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Par Nancy Pearcey
La Vérité n’est plus ce qu’elle était !1
Nancy Pearcey 2
Résumé : La coupure qui s’était faite entre le savoir « scientifique » et les autres
formes de connaissance s’est élargie avec le darwinisme.
Les croyances et les valeurs sont présentées comme
subjectives, la vérité objective étant réservée aux faits empiriques. Ainsi la religion est-elle écartée poliment de
la sphère publique : elle concernerait la vie privée, et les lois et les décisions du gouvernement ne devraient
se fonder que sur le fait scientifique : l’homme est une machine complexe munie d’un cerveau et triant ses
idées en fonction de leur utilité pour sa survie.
Cette vision de l’homme est éminemment contestable. D’une part
le darwinisme n’est pas un fait objectif mais un présupposé philosophique. D’autre part la notion de « personne »,
essentielle à la compréhension réelle du comportement humain (avec ses sentiments, ses affections et ses
intuitions), n’y trouve aucune place et y reste indéfinissable. Ainsi seule la vision chrétienne, qui part d’un Dieu
lui-même Personne, est à même d’expliquer à la fois le réel objectif et la valeur des composantes subjectives chez
l’homme.
L’impact le plus important de l’évolutionnisme naturaliste, a noté Phillip Johnson, ne se situe pas dans les détails des mutations et de la sélection naturelle, mais dans un changement de la définition de la vérité, un changement épistémologique. Il renforce la césure fait / valeur qui divise l’expérience humaine en deux domaines séparés et incompatibles.
D’un côté la connaissance fiable serait une affaire de « faits » scientifiques objectifs, rationnels et indépendants de toute valeur. Mais que cela signifie-t-il pour les « valeurs »? Elles ont été reléguées dans le domaine de la subjectivité humaine où, techniquement parlant, qu’elles soient vraies ou fausses n’a pas de sens. Les valeurs peuvent être personnellement importantes, elles peuvent faire partie de notre tradition culturelle, mais finalement n’expriment que quelque chose de nous-mêmes et non une réalité objective. Ce changement dans la définition classique de la vérité explique pourquoi l’évolutionnisme naturaliste a permis une révolution culturelle de grande ampleur qui continue, indomptée, jusqu’à ce jour.
Lors d’une conférence, j’eus l’occasion de montrer comment le darwinisme donna naissance au postmodernisme. Nous nous sommes accoutumés à l’idée que le monde académique est divisé entre ce que C.P. Snow appelle les « deux cultures »3 où les humanités sont strictement séparées des sciences. Aujourd’hui cette bifurcation descend jusqu’aux classes élémentaires, si bien que dans les matières relevant des humanités, les professeurs ont jeté leurs crayons rouges et agissent comme si l’orthographe ou la grammaire étaient des formes d’oppression imposées par les détenteurs du pouvoir. Ironiquement, cependant, dans la classe de science, un seul point de vue est toléré. Par exemple, l’évolution darwinienne n’est pas discutable; les étudiants n’ont pas accès aux preuves contre elle et ils ne sont pas invités à juger par eux-mêmes si elle est vraie ou non.
La science est traitée comme vérité publique que tous doivent accepter, quelles que soient leurs convictions privées.
« Deux cultures » expriment la division fait / valeur :
Humanités : = valeurs humaines (subjectives)
—————————————————- Science : = faits objectifs
En résumé, les sciences conservent encore l’idéal de la vérité objective, tandis que les humanités traitent la vérité comme une affaire de valeur personnelle, subjective et relative. Ma thèse est que ces deux approches, apparemment très divergentes, sont en fait logiquement liées: c’est parce que la science a largement accepté le naturalisme darwinien que les humanités sont dans une telle confusion de subjectivisme et de postmodernisme.
Dans nombre de ses écrits, Richard Rorty a affirmé que le darwinisme est la base du postmodernisme. Comme il le dit dans la New Republic, quelques philosophes continuent à chercher une Vérité, avec un grand V, transcendante et universelle et qui « ne dépende pas du hasard ». D’autres philosophes, cependant, ont trouvé le moyen de « garder foi en Darwin » (expression intéressante) en reconnaissant que toutes prétentions à la vérité « sont des produits du hasard tout comme les plaques tectoniques et les virus mutés. » Il poursuit: « l’idée qu’une espèce d’organisme est, à la différence de toutes les autres, orientée non vers le simple accroissement de sa propre prospérité mais vers la Vérité, est…non darwinienne. »4
En d’autres termes, si nous sommes des organismes issus d’une adaptation à l’environnement, alors nos cerveaux sont les produits des forces de l’évolution. Les idées jaillissent par variations aléatoires dans le cerveau, exactement comme les variations aléatoires de Darwin dans la nature.
