Accueil » La lettre de Roosevelt à Zabrousky (2ème partie)

Par Léon De Ponçins

, , ,

HISTOIRE

« Si l’homme est libre de choisir ses idées,il n’est pas libre d’échapper aux conséquences des idées qu’il a choisies. »

(Marcel François)

Résumé : Le document Zabrousky, daté de février 1943 (et publié dans le dernier numéro) décrit si bien le monde de l’après-guerre, qu’on pourrait douter de son authenticité. Certes M. Doussinague, alors ambassadeur d’Espagne à Rome, a confirmé à l’auteur que la politique de son gouvernement n’aurait pu être aussi affectée par ce texte, s’il n’avait eu entière confiance dans l’information. Mais il existe une confirmation bien plus forte dans les Mémoires du cardinal Spellman, archevêque de New York et ami personnel de Roosevelt. On y trouve le compte-rendu d’un dîner suivi d’un long entretien en tête-à-tête avec le Président (qu’il admirait). Il s’agit d’une confirmation point par point du document Zabrousky, et dès cette date le cardinal protesta à plusieurs reprises contre la conduite américaine (à Rome, au mont Cassin, la capitulation sans condition demandée à l’Allemagne (ce qui allait prolonger le conflit) et les transferts de population en Europe).

Il nous faut maintenant conclure ce chapitre d’histoire espagnole.

La lettre secrète de Roosevelt à Zabrousky, publiée dans le livre de l’ambassadeur M. Doussinague, est un document extrêmement important et il nous paraît extraordinaire que ce document, reproduit dans un livre à caractère officieux, écrit par un diplomate ex-secrétaire du comte de Jordana et mis publiquement en vente en Espagne, il nous paraît extraordinaire que ce document soit resté pratiquement inconnu en dehors de l’Espagne.

Seul, à ma connaissance, un quotidien français l’a mentionné il y a de cela quelques années1, mais le journaliste qui écrivit l’article ne semble pas avoir bien compris la portée du document, si bien que sa publication n’eut pratiquement aucun retentissement.

L’ambassade des États-Unis, consultée à ce sujet, fut manifestement très embarrassée par cette publication ; elle hésita pendant longtemps avant de répondre, puis finalement fit paraître une courte note disant que le Département d’État n’avait pas trouvé trace de cette lettre dans ses archives.

En dehors même de la prudence inhérente à tout service diplomatique, cette réponse ne signifie strictement rien puisqu’il s’agit d’une correspondance personnelle et secrète échangée entre le président Roosevelt et M. Zabrousky, son intermédiaire auprès de Staline.

Le gouvernement espagnol n’a pas divulgué ses sources ; tout autre gouvernement en aurait fait autant à sa place. Nous savons seulement que c’est une personnalité de l’entourage immédiat de Roosevelt qui a communiqué secrètement le document.

Le gouvernement espagnol était absolument certain de son authenticité puisque sa politique et les discours de ses dirigeants en ont été profondément influencés ; d’autre part, il est un fait indéniable : les accords de Téhéran et de Yalta furent conformes à la ligne indiquée dans cette fameuse lettre.

Je suis allé personnellement interroger l’auteur du livre, M. Doussinague, qui était alors ambassadeur à Rome. Il m’a accordé une audience et, sans naturellement me révéler aucun secret diplomatique, il m’a fait une remarque pleine de bon sens :

« L’authenticité de ce document, m’a-t-il dit, ressort de son contexte même. Reportez-vous à l’époque dont il s’agit ; à moins d’être un visionnaire qu’on aurait taxé de démence, quel est celui d’entre nous qui aurait jamais pu imaginer à l’avance que Roosevelt, agissant en son nom personnel, allait livrer secrètement et sans aucune contrepartie la moitié de l’Europe et de l’Asie aux Soviets. »

Il ressort de ce document un certain nombre de constatations :

1° On a voulu justifier Roosevelt en disant qu’à Yalta c’était un mourant, incapable de se défendre, qui avait mené les négociations. La lettre à Zabrousky nous prouve au contraire que les accords de Yalta ont été préparés à l’avance par une entente secrète entre Roosevelt et Staline.

2° C’est le National Council of Young Israel qui a servi d’intermédiaire entre Roosevelt et Staline. Cela confirme l’énorme influence que les conseillers juifs de son entourage exerçaient sur Roosevelt et leurs tendances communisantes.

