Partager la publication "La prophétie des 70 semaines de l’ancien au Nouveau Testament (1ère partie)"
Par Jouvenroux R. P. et Trémolières R. C.
BIBLE
« Le ciel et la terre passeront ; mes paroles ne passeront pas. »
(Mt24, 35)
La prophétie des 70 semaines de l’Ancien au Nouveau Testament1 (1ère partie)
Résumé: Au cœur de l’Ancien Testament, la prophétie dite des « soixante-dix semaines » de Daniel est, pour un scientifique, la plus impressionnante des prophéties, mais, paradoxalement, la moins connue et surtout la moins comprise. Depuis fort longtemps, elle a provoqué la curiosité de nombreux théologiens, historiens, ou même scientifiques qui ont cherché à en trouver le sens véritable. Et parmi eux, et non des moindres, on peut citer l’immense Bossuet, qu’on ne lit plus guère aujourd’hui, et le grand Newton. Ni les uns ni les autres n’ont apporté de solution satisfaisante. Leurs recherches sont tombées dans l’oubli et rien de bien convaincant n’a pu être trouvé depuis. On a même fini par attribuer à cette prophétie un sens antique concernant le roi envahisseur Antiochos Épiphane, meurtrier du grand prêtre Onias III quelque deux siècles avant notre ère. Nous verrons qu’il s’agit en réalité d’une prophétie uniquequi intéresse toute l’histoire de l’humanité. Nous en profiterons pour établir une chronologie – que nous croyons définitive – de Jésus-Christ.
1ère partie. D’Esdras au Messie
À tous ceux qui cherchent honnêtement à comprendre la dimension universelle du christianisme.
En remerciement à Mel Gibson pour son film intitulé La Passion, où il inscrivit en épigraphe cette prophétie d’Isaïe :
« Il a été transpercé à cause de nos fautes, écrasé à cause de nos crimes, par ses blessures nous sommes guéris. » (Is 53, 5) ; cela fut écrit en l’an 700 av. J.-C.
Dans ce film, Hérode pose à Jésus laquestion :
« Es-tu celui dont la naissance a été prédite ? »
Nous donnerons ici pour la première fois depuis 2 500 ans la solution complète de la prophétie des 70 semaines de Daniel, qui est certainement la plus importante de l’Ancien Testament. C’est aussi la seule de nature mathématique, astronomique et historique. Cette prophétie est extraordinaire et, comme le disait Newton, constitue la « fondation de la religion chrétienne ». Encore faut-il en prouver le bien-fondé.
Pour cela, nous allons démontrer que Daniel, qui vivait vers 603 à 445 avant J.-C., a prévu à moins d’un an près le début duministère de Jésus. Ce qui nous conduit immanquablement à nous interroger sur la possibilité qu’ait eu un être humain, en la personne de Daniel, de prévoir de façon si précise et si exacte le temps de la venue du Christ.
Cela, évidemment, sous réserve de vérifier l’exactitude :
- des dates marquantes de plusieurs rois des temps anciens et du décompte de leurs années de règne ;
- des dates que l’on peut établir concernant la vie de Jésus ;
- de l’antériorité des sources alléguées.
Citons le cardinal de LA LUZERNE (1738-1821) au sujet de cette prophétie (1825, p.166) :
« Quandsaint JERÔME (342-430) parle de difficulté relative à son sujet, il n’entend pas qu’il soit difficile de la rapporter à J.-C., – il était persuadé qu’il en était l’objet – mais que, dans la préface de son commentaire sur Daniel, il dit positivement qu’entre les prophètes aucun n’a parlé aussi clairement de J.-C, puisque non seulement il [Daniel] a annoncé sa venue […], mais qu’il a de plus fixé l’époque en comptant les années, et en marque les caractères qui le feront reconnaître […]. Ce que saint Jérôme trouve périlleux, c’est de prononcer entre les divers savants sur la vérité de leurs systèmes chronologiques ; c.-à.-d. sur le calcul [qu’il n’a pas fait] des semaines et sur le temps où elles doivent commencer » (p. 1662).
« Saint AUGUSTIN (354-430), dans sa Cité de Dieu, dit en propres termes que Daniel a défini le nombre d’années de la venue du Messie et de la mort du Christ, et s’il s’excuse de n’en pas faire le calcul, c’est parce que le travail serait trop long, et a d’ailleurs été exécuté par d’autres. Dans son Épître àHésychius, il dit que la prophétie de Daniel a rapport avec le 1er avènement de J.-C., quia eu lieu. Il condamne ceux qui appliquent cet oracle au second avènement futur, et c’est de ce 2nd qu’il déclare que, conformément à la parole du Sauveur, il n’ose pas marquer le temps. »
Au Moyen Âge, il faut citer l’extraordinaire et peu connu jeu-musical de Daniel, composé et joué par des jeunes de l’école épiscopale de Beauvais en 1150, qui se termine par la prophétie des 70 semaines, exactement interprétée, à l’exception des dates inconnues pour l’époque, qui font que l’oratorio se termine par la venue de Jésus à sa naissance à Bethléem (Mi 5, 1) ; mais pour l’essentiel tout y était3 !
À la période classique, nous évoquerons BOSSUET et surtout NEWTON, lequel ne consacra pas moins de 9 000 pages à essayer de déchiffrer cette prophétie. On doit aussi mentionner Loïs de CHAZEAUX (1777) et surtout l’abbé DU CLOT (1830) qui, dans son remarquable ouvrage introuvable aujourd’hui, a bien conscience de l’immense intérêt des « 70 semaines ».
Tout cela depuis est tombé dans l’oubli, alors qu’en 1830 on ne se trompait pas sur l’importance inouïe des prophéties de Daniel.
Cependant, cet abbé n’a pas osé avancer les dates liées à la prophétie, car il ne disposait pas, à son époque, de dates certaines concernant de la vie de Jésus-Christ.
Mais on en sait beaucoup plus aujourd’hui, quoique bien des choses restent encore obscures et d’accès difficile.
On doit tout de même s’interroger sur le fait que tant de chercheurs, surtout européens, aient pratiquement cessé toute recherche sur un sujet aussi important.
Évidemment, l’histoire n’offre pas une source de connaissances infaillibles comme le ferait un théorème mathématique. Mais nous verrons qu’on n’en est pas loin…
Plus récemment, hors d’Europe on peut citer BICKERMAN (1968), puis les recherches des adventistes SHEA(1982-2012), et surtout DOIG (1990) qui y a consacré un impressionnant travail, enfin celles, critiques, d’Olof JONSSON (2008).
Cela étant dit, venons-en à notre sujet.
2. La PROPHÉTIE des 70 SEMAINES
La prophétie des 70 semaines est la charnière de toute l’Histoire Sainte entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance (cf. JOUVENROUX, 2011).