Ainsi Rorty traite toutes les grandes idées constitutives de la culture occidentale comme des accidents de l’évolution: « De même que les rayons cosmiques brouillent les atomes dans une molécule d’ADN » pour produire une mutation, de même les idées d’Aristote, de saint Paul ou de Newton pourraient être » les résultats de rayons cosmiques brouillant la délicate structure de quelques neurones décisifs dans leurs cerveaux respectifs. » Leurs idées ont eu une grande influence non pas parce qu’elles reflètent la réalité, mais seulement parce qu’elles sont utiles. Elles aident les gens à organiser leur vie et à avancer dans la lutte pour l’existence5.
Bref, les concepts ne sont ni vrais ni faux; ils ne sont que des outils au service des buts et intentions des gens. Rorty se considère lui-même comme un disciple de John Dewey, qui fit une analogie avec l’argenterie: vous ne vous demandez pas si une cuiller ou une fourchette est vraie ; ce serait faire une erreur de catégorie. Vous vous demandez seulement laquelle convient pour manger la soupe. Les idées sont simplement des outils mentaux; on les juge en fonction de leur utilité à obtenir ce que l’on veut. Ainsi « en gardant foi en Darwin », conclut Rorty, nous aboutissons à une forme de postmodernisme très semblable à celui de Heidegger, de Derrida et de Foucault.
La dichotomie fait / valeur.
Il y a une certaine ironie dans la position de Rorty: bien que le postmodernisme rejette le concept même de vérité objective, il y a une idée qu’il continue de traiter comme vérité indiscutable : le darwinisme lui-même. L’évolution est considérée comme un fait objectif et pas simplement comme une construction humaine, parce que si elle est fausse, il n’y a aucune raison d’accepter le postmodernisme. Il y a ainsi une relation symbiotique entre les deux. On pourrait dire que de nos jours les « deux cultures » ressemblent à ceci:
Humanités : relativisme postmoderne
(les idées sont des outils pour l’homme)
——————————————————
Science : évolution naturaliste
(le cerveau a évolué par sélection naturelle)
Aujourd’hui la plupart des occidentaux ont absorbé cette épistémologie à double voie. Alan Bloom, l’auteur du livre bien connu The Closing of the American Mind, a écrit dans un autre essai : « Chaque écolier sait que les valeurs sont relatives; qu’elles ne sont pas fondées sur des faits mais qu’elles sont de pures préférences individuelles subjectives.6« En d’autres termes, la dichotomie fait / valeur est devenue tellement incrustée dans l’esprit américain que c’est quelque chose que « chaque écolier sait. »
Chaque étudiant également le sait. Peter Kreeft, professeur de philosophie au Boston College, dit que les étudiants entrant dans sa classe « croient volontiers à la vérité objective de la science, parfois même de l’histoire, mais certainement pas de l’éthique ou de la moralité. » Remarquez le clivage de mentalité: les étudiants arrivent sur le campus déjà convaincus que la science s’occupe de faits objectifs, mais que la moralité concerne des valeurs subjectives. En outre, ce qu’ils apprennent dans leurs cours renforce cette dichotomie. Par exemple, un manuel d’économie présente la scission fait / valeur comme un dogme indiscutable:
« Les faits sont objectifs, c’est-à-dire qu’ils peuvent être mesurés et leur vérité testée…Les jugements de valeur, par contre, sont subjectifs, étant des questions de préférence personnelle…Ces préférences sont basées sur des attirances personnelles et des sentiments plutôt que sur des faits et des raisons. »
Francis Schaeffer a mis cette épistémologie à double voie au cœur de son analyse de la pensée occidentale. Il utilise l’image d’un immeuble à deux étages.
À l’étage inférieur se trouvent la science et la raison, censées fournir la « vérité publique » obligatoire pour chacun. Au dessus, il y a l’étage de la religion et de la moralité, des arts et des humanités, considérés comme le royaume de la « vérité privée » tirée de l’expérience personnelle. Lorsque les gens disent » c’est peut-être vrai pour vous, mais ce ne l’est pas pour moi », ils expriment la définition de la vérité de l’étage supérieur.
Valeurs : préférences subjectives
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Faits : vérités objectives vérifiables
Aucune grande civilisation, en aucune période de l’histoire, n’a jamais adopté une telle conception divisée de la vérité. Jusqu’à l’avènement de la culture moderne occidentale, pratiquement toute culture a admis que l’univers possède à la fois un ordre physique et un ordre moral / spirituel. Les individus avaient l’obligation de conduire leur vie en harmonie avec cet ordre objectif.
Comment cette vue unifiée de la réalité s’est-elle dissoute? De nombreux historiens situent le tournant crucial au moment de l’essor du darwinisme. Comme le dit un manuel de philosophie: « Jusqu’en 1859 (publication de L’Origine des Espèces de Darwin) l’unité fondamentale de la connaissance était admise par pratiquement tous les auteurs sérieux en Amérique. » On était convaincu qu’il existait un unique ordre universel établi par Dieu, embrassant à la fois l’ordre naturel et l’ordre moral. « Ce que fit la controverse sur l’évolution fut de briser cette unité de la connaissance réduisant la religion et la moralité à « des sujets dépourvus de connaissance. » Pour prendre l’image de Schaeffer, elles furent reléguées à l’étage du haut.
