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Par Yin Grace, Li David

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Les prélèvements forcés d’organes en Chine1

Résumé : Il est souvent difficile d’obtenir des organes à greffer. Dans nos pays, le receveur doit parfois attendre des années avant qu’un donneur adéquat se présente. Le Parti communiste chinois a résolu rationnellement le problème. Dès l’arrestation, les prisonniers font l’objet d’une étude médicale et biologique poussée, permettant de les répertorier en vue d’une éventuelle greffe. De la sorte, à l’arrivée du receveur, un « donneur » compatible peut être appréhendé pour subir le prélèvement souhaité. Outre les minorités ethniques (Ouïgours, notamment) et religieuses (chrétiens en particulier) il existe en Chine une population privilégiée car elle est nombreuse et en bonne santé et comporte hommes, femmes et enfants. Il s’agit des adeptes du Falun Gong, une pratique immémoriale comportant des exercices physiques et psychiques recherchant l’harmonie en soi-même avec les autres et avec le cosmos. Dans un premier temps, le Parti en avait fait un élément de propagande, la preuve que la sagesse populaire pratique l’emportait sur la science médicale occidentale (l’anesthésie par acupuncture a aussi joué ce rôle). Mais les adhérents du Falun Gong se sont bientôt comptés par dizaines de millions et se rassemblaient pour pratiquer leurs exercices dans les parcs publics. Ils étaient devenus plus nombreux que les membres du Parti ! De là une violente persécution qui se poursuit mais, on le verra, une persécution éminemment rentable.

Lorsque nous pensons à la Chine, nous avons en tête son incroyable croissance économique et son statut de superpuissance émergente. Ce pays joue effectivement un rôle de plus en plus grand dans le commerce international et la géopolitique mondiale, attirant de grands investisseurs étrangers dans ses marchés lucratifs.

Mais la Chine possède un autre visage – un visage caché dont nombre d’observateurs occidentaux hésitent à traiter depuis le massacre de la place Tiananmen en 1989.

Nous faisons référence au rôle de la Chine dans l’une des pires violations des droits de l’homme au monde. Le Parti communiste a utilisé chaque aspect de la société pour mener sa politique répressive et se maintenir au pouvoir, utilisant fréquemment des moyens violents. Le domaine médical ne fait pas exception. Le premier cas de médecins prélevant de force les organes d’un prisonnier d’opinion a été enregistré dans les années 1970, quand une femme fut exécutée et ses reins transplantés au profit du fils d’un cadre supérieur du Parti. Les Ouïghours ont été soumis à ce genre d’abus dans les années 1990. La liste des groupes désignés comme « ennemis de l’État » a continué de s’allonger. Sous la doctrine du Parti, on pouvait s’attendre à ce que ces populations soient utilisées comme « ressources » par l’État. À cette fin, ils étaient systématiquement diabolisés et déshumanisés aux yeux de la population chinoise.

Aucun groupe n’a plus souffert aux mains du Parti communiste chinois que les pratiquants de Falun Gong, une pratique spirituelle de méditation et de développement personnel basée sur les principes d’Authenticité, Bienveillance, Tolérance. La pratique a attiré plus de 70 millions de personnes en Chine. Cette popularité a débouché sur une persécution à l’échelle nationale qui a débuté en 1999 et sous laquelle de nombreux pratiquants de Falun Gong ont disparu sans laisser de traces. Après 1999, l’industrie des greffes d’organes en Chine s’est accrue de manière exponentielle. En quelques années seulement, plus de mille hôpitaux réalisaient des dizaines de milliers de transplantations par année. Des preuves, apparues dans la dernière décennie, indiquent que l’État n’aurait pas seulement tué des condamnés à mort et prélevé leurs organes afin de répondre à la demande croissante d’organes, mais qu’il aurait également ciblé des prisonniers d’opinion.

Contexte

Durant la dernière décennie, des rapports ont démontré que le gouvernement chinois tue des prisonniers d’opinion pour alimenter son immense et lucrative industrie de greffes d’organes.

Les enquêteurs ont découvert, à travers diverses sources, de nouvelles preuves et des chiffres qui révèlent la véritable nature ainsi que l’étendue de ces abus.

