Accueil » La Cabale des Hébreux vengée de la fausse imputation de panthéisme par le simple exposé de sa doctrine

Par Drach Paul

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NOS MEMBRES PUBLIENT :

En persuadant un éditeur de nous redonner La Cabale des Hébreux vengée de la fausse imputation de panthéisme par le simple exposé de sa doctrine, livre écrit par Paul Drach il y a un siècle et demi, le Dr François Plantey nous a rendu un signalé service, et ce à double titre.

D’une part, à l’heure d’internet, peu de gens ont devant eux les mois de lecture paisible qui sont nécessaires pour assimiler l’œuvre du savantissime rabbin converti et, en particulier, son œuvre majeure  De l’Harmonie entre l’Église et la Synagogue, sous-titrée : Perpétuité et catholicité de la religion chrétienne. La publication du résumé de 50 pages produit ici par l’auteur lui-même est donc opportune, d’autant plus que les courants talmudiques exercent une influence intellectuelle considérable mais souvent peu explicite.

D’autre part, il importe plus que jamais de dénoncer la confusion qui s’étend à l’abri du vocable ambigu de « judéo-christianisme ». S’il y a continuité, comme le démontre Drach, entre la religion du peuple hébreu et celle des chrétiens, il y a en revanche oposition entre le judaïsme contemporain – constitué depuis 20 siècles sur le refus du Messie historique dûment annoncé à son heure par les prophètes – et l’accomplissement de la loi mosaïque sous la forme épurée et rénovée par le Fils de Dieu Lui-même.

Toute la difficulté vient ici des sources : les idées théologiques des Hébreux étaient transmises par tradition orale et cette tradition, cette « cabale » (au sens étymologique de chose reçue) a été mise par écrit au sein de la synagogue post-chrétienne. De plus, il s’agit de textes composés dans un langage fort difficile à comprendre et plus encore à interpréter.

Nous-mêmes sommes parfois déroutés à lire Rabelais dans le texte ; or il s’agit ici de plusieurs langues (principalement hébreu et araméen) mais surtout de plusieurs états de ces langues, ayant évolués au cours des siècles et, de plus, marqués par la volonté de réserver le sens aux seuls disciples « acroamatiques » (instruits à l’oreille par le maître en vue de comprendre le vrai sens des mots).

Pour mesurer cette difficulté, il suffira de dire que le rabbinat d’Israël, pays où l’hébreu est maintenant la langue maternelle, a vu la nécessité de traduire le Talmud en hébreu biblique pour que les juifs contemporains aient accès à l’antique recueil qui définit leur civilisation et continue de régir les moindres circonstances de leur existence. Il est donc navrant de voir des chrétiens de bonne volonté, ne s’étant jamais eux-mêmes confrontés aux textes originaux, faire confiance à de prétendus traducteurs qui ne font le plus souvent que reproduire, avec leurs contre-sens et leurs incompréhensions, les ouvrages de leurs devanciers.

Il fallait donc une érudition rarissime et un sens théologique affiné – toutes deux qualités éminentes chez Drach – pour découvrir, sous les matériaux disparates de la prose talmudique, ces pépites que sont les grandes vérités de notre foi.

Après avoir établi dans sa préface qu’il existe une tradition primitive remontant à Adam, François Plantey donne une très utile biographie du rabbin David Drach (1791-1868), devenu Paul Drach après sa conversion publique à l’âge de 32 ans. On jugera de sa connaissance des Écritures par le fait qu’à l’âge de 10 ans il était capable de donner le chapitre de n’importe quel verset de la Bible, à ce point que c’était une distraction pour les voisins que de l’interroger et de lui tendre des pièges avec de faux versets. Et non seulement il connaissait parfaitement le texte, mais il pouvait en donner les commentaires habituels.

Il fit donc une rapide carrière d’israëlite érudit et devint rabbin et docteur de la loi. C’est à lui, alors encore à Strasbourg, que le rabbinat français demanda de traduire en français les prières quotidiennes. Mais tout en devenant un savant reconnu dans les écrits du judaïsme, il entreprend aussi une étude approfondie des Pères grecs et latins, frappé de découvrir, grâce à leurs reproches, que la Bible hébraïque a été par endroit tronquée et altérée.

Or il est facile de voir et de comprendre que les mots transformés – ceci étant rendu possible notamment du fait de l’absence des voyelles et de la similitude de certaines lettres – ont pour objet d’esquiver la messianité de Jésus-Christ. De là cette ligne de conduite ultérieure : « Tous mes ouvrages appartiennent à un seul et même plan dont l’objet est de développer la proposition de saint Augustin : “la même religion qu’on appelle maintenant Religion Chrétienne était déjà celle des anciens”. »

Son autorité est telle que des juifs assisteront à son baptême, à Paris, et que nombre de ses anciens élèves se convertirent. Il influença également les frères Libermann et publia en 1825 sa première Lettre d’un rabbin converti aux israélites ses frères sur les motifs de sa conversion. Il écrit à ce propos : « Mes “Lettres” aux israélites sont remplies de citations d’où résultent que les traditions de la synagogue des temps les plus reculés enseignent le mystère de la Trinité des personnes dans l’indivisible essence divine, aussi bien que celui de la double nature du rédempteur promis. »

Il est donc contre-productif et presque criminel de confondre sous le même vocable au lieu de les bien distinguer, deux types de cabales : « la véritable cabale sans mélange, remontant à la nuit des temps, qui s’enseignait dans l’ancienne synagogue et dont le caractère est franchement chrétien, la fausse cabale, pleine de superstitions ridicules et s’occupant de magie, de théurgie, etc. en un mot : telle qu’elle est devenue aux mains des docteurs infidèles. »

L’enjeu est double en effet : la conversion des juifs (ce que Drach considérait comme sa mission première) d’une part, mais aussi l’autorité intellectuelle de la doctrine chrétienne, aujourd’hui relativisée et minimisée comme s’il s’agissait d’un rejeton tardif dans une lignée monothéiste qui serait apparue avec Abraham. Dans cette dernière perspective, en effet, il semble que le judaïsme contemporain, « assis dans la chaire de Moïse » (Mt 23, 2), en est l’héritier direct, l’aîné, donc le plus légitime, alors que la réalité est exactement inverse.

L’œuvre de Drach aura bientôt deux siècles mais les qualifications rarissimes de cet auteur en font une pierre essentielle pour édifier solidement la vision chrétienne du monde.

L’ouvrage comporte trois parties : une abondante et instructive préface donnée par François Plantey, montrant comment les Pères et les Docteurs de l’Église ont soutenu la thèse de l’antiquité de la religion chrétienne (p. 7-54) ; une « Notice sur la Cabale des Hébreux » dans laquelle Drach se présente comme le simple continuateur d’une longue tradition1 (p. 55-86) ; « La cabale des Hébreux » proprement dite, où est démontré comment, sous les mots et les concepts qui lui sont propre, la tradition juive, une fois épurée, expose à sa manière les principaux dogmes chrétiens (p. 87-132).

(Versailles, Éd. Via Romana, 2017, 16 €)


1 Notons que saint Vincent Ferrier (1350-1419), infatigable voyageur, mettait à profit sa connaissance de l’hébreu et du Talmud pour engager, avec sa bienveillance habituelle, des controverses avec les rabbins.

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