Accueil » Le poisson-globe et ses rosaces

Par Poirier, Alain

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REGARD SUR LA CRÉATION
«Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu quand on Le considère dans ses ouvrages »
(Rm1, 20).

Résumé : Le poisson-globe (ainsi nommé car il peut se gonfler jusqu’à former une boule) est un petit poisson (6 à 12 cm) qui sculpte sur le sable de vastes rosaces (jusqu’à 2 m de diamètre). À chaque passage, il écarte le sable du fond de la mer avec ses nageoires pectorales. Il lui faut une semaine pour fabriquer une admirable rosace comportant deux cercles concentriques de petits vallons radiaux réguliers formant une figure géométrique parfaite. Au centre de la rosace, la femelle viendra déposer les œufs que le mâle fécondera et couvera durant quelques jours. Puis les courants marins détruiront cette œuvre unique. Comment se fait-il qu’un modeste poisson sculpte ainsi une figure si splendide, si disproportionnée à son rôle utilitaire ? Comment ne pas y voir la magnificence du Créateur qui, dès le Commencement, a dit de toutes ses œuvres qu’elles étaient belles (l’adjectif hébreu tov a les deux sens : à la fois « bon » et « beau ») !

Le poisson-globe, ainsi nommé parce qu’il peut prendre la forme d’une boule en se gonflant, est un géomètre et un sculpteur sur sable accompli… Il est membre de la famille des Fugu, connue surtout pour le poison violent que certaines espèces recèlent. Au Japon, seuls les cuisiniers disposant d’une licence accordée par l’État sont autorisés à préparer ce plat considéré comme très raffiné. Pour autant, pour une question de sécurité, l’empereur du Japon tout comme les samouraïs n’avaient pas le droit d’en manger, une loi les en empêchant (cette loi étant toujours d’actualité pour l’empereur).

Pour en retirer la toxine, il leur faut enlever notamment la peau, le foie, les intestins et les gonades. Néanmoins au Japon, en 2011, 17 personnes ont été empoisonnées par le fugu, et l’une d’elles en est morte.

En décembre 2011, les autorités ont ainsi retiré sa licence à un restaurant qui avait servi un foie de fugu à la demande du client. Depuis octobre 2012, tous les restaurants peuvent proposer du fugu, à condition qu’il ait été préparé et nettoyé par un chef agréé. Un Occidental pourra le trouver un peu fade, mais la texture particulière, la rareté du mets et le folklore lié à sa préparation font de sa dégustation un événement singulier. Il se sert en sashimi (coupé en tranches fines, on peut voir la vaisselle à travers le poisson) ou en soupe (nabe). En 2012, un plat de fugu coûtait plus de 5 000 yens (environ cinquante euros) auprès de la chaîne Torafugu-tei, jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de yens dans de grands restaurants.

Les Polynésiens, dans l’archipel des Tuamotu, savent préparer, eux aussi, le fugu ; c’est une tradition qui se transmet de génération en génération. Il est également préparé à Taïwan, en particulier dans les îles Pescadores où il se pêche en grande quantité.

À l’instar des oiseaux à berceaux, dont les mâles confectionnent des nids en forme de lyre, qu’ils décorent d’objets colorés pour y attirer une femelle, le mâle du poisson-globe façonne sur le fond sableux de l’océan un modelage en trois dimensions de trois cercles concentriques presque parfaits ressemblant à une rosace

De ce poisson plutôt petit (de six à douze cm de long), l’ouvrage peut atteindre deux mètres ou plus de diamètre !

De ses nageoires pectorales et par les seuls mouvements de l’eau, il chasse le sable sur les côtés tout en progressant depuis le centre (ou vers le centre) de la rosace, composant ainsi de petites tranchées rayonnantes pour les deux cercles concentriques extérieurs. Quant au disque central, il est composé de sable très fin parcouru d’ondulations irrégulières mais également rayonnantes ; et tout caillou ou objet qui détonnerait est enlevé du bout des lèvres.

Fig. 1. Rosace formée par le poisson-globe. On distingue les deux cercles aux motifs concentriques réguliers.

