Partager la publication "Les EMI sont-elles des signes de la Providence ? (i)"
Par Abbé Régis Gaudin De Saint-Remy
Résumé : Depuis une cinquantaine d’années, nous assistons à une multiplication de ce qu’on appelle en langue française Expériences de mort imminente (EMI), ou en langue anglaise Near Death Experiences (NDE). Pour comprendre de quoi il retourne, nous présenterons, dans une première partie, ce qu’est une EMIainsi que la diversité de ses composantes, les réactions de ses sujets qualifiés du mot d’ « expérienceurs », l’explication de cette soudaine multiplication, enfin les antécédents historiques. Puis, dans un deuxième temps, nous relèverons les diverses analyses scientifiques des EMI, les unes purement scientistes, les autres démontant le matérialisme attaché à ce scientisme, ce qui les rend engageantes. Dans une dernière partie, nous exposerons les différents apports de l’Église, qu’ils soient théologiques, pratiques, spirituels ou religieux, sans oublier les rares déclarations actuelles. En fait, c’est la Révélation qui répond le mieux au phénomène des EMI ou, du moins, les explique non pas quant aux moyens, mais quant à la cause finale. Nous terminerons en remarquant avec le lecteur que les trois parties de l’exposé (EMI – science – Église) sont étroitement imbriquées les unes dans les autres ; d’où le titre.
Ôtez le surnaturel, il ne reste que ce qui n’est pas naturel.
(G.K. Chesterton)
Avant de commencer notre exposé, avertissons le lecteur qu’une première approche des EMI s’avère parfois déroutante, tant le phénomène semble insolite dans notre Occident devenu matérialiste et rationaliste depuis plusieurs siècles. Même nous autres, membres de l’Église, par le fait que nous formons une société vivant en ce monde, en subissons le contrecoup.
Si bien qu’on peut distinguer à l’égard des EMI deux sortes de réactions négatives, cette fois-ci matérialistes et chrétiennes confondues : la première consiste à rejeter ce domaine dans les oubliettes de la superstition ou encore dans celles des tentations du Malin ; la seconde, éminemment scientiste, prétend justement que c’est la science qui, tôt ou tard, expliquera ce phénomène des EMI. Ces deux réactions, l’une par ignorance, l’autre par déformation, se rejoignent finalement, parfois de manière inconsciente, soit pour annihiler, soit pour déplacer le problème.
C’est précisément pour éviter ces écueils que nous abordons ce domaine des EMI, aujourd’hui très controversé.
I. LES EXPÉRIENCES DE MORT IMMINENTE (EMI)
Quand se déroule une EMI ?
Les EMI, aussi nombreuses que leurs sujets qualifiés d’« expérienceurs », manifestent deux caractéristiques : d’abord elle se déroulent après un traumatisme majeur ou lors d’un coma, mais plus souvent après un arrêt cardiaque toujours suivi, quelques secondes plus tard, d’un arrêt de fonctionnement du cerveau ; ensuite ces EMI, véritables manifestations de la conscience, possèdent plusieurs phases rapportées comme des réalités et non comme des impressions. Ces phases se présentent ainsi : sensation d’une « décorporation » assortie de témoignages aisément vérifiables, puis traversée d’une sorte de tunnel pour s’arrêter face à une lumière éblouissante, rencontre d’un être d’une bienveillance infinie qui provoque un jugement de conscience sur soi-même, le tout précédant un douloureux « retour sur terre » suivi de durables changements de vie.
Reprenons ces deux caractéristiques :
Les EMI ont lieu au moment que l’on appelle la mort imminente, c’est-à-dire après la mort clinique ou assimilée comme telle si cela n’est pas mesurable. Cette dernière se caractérise par l’arrêt cardiaque, puis, environ vingt secondes plus tard, par la « mort cérébrale » ou cessation de toute activité cérébrale, constatée par un électroencéphalogramme (EEG) plat. Le cortex n’étant plus irrigué, plus aucune activité sensorielle n’est concevable. En conséquence, cette disparition des fonctions neurologiques (pour toutes les cellules nerveuses, donc) après la mort clinique rend impossible toute anoxie (manque d’oxygène) cérébrale, tout rêve, toute hallucination et même tout désordre neuronal ou hormonal, contrairement à ce que voudraient nous faire croire les pourfendeurs matérialistes des EMI1.