3° Les milieux juifs ont donc une lourde responsabilité dans le désastreux traité de Yalta et dans la mainmise soviétique sur l’Europe et l’Asie.

4° Ceci n’enlève rien à la responsabilité personnelle de Roosevelt. On reste stupéfait devant son inconscience et son incompréhension face au communisme stalinien. Il n’y a que deux explications possibles à cette attitude : ou il était vraiment inconscient, ce qui paraît étonnant de la part d’un politicien aussi retors, ou c’était un agent conscient de subversion, entièrement dominé par les influences sus-mentionnées.

Dans les deux cas, sa présence à la tête du gouvernement américain et sa toute-puissance à un moment crucial de l’histoire, présentaient un danger mondial pour l’avenir du monde civilisé occidental. L’Amérique est la première actuellement à payer l’aveuglement politique de ses dirigeants.

Aujourd’hui2 les prédictions du comte de Jordana se sont réalisées.

Les U.S.A. sont depuis des années en état de guerre froide avec le communisme russe et chinois ; l’Amérique entretient une flotte et une aviation gigantesques en état permanent d’alerte, sur le pied de guerre ; elle maintient une importante armée qui monte la garde tout le long du rideau de fer.

En Asie, elle a dû mener une guerre coûteuse contre le communisme chinois en Corée ; elle a remplacé l’Allemagne dans « son alliance impie avec le Japon païen » et elle arme fiévreusement ce dernier contre leur ennemi commun. En Asie du Sud-Est, l’Amérique s’engage tous les jours davantage dans une guerre meurtrière contre le communisme russe et chinois, guerre dans laquelle elle n’a pas jusqu’ici le dessus, que tout le monde prévoit longue, difficile, sanglante et qui s’envenime dangereusement en prélude à un nouveau conflit mondial.

Sans parler de Cuba, de l’Amérique du Sud, de l’Afrique et autres points chauds du globe.

Avec le recul du temps et à la lumière de l’histoire, nous pouvons aujourd’hui affirmer: « oui, l’Espagne avait raison ».

Les tragiques événements de Tchécoslovaquie3 ont ramené l’attention sur les accords de Yalta.

Les États-Unis sont accusés de n’avoir rien fait pour s’opposer à l’envahissement de la Tchécoslovaquie par les chars russes, parce que ce pays faisait partie de la zone d’influence attribuée aux Russes en Europe par les accords de Yalta.

Sur ce, l’envoyé spécial des États-Unis à Paris, M. Averell Harriman, chargé de diriger les négociations avec le Vietnam, déclarait tout récemment avec force : « Il n’y a pas eu à Yalta de partage du monde en zones d’influence ».

Le document Zabrousky nous démontre que, dans l’esprit de Roosevelt, il y a bien eu partage de zones d’influence. Mais ce document est un document secret, dont seul le gouvernement espagnol pourrait prouver l’authenticité, authenticité qui ne faisait aucun doute pour le comte Jordana alors ministre des Affaires étrangères d’Espagne.

À la fin du printemps dernier, je tenais une conférence de presse à Londres et j’y mentionnai le document Zabrousky, document totalement inconnu jusqu’alors en Angleterre et aux Etats-Unis. À l’issue de cette conférence, un auditeur américain vint me dire : ce document est certainement authentique car il en existe une confirmation dans les mémoires du cardinal Spellman.

Il se trouve effectivement dans ces mémoires un long passage, qui est une confirmation implicite très frappante de ce fameux document.

Le 1er septembre 1943, le cardinal, alors archevêque de New York, dîna à la Maison-Blanche avec le président Franklin Roosevelt et Winston Churchill. Le lendemain, vendredi 2 septembre, il eut une conversation d’une heure et demie, seul à seul, avec le président, conversation que le cardinal nota aussitôt dans ses mémoires.

Le cardinal y résuma la pensée de Franklin Roosevelt telle qu’elle lui fut exposée au cours de cet entretien. En voici la relation faite par le R. P. Gannon4.

« Le monde sera divisé en sphères d’influence. La Chine aura l’Extrême-Orient; les États-Unis, le Pacifique ; l’Angleterre et la Russie auront l’Europe et l’Afrique.

