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Par Phillips Tony Dr

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Araignées et météo spatiale1

Résumé : Les araignées se servent de courants électriques atmosphériques pour s’élever dans les airs, parfois à très haute altitude (4 km !). Elles se gonflent, se dressent sur leurs pattes, crachent un fil de soie vers le ciel et décollent… Mais par quel procédé ? Une étude expérimentale menée par deux chercheurs de l’université de Bristol conclut à l’utilisation des champs d’électricité statique engendrés dans l’atmosphère par les rayons cosmiques et les vents de particules solaires. Encore une merveille insoupçonnée de la Création !

Saviez-vous que les araignées peuvent voler ? Les biologistes appellent ça « faire la montgolfière (ballooning). Les araignées filent un brin de soie, le projette dans les airs en le crachant, s’élancent vers le ciel et s’envolent. Des Arachnides aéroportés ont été trouvés jusqu’à 4 km au-dessus du sol ! Au XIXe siècle, les chercheurs pensaient que les araignées se mettaient à cheval sur des courants d’air, mais cette idée n’est pas la bonne. Les araignées prennent souvent leur envol lorsque l’air est calme (vents inférieurs à 3m/s), et les grandes araignées volent, alors même que les courants d’air sont insuffisants pour supporter leur poids. On a aussi pensé aux courants thermiques ascendants, au-dessus des points chauds, mais le « fait montgolfière » a été observé par temps couvert et même pluvieux. C’est donc un mystère.

Cependant, deux chercheurs de l’université de Bristol ont peut-être trouvé la solution. Dans un article publié en juillet 20182, ils ont prouvé que les araignées peuvent se propulser elles-mêmes en utilisant des champs électriques. Il existe en effet, présent partout, que le temps soit beau ou orageux, un gradient de potentiel atmosphérique (APG) qui varie en force et en polarité selon les conditions météorologiques locales. Par temps clair, sur terrain plat, l’APG est voisin de 120 volts par mètre.

Tableau montrant les variations d’APG durant 4 jours consécutifs

Le tableau ci-dessus3 montre les variations d’APG durant 4 jours consécutifs sur un terrain de l’École vétérinaire de l’université de Bristol. On constate qu’à des moments précis l’APG peut aller jusqu’à + ou – 4 000 V/m et aussi s’inverser brusquement.

« Nous avons exposé des araignées Linyphiid adultes ( Erigone ) à des champs électriques similaires à ceux qui se produisent naturellement dans l’atmosphère de la Terre », explique l’auteur principal du document, Erica Morley.

« Les araignées étaient placées sur un bande cartonnée verticale au centre d’une boîte en polycarbonate pour éliminer les courants d’air. La boîte, avec ses cloisons opposées, formait un condensateur à plateaux parallèles ; l’ensemble était isolé phoniquement et la pièce, affectée à l’expérience, constituait une cage de Faraday, donc abritée des champs électriques extérieurs.

Dans leur environnement naturel, les araignées s’élèvent à partir d’une branche, d’une feuille ou d’une palissade. Ici, le carton servait de site d’envol triboélectriquement neutre. […]

Les araignées ont montré une augmentation significative des envols en présence de champs électriques artificiels4. »

tiptoeing

Fig. 1. Juste avant de projeter un brin de soie pour pouvoir jouer à la montgolfière, les araignées se dressent sur la pointe de leurs pattes, posture appelée en anglais tiptoeing.

Une remarquable vidéo de l’expérience5 montre une araignée volant lorsque les champs étaient branchés, puis atterrissant lorsque les champs étaient de nouveau éteints. Cela semble concluant.

On sait que les champs électriques entourant les objets agissent sur les êtres vivants. Ainsi, les bourdons détectent les champs qui s’établissent entre eux et les fleurs6 ; les abeilles, elles, utilisent leur charge électrique pour communiquer au sein de la ruche.

Les champs électriques utilisés par les araignées pour leur propulsion font partie du circuit électrique atmosphérique global de la Terre (GEC) : un circuit d’électricité à la taille du globe, dont les chercheurs ont connaissance depuis les années 1920. En un mot, les orages aident à établir une différence de charge électrique entre le sol et l’ionosphère (à 50 km d’altitude).

L’écart de tension est de 250 000 volts. Cela instaure des champs électriques reliant la Terre aux confins de l’espace.