La limite ultime où peut se manifester une EMI est a priori la mort biologique au-delà de laquelle un patient ne peut revenir à la vie. Car elle marque le début de la décomposition du corps, preuve intangible que le corps n’est plus animé. Irréversible2, c’est une donnée objective constatée au maximum deux jours après la mort clinique dans un contexte classique, mais qui varie en fait selon les circonstances, le lieu (froid, chaleur) et l’état du corps (corps abîmé, présence de bactéries).
Plus précis, Monseigneur Michel Aupetit3 spécifie que la véritable limite d’une EMI est la mort métaphysique ou ontologique4, concept ignoré des matérialistes. Il s’agit du moment effectif où l’âme abandonne définitivement le corps, moment parfois remarqué par certains mystiques5, voire témoigné de façon extraordinaire6.
Conséquence de l’existence de l’âme, ce concept de mort métaphysique est capital pour d’autres raisons. Les très nombreux témoignages d’EMI, dans le livre, entre autres, de Pierre Jovanovic7, ancien grand reporter au Quotidien de Paris, nous apprennent que les observations scientifiques sur la mort clinique d’un individu, surtout jeune, ont leurs limites.
En effet, plusieurs personnes, déclarées mortes à cause d’un électroencéphalogramme (EEG) plat persistant, puis finalement revenues à la vie après de nombreuses minutes, ont été l’objet, durant leur « mort temporaire » , les unes d’une demande de don d’organe heureusement refusée par la famille, les autres d’une démarche pour être inhumés, laquelle fut évidemment interrompue8.
Enfin, à la lumière de ce qui vient d’être dit, insistons sur le fait que les EMI ne dépendent ni de la volonté propre, ni d’une quelconque suggestion, que celle-ci soit sensible ou imaginative9. Les termes de « décorporation », d’« expérienceur » et de « mortimminente » demandent donc à être bien interprétés. Certains médecins, tels le Dr Van Lommel10 ou le Dr Charbonnier11, préfèrent, ce qui prête plus encore à confusion, le vocable d’« expériences de mort provisoire » ou E.M.P.
Quelles sont les composantes d’une EMI ?
Voici maintenant les douze phases classiques d’une EMI établies par le Dr Moody en 197512, sachant que, depuis, d’autres classifications ont été proposées :
1) La personne déclare que les mots humains ne peuvent exprimer ce qu’elle a vécu. Son expérience est ineffable.
2) Elle ressent une paix profonde. La douleur a disparu.
3) La personne entend les gens qui l’entourent (médecins, famille) la déclarer morte, ce dont elle a réellement conscience. Cela s’accompagne parfois d’un bruit.
4) La personne a l’impression réelle de sortir de son corps et de flotter, situation qui est appelée une « décorporation », une « extracorporéité » (Mgr Aupetit) ou simplement une « sortie hors du corps ». L’exemple classique est celui du patient qui regarde son corps inerte depuis le plafond de la salle d’opération. Cela lui permet alors de voir et d’entendre (sans communication possible) les gestes et/ou la discussion, vérifiés ensuite, du personnel médical ou de proches attablés au café voisin. Selon le Dr Theillier, 45 % des « expérienceurs » font une « décorporation ». Il précise que ce « nouveau corps » a une sensation de légèreté et de mobilité, qu’il n’est ni matériel, ni compact, ni passible et qu’il ignore les contraintes spatiales13.
5) La personne est aspirée dans un endroit obscur, souvent un tunnel, sans comparaison avec ce qui existe sur terre, dont la traversée s’effectue souvent à très grande vitesse.
Au bout de ce tunnel se trouve une petite lumière éclatante, blanche, irréelle, qui grandit progressivement. Seuls 15 % des « expérienceurs » jugent ce passage effrayant. D’autres, dans la faible mais mesurable proportion de 1 à 2 %, sont bloqués dans cet état d’obscurité. Ils sont alors littéralement terrifiés par ces EMI dites négatives, dont certaines adoptent toutes les caractéristiques de l’Enfer, que cela soit ou non en rapport avec la vie morale de l’« expérienceur ».

Ascension des élus :tirée du Diptyque du Paradis – Venise – par Jérôme Bosch (1455-1516).
Témoignage ou expérience personnelle ?