Mais comme la Grande-Bretagne a des intérêts coloniaux prédominants, on peut admettre le fait que la Russie dominera l’Europe. Chang Kaï-Chek sera tenu au courant des grandes décisions concernant l’Europe, mais il n’aura pas d’influence sur elles. Il en sera peut-être de même quoique à un moindre degré pour les États-Unis. Roosevelt espérait quoique ce fût là un vœu platonique que l’intervention russe en Europe ne deviendrait pas trop dure.

La dernière Ligue des nationsn’a pas été un succès parce que les petits États avaient le pouvoir d’intervenir. La future Ligue comprendra seulement les quatre grandes puissances : Etats-Unis, Angleterre, Russie, Chine. Les petits États auront une voix consultative, mais sans pouvoir de décision ni de vote.

Nous obtiendrons un rendez-vous avec Staline aussitôt que possible ; le président croit qu’il lui est possible d’arriver plus facilement que Churchill à une entente avec Staline. Churchill est trop idéaliste alors que lui est un réaliste, comme l’est Staline. Par conséquent, une entente entre les deux sur une base réaliste est probable. Mon vœu, disait-il, serait, quoique ce semble improbable, d’obtenir de Staline une promesse de ne pas étendre le territoire russe au-delà d’une certaine ligne. Il recevra certainement la Finlande, les Etats baltes, la moitié orientale de la Pologne, la Bessarabie. Il serait tout à fait inutile de s’opposer sur ce point aux désirs de Staline, parce qu’il a de toute manière le pouvoir de s’en emparer. Il vaut donc mieux les lui donner gracieusement.

De plus, la population de la Pologne orientale veut devenir russe (sic). Mais, il n’est pas du tout certain que Staline se contentera de ces frontières. Sur la remarque que la Russie avait déjà nommé des gouvernements à caractère communiste pour l’Allemagne, l’Autriche et d’autres pays, gouvernements qui peuvent instaurer un régime communiste sans que les Russes aient même besoin d’intervenir, il a reconnu qu’il fallait s’y attendre. Lorsque je lui demandai si les Alliés ne feraient pas quelque chose de leur côté pour contrecarrer ce mouvement en donnant des encouragements aux meilleurs éléments de ces pays, de même que la Russie encourage et soutient les communistes, il déclara que rien de ce genre n’avait été prévu.

Il est, par conséquent, probable que les régimes communistes s’étendront en Europe, mais que pouvons-nous y faire ? La France pourra peut-être y échapper, si elle a un gouvernement à la Léon Blum; le Front populaire y sera si avancé que les communistes pourront éventuellement l’accepter. À la question directe de savoir si l’Autriche, la Hongrie et la Croatie tomberont sous quelque sorte de protectorat russe, la réponse a été clairement : oui. Mais il ajouta :Nous ne devons pas perdre de vue les magnifiques succès économiques de la Russie. Ses finances sont saines.Il est naturel que les pays européens subissent de terribles changements pour s’adapter à la Russie, mais il espère que, dans dix ou vingt ans, l’influence européenne amènera les Russes à devenir moins barbares.

Quoi qu’il en soit, les États-Unis et la Grande-Bretagne ne peuvent pas combattre les Russes. La production russe est si importante que l’aide américaine, les camions exceptés, est négligeable. Il espère que d’une amitié forcée pourra sortir bientôt une amitié réelle et durable. Les populations européennes auront tout simplement à endurer la domination russe dans l’espoir qu’au bout de dix ou vingt ans elles arriveront à vivre en bonne entente avec les Russes. Finalement, il espère que les Russes prendront 40 % du régime capitaliste, les capitalistes retiendront seulement 60 % de leur système, et de la sorte une entente générale sera possible. C’est aussi l’opinion de Litvinoff.

Nul gouvernement autrichien en exil n’est prévu ni toléré; il n’y aura pas d’opposition à un régime autrichien communiste dominé par les Russes. La seule chose qui pourrait sauver l’Autriche du communisme serait qu’Otto d’Autriche arrive à reconquérir le trône avec l’aide de la Hongrie. Mais, même alors, il faudrait qu’il compte avec les Russes.

. Sur l’Allemagne, Roosevelt et Churchill sont arrivés à un accord : l’Allemagne sera morcelée. Elle n’aura plus de gouvernement central mais sera sous la domination des quatre Grands, principalement de la Russie. Il n’y aura pas de traité de paix, simplement un décret des quatre Grands. L’Allemagne pourra s’exprimer mais ce qu’elle dira n’aura aucune influence.