Au début de notre ère, on devait sûrement la connaître puisque nombreux attendaient la venue d’un Messie, ce qui est proprement l’objet de cette prophétie. Des gens proches du Temple, donc des grands prêtres, la connaissaient, comme Zacharie, père de Jean-Baptiste, Siméon et aussi Anne, fille de Phanuel, qui fréquentait le Temple ; mais également les mages qui vinrent de Perse, pays où avait été exilé Daniel, dont les mages avaient dû connaître les prophéties et en vérifier les calculs. Voici cette prophétie, qui se présente en deux parties, en commençant par le préambule citant le prophète Jérémie.
2.1 : PRÉAMBULE de la PROPHÉTIE : Les 70 ans de Jérémie (25,11-12 & 29, 10)
Dans son Livre, au début du chapitre 9, Daniel rappelle les « 70 ans » de Jérémie, qui annonçait la prise de Jérusalem et la captivité des Juifs à Babylone. Après Nabuchodonosor sous lequel Daniel, petit garçon, avait été exilé, l’étau s’était desserré progressivement grâce à l’édit de Cyrus,vers 587 ou 588. Mais le prophète, qui était devenu conseiller à la cour babylonienne, s’inquiétait de voir l’exil s’éterniser.
- 1. « La première année de Darius, fils d’Assuérus, de la race des Mèdes, qui fut établi roi sur le royaume des Chaldéens,
- 2. La première année de son règne, moi, Daniel, je portais mon attention, en lisant les Livres, sur le nombre des années au sujet desquelles la parole de YHWH avait été adressée au prophète Jérémie, et qui devaient s’accomplir sur les ruines de Jérusalem, à savoir soixante-dix ans.
- 3. Et je tournai ma face vers le Seigneur Dieu, me disposant à la prière et à la supplication par le jeûne, et avec le sac et la cendre.
- 4. Je priai YHWH, mon Dieu […], et je dis : « Ah ! Seigneur […].
- 5. Nous avons péché, nous avons commis l’iniquité, nous avons été méchants et rebelles, nous nous sommes détournés de vos commandements et de vos lois.
- 6. Nous n’avons pas écouté vos serviteurs les prophètes, qui ont parlé en votre nom à nos rois, à nos chefs, à nos pères et à tout le peuple du pays […].
- 10. Nous n’avons pas obéi à la voix de YHWH, notre Dieu, pour suivre ses lois qu’il a mises devant nous par l’intermédiaire de ses serviteurs les prophètes.
- 11. Tout Israël a transgressé votre Loi et s’est détourné pour ne pas écouter votre voix ; alors se sont répandues sur nous la malédiction et l’imprécation qui sont écrites dans la Loi de Moïse, serviteur de Dieu, parce que nous avons péché contre Lui.
- 12. Il [YHWH] a tenu ses paroles qu’Il a prononcées contre nous et contre nos juges qui nous jugeaient, en faisant venir sur nous une calamité [les 70 ans de captivité à Babylone] si grande, qu’il n’en est jamais arrivée sous le ciel de pareille à celle qui est arrivée à Jérusalem. »
Il semble correct de placer les 70 ans de Jérémie entre -604 et -535, puisque la première libération de la captivité par Cyrus – principalement d’une élite de prêtres juifs –, est datée vers 538/536, suivant ces passages bibliques Esd 1, 1-11 & 2 Ch 36, 23 (cf. danielsseventyweeks.com/), si bien que la reconstruction du Temple de Jérusalem dut commencer peu après le 1er retour à Jérusalem, soit probablement vers -537/536. Cependant les dates varient pour l’édit de libération de Cyrus : voir Esd 1, 1-4.

Fig.1 : Tombeau de Daniel, de 18 m de long, à Samarkande
(vénéré dans les trois grandes religions monothéistes)
Daniel s’inquiète de cette libération partielle, quand, dans une vision, l’ange Gabriel lui apparaît pour lui annoncer :
- que Jérusalem sera reconstruite,
- que cette reconstruction n’est pas le plus important et
- que le péché de tout le peuple, qu’il confesse, ne sera effacé que par la venue d’un Oint, le Saint des Saints, qui scellera toutes les prophéties en amenant la Justice éternelle.À cet effet« sont assignées soixante-dix semaines… » (Dn 9, 24).
Dans cette proclamation prophétique, Daniel parle de « semaines », non d’ « années » comme le fit Jérémie ; il s’agit doncprobablement de « semaines d’années », ainsi qu’il est précisé dans le Lévitique :
« Tu compteras 7 sabbats d’années, 7 fois 7 années, et les jours de ces 7 sabbats d’années feront 49 ans » (25, 8).
Et semblablement au Livre des Nombres :
«Vous avez mis 40 jours à explorer le pays, vous porterez la peine de vos iniquités quarante années, une année pour chaque jour ; et vous saurez ce que c’est que d’être privé de ma présence » (14, 34).
De même en Ézéchiel :
« Je t’impose un jour pour chaque année »(4, 6)
Précisons que les traductions, même apparemment fidèles, ne sont pas assurées d’être tout à fait exactes, toutes les Bibles étant concernées, encore qu’il faille distinguer quelles sources sont utilisées pour interpréter Daniel et quelles sont les plus sérieuses : Septante ou Théodotion (cf. JOUVENROUX, 2012). La version de Théodotion serait une adaptation ultérieure se voulant plus fidèle au Texte hébreu connu à cette époque.
Ajoutons qu’on ne possède que très peu de manuscrits hébreux anciens, à part les « Dix Commandements » du manuscrit NASH daté de -170, au plus tôt, ou de certaines parties de la Bible découvertes à Qumrân.
Quant à la Septante écrite en grec, on la date d’environ -270, et le Livre de Daniel au plus tard vers -150. [On peut trouver sur : orion.mscc.huji.ac.il/orion/archives/1996a/msgOO376.html une liste des manuscrits qumrânien sur Daniel].
Pour traduire sa Vulgate en latin, saint Jérôme a pu consulter des textes hébreux antérieurs aux manuscrits aujourd’hui disponibles, remontant seulement aux VIIe – Xe siècles de notre ère, et utilisés par les massorètes pour établir le TM. Mais il y a encore, sans doute, d’autres sources syriaques ou araméennes à découvrir.
2.2.- Le cœur de la prophétie : les 70 Semaines
L’ange Gabriel déclara à Daniel :
24– « Sois donc attentif à la parole et comprends la vision. Soixante-dix semaines ont été décrétées
- touchant ton peuple et
- touchant ta ville sainte
- pour l’achèvement de l’infidélité
- pour sceller les péchés, et
- pour expier la faute, et
- pour amener la Justice éternelle
- pour sceller vision et prophétie, et
- pour oindre le Saint des Saints.