6) Elle perçoit un monde qui lui semble irréel, lequel est composé de paysages éclatants, de couleurs superbes, de fleurs magnifiques, parfois d’anges et de musique.
7) La personne rencontre son ange-gardien qui le guide (dans ce cas, la communication se fait par télépathie) et/ou des personnes décédées, des parents le plus souvent.
8) Elle rencontre aussi une lumière brillante ou un « Être de lumière » dont l’amour est infini, ineffable, comparable à nul autre sur terre, et personnalisé pour celui qui le rencontre (plusieurs « expérienceurs » l’identifient à Jésus-Christ).
9) La personne revit la totalité de sa vie en ressentant sur elle-même toutes les conséquences de ses actes, bons ou mauvais, sur les autres. Ce bilan de sa propre vie, un peu comme le déroulement d’un film, est consécutif à sa rencontre avec l’Être de lumière. Son profond sentiment de paix n’enlève absolument rien à la conscience, ni à une profonde lucidité. Le temps et la distance semblent abolis.
10) Elle se heurte à une sorte de frontière qui demeure infranchissable, ou alors elle ne peut plus avancer.
11) La personne retrouve effectivement son corps en étant réanimée ou en sortant du coma. Ce retour, effectué presque à contre-cœur, est d’autant plus difficile qu’il s’agit de « réintégrer » un corps malade. C’est donc le moment d’une grande déception (sauf en cas d’EMI négative).
12) Elle n’a plus peur de la mort car elle est désormais certaine d’une vie après celle-ci.Cela n’empêche pas forcément une certaine déstabilisation psychologique, que la personne soit adulte ou enfant. En tout cas, son existence sera désormais orientée sur l’amour du prochain ou sur la création artistique. Elle sera aussi axée sur le détachement des biens, marquée par l’éveil de la religiosité ou le renforcement de la piété, ainsi que sur une plus grande acceptation de la vie, car elle sait que celle-ci doit s’ouvrir sur une autre dont elle est sûre, désormais, de l’existence.
Multiplication des EMI
Deux facteurs ont contribué à la connaissance et au développement des EMI : l’un indirectement, l’autre directement.
Le facteur indirect fut le coup d’envoi du Dr Moody, en 1975, avec la publication de son livre à succès (best-seller) sur les EMI, La Vie après la vie qui, pour la première fois, affrontait le médicalement correct sur son propre terrain.
Effectivement, la science et la médecine, après avoir unilatéralement adopté le principe du mécanisme universel de Newton, puis le scientisme au XIXe siècle, sont devenues matérialistes dans leur quasi totalité.
Alors, seule la matière, c’est-à-dire un dérèglement des neurones en ce qui concerne les EMI, peut expliquer un phénomène médical et surtout paramédical. Le reste n’est qu’hallucination, superstition ou charlatanisme.
Ce matérialisme de la médecine entraîne deux corollaires que les EMI remettent en question. Le premier, c’est l’interdiction de parler de la mort. Dans le milieu médical, on ne parle que de fin de vie ou de disparition. Tout ce qui a un rapport avec l’au-delà doit être systématiquement gommé. Le second, lié au premier, concerne une autre interdiction, celle d’évoquer toute religion (qui explique justement l’au-delà), interdiction généralisée depuis sa survenue dans un contexte anticatholique. Scientisme et matérialisme infestent tellement l’air ambiant actuel que même les études portant sur les EMI mésestiment le fait religieux14 (mais non le côté spirituel), lequel apporte pourtant les meilleures réponses15.
Toujours est-il que le Dr Moody fut à l’origine de ce développement des études et des recherches de témoignages sur les EMI, suivi par plusieurs dizaines de médecins de divers pays, puis relayé par des colloques internationaux, des centres de recherche, des revues, des sites internet recueillant tous les témoignages, etc.16
Le facteur direct eut lieu aussi en 1975, car c’est cette année-là que le micro-processeur fit son entrée dans les systèmes de mesure cardiaque, permettant désormais aux médecins de suivre en temps réel l’activité du cœur.
Dès lors, tout devint une question de temps : en quarante ans, la multiplication de ces micro-processeurs dans les divers hôpitaux, leur miniaturisation progressive et leur élargissement à tout instrument de mesure médical font que, désormais, grâce à lasurveillance médicale à l’aide d’appareils de mesure, (monitoring), véritable ordinateur composite, on arrive à réagir immédiatement à toute faiblesse cardiaque, respiratoire ou autre.