Un historien du Droit a dit encore que le darwinisme conduisit à une conception naturaliste du savoir, provoquant une mutation de « la religion comme connaissance à la religion comme foi. » Parce que « Dieu n’avait plus aucune fonction à exercer dans le monde, Il était, au mieux, un concept philosophique gratuit provenant d’un besoin personnel. »
Les individus sont libres de continuer à s’accrocher à une forme quelconque de religion, du moment qu’ils reconnaissent qu’elle est devenue « privée, subjective et artificielle. » Si l’existence de Dieu n’exerce aucune fonction cognitive pour expliquer le monde, alors, la seule fonction restante est celle de l’émotion. La religion devient quelque chose de tolérable chez les gens qui ont besoin de ce genre de béquille ou de tranquillisant.
Aujourd’hui les esprits un peu brutaux mettent la religion dans le même sac que les contes de fées. Écrivant dans le New York Times, le philosophe darwiniste Daniel Dennett déclare: « Nous ne croyons pas aux fantômes, ni aux lutins ni à Jeannot Lapin – ni à Dieu. » Ceci explique pourquoi les controverses sur le darwinisme continuent de bouillonner dans les associations scolaires. Le public sent intuitivement que lorsqu’on enseigne l’évolution naturaliste dans les classes de sciences, alors sera enseignée une vue naturaliste de la religion et de la morale en histoire, dans les sciences sociales, en anglais et dans tout le cursus.
La division public / privé.
Parce que les idées influent nécessairement sur la réalité sociale, il n’est pas surprenant que la dichotomie fait / valeur trouve sa contrepartie dans l’organisation des sociétés modernes. La culture occidentale est devenue très divisée entre les sphères publique et privée.
« La modernisation apporte une nouvelle disjonction de la vie sociale », explique le sociologue Peter Berger. « La dichotomie sépare les immenses institutions formidablement puissantes de la sphère publique, » entendant par là l’État, les grandes sociétés, le monde académique, etc., « et la sphère privée », domaine de la famille, de l’ Église et des relations personnelles. On peut représenter cela ainsi:
Sphère privée : famille, Église, relations personnelles
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Sphère publique : État, Sociétés, Universités
Notez comment cette dichotomie sociale est corrélée à la division dans le domaine des idées.
La sphère publique est le lieu de la vérité publique, car les faits peuvent être vérifiés scientifiquement. Et les valeurs ? Elles ont été reléguées dans le domaine privé de la famille et de la vie personnelle.
Cette corrélation fut particulièrement frappante durant la campagne présidentielle [américaine] de 2004. La caractéristique de l’élection de 2004 fut « le fossé moral », dit Thomas Byrne Edsall dans l’Atlantic Monthly. Dans le passé, la division entre droite et gauche en politique américaine était fondée sur des questions économiques. L’axiome alors admis était que les gens votaient avec leur portefeuille. Mais aujourd’hui le clivage concerne le sexe et la reproduction: avortement, mariage homosexuel, recherche sur les cellules souche, etc. « Alors qu’autrefois les élections opposaient le parti des travailleurs au parti de Wall Street, conclut Edsall, elles opposent maintenant les électeurs qui croient en une morale fixe et universelle, à ceux qui considèrent les questions morales, spécialement concernant le sexe, comme étant élastiques et affaires de choix personnel. »7 En résumé, la question concerne moins le contenu de la morale (i.e. quelles actions sont bonnes ou mauvaises) que le statut de vérité des déclarations morales. La morale est-elle une norme standard universelle ou bien simplement une affaire de préférence subjective ? La question qui est au cœur du conflit culturel en Amérique est épistémologique: la nature de la vérité.
Par exemple, à la Convention Démocrate Nationale de 2004, Ron Reagan, fils de l’ancien président, fit une remarque largement diffusée à propos des opposants à la recherche sur les cellules souches d’embryons. « Leur croyance n’est que cela – un article de foi – et ils ont le droit de l’avoir« , dit-il. « Mais il ne s’ensuit pas que la théologie de quelques uns soit autorisée à contrarier la santé et le bien-être du grand nombre. »
Quelle théorie morale s’exprime donc ici? De quel côté du « fossé » se situe Reagan ? Remarquez que les gens sont invités à croire tout ce qu’ils veulent; ils y ont même « droit », du moment qu’ils acceptent de tenir cette croyance pour un « article de foi » subjectif, et non pour quelque chose d’objectivement vrai qui devrait guider la recherche scientifique. Le postulat est que morale et religion ne sont pas des vérités universelles, comme on le pensait traditionnellement, mais seulement des « valeurs » personnelles, qui, comme telles, relèvent strictement de la sphère privée.
