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Par Tomkins Jeffrey Dr

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L’agonie du mythe de l’ADN poubelle1

Dr Jeffrey Tomkins2

Résumé : Dans Le Cep n°62, Hugh Owen avait montré comment l’idée qu’il pût exister de larges portions du génome sans utilité, était une simple conséquence de l’évolutionnisme : pourquoi perdre du temps à découvrir des fonctions inconnues de telles séquences opaques, s’il s’agit simplement de portions qui auraient été fonctionnelles, mais il y bien longtemps chez de lointains ascendants de l’espèce actuelle ?
Heureusement, la recherche sur l’ADN non-codant s’est poursuivie, chez l’homme du moins, dans le cadre d’un vaste programme international, ENCODE, et nous sommes sûrs, désormais, que la totalité de l’ADN génomique est transcrit, même si les ARN de transcription ont d’autres missions que le codage de protéines. On trouvera ici quelques conclusions auxquelles conduisent les comptes-rendus publiés entre 2007 et 2012 sur le projet ENCODE. On en retiendra que le codage des protéines n’est qu’une des nombreuses fonctions assignées à la transcription de l’ADN.

Un vaste projet de recherche international, ENCODE (Encyclopédie des éléments de l’ADN)3 a débuté en 2003 comme une extension du Projet de Génome Humain. Bien que le séquençage du génome humain fût pratiquement achevé dans son ébauche finale en 2004, on ne savait que très peu de chose sur la fonctionnalité de nombreuses zones en dehors des zones portions codant pour des protéines, qui ne constituaient que moins de 5 % de la séquence totale de l’ADN4. Un grand nombre de biologistes pensaient que cet ADN excédentaire avait peu de valeur et l’appelait « l’ADN poubelle » (Junk DNA). Cependant, de nombreuses études préliminaires sur les fonctions du génome contredisaient cette idée et montraient que l’ADN non-codant jouait un rôle important dans la régulation et les fonctions du gène.

Le projet ENCODE lança donc une vaste recherche pour en dresser la carte et caractériser les fonctions du génome humain dans sa totalité.

Dans la première tranche de résultats d’ENCODE, publiée en 2007, les auteurs de l’article principal affirmaient déjà que leurs études « apportent la preuve convaincante que le génome est entièrement transcrit et que la majorité de ses bases peut être trouvée dans les transcriptions primaires, y compris les transcriptions des zones ne codant pas de protéines. »5

La transcription consiste à faire une copie d’un brin d’ADN de la double hélice en une séquence d’un brin d’ARN. Parfois ces ARNs sont utilisés pour faire des protéines (ARNs des gènes codant des protéines), tandis que dans d’autres cas ils codent directement des ARN régulateurs de différents types, qui sont utilisés pour contrôler le fonctionnement des gènes. Les chercheurs ont découvert que le génome était presque entièrement actif. En association avec cette considérable activité de transcription, il y a une grande variété de séquences de régulation de l’ADN (« regulatory motifs ») impliquées dans les interactions protéines–ADN et agissant comme différents types d’aiguillages génétiques.

Après la première phase d’ENCODE, il devint clair qu’une recherche plus poussée était nécessaire. Les savants identifièrent une grande variété de séquences/motifs régulateurs de l’ADN dans l’ensemble du génome et découvrirent de nombreux types différents de moyens de contrôle de l’ADN. Une chose était dès lors certaine: le génome s’avérait beaucoup plus complexe qu’initialement envisagé. En fait, l’idée que le génome contenait une grande quantité « d’ADN poubelle » inutile fut rapidement discréditée.5

La seconde phase d’ENCODE n’a pas été moins spectaculaire dans ses découvertes.

Dans le principal article publié dans le journal Nature, les auteurs ont écrit: « Ces données nous ont permis d’attribuer des fonctions biochimiques à 80% du génome, spécialement en dehors des régions bien étudiées codant pour des protéines. »1

Et les 20% restants, sont-ils fonctionnels eux-aussi ? Selon Ewan Birney, principal coordinateur d’ENCODE, ce ne sont probablement pas non plus des déchets inutiles ; il déclare en effet: « Il est probable que les 80% deviendront 100% » et «  nous n’avons pas vraiment de gros fragments d’ADN redondant. La métaphore de la poubelle n’est pas tellement utile »6

Bien qu’étant lui-même évolutionniste, Birney prévoit que beaucoup de critiques vont contester le chiffre de 80% et la définition de ce que signifie « fonctionnel ». Il ajoute: « [Ce chiffre exprime] le mieux la différence entre un génome fait principalement de bois mort et un autre qui est vivant et actif » et « peu importe comment vous le prenez, nous devons nous habituer au fait qu’il y a beaucoup plus dans le génome que ce que nous en savions. »6

Que dit maintenant Birney à propos du terme « ADN poubelle » ? Scientific American lui a demandé : »Devrions-nous retirer l’expression « ADN poubelle » maintenant? », ce à quoi l’intéressé a répondu : « Oui, je crois vraiment que cette expression doit être totalement supprimée du vocabulaire. C’était un peu une expression de fortune pour décrire les phénomènes très intéressants découverts dans les années 1970. Je suis maintenant convaincu que ce n’est tout simplement pas une façon très avantageuse de décrire ce qui se passe. » 7