Si bien qu’on réanime de plus en plus de patients ayant de telles faiblesses17, alors qu’il y a cinquante ans une crise cardiaque s’avérait généralement fatale. Il existe désormais un moment, plus ou moins long selon chaque patient, durant lequel le cœur est à l’arrêt, mais où la médecine peut, selon les cas, le faire repartir et permettre ainsi au patient de revenir à la vie ici-bas. C’est à ce moment-là que la personne peut faire une EMI, dans la proportion de 15,3 % de ceux qui ont fait un arrêt cardio-respiratoire, selon les dires du Dr Charbonnier.
Qu’en est-il des « expérienceurs » ?
Chaque EMI étant une histoire personnelle, on n’y retrouve pas forcément toutes les caractéristiques d’une EMI classique. Si, en 1975, le Dr Moody put interroger (et encore, indirectement) à peine une centaine de personnes, les études se portent dorénavant, à chaque fois et directement, sur des centaines d’« expérienceurs ». Presque tous les autres sont recensés. Pour en donner une petite idée du nombre, un sondage effectué en 1999 par US News and World Report rapporte que 19,6 millions d’Américains ont fait une EMI, ce qui équivaudrait, toute proportion gardée, entre 1,4 et 2,5 millions de Français, certitude partagée par le Dr Theillier.
Le Dr Van Lommel, quant à lui, estimait les EMI à 25 millions dans le monde, en 2012.

Concert des anges
(par Gaudenzio Ferrari, N.-D. des Miracles, Saronno, 1535) tel qu’il fut perçu par Bob H. au cours de son EMI en 1979, cas confié par le Dr Kenneth Ring à Pierre JOVANOVIC (op. cit., p. 81).
Les diverses études ont révélé des constantes : une EMI peut se dérouler en deux minutes, même si l’« expérienceur »a l’impression de vivre une éternité, le record mesuré semblant de dix-neuf minutes pour Krystel Merzloch, alors en pédiatrie (elle avait sept ans) à Seattle en 1984 ; on note que les enfants font plus facilement une EMI que les personnes de plus de soixante ans ; on sait aussi que les EMI ne correspondent à un aucun type d’individu particulier quant à sa situation familiale, son âge, son sexe, sa race, sa religion ou l’absence de religion, son origine dans le monde, sa position géographique, le contexte socio-culturel dans lequel il vit, son éducation ou ses connaissances intellectuelles (notamment sur les EMI).
L’« expérienceur »ne peut ignorer son EMI, car elle est pour lui comme une révélation divine. Pour celui qui est matérialistes, elle lui fait découvrir une réalité de l’au-delà devant laquelle il ne peut que s’incliner.
Il en est de même pour ceux qui s’opposaient auparavant aux EMI pour des raisons scientifiques, comme le célèbre Dr Eben Alexander, neurochirurgien américain qui, après avoir fait lui-même une EMI, en est devenu convaincu. Ce fut aussi le cas du non moins célèbre Dr Melvin Morse, converti par le cas de Krystel Marzloch.
Même chez un catholique, pour qui la connaissance des EMI n’ajoute rien au catéchisme, le fait d’en être le sujet est interprété comme une grâce extraordinaire, qui relève de l’infinie miséricorde de Dieu. Ainsi de l’abbé Jean Derobert, connu pour la qualité de ses ouvrages et fils spirituel du Padre Pio à qui il dut sa « réanimation ». Alors qu’il était aumônier durant la guerre d’Algérie, il fut fusillé par le FLN avec ses compagnons et, bien que plusieurs balles eussent traversé ses organes vitaux, ce qui aurait dû lui être fatal, il en réchappa, précisément après avoir été sujet d’une EMI.
On peut également citer le cas du père Maniyangat, prêtre catholique indien, qui fut percuté en vélomoteur par la voiture d’un chauffard ivrogne. L’accident était tel qu’il fut médicalement déclaré mort et c’est à ce moment qu’il fit une EMI : son ange-gardien l’emmena visiter d’abord l’Enfer, puis le Purgatoire, enfin le Paradis. À son réveil à la morgue, réveil spécialement douloureux, il se retrouva handicapé moteur. Un authentique miracle le fit remarcher au bout d’un mois.