L’épistémologie dominante, par sa définition de la vérité, décide quelles idées sont prises au sérieux dans la sphère publique et lesquelles seront rejetées d’un revers de main. Ainsi la grille fait / valeur constitue aujourd’hui la plus puissante des barrière : elle retire la religion et la morale du royaume de l’objectivité et les relègue dans le royaume des valeurs subjectives.
Cela fait, les arguments détaillés n’ont plus aucune portée. Par principe les valeurs privées n’ont plus rien à faire à la table où se discutent les orientations de la société. C’est ainsi que feu Christopher Reeve pouvait dire : « Lorsque les questions de politique publique sont débattues, aucune religion ne devrait avoir son siège à la table ronde.« Il ne cherchait pas à savoir si les points de vue inspirés par la religion sont vrais ou faux, mais il soutenait qu’ils n’avaient même pas à participer au débat. Et pourquoi ? Parce que les préférences privées ne doivent pas influer sur la politique publique.
Bien sûr, la plupart des politiciens ne sont pas si abrupts. Ils comprennent qu’il peut être politiquement dangereux d’attaquer la religion directement ou de la déclarer fausse. C’est là où le langage des « valeurs » se montre si utile, parce qu’il élimine la religion du domaine du vrai et du faux. De cette façon les politiciens peuvent assurer leurs électeurs qu’ils « respectent » évidemment les convictions religieuses de chacun, tout en leur déniant toute pertinence dans le domaine public où nous décidons de ce qui sera vraiment fait dans la société. Pour citer Phillip Johnson, la dichotomie fait / valeur « permet au métaphysicien naturaliste d’apaiser les esprits religieux potentiellement gênants en leur assurant que la science n’exclut pas la croyance religieuse (tant qu’elle ne prétend pas être une connaissance)8.
Au cours des débats pour la présidentielle de 2004, John Kerry a maintes fois utilisé cette stratégie. À propos de la recherche sur les cellules souches d’embryons: « Je respecte vraiment le sentiment que comporte votre question ». Sur l’avortement: « Je ne puis vous dire à quel point je respecte la croyance sur la vie et sur son commencement. » Il rendit parfaitement clair, cependant, qu’il ne permettrait pas à de telles considérations d’affecter sa façon de voter. La stratégie est d’apaiser d’abord les esprits religieux en leur disant à quel point vous respectez leurs « croyances » et leurs « sentiments », mais ensuite de leur rappeler que les sentiments privés ne peuvent pas être imposés aux autres dans une politique publique.
Pour comprendre cela, imaginez-vous présentant votre position sur quelque sujet, et que votre interlocuteur réponde : « Oh! C’est juste de la science, c’est seulement des faits ; ne me les imposez pas ! » Évidemment personne ne dira cela. Mais on dit : »C’est juste votre religion, ne me l’imposez pas ! » Quelle est la différence? La science est considérée comme vérité publique, s’imposant à tous, tandis que la religion est définie comme sentiment privé, applicable seulement à ceux qui y croient.
L’affaire du Téléthon en France apporte une illustration flagrante de cette attitude. Le président du comité national d’éthique, Didier Sicard, a déclaré: « L’intervention de l’Église catholique me paraît à la fois malencontreuse et extraordinairement malvenue. Elle a bien évidemment le droit de porter un jugement. Pour autant, elle n’a pas vocation à l’imposer dans l’espace public, ce qu’elle fait aujourd’hui.« (Novembre 2006).
Évidemment, les étiquettes telles que science ou raison sont souvent utilisées pour masquer ce qui, en réalité, est une position philosophique. Autre exemple durant la campagne de 2004 : la journaliste Eleanor Clift de Newsweek a critiqué le Président Bush parce qu’il laissait la religion influencer la politique sur des sujets tels que l’avortement, alors qu’elle louait Kerry d’avoir maintenu la foi en dehors de la politique.
« Les électeurs ont le choix, conclut-elle, entre un président qui gouverne parcroyance et un challenger qui met sa foi dans une décision rationnelle. »
Quelle est l’implication ici ? Manifestement, que le christianisme n’est pas rationnel. Mais remarquez que Clift présente la position libérale comme si ce n’était pas une idéologie particulière, mais seulement une évaluation rationnelle des faits. L’article était intitulé « Foi contre Raison » comme si les vues libérales étaient un pur produit de la raison. C’est une astuce rhétorique fréquente: le point de vue chrétien est rejeté parce que tendancieux et irrationnel, alors que le point de vue séculier est présenté comme impartial et objectif, tiré des faits et déduit de la raison. Mais ce n’est que pur bluff. En réalité, la position libérale sur l’avortement et la bioéthique est l’expression du pragmatisme et de l’utilitarisme, fondée sur une analyse du rapport coût – bénéfice.
