Accueil » Les Rois mages dans le mystère chrétien

Par Guillebon De Grégoire

, , ,

Nos correspondants publient

Pourquoi le Seigneur n’a-t-il pas convoqué autour de son berceau les savants maîtres dont Israël regorgeait et qui s’empressèrent de renseigner Hérode à son sujet ? Pourquoi a-t-il fait venir les humbles bergers, caste inférieure dans l’Israël sédentaire de l’époque, et non les princes du peuple ? Pour nous qui savons que le christianisme n’était pas un nouveau culte oriental destiné à prendre place au sein du Panthéon de Rome, mais un ferment destiné « à renouveler l’intégralité de la société, embrassant dans le sein de sa réforme les menus détails de l’existence comme un argument de grand prix » (p. 26), ces questions trouvent tout naturellement leur réponse dans la geste des Rois mages. Encore faut-il examiner ce récit du seul évangile de saint Matthieu (Mt 2, 1-13) avec autant d’érudition que de piété.

C’est ce que vient de faire le chanoine Grégoire de Guillebon, dans la vaste synthèse (624 p.) qu’il a composée pour retracer non seulement l’histoire de ces rois venus d’Orient, mais le sens profond de leur pérégrination.

Livre reposant pour l’esprit car, comme Le Cep, il affirme paisiblement la vérité historique de l’Écriture et prend ainsi naturellement la suite des multiples témoignages donnés par les Pères de l’Église dès le deuxième siècle, corroborés par les traditions des peuples et l’archéologie la plus récente : « La Sainte Écriture ne contient rien que de très historique ; pourtant, tout y a également valeur de symbole » (p. 225). Des liens familiaux étroits entre la Palestine, la Chaldée et l’Arabie se trouvaient déjà signalés, outre le livre de la Genèse, par l’histoire de Tobie et celle de la reine de Saba. Ainsi, en 2010, l’épigraphiste André Lemaire a étudié une plaque de bronze sabéenne du VIIIe siècle avant Jésus-Christ, qui évoque un voyage commercial depuis le sud de l’Arabie jusqu’à Dedan, Gaza et les villes de Judah (p. 401). De même l’énigme de l’intendant de la reine d’Éthiopie guéri par l’apôtre Philippe (Actes 8, 26-39) trouve son explication dans l’histoire profane. À ces époques d’intense navigation à travers la Mer Rouge, le riche royaume de Saba s’étendait sur les terres africaines [ce qui permit naguère à l’empereur Haïlé Sélassié de prétendre descendre de Salomon et de la reine de Saba] (p. 408).

Un chapitre est consacré à l’art sacré. Dès les tout débuts du christianisme, l’adoration des Mages est un thème majeur inspirant les artistes : ils sont représentés treize fois dans les catacombes romaines (p. 202). Tous les grands peintres de la Renaissance reproduisirent la scène. De son côté, l’Orient chrétien – on le sait bien – a toujours attaché une importance majeure à l’Épiphanie.

Un chapitre d’un grand intérêt est consacré à la chronologie : année de la Nativité et année de la Passion. On y mesure la difficulté à s’y retrouver au sein des multiples énoncés de l’histoire profane, en particulier sur la manière de compter les années de règne. Sans vouloir trancher entre les computs allant de -5 à l’an 1 un pour la naissance du Sauveur, et de l’an 29 à l’an 35 pour Son ultime Pâque, l’auteur conclut : « Les événements historiques mentionnés par les auteurs inspirés sont corroborés par l’histoire profane ; aucune preuve scientifique ne contredit les récits évangéliques […]

Enfin, l’objet de nos incertitudes et de nos doutes sont les données de l’histoire profane, non celles de l’Histoire Sainte qui se distinguent par leur concision et leur extrême simplicité » (p. 117).

On pourrait étendre cette conclusion à bien d’autres points concernant la vérité historique de la Bible et même son inerrance en matière de science.

Mentionnons aussi, comme témoin d’une tradition toujours vivante, notre « galette des rois » et les nombreux drames liturgiques joués en grande pompe dans les églises médiévales (p. 212), et aussi la triple bénédiction (de l’or, de l’encens et de la myrrhe) proposée par l’Église le jour de l’Épiphanie. La « marche des rois » immortalisée par Bizet, avait été composée bien avant L’Arlésienne pour accompagner cette triple bénédiction.

À l’heure où les gouvernements se détournent de plus en plus explicitement de la civilisation chrétienne, où les ténèbres de la révolte luciférienne égarent les intelligences hors des sentiers tracés par la nature des choses et des êtres, il est réconfortant de penser que l’étoile apparue il y a 20 siècles luit toujours aux yeux des hommes de bonne volonté qui lèvent le regard vers le ciel. La riche brassée de faits et de pensées rassemblée par le chanoine Grégoire de Guillebon nous sera une aide précieuse pour traverser le siècle présent.

Un livre instructif donc, mais aussi et surtout un livre qui « ouvre le sens » du récit évangélique, convoque à sa barre l’astronomie, l’histoire des peuples, les récits de mystiques telles que Marie d’Agréda et Anne-Catherine Emmerich, la patristique et l’exégèse. On trouvera dans les nombreuses références (1 946 au total !) les textes cités dans leur langue originale. Ajoutons une imposante bibliographie de 26 pages.

Chanoine de l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre, l’auteur poursuit ses études de théologie dogmatique à Rome, tout en enseignant au séminaire de l’Institut.

Édité par Librim Concept, 17 rue Solférino, 59000 Lille (site librim.fr), 29 € (+ port 8 €)

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Retour en haut