Conscients d’avoir vécu quelque chose d’extraordinaire, les bénéficiaires d’EMI sont soucieux avant tout de faire part de leur expérience à autrui. Mais voilà : ils connaissent la méfiance de la médecine à l’égard des phénomènes mystiques. Ils préfèrent alors internet (surtout depuis que c’est possible) pour révéler leur EMI à des associations favorables plutôt qu’à leur médecin ou à leur chirurgien, lesquels, souvent imbus d’une médecine scientiste pour qui le surnaturel est à proscrire, risquent de les envoyer chez un psychiatre, de leur infliger une mauvaise réputation et, surtout, de remettre injustement en cause ce qui apparaît comme véridique et important à un « expérienceur ». D’autant plus que le sujet est encore sous le choc et qu’il a besoin, non pas de remarques qui le déstabilisent plus encore plus, mais d’être écouté et compris.
Certains ont ainsi attendu dix-neuf ans avant de faire connaître leur EMI…
L’« expérienceur » étant fortement marqué par son EMI, celle-ci ne peut que se répercuter sur son mode de vie, et cela conformément au caractère de chacun. Alors que certains sont presque traumatisés (EMI négative), d’autres sont émerveillés, expansifs voire prosélytes, tandis que d’autres encore restent discrets une fois l’EMI révélée, mais en tirent les conséquences dans leur vie personnelle : telle femme se mettra à avoir plusieurs enfants, telle personne se lancera dans une activité médicale ou se mettra au service des autres.

Pesée desâmes de Rogier Van Der Weiden (Hospices de Beaune), analogue à une EMI recueillie par le Dr RAWLINGS ; cf. son livre Beyond Death Door, 1979, p. 64.
Prenons comme exemple le cas du Dr Gloria Polo, chirurgien-dentiste à Bogota. Foudroyée en même temps que son neveu – qui mourut sur le coup –, avec un corps suffisamment calciné pour qu’il fût estimé non viable, son EMI l’emmena en Enfer, ce qui fut clairement ressenti comme un avertissement visant sa vie dissolue, avec la conséquence que cela impliquait : après la mort, arrivera la rétribution éternelle de notre vie sur terre. Analogue à ce que précise la religion catholique pour le jugement particulier de chacun, son EMI se basa scrupuleusement sur le respect des Dix Commandements. Depuis, le Dr Gloria Polo n’a de cesse de faire connaître son expérience au monde, bien que cette publicité soit parfois mal perçue18.
Les EMI existaient-elles dans le passé ?
Comme le dit le Dr Van Lommel, « les récits de visions ou d’expériences mystiques ou religieuses, souvent provoquées par des situations potentiellement mortelles telles que noyades, asphyxie, épuisement ou forte fièvre, sont très courants, dans toutes les époques et toutes les cultures. Ces expériences seraient aujourd’hui qualifiées d’EMI19 ».
Par exemple, il y a le cas rapporté par Grégoire de Tours dans le Livre VIII (chap.1) de son Histoire des Francs : enlevé au Ciel par deux anges alors que son corps était inanimé, un certain Salvi traversa une vallée très large et très profonde, puis une prairie remplie d’hommes habillés de blanc où se tenaient de joyeuses réunions et au bout de laquelle une lumière s’intensifia peu à peu. Puis il passa « par une porte plus brillante que cette lumière ineffable » et, là, il vit une foule innombrable20.
Dans son Histoire ecclésiastique des Anglais, Bède le Vénérable nous fait part de deux EMI. La première est celle du moine Fursy, mort à Péronne vers 650 et dont « l’âme sortit du corps, du soir jusqu’au chant du coq ».
La seconde, plus connue et plus détaillée, nommée « lavision de Drythelm », ressemblant davantage aux EMI actuelles, est celle d’un père de famille de la région de Cunningham en Écosse.
Au XIIe siècle, le moine Guibert de Nogent raconte la vision de sa mère qui sentit « que son âme sortait de son corps », « traversait une galerie » puis « voyait son époux », comme dans une EMI où l’on voit des défunts proches21.