La leçon est que les visions du monde n’apparaissent pas avec une belle étiquette. Personne ne dira que le conflit oppose une morale utilitariste, pragmatique, et une morale normative et transcendante. Tout au plus, la rhétorique dira que le conflit se situe entre la science et la religion, entre les faits et la foi. Ce genre de langage nous invite à examiner les visions du monde implicites. Le conflit sous-jacent gît entre deux systèmes de croyance, deux philosophies, deux visions du monde. En démasquant les visions cachées nous pouvons clarifier le débat et discréditer le double standard qui permet aux seules vues laïcistes (mais pas aux religieuses) de prendre place dans le discours public.
Ces exemples montrent à l’évidence que le défi au christianisme est beaucoup plus radical qu’il ne l’était par le passé. Les laïcistes se contentaient de dire que la religion était fausse, laissant du moins aux chrétiens la possibilité de discuter avec eux de raison, de logique et de preuve. Mais aujourd’hui les laïcistes prétendent plutôt que la religion n’a pas du tout le statut d’une vérité vérifiable, qu’il n’y a donc rien à discuter. La dichotomie « fait / valeur » disqualifie le christianisme, l’empêchant de figurer comme interlocuteur potentiel dans le débat public.
Le corps machine.
Après avoir noté comment la dichotomie « fait / valeur » se répercute dans la société selon l’opposition « public / privé », voyons comment cette même division a été appliquée à la personne humaine. René Descartes, souvent considéré comme le premier philosophe moderne, a divisé la personne humaine selon un dualisme radical. Il traita le corps humain comme une vulgaire machine fonctionnant selon des lois scientifiques. Mais il considéra l’esprit humain comme un pouvoir autonome capable de faire des choix et qui, en un sens, utilise le corps comme un instrument, à la manière dont vous utilisez votre voiture pour aller où bon vous semble.
Dualisme radical de Descartes
Esprit : libre, autonome, s’autodétermine
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Corps : mécanique, déterminé, instrumental
Pour Descartes, la religion et la morale relèvent du domaine de la liberté, situé à l’étage supérieur, tandis que la science nous donne la connaissance à l’étage inférieur. Au cours des siècles, la science devenant de plus en plus empreinte de matérialisme et de déterminisme, une tension apparut entre les deux étages, voire même une contradiction. De nos jours, ces étages représentent deux images de l’univers « réellement en guerre » l’une contre l’autre, selon le mot du philosophe John Searle.
Prenez par exemple Steven Pinker, autorité dans le domaine de la science de la connaissance et auteur du livre à succès How the Mind Works [Comment fonctionne le cerveau]. Sa vision du monde pourrait être qualifiée de naturalisme évolutionniste: il n’existe rien d’autre que la nature. Les choses traditionnellement considérées comme transcendantes, telles que l’esprit ou l’âme, sont des illusions. Pour Pinker, notre cerveau n’est rien d’autre qu’un ordinateur, une machine complexe destinée à traiter des données.
D’un autre côté il reconnaît que la morale dépend de l’idée que les hommes sont plus que des machines, qu’ils sont libres de faire des choix*. Voici le dilemme : lorsqu’il travaille dans son laboratoire, Pinker adopte ce qu’il appelle sa « position mécaniste », traitant les humains comme des mécanismes complexes. Mais, « quand ces discussions tirent à leur fin pour la journée, écrit-il, nous parlons des uns et des autres comme d’êtres humains libres et dignes. »
En d’autres termes, lorsqu’il rentre chez lui, en famille et entre amis, son naturalisme scientifique n’est plus une philosophie pertinente. On ne peut traiter sa femme comme une machine de traitement de données, ni programmer ses enfants comme de petits ordinateurs. Ainsi, dans la vie ordinaire, Pinker admet qu’il doit passer à un paradigme complètement opposé. Voici l’explication qu’il en donne : « Un être humain est simultanément une machine et un agent sensible libre, selon l’objet en discussion. » Fatale contradiction interne que Schaeffer appelle un saut de foi laïciste. Pinker voit là du « mysticisme »! « La conscience et la volonté libre paraissent envahir les phénomènes neurobiologiques à tous les niveaux. Les penseurs semblent condamnés soit à nier leur existence, soit à se vautrer dans le mysticisme. »10 Par conséquent, ou bien vous essayez d’être cohérent avec le naturalisme évolutionniste de l’étage du bas, et alors vous devez nier l’existence de choses telles que la conscience et la libre volonté ; ou bien vous pouvez affirmer leur existence, bien qu’elles n’aient aucun fondement dans votre système intellectuel, mais c’est alors pur mysticisme. Un saut irrationnel.