25–Sache donc et comprends : depuis la sortie d’une parole
- ordonnant de rebâtir Jérusalem
- jusqu’à un Oint, un chef,
- il y a sept semaines,
- et soixante-deuxsemaines,
- elle sera rebâtie, place et fossé, dans la détresse des temps.
26–Et après soixante-deux semaines,
- un Oint sera retranché
- et personne pour lui [succéder].
- Et le peuple d’un chef qui viendra
- détruira la ville et le sanctuaire
- et sa fin sera dans l’inondation
- et jusqu’à la fin il y aura la guerre
- ce qui est décrété touchant la dévastation.
27–Il conclura une Alliance ferme avec un grand nombre
- pendant une semaine
- et au milieu de la semaine
- il fera cesser le sacrifice et l’oblation
- et, sur l’aile des abominations, viendra un dévastateur.
- Et cela jusqu’à ce que la destruction et
- ce qui a été décrété se répandent sur la dévastation » (Dn 9, 24-27).
2.3. FAUSSES interprétations
Quant aux interprétations de cette prophétie, du fait des divergences et faute de consensus, elles sont innombrables ; nous n’en donnerons que quatre :
- 1) Aujourd’hui, la plus commune est celle quisuppose que cet « Oint » est le grand prêtre Onias III, tué en 171 av. J.-C., et que le « prince » envahisseur estle roigrecAntiochos Épiphane venu régner sur Jérusalem au début du IIe siècle av. J.-C. (cf. par exemple THIERING, p. 233, ou DELCOR (1971), ou les Bibles de Jérusalem, de Crampon, voire d’autres, exceptée celle de Vigouroux proche de la bonne solution, mais hélas vite oubliée). Cette interprétation a été souvent invoquée, mais Onias n’a certainement pas amené la Justice éternelle sur la terre,ça se saurait !Certains ici ont pu confondre « Justice éternelle » avec « Sacerdoce éternel » (1 M 2, 54), sans oublier que « David, par sa piété, obtint la royauté pour tous les siècles »(1 M 2, 57)4. Ces expressions étaient souvent utilisées, comme celle de « vous le fêterez dans vos générations suivant une loi perpétuelle » (Ex 12, 14 & 17). Toutes s’entendent ainsi : « tant que… », sauf celle de « Justice éternelle » dont on ne voit pas le rapport avec Onias III, ni d’ailleurs avec Antiochos Épiphane. Nous devons signaler que certains ont daté la prophétie de cette même période, et cela depuis fort longtemps, à l’instar de Flavius JOSÈPHE, qui considérait Daniel comme un « grand prophète », mais pensait lui aussi que ce prophète, par ses « 70 semaines », annonçait la venue d’Antiochos Épiphane (Ant. Lib. X cap. 11 & 12). D’autres interprétations, fort nombreuses, postulent que la moitié de la dernière semaine correspondrait à la période du ministère de Jésus jusqu’à la lapidation d’Étienne ; ce que soutiennent DOIG et d’autres.
- 2) Cela pose problème : d’abord, parce qu’il n’y a pas eu de « guerre » entre la mort de Jésus et le premier martyr de l’Église ; ensuite, rien ne prouve qu’Étienne fût lapidé trois ans et demi après la Passion.
3) Quant àla Bible de Crampon, plusieurs points y sont inexacts ou litigieux :
- le « décret », commandant de rebâtir la cité de Jérusalem, n’est pas à attribuer à Cyrus, qui ne donna que la permission de reconstruire le Temple (Esd 1, 3) ;
- la référence à la 20e année du règne d’ARTAXERXÈS Longuemain (Esd 7, 7), soit l’an -445 pour le début de la prophétie : dans ce cas, les 483 ans de la 69e semaine (7 x 69 = 483) aboutissent à l’an 37 de notre ère, ce qui n’est pas une date pouvant correspondre à la vie de Jésus-Christ ;
- sans compter que la 20e d’ARTAXERXÈS ne donnait pas l’autorisation de reconstruire la ville de Jérusalem.
4) D’autres interprétations prétendent que la dernière semaine devrait être prolongée jusqu’à la fin des temps, ou vers notre « bel aujourd’hui », comme l’affirment les Adventistes du 7e jour, ou d’autres protestants et ceux, nombreux, qui défendent une idée de rapture of the church, autrement dit l’« enlèvement au ciel de l’Église », réservé uniquement pour quelques-uns.
2.4. Les trois ÉTAPES de la PROPHÉTIE des 70 SEMAINES
Il est clair que pour résoudre l’énigme de Daniel, il faut identifier les étapes qui jalonnent ces 70 semaines, que le prophète présente en trois parties :
- les « 7 premières semaines » concernent la reconstruction de la ville ;
- les « 62 semaines » suivantes sont un temps d’attente, « dans la détresse des temps » pendant lesquels les Juifs auront à subir diverses guerres et occupations jusqu’à la venue d’un Oint ;
- la « dernière semaine » durant laquelle la ville et le sanctuaire seront détruits.
Daniel associe d’autre part les 2 premières étapes en un tout débutant avec une parole de libération des Juifs pour reconstruire la ville de Jérusalem conduisant à un « Oint », au bout de 7+62 = 69 semaines, puis la dernière – la « 70e semaine » –, concernant plutôt les malheurs d’un peuple et d’une ville. Le fait que cette prophétie concerne bien la reconstruction de la cité de Jérusalem est confirmé par cette expression très précise : « touchant ta ville sainte » (Dn 9, 24).
Il ne faut pas confondre la prophétie de Jérémie, qui concerne le temps où Jérusalem resterait en ruine, avec les 7 semaines initiales de Daniel.
2.5 Les 4 possibilités pour le DÉBUT de la Prophétie
En ce qui concerne le début de la prophétie des 70 semaines sur la reconstruction de Jérusalem, on peut considérer 4 hypothèses de départ. Ce sont, selon les auteurs et les incertitudes historiques :
1)–l’Édit de Cyrus, autorisant la reconstruction du Temple de Jérusalem (Esd 1, 2), soit en -538 (MORERI, Bibl. Jér/537, DOIG ) ;
2)–la Confirmation de l’Édit de Cyrus par Darius dans la 2e année de son règne, soit vers -536/535 (Esd 1, 2-4 &14-16) ;
3)–la « Lettre-édit » de « la 7e année » d’Artaxerxés (Esd 7, 7-9 & 12-26), soit vers -457. En fait, c’était une lettre que le roi confia à Esdras : « Comme la main de YHWH, son Dieu, était sur lui, le roi lui accorda tout ce qu’il avait demandé » (Esd 7, 6),avec un ordre qui lui donnait tous pouvoirs (Esd 7, 21). Cet ordre fut probablement confié à ESDRAS peu de temps avant le 1er nisan, puisque celui-ci « avait en effet fixé au 1er jour du 1er mois son départ de Babylone et c’est le 1er jour du 5e mois qu’il parvint à Jérusalem : la main bienfaisante de son Dieu étant sur lui » (Esd 7, 9) ; tous les exilés laïcs et prêtres, et tous ceux qui le voudraient purent ramener tout l’or et les objets sacrés du Temple (Esd 7, 13-16 & 19) que Nabuchodonosor avait emportés jadis (Dn 5, 2).
