Partager la publication "Les catholiques chinois dans la tourmente – Un expert l’affirme : les catholiques chinois souffrent la pire persécution que le monde ait jamais vue"
Par Mosher Steven
Un expert l’affirme : les catholiques chinois souffrent la pire persécution que le monde ait jamais vue1
Résumé : Concernant l’Empire du Milieu, on vante souvent une synthèse réussie depuis Deng Xiaoping entre le communisme (l’État reste contrôlé par le Parti) et le capitalisme (large liberté pour les petites entreprises). Mais cette « perestroïka » à la chinoise va avec un contrôle des populations qui, lui aussi, a réuni l’idéologie collectiviste et la technologie la plus pointue.
Jouissant d’un pouvoir stable, la Chine sert ainsi de prototype au futur État mondial orwellien auquel certains travaillent. Le contrôle des comportements et des pensées – tout particulièrement des idées religieuses : les plus enracinées au cœur de l’homme – est donc au premier rang des préoccupations du pouvoir. C’est ce que nous révèle la communication faite par Stephen Mosher, un sociologue américain fin connaisseur de la Chine, à un colloque « pro-vie » tenu à Rome en mai dernier. On mesure à cette lumière les vastes périls créés pour les catholiques (et même pour les autres religions) avec les accords secrets signés le 22 septembre 2018 entre le Vatican et Pékin.
Steven Mosher2, expert sur la Chine et sociologue, a annoncé le 16 mai 2019 au Rome Life Forum réuni à l’Université Pontificale Saint-Thomas d’Aquin, que la persécution des chrétiens en Chine, en particulier celle des catholiques, se poursuit actuellement d’une manière telle que « le monde n’en a jamais vu de semblable ».
Mosher, Président du Population Research Institute, qui en 1979 fut le premier sociologue à visiter la Chine, commença son discours au Rome Life Forum jeudi à l’Angelicum en disant qu’il aimerait avoir des nouvelles plus agréables à donner à son auditoire.
Citant la vidéo de l’évêque Athanasius Schneider, Mosher dit que l’évêque avait parlé à son cœur en comparant la Cité de Dieu à la cité de l’Homme. [Schneider] dit « que remplacer la volonté de Dieu par celle de l’homme sans Dieu est un objectif de la cité de l’homme et c’est ce que nous voyons en pleine floraison en Chine aujourd’hui. » « En Chine, cet homme a bien un nom, poursuivit-il, son nom est Xi Jinping et c’est l’individu le plus cruel et sans pitié que nous ayons vu diriger la Chine depuis Mao Tsé-Toung dans les années 1950 à 1960. »
Le Président chinois « exige une totale soumission du peuple chinois, y compris des catholiques, qui semblent être les premiers sur le billot », déclara Mosher, et il y a plusieurs centaines de milliers de gens dans les prisons chinoises pour n’avoir pas été assez soumis à sa volonté. En utilisant le système chinois de totalitarisme bureaucratique vieux de plus de 2 000 ans, associé à la technologie avancée, Xi essaie de résoudre le problème.
« Xi Jinping a déclaré lui-même, citant feu Joseph Staline, que le Parti Communiste Chinois, et lui-même en particulier, vont être les ingénieurs de l’âme chinoise », signala Mosher.
« Méditez cette phrase – poursuivit-il – [Xi] veut réellement remodeler l’âme chinoise. Il veut la démonter en petits morceaux, éliminer tout ce qui s’oppose à une soumission et à une obéissance totales au Parti, puis la remonter pour produire des clones, des affidés obéissants. »
« Maintenant il devrait être clair pour tout le monde, même sans doute pour les diplomates du Vatican, que les choses vont de mal en pis en Chine », déclara Mosher.