Marvin Minsky, du MIT, est célèbre pour sa formule disant que le cerveau humain n’est rien d’autre « qu’un ordinateur de trois livres fait de viande. » Mais lui aussi fait un saut de foi. Dans The Society of Mind il écrit: « Le monde physique n’accorde aucune place à la liberté de la volonté. »
Et pourtant, « ce concept est essentiel dans nos modèles du domaine mental. Dès lors nous sommes virtuellement forcés de conserver cette croyance, bien que nous la sachions fausse. »11
Cette déclaration est vraiment étonnante. Suite à leur banale expérience quotidienne, des penseurs se sentent forcés d’affirmer certaines choses, telles que la liberté morale, alors même qu’ils disent « savoir » que, selon leur philosophie naturaliste, ces idées sont fausses. Voilà bien la tragédie de l’âge postmoderne ! Les choses qui importent le plus dans la vie, celles qui font de nous de vrais humains, ont été réduites à des fictions utiles, soit à presque rien. Des fictions commodes. Ces penseurs sont forcés d’accrocher tous leurs espoirs de dignité et de sens au domaine de l’étage supérieur qu’eux-mêmes tiennent pour dépourvu de toute connaissance et finalement de toute réalité.
Évidemment, le fait même que ces scientifiques aient à faire un tel saut de foi devrait les alerter: il signifie que la vision du monde induite par leur naturalisme évolutionniste n’est pas adéquate. Après tout, l’objet d’une vision du monde est d’expliquer le monde. Et si elle échoue à en expliquer quelque partie, c’est qu’il y a du faux dans cette vision du monde. La seule façon pour ces scientifiques de rendre compte de la nature humaine, telle qu’eux-mêmes la vivent, est d’accepter une totale contradiction.
Les critiques rejettent souvent le christianisme comme irrationnel, mais c’est tout le contraire ! Le christianisme ne requiert pas ce genre de saut de foi contradictoire. Comme système de pensée, il commence avec un Dieu personnel, un Dieu qui est un agent personnel. Alors le fait que les humains soient des agents personnels trouve tout son sens. Toute vision du monde est limitée aux catégories permises par ses hypothèses de départ. Si vous commencez par la matière agissant au moyen de forces mécaniques aveugles, alors, logiquement les humains ne seront rien d’autre que des machines, des mécanismes complexes.
Mais si vous commencez avec un agent personnel transcendant, cela vous donne une base rationnelle cohérente pour expliquer la totalité de l’expérience humaine. Ces réalités qui sont si problématiques pour le naturalisme darwinien, comme la libre volonté et la responsabilité morale, s’expliquent simplement et élégamment dans une vision chrétienne. Nul besoin de recourir à un saut sur l’étage de l’irrationnel pour les expliquer.
Traiter le corps comme une machine.
Voyons maintenant comment ce même dualisme cartésien affecte les questions morales. Dans les années 1970, le moraliste Paul Ramsey nota que le dualisme était devenu la vision sous-jacente dans l’avortement, l’ingénierie génétique et toutes les autres questions sur la vie. Les groupes pro-vie pensaient que la bataille serait terminée lorsque les gens admettraient que le fœtus est un être humain: certainement, pensait-on, ils comprendraient que l’avortement est moralement mal. Mais aujourd’hui les avocats de l’avortement admettent très volontiers que le fœtus est physiologiquementhumain. Cependant, ce fait est tenu pour étranger à son statut moral, et ne justifie nullement une protection légale. La « personnalité » (personhood)12, définie en termes d’autonomie ou de pouvoir de choix, constituerait le critère décisif.
Les deux étages pour les problèmes de la vie
« Personnalité » : justifie protection légale
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Physiologiquement humain : étranger au statut moral
Par exemple, durant la campagne présidentielle de 2004, John Kerry surprit beaucoup de monde en reconnaissant que « la vie humaine commence à la conception. » Comment alors pouvait-il encore accepter l’avortement ?
Parce que, expliqua-t-il dans un entretien avec Peter Jennings, le fœtus « n’a pas la forme de vie qui est celle de la personnalité« telle que définie plus haut. Pour la théorie de la personnalité, en l’absence de pouvoir de choix, ou de moi autonome, alors il ne s’agit pas d’une « personne » et le corps est une simple machine que l’on peut traiter de manière utilitaire, dont on peut se débarrasser ou que l’on peut utiliser pour la recherche et l’expérimentation.