Le 22 juin 2016, trois enquêteurs indépendants — l’ancien secrétaire d’État canadien pour l’Asie-Pacifique David Kilgour, l’avocat canadien spécialiste des droits de l’homme David Matas et le journaliste d’enquête basé à Londres Ethan Gutmann — ont publié conjointement Bloody Harvest/The Slaughter: An Update, un rapport de 680 pages dénonçant une industrie menée par le Parti communiste chinois dans laquelle on transplante bien plus d’organes — en nombre — que ce qui peut être imputable aux sources d’organes officiellement reconnues qui, selon la Chine, se limitent aux prisonniers condamnés à mort et aux donneurs volontaires. Le nouveau rapport conclut, en se basant sur les exigences minimales de capacité imposées par le gouvernement, que les 169 hôpitaux autorisés à réaliser des transplantations pourraient avoir fait de 60 000 à 100 000 greffes par année, nombre contrastant avec les 10 000 greffes officiellement reconnues par an. Ces hôpitaux avaient la capacité de réaliser plus d’un million de transplantations depuis 2000. En 2007, plus de 1 000 hôpitaux ont sollicité des permis afin de continuer à réaliser des greffes.

Ce nombre considérable d’organes provient essentiellement des pratiquants de Falun Gong, mais également des Ouïghours, des Tibétains et des chrétiens membres des « églises de maison » chinoises. Le pillage d’organes en Chine est un crime dirigé par le Parti communiste et perpétré par les militaires, les institutions gouvernementales, les hôpitaux et les professionnels des greffes2.

Freedom House a publié en 2017 un rapport citant ses propres observations de « preuves crédibles suggérant que […] les prisonniers pratiquant le Falun Gong sont tués à grande échelle pour leurs organes ». Le rapport ajoute que « la disparition à grande échelle de jeunes hommes ouïghours, les comptes rendus de tests sanguins réguliers sur les prisonniers d’opinion ouïghours et des rapports de mort mystérieuse de Tibétains et de Ouïghours en détention, devraient sonner l’alarme sur le fait que ces populations seraient aussi probablement victimes de ces prélèvements d’organes forcés ».

L’histoire de la Chine tuant pour des organes a commencé à attirer l’attention des médias dans le monde entier : « La pratique inhumaine et macabre du régime [communiste], qui consiste à voler la liberté aux individus, les jetant dans des camps de travail ou des prisons, pour ensuite les exécuter et prélever leurs organes pour les transplanter, dépasse de très loin tout ce qu’on peut concevoir et nous devons universellement nous y opposer pour que cela cesse sans conditions. »

Une décennie d’investigations

Le problème a été soulevé pour la première fois en mars 2006, lorsqu’une femme a affirmé qu’au moins 4 000 pratiquants de Falun Gong avaient été tués pour leurs organes dans l’hôpital où elle travaillait. Son mari, un chirurgien du même hôpital, situé à l’extérieur de la ville de Shenyang dans le nord-est de la Chine, lui avait révélé qu’il avait prélevé les cornées sur les corps vivants de plus de 2 000 pratiquants de Falun Gong entre 2000 et 2001.

Femme témoignant des prélèvement d'organes forcés en Chine devant la Maison Blanche

Le 20 avril 2006, cette femme a témoigné devant un rassemblement en face de la Maison Blanche et fait une déclaration publique dénonçant les prélèvements d’organes forcés en Chine.

À la suite de cette déclaration, David Kilgour et David Matas ont démarré une enquête indépendante. Après des mois de recherche, dont des entrevues réalisées sous l’anonymat auprès de médecins de 12 provinces chinoises différentes, ils sont arrivés à « la triste conclusion que ces allégations étaient véridiques ».

MM. Kilgour et Matas ont par la suite compilé leurs résultats dans le livre Bloody Harvest.

À peu près à la même époque, le journaliste d’enquête Ethan Gutmann a lancé ses propres recherches qui allaient durer sept ans. Il est parvenu à des conclusions similaires dans son livre The Slaughter: Mass Killings, Organ Harvesting, and China’s Secret Solution to Its Dissident Problem.

Ces trois enquêteurs ont été signalés pour le prix Nobel de la Paix pour leur travail dont le résumé suit.

Pendant la dernière décennie, nous avons enquêté sur des centaines de cas de transplantation dans des hôpitaux en Chine et avons découvert et synthétisé une énorme quantité d’informations ainsi que les directives politiques pertinentes ayant une influence sur la croissance de l’industrie de la transplantation en Chine. En nous basant sur les comptes rendus des médias, les politiques officielles et les communiqués, les revues médicales, les sites internet des hôpitaux et les archives d’internet, nous avons constaté qu’en très peu d’années, malgré le manque d’organisation systématique pour les dons d’organes, l’industrie de la transplantation en Chine était devenue la plus prolifique au monde. Elle a continué sa croissance après le moment où les prélèvements d’organes forcés ont gagné l’attention internationale, en 2006. En outre, nous avons examiné les politiques de l’État et celles du Parti qui ont engendré les exécutions extrajudiciaires de prisonniers d’opinion et nous avons aussi analysé comment les institutions militaires et civiles ont été mobilisées pour conduire les prélèvements d’organes sur ces « donneurs » non consentants.