Les ondulations des tranchées et des crêtes sont différentes dans le deuxième et le troisième cercles, et cependant restent bien radiales, similaires entre elleset alignées sur le centre dans chaque cercle, ce qui est remarquable pour un ouvrage de sable, fragilisé d’une part par les courants habituels du fond de l’océan et d’autre part par les mouvements du poisson lui-même pendant son travail.

Si l’on en juge par les photos publiées, le nombre de divisions peut varier d’une vingtaine à une trentaine ou plus ; et si la division du cercle en n parties égales est un exercice assez facile pour nous jusqu’à vingt parties, mais très difficile au-delà, cela ne l’est pas pour notre poisson qui réalise sans se tromper des cercles à vingt-trois ou à trente-cinq divisions… Et l’on n’a aucune idée de la façon dont il s’y prend !

La rosace terminée, la femelle se poste à sa verticale pour un examen en bonne et due forme, puis dépose ses œufs uniquement dans le cercle central ; ceux-ci sont alors fécondés par le mâle et, durant une semaine, surveillés jusqu’à éclosion ; puis la rosace est abandonnée aux courants marins…

Fig. 2. Rosace de poisson-globe. L’éclairage rasant permet d’apprécier les reliefs.

Sur le lien suivant, on pourra voir en vidéo un poisson-globe à l’œuvre :

http://maxisciences.com/poisson-globe/quand-les-poissons-globes-fabriquent-des-039-crop-circles-039-sous-marins_art31011.html

On trouvera ci-après un texte donné en 2013 par Morgane Henry sur ce même lien (illustré par nous) :

ROSACES DE SABLE AU FOND DE LA MER

Depuis plusieurs décennies, d’étranges motifs circulaires apparaissent au fond de l’océan. Baptisés « cercles de culture » (en anglais crop circles) sous-marins, ces formations vont et viennent à leur gré, mais personne ne savait comment ils se formaient.

Le coupable a enfin été identifié et pris sur le fait en vidéo. Et un mystère de moins dans la nature ! En septembre 2012, des chercheurs ont annoncé avoir identifié le créateur de ces fameux « cercles de culture » sous-marins, de drôles de motifs circulaires observés pour la première fois il y a plus de 15 ans dans les fonds marins.

Grâce à une vraie mission d’observation, l’équipe s’est aperçue que ceux-ci étaient créés par un petit poisson-globe. D’après les chercheurs, ce genre de poisson élabore ces magnifiques dessins pour attirer sa partenaire durant la saison des amours. Mais de nouvelles observations ont permis d’en apprendre encore un peu plus sur ces motifs et sur le comportement de ce poisson.

Fig. 3. Rosace où l’on aperçoit le petit poisson-globe au repos près du centre.

Mieux encore : l’équipe a réussi à filmer un poisson-globe en pleine conception artistique. Un atout séduction. C’est en s’évertuant laborieusement à effleurer les fonds sableux de ses nageoires que le mâle parvient à créer ces motifs circulaires. Et bien qu’il ne dépasse guère les 12 cm de longueur, le poisson-globe parvient à mettre au point des schémas de plus de 2 mètres de diamètre ! Mais une fois que le mâle a terminé son œuvre, il n’est pas encore au bout de ses peines. En effet, c’est alors au tour de la femelle de venir inspecter les cercles. « Si elle apprécie l’art, elle peut s’accoupler avec le mâle », explique Hiroshi Kawase, conservateur de la Coastal Branch du Muséum et de l’Institut d’Histoire Naturelle à Chiba, au Japon.

Néanmoins, on ignore aujourd’hui pourquoi une femelle va préférer un dessin plutôt qu’un autre, ni les critères de décision entrant en jeu, précise LiveScience. Une fois le moment de séduction passé, les cercles sous-marins révèlent un autre usage, celui de nid. La femelle dépose ses œufs au centre des cercles avant que le mâle ne vienne les fertiliser extérieurement. Dès que les œufs sont pondus, les femelles disparaissent alors que les mâles restent sur place pendant encore six jours, pour veiller sur les futurs petits. Des cercles uniques.

Toutefois, il semblerait que ces poissons-globes ne soient pas les seuls à créer des motifs dans le sable. Selon Hiroshi Kawase, certaines espèces de cichlidés construisent également des petits tas de sable en forme de cratère où les femelles viennent déposer leurs œufs.