Implicitement, la reconstruction de Jérusalem doit être située en -456, à cause de divers décalages ;
4)–la « Permission » donnée à Néhémie en la 20eannée d’Artaxerxés habituellement datée vers –445 ou -446 par Bossuet et par Crampon (Ne 1, 1 & 3 ; 5, 14 ; 6, 15). Ne concernant que la reconstruction des murailles et des portes et non de la ville de Jérusalem, nous récusons donc cette hypothèse.
5)–Âges de Daniel. Comme les 4 événements précédents suggèrent que Daniel devait vivre au moment où ils se sont passés, on peut se demander s’il n’était pas trop âgé pour avoir été l’auteur de la prophétie et s’il ne faudrait pas alors l’attribuer à d’autres. Comme il devait être tout jeune lors de son exil à Babylone vers -605, date de déportation de l’élite juive, nous pouvons en déduire son âge lors de :
0) | la déportation sous Nabuchodonosor (605) | 10 ans |
1) | l’Édit de Cyrus en 538 : | 67 ans |
2) | la confirmation de Darius vers 535 : | 70 ans |
3) | la 7e année d’Artaxerxés en 457 : | 70+78 = 148 ans |
4) | la 20e année d’Artaxerxés en 445 : | 148+13 =161 ans |
Tabl. 1: Âges de Daniel
Daniel pouvait donc avoir 148 ans à la réalisation du début de sa prophétie, ce qui n’est pas impossible vu qu’Abraham mourut à 175 ans. Mais s’il a reçu cette prophétie au moment où il s’interrogeait sur Jérémie, il avait alors 67-70 ans, ce qui renforce l’idée qu’il s’agit bien d’une prophétie..
2.6. La 7e et non la 20e.
Paradoxalement, la liberté de reconstruire Jérusalem détruite par Nabuchodonosor n’est ni donnée ni datée explicitement dans la Bible. Suite à ce qui précède, nous admettrons que parmi les 4 possibilités, c’est l’Édit d’Artaxerxés, « la 7e année » du roi (Esd 7, 7), qui correspond le mieux, tout simplement parce que :
- avant cette 7e année, on ne parle que de reconstruire le Temple (Cyrus, Darius) ;
- et qu‘après cette 7e année, il s’agit de terminer certaines parties de la ville, murs, portes, maison de Néhémie, sans que soit précisé si l’Édit est une autorisation de reprendre toutes les reconstructions (qui furent probablement freinées plusieurs fois par les samaritains). Par contre, la reconstruction de la ville se déduit implicitement du nombre important de rapatriés et des « pleins pouvoirs » donnés à Esdras en la 7e année du roi.
Même si la lettre à Néhémie parle explicitement de la ville de « Jérusalem », elle ne précise que la « reconstruction » des murailles et des places.
Le plus urgent était probablement de reconstruire le Temple et l’on pensait que pour Jérusalem cela irait de soi ; mais c’était sans compter sur l’opposition des samaritains qui ne voyaient pas cela d’un bon œil et demandaient une autorisation écrite pour chaque chose. D’où la nécessité pour les Juifs exilés d’obtenir des confirmations écrites à opposer aux samaritains. ARTAXERXÉS, certainement excédé d’avoir à répondre aux demandes répétées des Juifs, se résolut à donner au grand prêtre ESDRAS les pleins pouvoirs pour qu’on ne vienne plus l’ennuyer avec ces demandes ! La lettre à NÉHÉMIE est donc redondante par rapport à l’ordre écrit confié à ESDRAS « la 7e année d’ARTAXERXÉS ». Cette lettre donnait autorisation au prêtre-scribe d’exercer les « pleins pouvoirs », nous l’avons vu,sur toute la région et non seulement de reconstruire le Temple et d’y rétablir les grands prêtres. Il n’est pas impossible que cet événement considérable fût accordé sur la demande de la séduisante ESTHER (ce que l’on peut déduire des Antiquités judaïques).

Fig. 2 : Bas-relief d’Artaxerxés
Cela nous amène à privilégier donc cette 7e année d’ARTAXERXÈS et non la 20e, qui n’en est qu’une confirmation et a été souvent utilisée comme point de départ de la prophétie.
Certains ont cependant prôné qu’il existe une solution via la 20e année de Néhémie, mais plusieurs arguments nous paraissent vraiment peu assurés (cf. site : chronosynchro.networdpress ; voir aussi JONSSON, 2008).
Dans ses Antiquités judaïques, Flavius JOSÈPHE parle bien de cette lettre-édit d’ARTAXERXÉS à ESDRAS, mais n’en donne pas l’année. Quand cet auteur parle de DARIUS, il parle en réalité de XERXÈS, et quand il nomme ce dernier il s’agit en fait d’ARTAXERXÉS. Ce nom de XERXÈS, d’ailleurs interchangeable, était plutôt celui d’une lignée.
Suite à la lettre-édit, ESDRAS quitta Babylone le 1er jour du 1er mois avec environ 2 000 juifs, sans compter les femmes, et arriva à Jérusalem le1er jour du 5e mois, nous l’avons déjà cité.
À partir de là, pour mieux comprendre la prophétie, il nous faut identifier un certain nombre de dates ou d’événements :
- la date du début du règne d’ARTAXERXÉS ;
- la date de la « Parole » de reconstruction de Jérusalem la 7e année ;
- la date de la venue d’un « Oint » ;
- la signification de « sera retranché » ;
- la venue d’un « prince envahisseur » ;
- l’ « abomination et la désolation » ;
- la destruction définitive ;
- la fin.
Notons que Daniel ne dit pas qu’il y aura 70 semaines, depuis tel événement jusqu’à tel autre, mais qu’il s’agit d’un tout (avec de possibles interruptions).
3. CALENDRIERS ANTIQUES
Comme la grande prophétie de Daniel demande à dater la libération des juifs après leur déportation à Babylone, pour la reconstruction de Jérusalem, il faut identifier le calendrier en usage. D’autant plus qu’à l’époque de Daniel, la mesure du temps était beaucoup plus compliquée qu’aujourd’hui. C’est ainsi que les calendriers anciens variaient selon les pays, les temps, les fêtes ou les événements (cf. DOIG, 1990, ch.2 & POCHAN, 1968).