Il est à penser que le chevalier Tondal, Irlandais originaire de Cashel au XIIe siècle, vécut lui aussi une EMI lors de son coma, durant lequel il visita l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis. Une copie de son récit fut commandée au XVe siècle par Marguerite d’York, troisième épouse de Charles le Téméraire. Peut-on aussi rajouter le miracle opéré par Philippe Néri en 1583, lorsqu’il fit revenir à la vie le jeune prince Paolo Massimo, alors âgé de 14 ans, qui était décédé de maladie et dont le corps était exposé dans son palais à Rome ? Après son « réveil » par le saint, le prince préféra repartir vers les splendeurs célestes dont il avait fait la connaissance lors de sa « première mort ».
Catherine de Sienne, durant ses extases, « ne voulait pas revenir dans cette prison qu’est le corps ». Un jour, la sainte passa pour morte (après vérification) auprès de ses compagnes qui la mirent dans un cercueil. Elle expliqua ensuite : « Mon âme se trouva séparée de mon corps. Je ne sais combien de temps, mais les sœurs disent quatre heures. J’ai vu les arcanes de Dieu. Je n’ai pas vu l’essence divine elle-même, mais j’ai vu la gloire des saints [en Paradis], les peines des pécheurs en enfer, et celles des âmes qui se purifient au purgatoire […]. Et puis, je n’ai pas de mots pour expliquer de telles choses. Ah, quel chagrin d’être revenu ici-bas22! »
Plus proche de nous voici le cas de Mariam Baouardy, « la petite Arabe », née en 1846 en Galilée, devenue carmélite sous le nom de sœur Marie de Jésus crucifié, morte en 1879, béatifiée en 1983 et canonisée en 2015.
Égorgée à l’âge de 13 ans par un musulman qui voulait lui faire abandonner la foi catholique, son corps fut transporté dans une grotte par une religieuse « aux vêtements d’azur ». C’est à ce moment-là qu’elle vécut une EMI. Guidée par la Sainte Vierge, elle visita le Ciel, l’Enfer et le Purgatoire.
La mystérieuse religieuse vêtue « d’azur » la soigna, attendit que la plaie fût cicatrisée avant de conduire la sœur chez un prêtre. Puis elle disparut, Mariam reconnaissant alors cette même Vierge Marie. Jusqu’à sa mort, à 33 ans, « la petite Arabe » garda la cicatrice d’une entaille à la gorge, qui faisait 10 cm de long, ainsi qu’une voix brisée. Après son décès, les médecins constatèrent effectivement qu’il lui manquait plusieurs anneaux à la trachée artère. La conclusion revient au père Bruno s.c.j. qui nous a laissé sa biographie : « Le martyre de la petite Arabe n’avait pas été un rêve : il restait inscrit dans sa chair23. »
(À suivre)
1 Nous reviendrons sur ces réactions scientistes en 2e partie.
2 Sauf en cas de miracle manifeste comme dans celui de la résurrection de Lazare, à propos duquel Marthe précise à son Maître (Jn 11, 39) que « c’est le quatrième jour » et « qu’il sent déjà ».
3 La Mort, et après ? Un prêtre médecin témoigne et répond auxinterrogations, par Michel AUPETIT, Paris, Éd. Salvator, 2003. Après avoir été médecin confronté aux EMI, Mgr Aupetit fut ordonné prêtre à Paris, puis sacré évêque de Nanterre avant de devenir, en ce début de 2018, archevêque de Paris. Son livre sur les EMI, en sus de résumer l’essentiel, est un véritable petit traité sur les Fins dernières.
4 On considère celle-ci survenant en moyenne trois heures après la mort clinique (entre une demi-heure et sept heures selon Marthe Robin).
5 Cf. note précédente.
6 Dr Jean-Jacques CHARBONNIER, Les 7 bonnes raisons de croire à l’au-delà. Les preuves incontestables d’une vie aprèsla mort, Paris, Éd. J’ai lu, 2016 (livre écrit en 2012), p. 103-105. L’auteur donne ses propres références et celles du Dr Postel, anesthésiste lui aussi.
7 Pierre JOVANOVIC, Enquête sur l’existence des anges-gardiens. Desêtres invisibles veillent sur nous, Paris, Ed. J’ai lu, 2016. L’auteur rapporte nombre de phénomènes mystiques extraordinaires, dont des EMI.