L’Allemagne sera divisée entre les États suivants : Bavière, Etat rhénan, Saxe, Hesse, Prusse. Le Wurtemberg deviendra partie de la Bavière. La Saxe s’emparera d’une partie de la Prusse. Le Hanovre deviendra un État indépendant; l’Allemagne sera désarmée pour quarante ans. Elle n’aura plus d’aviation militaire, elle n’aura plus d’aviation civile ; aucun Allemand ne sera autorisé à apprendre à piloter.

La Pologne, si elle est restaurée, obtiendra la Prusse orientale. 
Des plébiscites auront lieu dans les pays suivants : France, Italie, Pays-Bas, Belgique, Norvège, Grèce. Aucun plébiscite n’est prévu pour la Tchécoslovaquie.

À cette époque, poursuit le R. P. Gannon, la hiérarchie catholique américaine exprima publiquement sa profonde inquiétude devant la part grandissante attribuée à la Russie soviétique dans la distribution des dépouilles de la victoire. Ses membres étaient d’accord pour admettre que le sécularisme, l’exploitation et le totalitarisme, qu’ils soient fascistes, nazis ou communistes, ne pourront jamais amener une paix durable, et le cardinal-archevêque Spellman, lui-même, demanda instamment que nous ne soyons pas animés par un esprit de vengeance, qui détruirait notre victoire.

Alors que le cardinal était encore l’hôte de la Maison- Blanche, la nouvelle y parvint que Montgomery avait réussi à débarquer deux divisions à travers le détroit de Messine et que l’invasion alliée du continent occidental était enfin un fait accompli.

Au cours des deux mois suivants, il y eut la destruction insensée de l’abbaye du Mont-Cassin, le bombardement de Rome et les menaces qui pesaient sur la ville. L’archevêque saisit toute occasion pour demander publiquement qu’on épargnât la capitale du catholicisme. Parlant devant soixante- quinze mille personnes au stade de New York, il demanda des prières publiques pour que Rome, la ville de l’Âme, la Rome éternelle, ne soit pas détruite et, par-dessus tout, pour que Rome ne soit pas détruite par nous (Américains). Il s’ensuivit une intense polémique dans la presse dont certains organes proclamaient le slogan populaire à l’époque:Toutes les églises de Rome ne valent pas la vie d’un seul soldat américain. 

Mgr Spellman avait toujours eu une profonde admiration et une grande amitié pour le président Roosevelt, qu’il considérait comme un génie politique, mais, à la suite de ces événements, sa dévotion envers Roosevelt fut très ébranlée : plus il réfléchissait à la politique de capitulation inconditionnelle, plus il la discutait avec des militaires de haut rang, plus elle lui paraissait inacceptable; non seulement, elle renforçait la résistance allemande et coûtait aux deux côtés d’innombrables pertes, mais elle rendait absolument futiles les prières du Pape lui-même.

La phrase favorite du Saint-Père, répétée sans interruption, avait toujours été : Paix dans la Justice “; mais quelles forces armées au monde ont jamais été justes avec un ennemi réduit à l’impuissance totale ? Puis pour compliquer les choses, la seconde conférence de Québec eut lieu en septembre. À cette conférence, le plan Morgenthau fut accepté sans aucune réserve par Churchill et par Roosevelt. Ce plan avait pour but l’annihilation du peuple allemand en démembrant son pays et en donnant des morceaux de chair à tous ses voisins, en détruisant toutes les mines et toutes les usines.

Il condamnait 70 millions d’êtres humains à vivre sur un territoire qui ne pourrait pas nourrir la moitié d’entre eux ; un plan caractérisé par le secrétaire Hull comme étant un plan de vengeance aveugle.

Le jour même où Hull reçut le mémoire du président, concernant le plan Morgenthau, il en reçut un autre l’informant que Morgenthau avait présenté à Québec, en conjonction avec le plan pour l’Allemagne, une offre de crédit à l’Angleterre d’un montant de six milliards et demi de dollars. Le secrétaire d’Etat écrivit par la suite : « Cela nous permet de croire qu’en échange de ce don, il obtint l’accord de Churchill à ce plan catastrophique pour l’Allemagne. »

 Au retour de Roosevelt à Washington, Hull s’aperçut que le président ne semblait pas du tout réaliser la nature dévastatrice du mémorandum du 15 septembre auquel il avait donné son accord.