La suite de notre article donnera une idée de cette complexité. Précisons tout de suite que la prophétie s’avérera exacte quel que soit le calendrier utilisé, religieux ou civil, mais nous avons de bonnes raisons de penser que Daniel a dû privilégier le calendrier religieux.
3.1 Le calendrier religieux juif
Dans le calendrier juif religieux la nouvelle année commençait au printemps, au mois d’Abib, plus tard appelé Nisan, en copiant alors les pratiques babyloniennes. Ce calendrier fut instauré par Moïse lui-même (Ex 12, 1-22) (Ex 12, 18 ; 13,4) pour commémorer la sortie d’Egypte. Il institua la fête de Pâque le 14 du 1er mois. « Que ce mois-ci soit pour vous le commencement des mois, il sera le premier des mois de votre année » (Ex 12, 2) « Vous le célèbrerez comme une fête de YHWH, vous le fêterez dans vos générations suivant une loi perpétuelle. » (Ex 12,14) Plus tard les rois de Juda au sud et à Jérusalem suivirent, semble-t-il, le calendrier religieux dont le mois de Nisan correspondait au mois égyptien de Pharmouthi dédié à la déesse des moissons. (Fl. JOSÈPHE)
Bien longtemps après, les Juifs adoptèrent les noms des mois babyloniens, mais en conservant leur numéro, à savoir :
1=Abib/ Nisan (30jrs), 2=Iyar/Ziv (29), 3=Sivan (30), 4=Tamouz (29), 5=Ab (30), 6=Elloul (29), 7=Tisseri (30), 8=Hesvan /Bul (30/29), 9=Kislev (30/29), 10=Tebeth (29), 11=Schebat (30), 12=Adar (29/30), 13=Véadar. Si l’on suit les paroles de Moïse, il ne fait aucun doute que le calendrier perpétuel des juifs est celui débutant en Nisan.
Signalons que dans les Antiquités Judaïques de Flavius JOSÈPHE, c’est – semble-t-il – l’utilisation du calendrier juif standard religieux qui prévalait.
3.2 Calendrier civil juif
Un autre calendrier dit « civil » existait aussi – semble-t-il – chez les Juifs et chez les Babyloniens.5 Ildébutait à l’automne.
Ce calendrier fut aussi appelé « de la création du monde », et définissait une autre Nouvelle Année commençant au mois de Tishri en septembre-octobre (avec la fête de ראש השנה לשנים, rosh hashana lashanim, instaurée du temps d’Esther) (cf. ELKAIM-SARTE(1982)) au ch.4 de la partie ROCH HASHANA (R.H. 10b). C’était aussi un temps de jeûne précédant le « jugement de l’humanité ». Cependant les mois de ce calendrier avaient les mêmes noms et numéros que le calendrier religieux. Sans qu’on en sache beaucoup, ce calendrier pouvait dater d’avant Moïse chez les Juifs. On lui donne en effet la particularité de dater de la « création du monde » que les Juifs datent du début à l’an -3761 pour des raisons de cycles astronomiques qui sont relativement récentes. Ce calendrier était utilisé, semble-t-il, épisodiquement pour les affaires courantes et économiques. Il fut remanié plusieurs fois jusqu’à aujourd’hui où il constitue le calendrier utilisé actuellement par les Juifs. Par rapport au calendrier religieux de Moïse, c’est un peu notre comme notre calendrier scolaire. L’on ne respecte donc plus l’ancien calendrier de Moïse pour définir la nouvelle année.
On trouve aussi dans WISE (2001), p. 407, à propos des calendriers liturgiques de Qumrân, une allusion à ces deux calendriers mais en précisant que c’était bien le premier qu’on y suivait. Ce second calendrier résulta de la domination grecque sur tout le Moyen Orient vers les années 330 jusqu’au premier siècle y compris. Il a pu être utilisé par Flavius JOSÈPHE et peut-être aussi par LUC.
Il peut servir pour dater la 15e de Tibère, comme nous l’avons fait pour compter les jours dans la toute dernière prophétie des 1 335 jours de Daniel en Dn 12, 12.
Si nous évoquons ce calendrier, c’est parce que certains comme SHEA6 ou HORN7 y font référence pour interpréter les 70 semaines. Nous verrons que cela relève plutôt de la conjecture. La justification de l’utilisation du calendrier juif civil se base sur une distorsion apparente qu’on trouve dans le livre de NÉHÉMIE où il est dit : « Au mois de Casleu, la 20è année, comme j’étais à Suze dans le château, arriva Hanani, l’un de mes frères, avec des hommes de Juda… » (Ne 1, 1-2), puis plus loin il dit « Au mois de Nisan la 20è année du roi Artaxerxés, le vin étant devant lui, je pris le vin et l’offris au roi … » puis Néhémie lui confie que ses frères lui ont appris le mauvais état de leurs maisons de Jérusalem, des murailles et des portes (Ne 2, 1 sq.). Comme Nisan (le premier mois) ne peut a priori se trouver après le mois de Casleu que si c’est le calendrier juif-civil qui est utilisé, on pourrait donc conclure que vers la 20è année d’Artaxerxés, c’est ce calendrier qui pouvait être en usage. Or, l’histoire de Néhémie et d’Esdras pose bien des questions sur de probables confusions dans les dates de retour vers Jérusalem. À bien lire Flavius JOSÈPHE, qui suit, il faut avouer que rien ne prouve vraiment un changement de calendrier :
Ant. Lib. XI, cap. 5, « (…) et se mirent en chemin, passant le fleuve de l’Euphrate, le 7è an du règne de Xerxès (Artaxerxés), le 1er jour du premier mois, et arrivèrent en Hiérusalem le 5è mois de cette année. »
« Le 20è jour du 9è mois que les Hébreux appellent Thébeth et les Macédoniens Apelleus… tous s’assirent en haut du Temple… », et là il n’est pas dit qu’on avait changé d’année de règne d’Artaxerxés… » « le dixième mois… » « le 7è mois.. » (le rédacteur peut sembler remonter en arrière à la fête des tabernacles, mais le 7è mois narre la lecture de la loi de Moïse et non l’édit du rejet des femmes étrangères vers un an après l’arrivée à Jérusalem).
La question reste cependant pendante, à part quelques déductions qu’on peut faire à partir du roi Salomon ou du livre d’Ezéchiel (Ez 40, 1). À supposer que cela soit, on peut conclure comme SHEA de l’adoption du calendrier civil.