Steven Mosher pense qu’en raison de l’accord secret de septembre 2018 entre la Chine rouge et le Vatican, la liberté religieuse est plus en danger que jamais. En partie parce que les clauses de l’accord sont secrètes, les communistes l’ont présenté à la fois à l’Église catholique clandestine et à la prétendue Association Patriotique Catholique, comme une soumission du Vatican au contrôle de l’Église en Chine par le Parti Communiste Chinois lui-même.
Steven Mosher révéla que les autorités communistes disent aux évêques et laïcs clandestins que l’accord Sino-Vatican exige qu’ils s’enregistrent auprès du gouvernement et qu’ils adhèrent à l’Association Patriotique Catholique. Presque tous refusent de le faire, car ils savent que l’Association n’est pas en communion avec Rome. L’Association avait été fondée en 1958 par Mao Tsé-Toung comme un « instrument de contrôle ».
La punition pour ne pas adhérer à l’Association Patriotique comprend l’arrestation des rebelles et la démolition de leurs églises et lieux saints. Cependant, dit Mosher, même « approuvés », des églises et lieux saints appartenant à l’Association sont détruits.
Pendant ce temps, le système utilisé pour faire respecter la politique chinoise de l’enfant unique (amendée à deux enfants depuis 2016) est maintenant employé pour supprimer les signes de foi religieuse de l’espace public. « Les responsables locaux ont été avertis par le gouvernement central qu’ils doivent s’assurer qu’il n’y a aucune expression publique de quelque sentiment religieux où que ce soit dans les districts, villages ou villes qu’ils contrôlent. »
Comme pour la politique des deux enfants, les responsables locaux seront condamnés à une amende ou perdront leur position, s’ils n’obligent pas leurs citoyens à obéir. Mosher déclara que tout en détruisant églises et croix, ces responsables locaux vont dans les habitations privées et confisquent les objets religieux, y compris les Bibles.
« L’État…écrit sa propre Bible », expliqua-t-il.
« Nous avons maintenant des idéologues du Parti Communiste qui réécrivent les Écritures, et ils vont publier une nouvelle Bible pour tout le monde. »
Mosher dit que ce système est « une injonction d’intense persécution nationale, pas seulement des catholiques et pas seulement des chrétiens, mais de tous les croyants », y compris les bouddhistes et les taoïstes. Cependant, « la guerre à toutes les religions » vise particulièrement les catholiques parce qu’ils appartiennent à la seule religion dont le chef vit en dehors de Chine.
L’orateur révéla aussi que l’accord Sino-Vatican est une déception non seulement pour les catholiques chinois, mais aussi pour les bouddhistes thibétains et les avocats de la liberté religieuse aux USA. Les bouddhistes thibétains se plaignent de ce que le Vatican a créé un précédent en autorisant le Parti Communiste Chinois à choisir les évêques, permettant ainsi au Parti de choisir le prochain Dalaï-Lama. Pendant ce temps, la Commission US sur la Liberté Religieuse Internationale estime que la Chine « est dans une catégorie à part en termes de violation de la liberté religieuse » et que le Vatican a une responsabilité « morale et légale » en vue de résoudre le problème que son accord avec la Chine a créé par inadvertance.
Mosher a aussi décrit en détail comment le gouvernement chinois utilise smartphones, caméras de vidéo-surveillance, médias sociaux et autres technologies pour surveiller les citoyens chinois et les récompenser ou les punir selon un système de « crédit social ». Par exemple, tout le monde doit avoir une application Xi-Jinping sur son smartphone. Cela s’appelle « Chine Forte étudie Xi » [Study Xi Strong China] et chacun doit étudier Xi sur son smartphone pendant une demi-heure chaque jour et répondre à une interrogation quotidienne. Si vous manquez une séance, votre score de crédit social diminue.
« En Chine, en combinant les mégadonnées et l’intelligence artificielle avec le pouvoir foncièrement illimité du gouvernement, vous avez ce qu’on pourrait appeler une dictature de haute technologie numérique », dit Mosher.
