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Par Murat Louis

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REGARD SUR LA CRÉATION

« Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu quand on Le considère dans ses ouvrages. »

(Rm 1, 20)

Les alvéoles pulmonaires et leurs cils vibratoires1

Dr Louis Murat2

Résumé : L’échange de l’oxygène inspiré par les poumons se fait au travers d’environ 1 milliard d’alvéoles pulmonaires en nid d’abeilles qui se présentent comme de véritables organes, comportant chacune tout un réseau de vaisseaux capillaires, une membrane ajourée de pores, l’épithélium formé de très minces cellules polygonales et même des nerfs. Or ces innombrables conduits aériens sont constamment nettoyés, non seulement par la phagocytose, la lyse chimique et la toux, mais par l’incessant mouvement des cils vibratiles. Ces derniers sont agités d’un mouvement rythmique coordonné (15 vibrations par seconde) pour évacuer mécaniquement les impuretés. Un minuscule appareil aussi complexe et aussi cohérent pourrait-il relever du hasard ?

Le poumon est un appareil élastique à osmose, sans équivalent parmi les créations industrielles de l’esprit inventif de l’homme, appareil représentant par l’infinité de ses alvéoles, dans l’inspiration, la surface invraisemblable de deux cents mètres carrés.

Sur cette surface, à chaque coup de la soufflerie automatique qu’est la respiration, et d’autre part, à chaque mouvement de la pompe cardiaque, le sang vieilli vient en contact avec l’oxygène vivifiant de l’air, amené par les bronches en vue de combinaisons chimiques, d’absorptions et d’éliminations diverses, indispensables à la marche de la machine humaine.

Il y a au niveau du poumon dégagement d’acide carbonique, élimination de vapeur d’eau, de toxines, etc., et formation immédiate, au niveau des alvéoles mêmes, dans le globule rouge, d’oxyhémoglobine instable qui se décompose quinze secondes plus tard dans l’intimité des tissus pour leur céder son oxygène.

Les globules s’usent vite à ce rôle, car ils servent à des combinaisons répétées des milliers de fois par jour puisqu’ils font le tour entier du corps en 30 secondes.

(…) Bornons-nous, parmi les multiples exemples de finalité que pourrait nous fournir l’examen de l’appareil respiratoire, à étudier ici en détail celui que nous offre un fragment microscopique de tissu pulmonaire examiné au niveau des alvéoles. Le tissu du poumon est constitué, nous disent les traités d’anatomie, par 900 millions (recherches de Marc Sée) à 1 800 millions (poumons étudiés par Kuss) d’alvéoles ou logettes en nid d’abeilles, auxquelles aboutissent les dernières ramifications des bronches qui leur amènent l’air inspiré.

Dans les recherches histologiques, en injectant des liquides colorés ou des vernis et du chromate de plomb dans l’artère pulmonaire, et en insufflant par la trachée le poumon que l’on laisse ensuite se dessécher, on voit très bien, à l’aide de la lumière réfléchie, les alvéoles qui ont un diamètre de 1/4 de millimètre.

Chacune de ces 900 millions d’alvéoles, vue au microscope, est elle-même un appareil complet. Elle comprend : 1° une paroi qui forme le dôme à l’intérieur duquel arrive l’air pur; 20 un réseau sanguin qui serpente sous la paroi comme une treille sous le toit vitré d’une serre ; 3° un épithélium du côté de l’alvéole; 4° des filaments nerveux et des vaisseaux lymphatiques.

C’est la destruction d’une partie de ces cloisons, rompues et déchiquetées, qui produit les symptômes cliniques de l’emphysème, le catarrhe suffocant des vieux. Etudions la délicatesse de structure, le fini de chacune de ces parties :

La paroi – le dôme de l’alvéole – est une membrane mince, transparente comme du verre, comme une bulle de savon. « Cette membrane est une vitrée » (Renaut). Elle est parcourue par des réseaux élastiques abondants, très fins sourtout dans le fond de l’alvéole.

