Partager la publication "In memoriam André Boulet sm (1923-2012)"
Il est des hommes qui, dans les périples de la vie, par tempérament, se guident sur l’horizon des grandes vérités intemporelles (ils se dirigent « à la boussole », pourrait-on dire) ; il en est qui choisissent de se guider sur leurs voisins (ils naviguent « au radar », selon la même comparaison). Le P. André Boulet faisait indiscutablement partie du premier groupe et c’est peut-être ce qui, accompagné d’un profond sens de Dieu, en fit un directeur spirituel recherché.
Entré dans la congrégation des marianistes, il enseigna tout d’abord les mathématiques, les sciences et l’astronomie à Fribourg. Puis, revenu en France en 1968, il reçut mission d’enseigner la doctrine chrétienne et l’Écriture sainte, prêcha des retraites pour diverses congrégations religieuses, fut chargé des groupes de laïcs vivant de la spiritualité marianiste et devint aumônier national de la Légion de Marie. Dans ce ministère de conseiller spirituel, il avait le don précieux d’écouter, de consoler et de réconforter.
Il s’était vite trouvé confronté au « phénomène Teilhard de Chardin ». Comprenant qu’il s’agissait d’un faux prophète, il eut à cœur de le dénoncer par la voix et par la plume : de là son gros ouvrage Création et Rédemption, paru en 1996, dont les pages le révèlent comme l’un des rares hommes d’Église contemporains à distinguer clairement la théologie catholique et ce qu’il nommait judicieusement la « théologie évolutionniste ».
Apprécié des rédacteurs de la revue Famille chrétienne, il prépara, en collaboration avec Élisabeth Voinier, un numéro spécial des Cahiers d’Edifa (Cahier N° 3, mai 1998) intitulé L’Évolution : Hypothèses ou Certitudes ? 140 ans après Darwin. Une large part y était faite aux travaux de Guy Berthault et de Marie-Claire van Oosterwyck. On pourra lire dans Le Cep n°23 sa Lettre aux évêques de France qui accompagna l’envoi qui leur était fait de cette brochure.
Membre actif du CEP, il hébergea plusieurs assemblées générales au siège parisien des marianistes et il nous introduisit au Lycée de Sainte-Maure, lors du Colloque de Troyes, en 2003, où il nous donna une conférence sur la Coiffe de Cahors.
Ayant alors pris ses distances par rapport à la théorie documentaire[1] (à laquelle, confiant dans ceux qui lui avaient enseigné l’exégèse, il avait tout d’abord adhéré), il eut le courage intellectuel et moral de remanier largement Création et Rédemption, pour l’ajuster aux nouvelles vérités entrevues[2], vérités incomprises de ses confrères.
C’est encore grâce à lui qu’en novembre 2005 le CEP put faire remettre une lettre au pape Benoît XVI (cf. Le Cep n°35), ce qui valut à ses membres une bénédiction pontificale particulière.
On ne saurait évoquer cette grande figure de prêtre sans souligner sa profonde dévotion envers la Très Sainte Vierge Marie : son premier ouvrage avait d’ailleurs été une Petite Catéchèse sur Marie. C’est donc sans surprise que nous l’avons vu s’endormir paisiblement le vendredi 6 juillet, donc la veille du jour de la semaine où Celle qu’il vénérait a promis d’introduire Là-haut ses vrais dévots, là où nous espérons que notre reconnaissance et nos prières sauront le rejoindre.
[1] Théorie élaborée au 19ème siècle, selon laquelle la Genèse serait une compilation tardive des textes issus de diverses sources, notamment celle qui nomme Dieu “Yahvé”, celle qui le nomme “Élohim” et une source dite “sacerdotale”.
[2] Paris, Téqui, 2009, 23€.