L’orateur revint au thème de l’accord Sino-Vatican, que lui et la Commission US sur la Liberté Religieuse Internationale estiment avoir rendu la vie plus difficile pour les catholiques et autres chrétiens en Chine.
Le cardinal Zen, à Hong Kong, a qualifié cet accord d’« incroyable trahison » et comme « une complète capitulation pour l’Église catholique clandestine chinoise ». « Et c’est malheureusement ce qui se passe », ajoute Steven Mosher.
Contribue aussi à la souffrance croissante des chrétiens en Chine, la prise de contrôle de l’Association Patriotique Catholique par le Parti Communiste, en mai dernier. Autrefois dirigée par le Ministère des Affaires Civiles, la communauté chrétienne est maintenant dirigée par le Département du Front Uni. Mosher décrivit comment le Front Uni s’empare de groupes qui ne sont pas directement contrôlés par le Parti et en fait ses esclaves volontaires.
Mosher pense que c’est ce qui va arriver à l’Association Patriotique Catholique et il cita son « évêque » Fong, un apparatchik du Parti, qui déclara : « Nous devrions tous être loyaux envers le Parti d’abord et alors nous pouvons être de bons catholiques ensuite. »
« Ce que nous voyons en Chine, c’est le déroulement d’une persécution comme le monde n’en a jamais vu », dit l’expert. « Ce n’est pas une persécution où les chrétiens sont arrêtés et livrés aux lions, mais une persécution où les chrétiens sont arrêtés pour leurs pensées elles-mêmes. »
Par l’utilisation de la technologie, des mégadonnées, de l’intelligence artificielle et des techniques de surveillance, le Parti Communiste est capable de deviner ce que sont ces pensées.
« Ainsi, la persécution est une persécution dont le but est de remodeler leurs âmes elles-mêmes et de les transformer en bons disciples obéissants et dociles au Parti Communiste Chinois », conclut Mosher. Face à un tel fléau, Mosher recommanda que les chrétiens prient pour la Chine ; que l’accord Sino-Vatican soit révoqué et, si ce n’est pas possible, qu’au moins le Vatican parle franchement contre l’obligation faite aux catholiques orthodoxes d’adhérer à l’Association Patriotique schismatique. Il pense que ce n’est qu’en lui faisant honte à partir de l’étranger que le gouvernement chinois changera son comportement ; il pense ainsi qu’une ferme condamnation par le Vatican aiderait la liberté religieuse en Chine.
Steven Mosher, comme catholique, aimerait aussi voir la consécration de la Chine au Cœur Immaculé de Marie.
Annexe 1 (reprise sur le blogue « L’Observatoire de la Christianophobie » du 2 juillet 2019).
L’accord dont les termes sont toujours tenus secrets par les deux signataires3, entre le Saint-Siège et la Chine communiste portait, selon ce qui été précisé par le Vatican, sur l’épineuse question des évêques : ceux qui étaient canoniquement reconnus par le Saint-Siège mais non agréés par le régime communiste, et ceux agréés par le régime communistes mais non canoniquement reconnus par le Saint-Siège. L’accord a permis une régularisation par Rome des seconds, mais l’agrément des premiers par Pékin est loin d’être total. Depuis la signature de cet accord, qualifié par Rome de premier pas d’un processus, la persécution des catholiques chinois par le régime loin de s’être adoucie, s’est considérablement aggravée.
Le but des communistes est en effet, objectivement et subjectivement, d’asservir l’Église catholique en Chine. Les réactions d’évêques, de prêtres et de fidèles ont été vives : nous en avons signalé maints exemples notamment dans notre mensuel Chrétiens Persécutés. Des évêques, des prêtres et des fidèles refusent cet asservissement qui, s’il était parachevé, couperait l’Église catholique de Rome et du Pape. Ils en ont appelé à Rome qui, dans un tout récent document du 28 juin, appelle à la poursuite du dialogue – or pour dialoguer, il faut être deux… – sur place, mais reconnaît le bon droit de ceux des évêques, des prêtres et des fidèles qui, au nom de la liberté de conscience, de la doctrine catholique et de la communion avec Rome, refuseraient de souscrire à l’asservissement demandé par le régime communiste en le ratifiant par une signature. Situation complexe qu’Églises d’Asie tente de nous expliquer.