« À l’entrée de l’alvéole, les fibres élastiques forment un anneau d’où partant de fines fibrilles qui constituent la charpente de la paroi alvéolaire3. » Ces 900 à 1 800millions de réseaux de fibres élastiques forment donc une couronne d’où part un réticule jeté sur l’alvéole à la façon d’un filet protecteur recouvrant la soie d’un aérostat. C’est grâce à cette richesse de ses parois en tissu élastique que l’alvéole devient trois fois plus petite pendant l’inspiration.

Chaque alvéole est ouverte non seulement du côté de sa base (conduit alvéolaire communiquant avec les bronches), mais aussi du côté des alvéoles voisines auxquelles elle est reliée par de fins canaux nommés pores.

20Le réseau des vaisseaux capillaires de l’alvéole est constitué par des canaux d’une extrême finesse, d’un diamètre qui varie de 0,005 à 0,011 microns d’après Frey, et qui permet juste la circulation du globule sanguin.

Ces vaisseaux s’unissent entre eux et forment un lacis très régulier à mailles rondes ou ovales, tellement petites que les vides laissés entre les capillaires n’égalent même pas la surface occupée par les capillaires eux-mêmes. « Les vésicules pulmonaires, écrit Maisonneuve, sont tapissées par de très fins vaisseaux tellement serrés que le sang paraît y former une nappe continue et la paroi de ces vaisseaux est tellement fine que le contenu se trouve en contact presque immédiat avec l’air qui remplit les vésicules. »

Des capillaires de l’alvéole naissent les innombrables radicules des veines pulmonaires.

La surface des cavités alvéolaires, nous disent les physiologistes, est de 200 mètres carrés au contact desquels vient l’air atmosphérique. La nappe sanguine qui recouvre les alvéoles ou vésicules atteint la surface prodigieuse de 100 mètres carrés et le volume du sang que contient constamment cette nappe est d’un à deux litres.

La circulation renouvelle sans cesse cette dernière, 180 grammes de sang étant lancés dans l’artère pulmonaire à chaque battement cardiaque, c’est-à-dire 70 fois par minute.

Il passe 20 000 litres de sang dans cette nappe toutes les 24 heures, et 12 000 litres d’air viennent pendant ce temps à son contact grâce à la soufflerie qui amène et chasse l’air à raison de 16 coups par minute, soit 24 040 contractions et 24 040 dilatations par jour.

On voit par quel remarquable dispositif sont assurées les grandes fonctions pulmonaires : hématose, élimination de l’eau, rôle antitoxique, régulation thermique, etc.

L’épithélium alvéolaire, qui joue un grand rôle dans les fonctions pulmonaires si délicates, est formé de cellules larges, très aplaties, juxtaposées. Il est facile de faire apparaitre le dessin de leur contour à l’aide du nitrate d’argent. On voit alors qu’elles sont polygonales et dessinent un revêtement en forme de carrelage.

Le protoplasma de ces cellules est d’une minceur extrême. Leur noyau est toujours situé dans la partie de la cellule qui passe au-dessus de la maille du réseau capillaire et il prend place dans la dépression qui occupe à ce niveau l’intervalle de deux vaisseaux voisins.

Le nombre de ces cellules formant avec la membrane élastique vitrée l’alvéole, comme les moellons forment un édifice, est certainement élevé pour chacune des 900 millions d’alvéoles.

On a pu suivre quelques lymphatiques jusque sur les parois des alvéoles pulmonaires (Wywodzoff et Sokorsky).

Des nerfs ont été également observés par Retzius (méthode de Golgi) jusque sur les parois des alvéoles. D’après les figures micrographiques que nous avons eues sous les yeux, on peut compter sur les alvéoles au moins cinq à dix ramuscules terminaux.

Nous montrerons par ailleurs à propos du foie les fonctions si remarquables des vaisseaux lymphatiques et des filets nerveux. C’est dans le bulbe à la base du cerveau que se trouvent les centres des mouvements automatiques, notamment pour le poumon (nœud vital de Flourens), les centres qui règlent les mouvements inspirateurs et les mouvements expirateurs.