Tom Gingeras, un des patrons du projet ENCODE, déclare également : « Presque chaque nucléotide est associé à une fonction d’un type ou d’un autre, et nous savons maintenant où ils se trouvent, ce qui se lie à eux, ce que sont leurs associations etc. »4

Certains vont peut-être dire que ces déclarations des chercheurs d’ENCODE ne sont que du battage médiatique. Mais, ce chiffre de 80% vient directement d’une allégation clairement écrite dans une étude de 18 pages du prestigieux journal Nature.3 En outre, cette assertion faisant autorité venait de la principale étude parmi les 30 autres publiées simultanément et signées par des centaines d’éminents spécialistes du génome de nombreux laboratoires du monde entier.

Mais alors, qu’étaient donc exactement ces découvertes choquantes ? Il est difficile de condenser cette recherche parce qu’elle a été publiée dans 30 articles différents. Et pourtant, les chercheurs ne font encore qu’effleurer la surface de la complexité du corps humain et de son génome. De fait, les résultats actuels ne proviennent que de 147 types de cellules humaines alors que le nombre de ces types chez l’homme est bien supérieur à 5508. Voici quelques unes des découvertes récentes:

  • Plus de 80% du génome humain est activement impliqué dans au moins une ou plusieurs réactions biochimiques associées à la régulation du gène dans un type de cellule au moins. Pratiquement tout le génome se trouve à grande proximité d’une séquence de régulation ou d’une autre et, par conséquent, très peu du génome peut être considéré comme sans rapport avec sa fonction complète.
  • Le génome humain peut être classé en 7 grandes catégories d’états génétiquement actifs qui favorisent l’expression du gène et couvrent 399 124 régions différentes.
  • Bien que le génome humain ne contienne que 21 000 gènes environ, les savants ont trouvé 70 292 régions dites séquences promotrices situées en amont des régions codant pour des protéines. Cette découverte confirme l’idée que les gènes sont comme un couteau de l’armée Suisse, donnant une grande diversité de produits et de résultats selon la manière avec laquelle ils sont traités et contrôlés.
  • L’expression du gène est contrôlée par une large gamme de protéines régulatrices, de modifications chimiques dans l’ADN (facteurs épigénétiques),de caractères promoteurs de gènes (sites spécifiques de l’ADN) et de séquences promotrices, situés parfois à des milliers ou millions de bases du gène ou du groupe de gènes concerné. Tous ces traits spécifiques agissent de concert avec d’autres gènes et mécanismes de régulation dans un réseau irréductiblement complexe et coordonné de manière très élaborée.
  • La variation génétique reliée à ENCODE joue un grand rôle dans la variabilité observée chez les humains – peut-être davantage que la variation observée dans les régions codant pour des protéines. Beaucoup de maladies héréditaires sont associées à des variations ou des mutations de régions découvertes lors du projet ENCODE et non des régions déjà connues codant pour des protéines.

Ces incroyables découvertes d’ENCODE ont eu un impact énorme dans le monde de la génétique et de la biologie. Oui vraiment, la plupart des histoires en vogue décrivant cette recherche donnent l’impression d’avoir été écrites par des antiévolutionnistes ou des adeptes du dessein intelligent – les articles de presse font très peu ou pas du tout mention de l’évolution. Cependant, les vedettes de l’évolutionnisme, qui n’ont qu’une connaissance limitée de la génétique moléculaire et des détails du Projet de Génome Humain, furent offusquées par la vague des rapports sur ENCODE qui ont inondé les canaux des médias populaires. Bien qu’écrits par des évolutionnistes, les messages publiés par ENCODE ont clairement donné l’impression d’être favorables aux œuvres étonnantes du Dieu Créateur dans Sa création, Lui qui a inspiré au psalmiste cette Parole:

« Je Te loue d’avoir fait de moi une telle merveille,Tes œuvres sont admirables ! »

(Ps 139, 14)


1 Repris de Acts and Facts, vol. 41, n° 11, novembre 2012. Aimablement traduit par Claude EON.

2 Docteur (PhD) en génétique.

3 The ENCODE Project Consortium. 2012. “An integrated Encyclopædia of DNA Elements in the Human Genome”. Nature, 489 (7 414) : 57-74.

4 International Human Genome Sequencing Consortium.2004. “Finishing the euchromatic sequence of the human genome”. Nature 431 (7011): 931-945.

5 The ENCODE Project Consortium. 2007. “Identification and Analysis of Functional elements in 1% of the Human Genome by the ENCODE Pilot Project”, in. Nature 447 (7 146) ; 779-816.

6 Yong,E. “ENCODE: the rough guide to the human genome”. Discover Magazine. Posted on discovermagazine.com, 8 septembre 2012.

7 HALL S., “Hidden Treasures in Junk DNA”. in Scientific American, Posted on scientificamerican.com, 8 septembre 2012.

8 VICKARYOUS M. K. & HALL B K.,“Human cell type diversity, evolution, development and classification with special reference to cells derived from the neural crest”, in Biological Review 2006,.81 (3); 425-455.

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