En publiant des orientations pastorales sur l’enregistrement civil du clergé chinois, le Saint-Siège a demandé le respect absolu de la liberté de conscience des prêtres et des évêques en Chine face aux demandes des autorités gouvernementales de s’enregistrer civilement. Le document invite notamment les catholiques chinois à comprendre la complexité de la situation en acceptant les décisions difficiles prises par leurs pasteurs, quelles qu’elles soient, sans juger les choix posés par les autres. Le Vatican précise que le fait de s’enregistrer civilement pose un problème parce que cela impose toujours à l’évêque ou au prêtre d’accepter « le principe d’indépendance, d’autonomie et d’auto administration de l’Église en Chine », ce qui peut être vu comme une remise en questions des liens avec le Pape et l’Église universelle.
En publiant ces orientations pastorales, le Vatican reconnaît que l’acceptation du principe de l’indépendance de l’Église en Chine se fait malgré l’engagement des autorités chinoises à respecter la doctrine catholique, dans le cadre de l’accord signé entre le Saint-Siège et Pékin en septembre 2018. Le fait de s’inscrire officiellement, la seule façon de pouvoir vivre son ministère ouvertement, est un choix qui est « loin d’être simple », précisent les orientations du Saint-Siège : « Tous ceux qui sont concernés – le Saint-Siège, les évêques, les prêtres, les religieux, les religieuses et les fidèles laïcs – sont appelés à discerner la volonté de Dieu avec patience et humilité à propos de cette période de l’Église en Chine, marquée par beaucoup d’espoir mais aussi par des difficultés tenaces. » Les orientations pastorales du Saint-Siège assurent au clergé chinois que le Vatican « poursuit le dialogue avec les autorités chinoises » afin de trouver « une formule qui, tout en permettant l’enregistrement civil, respecte non seulement les lois chinoises mais aussi la doctrine catholique ».
En revanche, le document précise également que « si un évêque ou un prêtre décide de s’enregistrer civilement, mais que le texte de la déclaration ne semble pas respecter la foi catholique, il devra préciser par écrit, en signant, qu’il agit tout en respectant son devoir de rester fidèle aux principes de la doctrine catholique ». « Quand il n’est pas possible d’ajouter une telle précision par écrit, le signataire devra au moins le faire oralement, en présence de témoins », et le communiquer à son évêque. Ainsi, le Vatican souligne que l’enregistrement civil doit toujours être fait « dans le seul but de servir le bien de la communauté diocésaine et sa croissance dans un esprit d’unité », en permettant l’évangélisation et « la gestion responsable des biens de l’Église ». Le Saint-Siège ajoute également qu’il « comprend et respecte les choix de ceux qui, en conscience, décident qu’ils sont incapables de s’enregistrer dans les conditions actuelles ».
En commentant d’une façon plus générale l’obligation d’enregistrement, le Vatican souligne que la Constitution chinoise « garantit officiellement la liberté religieuse4 ». Le document précise que l’accord5 signé entre le Saint-Siège et Pékin en septembre dernier reconnaît le rôle particulier du successeur de Pierre, ce qui conduit le Vatican à comprendre et interpréter l’indépendance de l’Église catholique en Chine non pas dans un sens absolu, qui la séparerait du Pape et de l’Église universelle, mais plutôt dans un sens relatif confiné à la sphère politique. « Le fait d’affirmer que l’identité catholique ne peut pas être séparée du successeur de Pierre, cela ne fait pas de l’Église locale un corps étranger à la société et à culture du pays dans laquelle elle vit et travaille », affirme le Saint-Siège.
(Source : Églises d’Asie, 2 juillet 2019).