Par exemple, le mâle Eupterus cichlidé, endémique du lac Tanganyika en Afrique, crée de petits bols dans le sable, détaille Alex Jordan, chercheur à l’université du Texas. Ces bols sont ensuite mis à la disposition des femelles avant l’accouplement.

Fig. 4. Eupterus cichlidé, qui fait partie des poissons-chats.

Reste que les formes géométriques sculptées par les poissons-globes possèdent trois caractéristiques qui n’avaient jamais été observées auparavant.

Fig. 5. Autre Eupterus cichlidé.

Premièrement, elles possèdent des vallons et des crêtes disposés en étoile, autour du centre où la femelle dépose les œufs. De plus, les mâles ne se contentent pas de dessiner dans le sable, ils décorent même les arêtes avec des morceaux de coquillages. Ils donnent également au dessin une texture et une couleur significatives en utilisant différents types de sables. Étrangement, les mâles réunissent les différents sédiments en réalisant, aussi, des schémas circulaires, précise Hiroshi Kawase. Selon l’étude, la partie en amont du cercle forme une sorte d’entonnoir qui attirerait l’eau et le sable fin vers le centre. Puis, les crêtes et vallons, en aval du centre, évacueraient l’eau vers l’extérieur. Résultat, la vitesse de l’eau est réduite d’environ 25 % à l’endroit où sont déposés les œufs.

Des œuvres éphémères. Le poisson-globe met sept à neuf jours pour venir à bout de son chef-d’œuvre. Néanmoins, une fois terminé, il n’y apporte aucune retouche. Par conséquent, les courants marins les effacent rapidement. Selon le chercheur, maintenir une telle structure serait trop compliqué et nécessiterait trop d’énergie pour les petits spécimens. Alex Jordan, qui imaginait avoir affaire à un poisson beaucoup plus grand, ajoute que cette étude « suggère que la taille des cercles doit avoir une raison biologique comme une visibilité réduite en profondeur ou une certaine distance entre les différentes rosaces, ce qui expliquerait que les nids doivent être aussi grands pour attirer les femelles ». Dans tous les cas, il estime qu’actuellement, « il n’y a aucune preuve que les femelles s’intéressent à autre chose qu’au sable fin. Les lignes et la structure pourraient uniquement servir à attirer les particules les plus fines vers le centre, sans but esthétique. Même si j’ai du mal à y croire, cette théorie serait biologiquement intéressante car elle suggère que la fonction est plus importante que l’apparence chez les femelles ».

Conclusion.

Cette dernière remarque est significative de l’aveuglement de nos contemporains, attachés à rechercher toujours une explication matérialiste, alors que l’évidence de la finalité démontre le contraire dans chaque détail de ce qui constitue les êtres vivants ou de ce que ces derniers, quels qu’ils soient, réalisent. Et, surtout, le fait que nous soyons sensibles à la beauté de l’œuvre que trace d’instinct ce petit poisson démontre combien tout est relié dans la Création : chaque chose, chaque être y ont leur place dans une harmonie d’ensemble avec tous les habitants de l’univers. De plus, la fonctionnalité n’exclut pas la beauté : ce serait plutôt le contraire. Tout ce qui existe a une forme, et l’étymologie latine nous enseigne que formosus veut dire « beau ».

Même sans vouloir projeter sur nos frères inférieurs toutes les dimensions de nos émotions, il faut conclure que le besoin du beau1, de quelque manière, n’est pas propre à l’homme : il est partagé par certains animaux, et parfois des moindres. On savait que les mâles de certains oiseaux étaient capables de construire des nids très élaborés pour attirer une femelle, mais l’on ne s’attendait pas à ce qu’un petit poisson soit capable, dans le même but, d’accomplir une telle prouesse !

« Grandes et merveilleuses sont tes œuvres, Seigneur, Dieu tout-puissant »
(Ap 15, 3).

1 Ndlr. Dans le même esprit, on se reportera à « Pourquoi les animaux jouent-ils ? », par Brian THOMAS in Le Cep n° 51, mai 2010, p. 85-90.

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