Telle est la logique utilisée pour justifier l’euthanasie. Le débat le plus significatif dans le cas de Terri Schiavo13 (en termes de visions contraires du monde) est resté ignoré par la plupart des médias. Sur Court TV on posa cette question à Bill Allen, un bioéthicien de l’université de Floride : « Pensez-vous que Terri soit une personne? » Il répondit: « Non, je ne le pense pas. Je pense qu’avoir conscience de soi est un critère essentiel de la personnalité.«
Les moralistes chrétiens admettent qu’il n’y a pas d’obligation morale à prolonger la vie d’un mourant, mais Terri n’était pas mourante. Ainsi le cœur du problème est une conception de la « personnalité » pour laquelle le simple fait d’être membre de la race humaine n’est pas suffisant pour accorder quelque valeur morale intrinsèque. Il faudrait en plus un ensemble de critères, un certain niveau d’autonomie, la capacité de faire des choix, etc. Quiconque est dépourvu de toutes ses facultés de connaissance sera considéré comme une non-personne, catégorie qui comprend le fœtus, le nouveau-né et les déficients mentaux.
Beaucoup d’éthiciens déclarent maintenant que des « non-personnes » peuvent être utilisées pour fournir des organes ou dans d’autres buts utilitaires. Parmi ceux qui étaient partisans de laisser mourir Terri, il s’en trouva quelques uns, comme le Dr Ronald Cranford, pour accepter ouvertement de refuser de la nourriture et de l’eau même à des infirmes encore conscients et partiellement mobiles ( tel cet homme de Washington qui pouvait faire marcher son fauteuil roulant électrique).
Or il n’existe aucun moyen de donner une définition normative de la « personnalité. » Le critère traditionnel était basé sur la biologie: quiconque était biologiquement un être humain avait droit au statut moral et à la protection légale dus à une personne humaine. Les êtres humains sont évidemment bien plus que de la biologie, mais le critère fournissait un indicateur objectif et empiriquement décelable. Une fois détaché de la biologie, le concept de personnalité devient non empirique, non scientifique et finalement subjectif.
Ceci suggère une manière d’inverser les rôles dans le débat sur l’avortement. Souvent les critiques de la position pro-vie accusent celle-ci d’être religieuse et subjective, d’être basée sur la pure foi que la vie humaine commence à la conception. Cependant le commencement de la vie est bien un fait biologique. Biologiquement parlant, une vie individuelle unique commence dès que les composants génétiques se rencontrent. Ainsi la position pro-vie est-elle fondée sur des faits scientifiques, empiriquement connaissables. Par contre, les arguments pour l’avortement reposent sur le concept de « personnalité », un concept philosophique non empirique, non scientifique, qui finalement est privé et subjectif.
Sexualité postmoderne.
La même vue dualiste de l’être humain sous-tend l’approche libérale de la sexualité. Le corps est traité comme un simple instrument utilisé par le moi autonome en vue de ses propres fins. Une vidéo d’éducation sexuelle largement utilisée dans les écoles publiques définit l’acte sexuel comme « quelque chose que font deux adultes pour se donner mutuellement du plaisir. »
Aucune allusion au fait que le corps a sa propre finalité et sa propre dignité morale appelant le respect.
L’idée dominante aujourd’hui veut que le « genre » (gender) soit une construction sociale et donc qu’il puisse être déconstruit. Les gens « ne veulent pas correspondre à une quelconque étiquette: homosexuels, hétérosexuels, lesbiennes, bisexuels…Ils veulent être libres de changer d’avis » dit un magazine pour homosexuels. C’est comme si était lancé un défi à l’ancienne façon moderne de penser: <voici ce que je suis. Point>, avec un mouvement vers la version postmoderne : <voici ce que je suis en ce moment> . L’identité sexuelle est redéfinie comme étant fluide et variable.
« Ceci est perçu comme une libération, une façon de prendre le contrôle de sa propre identité plutôt que d’accepter celle qui a été culturellement <assignée> », écrit Gene Edward Veith.
Dans certains collèges les étudiants n’ont plus à cocher « M » ou « F » sur leurs fiches de santé. À la place on leur demande de « décrire l’histoire de (leur) genre. » Le corps est devenu un instrument qui peut être utilisé par le moi autonome comme bon lui semble, selon un calcul de plaisir personnel purement utilitaire.
Sexualité postmoderne
Moi autonome : utilise son corps comme bon lui semble
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Corps physique : mécanisme moralement neutre
pour la peine ou le plaisir.
Comble d’ironie : le christianisme est souvent critiqué pour avoir une vue pessimiste du corps, à cause de la morale sexuelle biblique. Mais en réalité il a une vue beaucoup plus élevée que celle de l’utilitarisme d’aujourd’hui. La doctrine de l’Incarnation – Dieu Lui-même a pris un corps humain – met le christianisme à part de toutes les philosophies anciennes niant le monde(comme le gnosticisme), fait toujours vrai aujourd’hui.
Seul le christianisme donne une base pour accorder une dignité éminente à l’existence incarnée.
Retour à la vérité.
Après avoir suivi la dichotomie de la pensée occidentale à travers plusieurs contextes, revenons à la question d’épistémologie par laquelle nous avions commencé. Comme nous l’avons vu, R. Rorty a tout à fait raison de prétendre que le postmodernisme est une conséquence du darwinisme. Si vous mettez l’évolution darwinienne à l’étage du bas, dans le royaume des « faits », alors vous aboutirez au relativisme postmoderne à l’étage du haut, celui des « valeurs ».