Annexe 2 (sur le blogue L’Observatoire de la Christianophobie du 4/07/19).
J’écrivais, voici deux jours, que le Saint-Siège soutenait « avec prudence » les réserves d’évêques catholiques chinois envers les contraintes de toutes sortes que le régime communiste de Pékin entend leur imposer pour leur permettre d’exercer leur ministère. Le Saint-Siège a tenté, dans des Orientations publiées le 28 juin, de contourner les “chinoiseries” communistes. Y parviendra-t-il ? Le vaticaniste Sandro Magister en doute et vient de publier un texte long mais très éclairant sur cette épineuse situation.
Il y a une information importante dans les Orientations que le Saint-Siège a données le 28 juin aux évêques et aux prêtres chinois, concernant l’obligation qui leur est faite de signer un acte d’enregistrement civil « sous peine d’impossibilité d’agir pastoralement ». Cette information lève un coin du voile sur l’un des points clés de l’Accord provisoire, toujours secret à l’heure actuelle, sur la nomination des évêques, qui a été signé entre le Saint-Siège et la Chine le 22 septembre dernier.
Grâce à ces Orientations, nous savons à présent que dans cet accord, la Chine communiste a pour la première fois « reconnu le rôle particulier du successeur de Pierre ». Dont il découle que l’ « indépendance » de l’Église catholique chinoise de toute puissance étrangère, un élément auquel Pékin n’est toujours pas prêt à renoncer, ne doit plus être comprise « au sens absolu, c’est-à-dire comme une séparation d’avec le pape et l’Église universelle » mais dans un sens « relatif à la seule sphère politique ». Pourtant, ces Orientations nous apprennent également que les faits ne correspondent pas à cet accord parce que, « presque toujours », des prêtres et des évêques continuent à être forcés de signer des documents dans lesquels « le principe d’indépendance, d’autonomie et d’auto-administration de l’Église en Chine » est affirmé en termes absolus, « malgré l’engagement pris par les autorités chinoises de respecter également la doctrine catholique ».
Voilà la raison pour laquelle, dans la Lettre aux catholiques chinois de 2007 – qui constitue toujours la magna carta de l’Église catholique en Chine – Benoît XVI qualifiait d’ « inconciliables avec la doctrine catholique » les principes de base de l’Association patriotique des catholiques chinois, l’organe de contrôle du régime, auquel étaient obligés de s’inscrire tous ceux qui voulaient sortir de la clandestinité.
Aujourd’hui, en revanche, pour le Saint-Siège, l’inscription à l’Association patriotique – où à une autre association équivalente – ne doit plus être exclue de façon absolue, pour autant qu’elle s’accompagne dans le même temps d’une attestation d’observance de la doctrine catholique, faite par écrit ou « même simplement oralement, si possible en présence d’un témoin » et dans tous les cas en informant son propre évêque de l’ « intention » avec laquelle l’acte a été signé.
Mais à en juger par ces mêmes Orientations, les relations entre le Saint-Siège et la Chine continuent d’être très difficiles. Malgré que Rome fasse des pieds et des mains pour aplanir ou contourner les différends, la réalité des faits continue à être « presque toujours » aux dépens des catholiques chinois. À tel point que des observateurs dont la compétence est reconnue, comme les pères Sergio Ticozzi et Bernardo Cervellera de l’Institut pontifical pour les missions étrangères, n’hésitent pas à qualifier d’« un peu théorique et optimiste » le pas en avant effectué par Rome avec la publication des Orientations et à dénoncer comme étant totalement déplacées les acclamations dithyrambiques du Global Times – l’organe officiel en langue anglaise du parti communiste – à trois « premières » du Vatican envers Pékin, comme s’il s’agissait de la preuve d’une magnifique entente : une exposition des Musées du Vatican, une conférence enthousiaste « sur le pape François et sa vision » du jésuite Bernard Vermander et une autre conférence hyper-optimiste sur les relations entre la Chine et le Saint-Siège du P. Antonio Spadaro, le directeur de La Civiltà Cattolica, un intime du pape François, relayées le 27 juin dans L’Osservatore Romano.