Si on le suit, on peut s’appuyer sur des tablettes d’Éléphantine pour déduire que la 1ère d’Artaxerxés est en Tishri -464 ou à la limite en Tishri -463, d’où une 7è année débutant en Tishri -457, ou à la limite en Tishri -456. Mais tout cela peut n’être qu’une hypothèse qui ne se confirme pas dans Flavius JOSÈPHE comme dit plus haut. Quand on passe au livre de Néhémie, il est dit qu’Esdras rassemblé avec le peuple lut la loi de Moise avec le Peuple le 7è mois (2 Ne 7, 73 sq.), « 7è mois » qu’on trouve aussi dans les Antiquités (Lib. XI, cap. 5) sans que soit précisé qu’on avait franchi une année. Entre JOSÈPHE et la Bible, on peut penser qu’il y a eu changement de calendrier ou erreur de scribe. Il ne faut pas oublier que les 70 scribes traducteurs connaissaient le calendrier syro-macédonien et que la tentation dut être forte de redresser les choses.
3.3 Les deux calendriers et la controverse des rabbins dans le Talmud
Ces deux calendriers, religieux et civil, donnèrent lieu à une polémique entre Rabbi Josué et Rabbi Eliézer, que l’on trouve dans les extraits duTalmud d’ELKAÏM-SARTRE (1982) dans la partie ‘Roch Hachana’ (p. 420), débat qui laissa le problème ouvert pour la définition de la nouvelle année : Nisan, ou Tishri. Cette polémique est, pensons-nous, à dater des premiers siècles, bien après que les Juifs eurent adopté les noms et les numéros des mois babyloniens.
Si nous rappelons ces deux calendriers, c’est que du temps de Daniel et jusque vers Alexandre le Grand, certains passages bibliques pouvaient être réécrits pour dater des événements de la prophétie des 70 semaines. En général, c’est le cas de certains adventistes qui ont cherché à justifier leurs théories. Cependant, nous donnerons la préférence au premier calendrier pour les textes bibliques anciens.
Pour les événements du temps du Nouveau Testament, on pourra utiliser le second ou tout simplement le calendrier julien des Romains, mais avec le nom des mois juifs ou grecs.
3.4. DÉTAILS des DEUX CALENDRIERS
Comme la prophétie des 70 semaines parle d’événements datés et d’années de règne, il va nous falloir déterminer d’abord à quel calendrier Daniel pouvait se référer.
Dans le tableau suivant nous en donnons l’essentiel en conservant, en parallèle, les noms des mois, et les principales fêtes juives de ces deux calendriers
- le juif-babylonien débutant en Nisan ;
- et le syro-macédonien débutant en Tishri.
Dans ces calendriers, la correspondance n’est pas toujours assurée, par exemple dans les Antiquités judaïques, les mois de Tebeth et d’Apellaïos sont dits se correspondre mais diffèrent, tandis que Dustros et Adar sont dits les mêmes (ce qui est vrai) (Lib. XI, cap. 5 & 6).
Calendrier syro-macédonien | |||||||||||
Hyperbérétaïos ς | 30-30 | sept-oct. | 7-Tishri, Alaru Ethanim | 1er de l’an civil 15 Tentes | |||||||
Dios ς | 30-29 | oct-nov. | 8-Marshevan | Bul, Boul | |||||||
Apellaïos ς | 29-30 | nov-déc. | 9-Kisleu, Thoth | 25 Hanouka, (Antiochus) | |||||||
Audunaïos ς | 29/30 | déc-jan. | 10-Tebeth | Rosh-hashana Tabernacles | |||||||
Péritios ς | 29/30 | jan-fév. | 11-Schebath | ||||||||
Dustros ς | 29/30 29 | fév-mars | 12- Adar [13-Veadar] | 14=Pourim, (Esther) [mois optionnel] |
Tabl. 1 : Calendriers juifs religieux, civil et syro-macédonien au 1er siècle. [Adapté du comte de CHAMPANY (1876). Aussi de DOIG (1990), ch. 2.]
En 2012, site : timeanddate.com/calendar/?country=34
3.5 DÉCOMPTE des ANNÉES de RÈGNE
Pour ce qui est des années de règne, plusieurs façons de les compter sont ou étaient possibles :
- décompte exact : le décompte des années se faisait à partir de l’avènement d’un souverain, et l’année pleine qui commençait alors immédiatement constituait la 1ère année ;
- décompte exclusif : le décompte se faisait à partir du premier de l’an qui suivait l’avènement, qui était normalement appelée la 1ère année de règne, et l’année de l’avènement était appelée année de l’accession ;
- décompte inclusif : l’année calendaire, dont le 1er de l’an précédait l’avènement d’un règne, était appelée la 1ère année de règne ;
- décompte au plus proche d’un avènement. Dans ce cas on arrondissait à l’année calendaire la plus proche.
Dans de très rares cas les parties d’années sont précisées, par exemple dans le livre des Chroniques et celui de Samuel, il est dit à propos de David « À Hébron, il régna sur Juda 7 ans et 6 mois, et il régna à Jérusalem 33 ans sur tout Israël et Juda.» (2 S 2, 11 ; 5, 5 ; 1 Ch 3, 4).
Alors qu’on lit
« Il régna sur Israël 40 ans : 7 ans à Hébron, 33 ans à Jérusalem » (1 Ch 29, 27)
« David avait 30 ans quand il vint à Jérusalem roi, et il régna 40 ans. » (2 S 5, 4)
Manifestement, soit il s’agit d’arrondis, soit de décomptes exclusifs où l’on sous-entend l’année d’avènement. Ce qui peut s’entendre comme le fait qu’une durée d’accession, disons de 6 mois peut ne pas avoir été comptée, les décomptes en valeur entière peuvent s’entendre en décomptes exclusifs.
Site : codexbezae.perso.sfr.fr/selene/chapt/a3.html
Un autre argument se trouve dans la construction du Temple de Salomon dont il est dit : « La 4e année, au mois de ziv [le 2e mois], furent jetées les fondations de la maison de YHWH ; et la 11e année, au mois de boul, qui est le 8e mois, la maison fut achevée, dans toutes ses parties et suivant tous ses plans. Salomon le construisit en 7 ans » (1 R 6, 37). La durée exacte est donc de (11+ 8/12) – (4+2/12) = 7+6/12 = 7 ans et demi. Comme pour le règne de David évoqué plus haut. En général, au Proche-Orient, on célébrait les anniversaires du règne d’un souverain par des festins qui étaient commémorés chaque année à la même date au premier jour du mois de Nissan :
« À quatre époques de l’année, celle-ci est supposée commencer, à savoir au 1er nisan c’est le nouvel-an pour les règnes et les fêtes… »
Dans ce qui précède nous avons distingué entre année d’avènement et 1ère année de règne. Le passage suivant de Jérémie (52, 31) le laisse entendre : « La 37è année de la captivité de Yéhoyakin, roi de Juda, le 12è mois, le 25è jour du mois, Evil-Merodak (Amel-Mardouk), (le fils de Nabuchodonosor) roi de Babylone, en l’année de son avènement, releva la tête de Yéhoyakin, roi de Juda et le tira de prison. »
Il est bien dit ici l’année de son avènement et pas la 1ère année de son règne (l’année 561 av J.C, d’après CRAMPON et 562 av J.C. d’après BICKERMAN (1968), p.157). (Ce roi succéda à son père Nabuchodonosor qui mourut vers les 1ers jours d’octobre 562).