« À travers la Chine, un commerce révoltant d’organes humains s’est développé à grande échelle. Comme dans un film d’horreur, des foies, des reins, des cœurs, des poumons et des cornées sont prélevés sur des prisonniers d’opinion alors qu’ils sont encore en vie. S’il existe dans ce monde quelque chose qui serait le modèle de l’expression “crime contre l’humanité”, c’est bien cette pratique macabre et sanglante. »
Benedict Rogers, Vice-président de la Commission des droits de l’homme du Parti conservateur du Royaume-Uni

David Kilgour, David Matas et Ethan Gutmann

En juin 2016, David Kilgour, David Matas et Ethan Gutmann ont publié un nouveau rapport sur la persistance et l’étendue des prélèvements d’organes forcés en Chine.

Le système de greffes d’organes sur demande de la Chine

L’ESSOR SPECTACULAIRE DE L’INDUSTRIE DE TRANSPLANTATION D’ORGANES EN CHINE DEPUIS l’AN 2000

La Chine a commencé ses recherches et expérimentations cliniques dans le domaine des greffes d’organes dans les années 1960. Il a fallu attendre 2000 pour que cette industrie entre dans une période de croissance considérable.

Avant 1999, il y avait déjà 150 institutions de transplantation en Chine continentale. En 2007, plus de 1 000 hôpitaux ont demandé des permis au ministère de la Santé pour pouvoir continuer à pratiquer des greffes d’organes. La forte augmentation des greffes, destinées dans un premier temps à répondre aux besoins de la population chinoise, a rapidement entraîné une forte expansion du tourisme de transplantation en provenance d’autres pays, faisant de la Chine un centre mondial pour ceux qui ont besoin de nouveaux organes vitaux.

L’année 2000 a été décisive pour l’industrie des greffes en Chine. Les transplantations de foie ont décuplé entre 1999 et 2000, puis encore triplé entre 2000 et 2005.

Statistique de l'industrie des greffes en chine

Le développement explosif de l’industrie chinoise des greffes d’organes après 1999

En janvier 2015, le haut fonctionnaire en charge des transplantations d’organes en Chine, Huang Jiefu, a déclaré à CCTV : « Je voudrais citer les propos de l’Organisation mondiale de la santé qui dit que la Chine a réalisé tout cela en six ou sept ans, alors que ça a pris des dizaines d’années à d’autres pays développés pour construire leur système de dons d’organes ainsi que les infrastructures pour les transplantations »

COURTS DÉLAIS D’ATTENTE

Dans d’autres pays disposant de meilleures pratiques en matière de soins de santé ainsi que d’un système de dons et de répartition d’organes bien organisé, la majorité des patients doit attendre des années pour une transplantation. En Chine, le temps d’attente pour une greffe de rein ou de foie se compte généralement en semaines.

Le registre chinois des greffes de foie indique que plus de 25 % des cas traités, en 2005 et 2006, étaient des transplantations d’urgence, pour lesquelles les organes ont été trouvés en l’espace de quelques jours, voire en quelques heures seulement.

D’ABONDANTES RÉSERVES D’ORGANES

Un hôpital annonçait « des donneurs cherchant des bénéficiaires compatibles » et promettait « en cas d’échec, nous continuons à réaliser des greffes jusqu’au succès ».

Il y a des cas documentés de médecins excisant plusieurs organes (dans un certain cas, huit paires de reins) pour un seul patient, jusqu’à ce qu’il y ait compatibilité. Certains patients ont reçu une seconde, troisième ou même quatrième greffe.

De nombreux rapports indiquent que les équipes chirurgicales pratiquent des transplantations 24 heures sur 24 et que des hôpitaux réalisent 10, 20 ou même encore plus de transplantations en une seule journée, parfois plusieurs simultanément.

De longues listes de différents types de transplantation et leur prix étaient ouvertement affichés sur les sites internet des hôpitaux.