En ce qui concerne les faits eux-mêmes, nous proposons d’entrer dans le vif du sujet en évoquant deux situations emblématiques. La première consiste en un document publié intégralement le 25 juin par Asia News. Il provient du Fujian6 et s’intitule : « Lettre d’engagement pour les responsables des lieux de culte et pour les personnes consacrées. »
Sa signature est obligatoire pour exercer le ministère de curé, sous peine d’être à nouveau rejeté dans la clandestinité. Et il en va de même pour les personnes consacrées, les religieuses.
Parmi les obligations imposées par ce document, on retrouve celles d’« interdire l’entrée des églises aux mineurs d’âge » et de « ne pas organiser de cours de formation pour les mineurs », donc même pas la catéchèse aux enfants dans les salles paroissiales.
On y trouve également l’obligation de couper toute relation avec les confrères de foi catholique à l’étranger et de refuser toute invitation à des colloques ou à des interviews. Il est même interdit d’exposer des images sacrées dans sa propre maison, de chanter des hymnes ou de poster en ligne des commentaires à caractère religieux. Des documents analogues sont utilisés dans le Henan, le Hubei et le Zhejiang.
Le second cas est celui du diocèse de Mindong, lui aussi dans le Fujian, et de ses deux évêques.
Jusqu’en 2018, le seul évêque de Mindong reconnu par Rome – mais pas par Pékin – était Vincent Guo Xijin, qui faisait continuellement l’objet de vexations de la part des autorités chinoises. Ces dernières avaient, en l’an 2000, installé dans le même diocèse l’excommunié Vincenzo Zhan Silu, un homme du régime, vice-président aussi bien de l’Association patriotique que de la pseudo conférence épiscopale qui ne rassemble que les évêques nommés par le gouvernement, également membre de la Conférence politique consultative du peuple chinois.
Mais le 22 septembre 2018, quand Rome et Pékin ont signé l’accord en question ci-dessus, le pape François a levé l’excommunication qui frappait Zhan, lui a confié la direction du diocèse et a rétrogradé Mgr Guo pour en faire son auxiliaire7. Pourtant, Mgr Guo n’a jamais été reconnu comme évêque par les autorités chinoises jusqu’à ce qu’il appose lui-même sa signature sur un document qui exige de sa part non seulement obéissance au nouvel évêque titulaire, mais surtout soumission aux lois du pays et adhésion aux principes d’ « indépendance » et à l’Association patriotique.
Or Mgr Guo résiste. Il accepte l’obéissance à l’évêque et la soumission aux lois. Mais il refuse d’adhérer aux principes d’ « indépendance » et à l’Association patriotique. Les autorités chinoises lui permettent de célébrer publiquement les rites de la Semaine Sainte, chose qui lui était interdite jusqu’à quelques jours auparavant, mais elles refusent que l’on sache ce qu’il a signé et ce qu’il n’a pas signé. Au contraire, elles font la propagande de sa prétendue adhésion à l’Association patriotique pour inciter les prêtres de son diocèse à en faire autant. Alors Mgr Guo se rebelle. Pour revendiquer la liberté pour lui-même et pour ses prêtres, il envoie une lettre aux autorités dans laquelle il écrit : « Le gouvernement a décidé de persécuter les prêtres qui refusent de signer l’adhésion à l’Association patriotique. Si je ne suis pas en mesure de les protéger, cela ne vaut pas la peine que je sois reconnu comme évêque auxiliaire. Je suis prêt à affronter la persécution tout comme les autres prêtres. »
Les représailles furent immédiates. Les autorités du gouvernement interdisent à Guo de présider le 28 juin la célébration de la profession religieuse des religieuses du Sacré-Cœur. Et il réagit en ne participant pas, le jour suivant, à la messe de dédicace de la nouvelle cathédrale de Mindong, construite avec les deniers du gouvernement. Il explique son geste dans une courte lettre adressée aux prêtres de son diocèse, que Asia News publie intégralement et dans laquelle il écrit : « J’ai décidé de ne pas me présenter à la cérémonie, même si on était venu me chercher en palanquin. Je suis un homme et pas un singe qui dit oui à tout ce qu’on lui dit de faire. Je voulais me taire, mais certains frères m’ont dit que tous avaient le droit de connaître la vérité. »
Et dire que le Mindong était le diocèse qui, pour les fans de l’accord entre Rome et Pékin, devait faire office de “projet pilote” pour la nouvelle Église chinoise !..