Évidemment il y a un illogisme fatal dans cette formulation. Car si le darwinisme signifie que nos idées ne sont pas vraies mais seulement « utiles », alors le même principe s’applique à l’idée du darwinisme lui-même. Pourquoi donc devrions-nous lui accorder la moindre créance ? Le naturalisme darwinien se réfute lui-même. Darwin en personne écrivit plusieurs fois à propos de cette énigme, l’appelant son « horrible doute ». Par exemple : « En moi il y a toujours l’horrible doute de savoir si les convictions de l’esprit humain, qui s’est développé à partir de l’esprit des animaux inférieurs, ont une valeur quelconque et si elles sont dignes de confiance. »14
Le christianisme nous offre le moyen de surmonter le clivage de l’esprit occidental, de sortir de la dichotomie, de retrouver une vision unifiée de la vérité. Le christianisme offre une vision du monde rationnelle et cohérente, assez large pour expliquer toute l’étendue de l’expérience humaine sans saut de foi choquant. Le christianisme n’offre pas seulement une vérité religieuse, une vérité sur une partie isolée de la vie. Il prétend dire le vrai sur chaque aspect de la réalité, sur tous les aspects de notre expérience du monde. En ce sens il est Vérité totale.
1 Extrait de Darwin’s Nemesis [« Mélanges » offerts à Phillip Johnson]
Edité par William Dembski. InterVarsity Press. 2006. Chapitre 14 par Nancy Pearcey: Intelligent Design and the Defense of Reason, pp.227-243. Traduit et adapté par Claude Éon.
2 Nancy Pearcey est professeur au World Journalism Institute, professeur occasionnel (visiting scholar) au Torrey Honors Institute de Biola university et membre « senior » du Discovery Institute. Disciple de Francis Schaeffer à « l’Abri », en Suisse, elle a un Master’s degree du Covenant Theological Seminary suivi par de la recherche en histoire et philosophie à l’Institute for Christian Studies à Toronto. Elle fait de nombreuses conférences: acteurs et scénaristes d’Hollywood, Universités de Dartmouth, Stanford, USC et Princeton; laboratoires de Sandia et de Los Alamos; Congrès et Maison Blanche, etc. Elle écrit sur la science et le christianisme depuis 1977. Ses articles ont paru dans Christianity Today, The Washington Times, Human Events, First Things, Books & Culture, World, The Human Life Review. Elle a écrit plusieurs livres, dont le plus récent, Total Truth: Liberating Christianity from its Cultural Captivity, récompensé par le « Christianity Today 2005 Book Awards » et la médaille d’or de l’ECPA (Evangelical Christian Publishers Association). On relira avec intérêt son article La face cachée du darwinisme dans Le Cep n°21.
3 C.P. Snow, The Two Cultures and the Scientific Revolution (New York, Cambridge Univ., 1959).
4 Richard Rorty, « Untruth and Consequences », The New Republic, 31 Juillet 1995, pp. 32-36.
5 Rorty, Contingency, Irony, and Solidarity (New York: Cambridge U.P. 1989), p.17
6 Alan Bloom dans The Republic of Plato, traduit et annoté par A. Bloom (N.Y. Basic Books, 1968), p.X.
7 Thomas Byrne Edsall, « Blue Movie », Atlantic Monthly, (Jan-Feb 2003).
8 Johnson, Wedge of Truth , p. 148.
* Ndlr. En 1973 déjà, avant même la loi Weil, le P. Ribes sj, directeur de la revue Etudes, écrivait que l’embryon n’avait d’existence que si les parents ou la Société avaient un projet pour lui !
10 Steven Pinker, The Blank State: The Modern Denial of Human Nature (N.Y. Viking, 2002), p. 240.
11 Marvin Minsky, The Society of Mind, (N.Y. Simon & Schuster, 1985) p. 307.
12 Littéralement: atteindre le « statut de personne », par analogie avec « manhood » signifiant atteindre l’âge d’homme.
13 Terri Schiavo fut victime en 1990, à l’âge de 26 ans, d’une crise cardiaque et respiratoire qui la plongea dans le coma pendant 10 semaines. Elle demeura ensuite dans un état végétatif chronique. En 1998, son mari demanda aux tribunaux l’autorisation de lui retirer son tube d’alimentation, ce à quoi s’opposèrent les parents catholiques de Terri. Ce cas souleva aux USA, et ailleurs, de grands débats dans l’opinion. Après d’interminables procédures la Justice permit d’interrompre l’alimentation artificielle de Terri qui mourut le 31mars 2005, à 41 ans.
14 Charles Darwin, in Life and Letters of Charles Darwin, ed. Francis Darwin, vol. 1 p.285.