Par ailleurs, les rayons cosmiques ionisent l’atmosphère terrestre, la transformant en un conducteur faible qui permet aux courants de circuler à travers le GEC7.

Diagramme illustrant le rôle des orages et des rayons cosmiques dans la création de champs électriques

Fig. 2. Ce diagramme, emprunté à l’article de 2014 de K. A. NICOLL intitulé « Les influences de l’espace météorologique sur l’électricité atmosphérique », illustre le rôle des orages et des rayons cosmiques dans la création de champs électriques.

Les araignées ont évolué à l’intérieur du circuit électrique mondial, il n’est donc pas surprenant qu’elles aient appris à s’en servir8. Mais comment ?

Fig. 3. Buses des glandes piriformes (filière antérieure) par lesquelles la soie est excrétée (ici araignée Gasteracantha). Grossissement de 490 fois. Cliché Dennis Kunkel Microscopy Inc. Cliché pris par micrographe électronique et repris d’un article de Peter V. GURHAM9.

Peter W. Gorham, du Département de Physique et d’Astronomie de l’université d’Hawaï, note que « la structure protéique complexe du fil d’araignée10 comprend des acidesaminés porteurs de charge, l’acide glutamique et l’arginine, qui peuvent être portés à l’état chargé dans le processus de filage.

Autre hypothèse : ces acides pourraient être capables d’attirer la charge à partir de la surface de lancement locale, lorsque les torons sont filés à partir des buses pointues de la filière11 ».

Les chercheurs se sont depuis longtemps interrogés sur le rôle de l’électricité dans le vol des araignées. Charles Darwin fut peut-être le premier. Il en a rendu compte lors de ses voyages sur le HMS Beagle (1831-1836). Un jour, le navire se trouvait à 60 milles au large des côtes argentines, lorsque le pont fut inondé par des araignées en train de gonfler leur « montgolfière ».

« La journée était chaude et apparemment calme », écrivait-il, mais « j’ai observé à plusieurs reprises le même genre de petite araignée, soit s’étant placée ou ayant rampé sur une petite éminence, gonfler son abdomen, projeter [en crachant] un fil et puis partir horizontalement, mais avec une rapidité qui était tout à fait inexplicable. »

Le naturaliste anglais fut particulièrement frappé par les araignées utilisant plusieurs brins de soie déployés en éventail. Ces brins, au lieu de s’emmêler pendant qu’ils se déplaçaient dans l’air, restaient toujours bien séparés. Étaient-ils alors repoussés par une force électrostatique ?  Darwin se l’est demandé.

Le travail d’Erica Morley et de son collaborateur Daniel Robert prolonge donc un courant de pensée vieux de près de 200 ans, mais le renouvelle grâce, en particulier, à une gamme d’instruments d’observation de plus en plus pointue.

On peut ainsi mettre en évidence les mouvements des longs poils garnissant les pattes de l’araignée, les « trichobothries » (fig. 4). Ceux-ci répondent à d’infimes flux d’air, détectent les sons dans toutes les directions et répondent aux champs électriques.

Buses des glandes piriformes par lesquelles la soie est excrétée.

Fig. 4. De longs poils sur les pattes des araignées, appelés « trichobothries », se contractent lorsque des champs électriques sont présents : ce signal avertit l’araignée que sa « montgolfière » peut s’élever (MORLEY & al.,op. cit., p. 2 328).

Tout cela suggère que les araignées peuvent être affectées par la météo de l’espace, car les champs électriques sont perturbés par les rayons cosmiques et l’activité solaire. Des groupes de recherche ont démontré des liens entre la météo spatiale et l’électricité atmosphérique à diverses échelles de temps.

Jours : Les éjections de masse coronales (CME) du soleil peuvent balayer les rayons cosmiques lorsqu’ils passent sur Terre, entraînant des réductions temporaires de l’ionisation atmosphérique pouvant atteindre 30%. Nos propres ballons cosmiques Spaceweather.com/Earth to Sky ont mesuré ces événements12.

Mois : Les mesures de l’Observatoire Atmosphérique de l’université de Reading, au Royaume-Uni, ont montré que les tensions peuvent fluctuer de ± 15% lorsque la Terre s’infiltre dans le flux du courant héliosphérique (une énorme structure magnétique ondulée centrée sur le soleil) tous les 27 jours13.