(Source : Settimo Cielo (traduction Diakonos), 4 juillet 2019)
1 Original sur LifeSiteNews (Rome, 17 mai 2019).
2 Steven MOSHER (USA), ancien communiste athée et pro-avortement, converti par ce qu’il a observé en Chine, est devenu catholique et père de neuf enfants. Il a dressé un tableau catastrophique de ce que vit la population du plus grand pays communiste actuellement [et de ce qui nous attend aussi] : l’enfer sur terre ! Manipulation constante, lavage de cerveau, surveillance de tout ce que vous faites, dites et pensez par tous les moyens de communication moderne, persécution jusque dans les foyers, emprisonnement en camp de rééducation sous des fausses accusations, puis meurtre de chrétiens et d’autres opposants, élimination d’un tiers de la population (500 millions d’enfants) pendant les 50 dernières années par la politique de « l’enfant unique »… Les Chinois doivent tous adorer quotidiennement leur président et le Parti, « de qui vient tout bien » et qui change les corps et les âmes pour produire des esclaves totalement soumis. Beaucoup d’églises ont été démolies, mais pas dans les plus grandes métropoles, pour des raisons touristiques et de propagande.
3 Ndlr. On pense inévitablement aux 77 « articles organiques » que Napoléon Bonaparte avait fait ajouter unilatéralement au texte du Concordat (signé le 15 juillet 1801 et ratifié par une bulle le 15 août), lors du vote ultérieur de validation par les deux Assemblées, à Paris. Malgré toute les concessions qui avaient été faites en vue de supprimer le schisme dans l’Église de France (entre le clergé fidèle anciennement nommé par Rome et le clergé « jureur » élu par le peuple, Rome connut alors une forte déception : la loi du 8 avril 1802 (qui valide le Concordat) comporte en effet 77 « articles organiques » qui en précisent l’application. Ceux-ci avaient été rédigés sans l’assentiment de l’Église par Jean-Étienne Portalis, Conseiller d’État chargé des cultes depuis octobre 1801. Le Saint-Siège en contestera en vain la validité. Ces articles serviront aux républicains anticléricaux, déjà à partir de 1879 et surtout après 1901, pour contrôler l’Église catholique, rogner son statut et aboutir in fine à la séparation de 1905.
4 Ndlr. Mis à part l’Albanie, dont la constitution était officiellement athée, tous les pays communistes ont proclamé la « liberté religieuse ». Quand la mauvaise foi est de méthode, on n’est plus à une simagrée près !
5 Ndlr. Dans un tel domaine, concernant vitalement des millions de personnes, que peut valoir un « accord » dont le texte reste secret ? Selon la bonne mais tragique formule du cardinal Zen : imagine-t-on saint Joseph passant un « accord » avec Hérode ?
6 Ndlr. En français Fu-kien, province maritime face à l’île de Taïwan.
7 Ndlr: Plusieurs mois avant la levée des excommunications, un émissaire du Vatican avait déjà demandé à Mgr Guo Xijin et à Mgr Zuang Jianjian de se désister en faveur d’un évêque illégitime, ce qu’ils avaient alors refusé de faire (cf. : www.theguardian.com du 30 janvier 2018 et AsiaNews du 22 janvier 2018).