Pour résumer cette étude du tissu pulmonaire, on a donc compté de 900 millions à 1 800 millions d’alvéoles chez l’homme, c’est-à-dire aussi 900 millions à 1 800 millions de conduits aériens, divisions des bronches dont la texture est admirable, autant d’infundibulums et de canalicules aériens, autant d’ostioles, de couronnes élastiques, autant de cavités et de dômes alvéolaires, autant de divisions primaires des artères, des veines, des lymphatiques et des nerfs, divisions dont chacune est encore l’origine d’un réseau entier intra-alvéolaire.

Nous avons ainsi constaté 65 capillaires sur la partie visible d’une alvéole injectée (figure micrographique du Manuel technique d’histologie de Stöhr, p. 315). En comptant une moyenne minima de 50 branches capillaires par réseau alvéolaire, cela nous fait le chiffre de 45 milliards de tubes capillaires pour les 900 millions d’alvéoles.

Le nombre des fibres du réseau élastique de l’alvéole doit former un total sensiblement égal. Quant au réseau de vaisseaux lymphatiques et au réseau des filaments nerveux, ils doivent chacun comprendre au total environ dix milliards de divisions terminales.

En outre, les cloisons alvéolaires sont, nous l’avons dit, finement ajourées de pores qui les mettent en communication et qui, d’autre part, jouent un rôle dans l’hématose en multipliant les points de contact entre l’air atmosphérique et le globule sanguin. La surface du poumon est 120 fois celle du corps. Le nombre des pores utilement disséminés sur cette immense étendue nécessaire au chimisme respiratoire a été évalué à 40 ou 50 milliards. (Hausemann, Muller)

La simple éloquence des faits et des chiffres qui les représentent n’a-t-elle pas une puissance de persuasion supérieure à tous les arguments, à toutes les démonstrations philosophiques, pour ou contre une doctrine, qu’on suit trop souvent d’un œil distrait en songeant au sophisme, à la contradiction possible?

Ici ce sont des faits irrécusables, parlants, probants, suffisamment interprétés par le bon sens de chacun.

Ces chiffres prodigieux relatifs aux ingénieuses constructions alvéolaires, aux réseaux ordonnés de fibrilles ou de vaisseaux qui les desservent, etc., peuvent fatiguer l’attention peut-être à une première lecture. Qu’on veuille bien considérer qu’ils ont le haut intérêt de faits précis rendant mieux que toute autre preuve la merveille solidement démonstrative.

Nettoyage automatique des cavités internes et notamment des bronches.

Voyons comment sont assurés la propreté de ces innombrables conduits et l’entretien indispensable de l’arbre aérien, de la machine délicate et compliquée où ne peut être fait de l’extérieur aucun décrassage, aucun ramonage.

Ce nettoyage et ce constant entretien sont réalisés :

1° Par les phénomènes de nutrition qui renouvellent sans cesse les cellules vieilles, usées, etc.

Par l’action, qui a été étudiée plus haut, des phagocytes de deux ordres : cellules fixes de l’épithélium qui dévorent les microbes et les corps étrangers, et, d’autre part, globules blancs du sang circulant dans les capillaires et sortant des vaisseaux pour débarrasser les tissus des microbes pathogènes, des corps étrangers, des cellules vieillies ou mortifiées; ils traversent aussi dans ce but les membranes diverses, sans les détériorer, en s’allongeant comme un fil au passage.

On calcule que, dans une atmosphère ordinaire non corrompue, le poumon absorbe cent millions de microbes par an.

Les expériences de Strauss et Dubreuilh ont montré que tandis que l’air ambiant d’une salle à l’hôpital Saint-Antoine renfermait, par mètre cube, 20 700 germes cultivables, cet air au sortir de la poitrine humaine n’en contenait que 40. Tout le reste est détruit, devient la proie des phagocytes ou des mucosités bactéricides.