Sa 1ère année de règne dut commencer en Nisan qui suivit son avènement et il mourut début août, 1 ou 2 ans plus tard. Par exemple dans le Talmud, Rabbi Abahou dit : « Cyrus était un roi valeureux, c’est pourquoi on comptait ses années de règne en correspondance avec celles des rois d’Israël (au mois de Nisan) (cf. le Talmud à Roch Hachana (2 [3b]).
LOÏS DE CHESEAUX (1777) précise que « les Auteurs Sacrés ont accoutumé de compter les années des Rois par celles du Calendrier Ecclésiastique des Juifs, ou en les accommodant aux époques de ce Calendrier »(p. 9).
Pour nous, dans ces temps anciens, c’est le décompte exclusif qui semblait prévaloir pour la raison qu’il permet de moins se tromper quand on calcule des durées s’écoulant sur plusieurs règnes. Dans le cas de décompte exclusif, l’année en cours qui précède la 1ère année s’appelle en général l’année d’accession (ou année 0 d’un règne), mais dans certains cas cette année était comptée comme 1ère année.
À ce sujet, il faut lire l’excellent travail publié sur le site euaggelion2414.com/607ou589_Yeho.htm, où l’on voit que, selon les cas, les années d’accession peuvent être comptées dans les années de règne (inclusivement), ou non (exclusivement), exclues des années de règne chez les rois de Juda (2 R 22) (où se trouvait la ville de Jérusalem) ; incluses chez les rois d’Israël au Nord (2 R 23). Mais il faut encore tenir compte que les pharisiens ou les sadducéens ou encore les sectes diverses comme celles des Esséniens vers Qumrân avaient des usages différents. Nous retiendrons 2 hypothèses possibles pour le calcul de la prophétie des 70 semaines, notre préférence allant à la première :
-H1 (Nisan, Exclusif) : calendrier juif religieux ou juif-babylonien avec début en Nisan (pour les textes anciens et les tablettes du temps de Daniel) ;
-H2 (Tishri, Exclusif): calendrier juif civil ou juif-macédonien avec début en Tishri (du temps de Néhémie, après et peut être un peu avant).
4. ARTAXERXÉS
Éclaircissons ici plusieurs points sur le début de la prophétie :
4.1 AVÈNEMENT d’ARTAXERXÉS
Pour dater le point de départ de la prophétie, il faut d’abord déterminer le début du règne d’ARTAXERXÉS et pour cela trouver les dates effectives :
- de la mort de XERXÈS, père d’ARTAXERXÉS, puis la date
- de l’avènement de son fils ARTAXERXÉS, d’où l’on pourra identifier soit la date de la 7è année, soit celle de la 20e année.
[On pourra d’abord se reporter au site : lelumignon.net/ documents/etudes_bibliques/daniel9-1_annonce-Messie.pdf].
D’après Ptolémée, le roi XERXÈS (ou ASSUÉRUS Ier) mourut
- vers les 4-8 août 465 av J.C. (Wikipédia et SHEA (2001)) ou selon une autre hypothèse :
- vers le 17 décembre -465 au mois de Thot (voir SHEA(2001)). Ce fut une année où se produisirent 2 éclipses lunaires.
Et cela fut confirmé récemment par la découverte des tablettes astronomiques n° 32 234, dites textes de la 18è année ou textes de Saros, qui précisent que XERXÈS aurait été assassiné par son fils.
Le problème est qu’Éléphantine est en Égypte et que la nouvelle mit probablement du temps pour y parvenir depuis Babylone ou Suze. En tous les cas la 7è année est établie par JONSSON qui parle d’une chronologie absolue. D’autres textes (CTÉSIAS) disent qu’il aurait été assassiné par ARTABAN à Suse. Celui-ci lui succéda et fut sur le trône 7 mois. ARTABAN se serait défaussé et aurait accusé à tort un certain DARIUS, peut-être fils aîné de XERXÈS, d’avoir assassiné son père. Ce DARIUS aurait régné 2 ou 3 mois, avant ou après ARTABAN. Peut-être un autre frère, HYSTASPE satrape de Bactriane (d’après AFRICANUS), aurait-il aussi régné.
Il est probable que DARIUS, le fils aîné et successeur légitime de XERXÈS, régna d’abord (non nommé par Ptolémée, mais son règne est estimé à 2 à 3 mois par SHEA (2001), p.86). Ces 7+2 ou 3 mois d’interrègne durèrent environ (ou moins de) un an jusqu’à l’avènement d’ARTAXERXÉS. Selon les calendriers, ce serait :
- (H1) après Nisan -464, ou
- (H2) après Tishri -464.
Pour simplifier les choses nous ferons l’hypothèse suivante :
H*-Le décompte du nombre d’années entre « la parole de libération » et la « venue d’un Oint » doit se faire en années pleines sans pouvoir placer une année de plus.
Bien que SHEA se contente d’une seule année (la juive civile débutant en Tishri), il obtient un même résultat disant : « the establishment of 457 B.C. as the starting point of the 70-week prophecy of Daniel 9 is one of the strongest indicators among the Messianic prophecies of the Old Testament », ce qui conduit à la 2è hypothèse H2.
4.2: AUTORISATION de RECONSTRUIRE Jérusalem
On peut maintenant compter les années à partir de l’avènement d’ARTAXERXÉS, en -464, et arriver au début de la 7è année.
C’est en cette année capitale que fut donnée à Esdras et aux juifs l’autorisation de retourner dans leur pays. Quelques jours avant le départ du 12è jour du 1er mois de la 7è année du roi Artaxerxés (cela dut se produire quelques jours ou quelques mois avant :
« Nous partîmes de la rivière Ahawa, le 12è jour du 1er mois, pour aller à Jérusalem » (1 Esd 8, 31) et cela suite au :
« J’ai donné ordre pour que … tous ceux qui désirent retourner à Jérusalem y aillent avec toi » (1 Esd 7, 13). Mais la date n’est pas donnée.
Or, si l’avènement d’ARTAXERXÉS fut en -464, la 1ère année de règne est à placer en décompte exclusif :
- soit à partir du 1erNisan -463, d’où
- NISAN 1ère= 463, 2è =462, 3è =461, 4è =460, 5 è =459,
- 6 è=458, 7è= Nisan 457, ce qui amènerait à Nisan 27
- (26 ans pleins + 3/12 mois après la date de +1) pour la fin des 483 ans (= 69 semaines d’années) ;
- soit à partir du 1er Tishri -463 d’où
- TISHRI 1ere = 463, 2è= 462, 3è=461, 4è=460, 5è=459, 6 è=458, 7 è= Tishri 457,
- ce qui amène à Tishri 27A.D. (26 ans plein + 9/12 mois).