8 D’un côté, c’est le risque de trafic d’organes avec toute l’horreur que cela implique. Certes, on demande deux EEG plats à quatre heures d’intervalle, mais, en réalité, une anesthésie générale est pratiquée sinon le corps réagit. On comprend alors que les dons d’organes soient de moins en moins nombreux… À l’opposé, si la mort n’est pas réelle, on risque d’enterrer des personnes vivantes. Jadis, on veillait les morts pour éviter, autant que faire se peut, ce genre de mauvaise surprise. D’où l’importance capitale des prières avant la mise en bière, lesquelles invitent l’âme à monter au Ciel.
9 Nous ne sommes ni dans le contexte du New Age, ni dans ceux du spiritisme, de l’occultisme ou de l’ésotérisme, pratiques idéalistes, préternaturelles et/ou surnaturelles, qui exigent des démarches et des procédures précises.
10 Dr Pim VAN LOMMEL, Mort ou pas ? Les dernières découvertesmédicales sur les EMI, Paris, InterÉditions, 2015. L’auteur, de renommée mondiale, est un spécialiste des EMI. Son livre reste la référence.
11 Dr J.-J. CHARBONNIER, La Conscience intuitive extraneuronale. Unconcept révolutionnaire sur l’après-vie enfin reconnu par la médecine, Paris, Guy Trédaniel, 2017. Depuis des décennies, ses multiples publications sur le sujet visent à rompre le tabou du matérialisme scientifique.
12 MOODY R. A., La Vie après la vie, Paris, Robert Laffont, 1976, trad. française de Life after life. L’auteur fut le premier à s’intéresser aux EMI. Ses confrères se présentent tous comme ses successeurs. Les 12 phases sont les siennes amendées par la lecture du livre du Dr Patrick THEILLIER : Expériences de mort imminente. Un signe du Ciel qui nous ouvre à la vie invisible, Paris, Éd. Artège, 2016. Spécialiste des faits surnaturels comme les miracles, le Dr Theillier fut pendant dix ans médecin permanent du Bureau médical de Lourdes. Son ouvrage, qui est celui d’un catholique soucieux de subordonner ses jugements au Magistère de l’Église, s’est fixé pour but de rechercher les nombreux points communs qui existent entre les EMI et la Tradition catholique. Il est préfacé par Mgr Aillet, évêque de Bayonne.
13 Le Dr Theillier se demande si la physique quantique ne pourrait pas expliquer ce phénomène ; cf. la 2e partie de notre exposé.
14 Cette assertion sera détaillée dans la 2e partie.
15 Ce qui n’empêche pas de reconnaître que foi et science ont, chacune, leur objet propre, tout en précisant que la seconde doit être subordonnée à la première. On peut citer en ce domaine la lettre Ab Æegyptiis argentea de GRÉGOIRE IX aux théologiens de Paris en 1228, l’encyclique Mirari Vos de GRÉGOIRE XVI en 1832, le bref Eximiam tuam de PIE IX en 1857, la lettre Gravissimas Inter de PIE XI à l’archevêque de Cologne en 1862, la lettre Tuas Libenter de PIE IX à l’archevêque de Munich en 1863, le chap. IV de la constitution Dei Filius de Vatican I en 1870, l’encyclique Qui pluribus de PIE IX en 1878, etc.
16 Le Dr THEILLIER donne nombre de références sur ce sujet ; cf. op. cit. en note 12, p. 75 à 83.
17 D’après le Dr Van Lommel, les statistiques révèlent que seuls 10 % des victimes d’arrêts cardiaques hors milieu hospitalier quittent l’hôpital vivants.
18 Comme les deux cas précédents, ceux de l’abbé Derobert et du père Manyiangat, celui-ci est recensé par le Dr THEILLIER, op. cit. (cf. note 12).
19 Dr VAN LOMMEL, op. cit. (cf. note 10),p. 100.
20 Dr THEILLIER, op. cit. (cf. note 12), p. 73-74.
21 Récits rapportés, entre autres, par Mgr AUPETIT, op. cit. (cf. note3), p. 26 ss.
22 Cité par P. JOVANOVIC, op. cit., p. 267 et note 7. L’auteur donne encore d’autres exemples.
23 Dr THEILLIER, op. cit. (cf.note 12), p. 211 ss. Sainte Mariam Baouardy est ainsi devenue, en quelque sorte, la patronne des « expérienceurs » !