3° Par l’action de la toux pour tout corps étranger ou poussière ou gaz irritant.

Le réflexe du nerf laryngé supérieur se produit aussitôt qu’un corps étranger touche au larynx, menaçant de tomber dans les voies aériennes, accident le plus souvent mortel.

Ce réflexe protecteur, qui produit aussitôt par un remarquable mécanisme une toux expultrice, est cité par le professeur Richet comme une des plus indiscutables preuves de la finalité biologique.

4° Par le mouvement vibratoire incessant de myriades de brosses vivantes : l’épithélium à cils vibratiles des bronches.

Des pièces mobiles appelées cils tapissent intérieurement la trachée et les bronches. Chaque cellule de l’épithélium de ces derniers organes porte un plateau sur lequel sont implantés les cils en rangées parallèles ou en quinconces régulièrement orientés.

Le nombre total des cils s’élève à plusieurs centaines de millions. Chaque cil est formé de quatre articles et présente parfois une striation transversale. Les cils se meuvent tous dans un sens déterminé en vue de la fonction dont ils sont chargés.

L’amplitude et la durée des battements ne sont pas quelconques. Elles sont rigoureusement identiques pour tous les cils. Une rangée ne se lève que peu après la précédente. Vient-on à couper en deux la membrane ciliée de certains infusoires, chaque moitié continue à battre métachroniquement pour son compte, mais les deux moitiés ne sont plus accordées entre elles. Le parfait métachronisme de tous les battements des cils n’est pas expliqué.

Vus à un faible grossissement, ces mouvements rappellent les ondulations régulières d’un champ de blé agité par le vent. Il y a une déformation vibratoire locale se propageant comme une onde dans un muscle. La vibration est transversale dans le cil.

On constate l’existence de « longs faisceaux fusiformes contractiles disposés longitudinalement dans l’axe des cils ». (Engelmann.)

La fréquence des mouvements des cils étudiée par les méthodes stroboscopiques (Martius) dépasse quinze à la seconde. Le déplacement de l’onde est d’un millimètre par seconde. Bowditch estime à 7 grammomillimètres par centimètre carré et par minute le travail mécanique effectué par les cils.

Le poids déplacé peut atteindre 336grammes par centimètre carré (Wyman).

Engelmann qui a décrit les phénomènes électro-moteurs des cils nous dit que la différence de potentiel entre la surface et le centre du cil est de 0,01 volt.

La nature de l’appareil excitateur des ondulations reste inconnue.

Ces mouvements peuvent s’observer facilement sur l’épithélium vibratile de l’œsophage de la grenouille : on fend longitudinalement l’œsophage qu’on étale ensuite et sur lequel on sème des poussières de charbon qu’on voit progresser dans un certain sens. C’est le même mouvement que ferait exécuter à un petit morceau de bois mobile, placé sous ses premières pattes, un myriapode qu’on tiendrait fixé entre les doigts.

Du reste, en découpant un morceau du tube œsophagien de la grenouille et en y introduisant une baguette de verre de même dimension que l’œsophage, on voit le lambeau se déplacer par l’action des cils vibratiles, au nombre de 100 à 209 par cellule, qui agissent comme autant de pieds microscopiques : c’est l’expérience décrite sous le nom de limace artificielle à cause de l’illusion qu’elle produit. Quelle explication purement mécaniste pourrait rendre compte du synchronisme, harmonieusement rythmé en vue de la fonction, de la propagation coordonnée de l’onde, de son orientation toujours dans le sens utile, etc. ?

1 Repris des Merveilles du corps humain, Paris, Pierre Téqui 1912, pp. 116-130.

2 Auteur, en collaboration avec son frère le Dr Paul Murat, de publications scientifiques récompensées par l’Académie de Médecine et l’Académie des Sciences. A collaboré avec Albert de Lapparent, fondateur de la chaire de géologie à l’Institut catholique.

3 Stöhr Philipp, Manuel technique d’histologie, 1904, p. 315. Traduction Toupet et Critzman.

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