Peu après, le secrétaire d’État Stimson eut avec le président une conversation à la suite de laquelle il arriva à la même conclusion; il m’informa (dit Hull) qu’il avait lu au président plusieurs passages de son mémorandum daté du 15 septembre, mémorandum qui concluait sur cette phrase :«  Nous envisageons de convertir l’Allemagne en un pays agricole et pastoral. » Stimson me dit que le président fut franchement stupéfait en entendant cette phrase, qu’il ne comprenait pas comment il y avait donné son accord et qu’il l’avait fait manifestement sans y réfléchir.

Ce changement menaçant dans la pensée du président inquiéta beaucoup l’archevêque; cela lui rappela des bribes de conversation qui l’avaient déjà troublé au cours de plusieurs de ses visites amicales à la Maison-Blanche. Il se rappelait le sourire désarmant avec lequel Roosevelt lui avait dit :
 « Le Pape s’inquiète beaucoup trop du communisme », et la chaleur avec laquelle le président exprimait sa sympathie pour la grande démocratie soviétique ; la Russie, dit-il, un soir, alors qu’ils étaient assis après dîner à la Maison Blanche, a besoin de protection. Elle a été envahie deux fois, vous savez. C’est pourquoi, nous lui donnerons une partie de la Pologne et nous récompenserons la Pologne avec une partie de l’Allemagne.

L’archevêque protesta : « Cette décision ne peut contraindre la Pologne à devenir russe, si ce n’est en expulsant la population du pays. Il est absolument immoral de déraciner ainsi des peuples entiers en leur prenant leurs maisons, leurs églises et même leurs cimetières. »

Il se rappelait spécialement l’entrevue qu’il avait eue avec le président, la semaine qui précéda son départ pour la conférence de Téhéran avec Staline et Churchill. Il avait été profondément choqué qu’il fasse la moitié du chemin pour rencontrer le dictateur rouge sur son propre terrain et il le lui dit; il ne fut pas du tout rassuré quand son vieil ami lui répondit avec un sourire : « Ne vous inquiétez pas. Je sais comment parler à Staline; c’est tout simplement un autre homme pratique, comme moi, qui veut la paix et la prospérité ».

L’archevêque lui répondit : « Il n’est pas simplement quelqu’un d’autre ; il est différent. Vous ne pouvez lui faire confiance ; il ne coopérera jamais avec vous. »

Mais, troublé comme il l’était, il conclut cependant que malgré des signes occasionnels d’irresponsabilité associés à une pensée sociale et politique assez confuse, F.D. Roosevelt était toujours un génie, un génie très charmant et capable de mettre fin aux horreurs d’une guerre mondiale.

Quelques mois après cependant, comme les détails des accords de Yalta arrivaient graduellement à la connaissance du peuple américain, les vieux doutes et les craintes de l’archevêque se transformèrent en une véritable désillusion. Le « climax »survint quand son Excellence apprit que l’homme qui avait été pendant longtemps son idéal, avait livré à la Russie
soviétique non seulement la partie sud de l’île de Sakhaline mais toutes les îles Kouriles, car cela lui remit en mémoire une certaine soirée à la Maison-Blanche juste après son retour d’Alaska : Roosevelt avait résumé pour son hôte les événements du Pacifique et, pointant son doigt sur la carte, il avait montré les îles Kouriles en disant d’un ton dramatique : « Ces îles sont un poignard dirigé contre le cœur de l’Amérique. Elles ne doivent jamais tomber entre les mains d’un ennemi.»

L’archevêque réalisa alors avec un sentiment de désespoir que le poignard était maintenant entre les mains de notre plus dangereux ennemi et qu’un président à la santé déclinante l’avait sans s’en rendre compte remis lui-même entre ses mains.5»

1 Ndlr. Il s’agit du Figaro, le 7 février 1951.

2 C’est-à-dire en 1972.

3 La révolte populaire écrasée par l’armée du “grand frère” soviétique en 1968.

4 Robert I. Gannon S.J., The Cardinal SpellmannStory, Edition originale Doubleday and Cy, 1962,. Éd. de Poche: Pocket Books Inc., New York, 1963.

5 Robert I.Gannon, op. cit.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Retour en haut