Années : Durant le XXe siècle, les tensions atmosphériques de beau temps, sur les sites en Écosse et au Royaume-Uni, ont diminué d’environ 25% en raison d’une diminution à long terme des rayons cosmiques14. Cette lente tendance s’inverse à mesure que les rayons cosmiques s’intensifient à nouveau.

Les habitudes de migration des araignées en montgolfière pourraient-elles être affectées par la météo spatiale ? « C’est tout à fait possible, mais nous n’en savons tout simplement rien à ce jour », dit Morley. « Les expériences que nous avons montées sont principalement réalisées en laboratoire, ce qui a pour effet d’éliminer les variables interférentielles. Une prochaine étape du projet sera donc de réaliser une expérience in situ afin de rechercher des modèles. La prise en compte de l’activité solaire pourrait être très intéressante. »


1 https://spaceweatherarchive.com/2018/07/20/spiders-and-space-weather/ Mis en ligne le 20 juillet 2018. Article de vulgarisation complété ici par diverses données tirées de l’article original de Current Biology.

22 Erika L. MORLEY & Daniel ROBERT, « Electric Fields Elicit Ballooning in Spiders », in Current Biology, vol. 28, ISSUE 14, p. 2 324-2 330.e2, 23 juillet 2018. En ligne à https://doi.org/10.1016/j.cub.2018.05.057

3 Id., p. 2 325.

4 Id., p. 2 326.

5 https://cell.com/cms/attachment/2119390405/2093166262/mmc2.mp4

6 Se reporter ici à l’article de Claude EON, « Les abeilles peuvent détecter les champs électriques émis par les fleurs », in Le Cep n° 70, février 2015, p. 86.

7 K. A. NICOLL, « Space Weather Influences on atmospheric Electricity », Weather, sept. 2014, vol. 69, n° 9, p. 238-241. En ligne à https://rmets.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1002/wea.2323

8 Ndlr. Encore un « dommage collatéral » du mythe évolutionniste ! L’auteur ne voit pas que les animaux n’ont à se donner que la peine de naître : ils savent d’instinct tout ce qui est nécessaire à leur existence. Le poulain se met debout et marche aussitôt né. En revanche, l’auteur ne se demande pas ce que les araignées vont faire dans la haute atmosphère. Nous lui suggérons de lire « Pourquoi les animaux jouent-ils ? », de Brian THOMAS, in Le Cep n° 51, mai 2010, p. 85 ; il comprendrait que la lutte darwinienne pour la survie est loin d’expliquer le comportement de nos frères inférieurs. Ainsi le psalmistenous dit-il du vaste océan : « Là se promènent les navires et le Léviathan [le plésiosaure] que Tu as formé pour y jouer » (Ps 104, 26).

9 Peter W. GORHAM, « Balooning Spiders : The Case for electrostatic Flight », arXiv 1 309.4 731 [physics-bio-ph], 19 novembre 2013, https://arxiv.org/pdf/1309.4731.pdf

10 Ndlr. La soie d’araignée est une substance remarquable, bien plus légère et résistante que le kevlar. La fibroïne en est le constituant principal (63,5%) et forme la partie centrale du fil. Elle est entourée de séricine (22,5%) qui donne la coloration du fil. La fibroïne est une protéine principalement composée de 3 acides aminés : l’alanine, la glycine et la sérine selon le schéma ci-dessous.

En commentaire n°10 : Schéma de la fibroïne, protéine principalement composée de 3 acides aminés

La fibroïne est un empilement de feuillets bêta (c’est une forme de structure observée dans les protéines) antiparallèles (c’est-à-dire que les chaînes polypeptidiques, qui font le lien entre les acides aminés, suivent un ordre particulier pour une partie et, pour l’autre, suivent l’ordre inverse) et est également composée d’hélice alpha (structure courante des protéines). (http://geofan.librox.net/spip.php?article265)

11 Peter W. GORHAM, ibid.

12 https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/2016SW001410

13 https://semanticscholar.org/paper/Space-weather-driven-changes-in-lower-atmosphere-Harrison-Nicoll/fe4cc9ebc761717e2352ad28913615204ac117ae

14 http://centaur.reading.ac.uk/16400/1/2002GL014878.pdf

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