tâche tout seul. Environ 150 000 congénères vivent avec moi sur une surface de la grandeur d’un terrain de jeu de balle au pied. Sur une prairie bien grasse, on pourrait en dénombrer plusieurs millions. Vous auriez bien du mal à nous peser tous ensemble ! Votre bascule serait-elle suffisamment grande et robuste pour assumer un poids minimal de 500 kilos ? En viande, cela correspond exactement au poids d’un animal de gros bétail que vous pourriez faire paître sur cette surface.
Toujours est-il que les spécialistes en la matière nous font beaucoup d’éloges quant à nos formidables capacités de remaniements et de transformation des couches de terre. Certes, il nous faut du temps ! Si vous pouviez nous accorder environ 300 à 400 ans, la totalité de la surface terrestre, jusqu’à une profondeur de 40 cm, serait passée dans notre intestin.
C’est ainsi que nous accomplissons la tâche dont le Créateur nous a chargés. Notre existence, aussi insignifiante qu’elle puisse vous paraître, sert à Sa gloire autant qu’elle sert à entretenir vos champs et vos paysages. La reconnaissance devrait donc vous pousser vous-aussi à louer Dieu, comme le roi David lui-même l’a fait dans le Psaume 1396 au verset 14 : « Je te loue de ce que je suis une créature merveilleuse. Tes œuvres sont admirables, et mon âme le reconnaît bien ! »
1Repris de Werner GITT & K.-H. VANHEIDEN, Si les animaux avaient la parole, CH Préverenges, CLV, 1994, p. 96-102.
2Docteur en Physique, l’auteur a dirigé l’Institut national de Physique de Braunschweig, en Allemagne.
3Ndlr. Une locomotion particulière. Deux couches de muscles, une interne avec des muscles longitudinaux, l’autre externe composée de muscles circulaires, permettent la locomotion. Le lombric contracte d’abord ses muscles circulaires et rétracte les soies, étirant ainsi la partie avant du segment qui avance. Puis il contracte les muscles longitudinaux et étend ses soies, ce qui raccourcit le segment en tirant vers l’avant sa partie arrière. Cette action se propage de l’avant vers l’arrière et permet au lombric de se déplacer dans le sol. Dépourvu de poumons, le lombric respire par son tégument (peau). Celui-ci est maintenu humide par les glandes de l’épiderme qui produisent continuellement du mucus. (Source : portail de l’Office national des Forêts)
4Note de l’agronome. Le lombric produit de grandes quantités d’un humus de qualité supérieure par le simple fait de sa digestion. À tel point qu’on peut établir une forte corrélation entre la densité de population en lombrics et la fertilité d’un sol. Là où l’on trouve du lombric en abondance, on est certain que le sol « fonctionne » bien. Il y a d’ailleurs des producteurs de « lombricompost » qui vendent des doses bourrées de vers de terre à injecter dans les sols. Réciproquement, il y a des sols qui s’avèrent aptes à la culture même sans lombric : mais il faut toujours une vie microbienne intense pour entretenir la fertilité du sol (X. Bonneaux).
5Ndlr. D’autres sources donnent 9 kg et plus rejetés par m2 et par an selon la richesse du sol en lombrics. Les turricules comportent 4 fois plus d’azote, 7 fois plus de phosphore, 11 fois plus de potasse, 3 fois plus de calcium et de magnésium que le sol environnant. La forte activité bactérienne qui règne dans les turricules rend ces éléments très disponibles pour les plantes, qui s’y approvisionnent en priorité.
6Ndlr. Et déjà bien avant, dans son Psaume 21 (Vg), le roi poète inspiré avait écrit ce verset 7 : « Je sui un ver [vermis], non un homme… » que Jésus a pu réciter sur la Croix…