En somme, 2 hypothèses peuvent être émises pour le point de départ :
- Nisan -457 où l’arrivée serait en Nisan 27 (26 ans pleins depuis le début de l’an 1) ;
- Tishri -457 dont le terminus ad quem serait en Tishri de l’an 27 (26 ans pleins depuis le début de l’an 1). Il est remarquableque la prophétie reste valable quel que soit le calendrier.
Nous privilégierons la première solution pour des raisons historiques liées à l’importance de la Pâque.
En effet, si l’on suit le Talmud, d’après le Rabbin Josué :
« C’est en Nissan que nos ancêtres furent délivrés et c’est en Nissan que nous le serons. » (Rosh H. 8)
Nous admettrons donc que la parole est à compter à partir de Nisan -457. Notons aussi qu’au mois de Tishri débutaient l’automne et la période des pluies, pendant laquelle il n’était pas opportun de voyager, ce qui rapprocherait alors de 6 mois jusque vers Nisan -456 le départ d’Esdras,
« Plusieurs des enfants d’Israël vinrent aussi à Jérusalem… la 7è année du roi ARTAXERXÉS » (Esd 7, 7). « Cet Esdras était parti de Babylone le premier jour du 1er mois » (Esd 7, 9) «et il arriva à Jérusalem le 1er jour du 5è mois de la 7è année du roi » (Esd 7, 8).
Par contre, si les années sont selon le calendrier juif civil, la 7è année devrait avoir débuté en Tishri-458 pour que la parole ait été émise en Nisan -457. Cela oblige alors à ce que la 1ère année d’Artaxerxés fût en -464 et non en -463, ce qui rend incertaine l’hypothèse d’Artaban repoussant la 1ère année d’Artaxerxés en Tishri -463, mais plutôt en Tishri -464 sans tenir compte d’une hypothèse d’Artaban dans le courant de -464.

Fig. 3 Parcours des Juifs exilés entre Jérusalem et Babylone et Suze, et retour (extrait du site : imninalu.net/maps.htmque )
À moins que la solution du début de règne d’Artaxerxés, en décembre -465, ait intégré l’interrègne d’Artaban. Dans ce cas, les 2 hypothèses de Nisan -463 et de Tishri -464 pour la 1ère année d’Artaxerxés sont possibles et toujours valables pour la « parole » d’Artaxerxés en Nisan -457. Finalement, tout converge vers un décompte des 483 ans à partir de Nisan -457.
En cas d’incertitude – années en Nisan ou en Tishri selon Éléphantine –, mais critiqué par Sacha STERN (2000) ou Olof JONSSON (2008), le mieux est de s’en tenir à l’hypothèse H* en
acceptant les 2 points de vue.
4.3. La 69e SEMAINE
Ayant identifié le début des 70 semaines et en comptant en années calendaires pleines prophétiques (H* prophétique), alors le terminus ad quem est en Nisan 27, car c’est la fin de l’année 483 depuis la parole d’Artaxerxés. Dans la suite, nous verrons que cette année est bien l’année où tout a commencé.
En effet, de Nisan -457 à Nisan +27, donc 457 ans complets + 26 ans complets depuis le mois de Nisan de l’année +1, où commence notre ère, il y a 483 ans pleins.
Pour ce qui est d’un décompte en Tishri -457, on a le même résultat. Reste à voir à quoi cela correspond.
La fin des 2 premières étapes de la prophétie doit se situer 483 ans plus tard après Nisan -457. Il faut donc rajouter 26 ans pleins pour arriver à la fin des premières étapes de la prophétie, car : 457+26 = 483 ans = 69 semaines pleines.
En sachant que l’on doit compter les années à partir de Nisan, il faut écrire plus exactement 457 -1/4 + 26+1/4 = 483 années pleines. Si on se base sur Tishri, on obtient le même résultat en écrivant 457 -3/4 + 26+ 3/4 = 483 années pleines. Il reste à déterminer à quoi correspondent les 26 ans pleins, autrement dit à l’année 27 (car il y a exactement 26 ans pleins depuis l’an +1 jusqu’au début de l’année 27). Nous verrons dans notre seconde partie l’extraordinaire importance de ce nombre qui permet de restituerla chronologie de Jésus-Christ et de résoudre la suite de la prophétie, l’ultime étape correspondant à la 70e et dernière semaine de Daniel.
1 Version abrégée du Cahier spécial La plus grande prophétie chiffrée de l’Ancien Testament révélée ici pour la première fois complétement, Éd. ÉCLIPSE, 2011-2014.
2 Ndlr. La bibliographie a dû être reportée en fin de seconde partie de cet article.
3Cet extraordinaire « Jeu » du Moyen Âge, l’un des premiers opéras européens, a été restitué grâce à l’ensemble américain Phenix de New York. La fin du texte de l’oratorio est malheureusement totalement dénaturée. En effet, le « Te Deum » qui termine l’œuvre et le texte sur la prophétie, qui précède, sont remplacés dans le spectacle par une « chanson à boire » [sic] au lieu de l’annonce finale de la venue du Christ par l’ange Gabriel « Dominator orbis », prophétisé par Daniel. Cf. sur Youtube : « Ensemble Phenix the play of Daniel track 21 ». Ce spectacle a été curieusement produit pour la première fois par la troupe de l’extraordinaire acteur Joaquin PHENIX, né de parents juifs mais baptisé, qui jouait l’empereur COMMODE, dans le magnifique film GLADIATOR, au côté de Richard HARRIS (MARC AURÈLE) et du général (joué par Russel CROWE).
4 Cela s’entend évidemment de ses descendants, dont Jésus « fils de David ».
5 Ce que l’on peut déduire des découvertes d’Éléphantine, mais dont les datations sont moins sûres du fait de la probable lenteur du transfert des informations entre la Perse et l’Egypte (cf. SACHA STERN (2000) “THE BABYLONIAN CALENDAR AT ELEPHANTINE” in: Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik 130 159–171)
Voir : http://www.harvardhouse.com/Setup_Islam_and_Christianity.htm
6 SHEA, William,H. (7/221998)) “Why the 70 weeks prophetic period began in 457 B.C ?”, J. of the Adventist Theological Society, 2/1 (1991):115-138, Biblical Research Institute. Il nous dit: “Thus the conclusion that Ezra used a fall-to-fall calendar for the dates in his book rests upon very solid ground (sic). This means that the 7th year of Artaxerxes in Ezra 7 is 457 BC rather than 458 BC as would be suggested if he had been using a spring calendar.
7 HORN, S,H, WOOD, L.H. (1953), “The Chronology of Ezra7”. Review and Herald 1953, Washington DC.