« Voici la preuve crédible que les prisonniers d’opinion chinois sont tués sur demande pour leurs organes,avec un processus de compatibilité inversé qui n’est pratiqué nulle part ailleurs sur la terre. Dans la majorité des pays disposant de programmes bien réglementés de dons d’organes provenant de personnes décédées, les organes procurés légalement et éthiquement sur des personnes mourantes sont offerts aux receveurs de la liste d’attente ayant la meilleure compatibilité avec les organes disponibles. En Chine, le processus est inversé. De riches receveurs sont comparés avec un grand bassin de prisonniers, et une exécution est programmée avec le prisonnier le plus compatible, selon ce qui convient le mieux au chirurgien et au receveur. » (Wendy Rogers, professeur d’éthique clinique et directrice adjointe du Centre de recherche des programmes de valeur et d’éthique de l’Université Macquarie)

Une très grande quantité de greffes

UN ESSOR CONTINU MÊME APRÈS L’ATTENTION INTERNATIONALE EN 2006

À partir du moment où les prélèvements d’organes forcés en Chine sur des prisonniers non consentants ont attiré l’attention internationale en 2006, le ministère de la Santé a mis en place un nouveau système d’approbation pour les hôpitaux spécialisés en transplantation.

Parmi les 1 000 hôpitaux qui en ont fait la demande, 169 d’entre eux ont finalement reçu des permis pour continuer à pratiquer des greffes d’organes.

Notre recherche a permis de constater qu’alors que certaines petites institutions non autorisées ont réduit ou arrêté leurs opérations de transplantation, d’autres qui pouvaient encore obtenir des organes ont continué à opérer. Les grandes institutions autorisées ont, quant à elles, connu une croissance, profitant de la baisse de concurrence. Par conséquent, l’industrie dans son ensemble a continué à croître de manière régulière après 2006. Les hôpitaux ont ajouté des lits et ouvert de nouveaux départements pour les transplantations, ils ont aussi déménagé dans des immeubles neufs.

Depuis 2015, à différentes occasions, Huang Jiefu, le ministre-adjoint de la Santé, a annoncé ses plans pour augmenter le nombre d’hôpitaux qualifiés pour la transplantation de 169 à 300, même jusqu’à 500 au cours des prochaines années.

« Le marché des transplantations de foie dans notre pays est entré dans une période de développement stable. Les affaires sont florissantes dans le domaine des greffes de foie au premier hôpital affilié de l’Université de Zhejiang. L’hôpital a été transféré dans un édifice neuf en 2007. Les transplantations de foie y sont devenues plus systématiques, professionnelles et à plus grande échelle. »

(Site internet du Centre de transplantation du foie du Premier hôpital affilié de l’Université de Zhejiang)

VOLUME ACTUEL : DES CHIFFRES LARGEMENT SUPÉRIEURS AUX CHIFFRES OFFICIELS

Les enquêteurs ont découvert que la Chine pratiquait plus de greffes d’organes que n’importe quel autre pays dans le monde. Depuis l’an 2000, les États-Unis ont réalisé une moyenne de 6 000 transplantations de foie par année. En Chine, ce nombre a été atteint avec le travail de quelques hôpitaux seulement.

Par exemple, le seul Centre oriental de transplantation d’organes de Tianjin, qui se spécialise principalement dans les greffes de foie, dispose de plus de 500 lits réservés aux transplantations. Cela correspond à une capacité de 6 000 à 8 000 greffes par année.

En nous basant sur les exigences gouvernementales minimales de capacité pour les centres de transplantation, et sur d’autres données, nous avons déterminé que les 169 hôpitaux de greffes d’organes approuvés par le Ministère pourraient avoir effectué entre 60 000 et 100 000 transplantations par an. Par conséquent, ces 169 hôpitaux autorisés ont pu pratiquer un total de plus d’un million de greffes depuis 2000.

Les données officielles de la Chine qui font état de 10 000 greffes par année sont dépassées par seulement quelques-uns de ses hôpitaux. Toutefois, en 2007, plus de 1 000 hôpitaux ont fait une demande de permis afin de continuer à pratiquer des transplantations. Ceci suggère qu’ils ont aussi répondu aux exigences minimales de capacité du gouvernement pour les centres de transplantation d’organes. De plus beaucoup d’entre eux ont continué à pratiquer des greffes d’organes, même s’ils n’avaient pas reçu de permis. Par conséquent, le nombre de greffes d’organes réalisées véritablement chaque année en Chine pourrait être beaucoup plus important que les chiffres officiels.

Immeuble de transplantation de 17 étages en chine

Cet immeuble de transplantation d’organes de 17 étages, abritant le Centre oriental de greffes d’organes du Premier hôpital Central de Tianjin, a ouvert ses portes en 2006 avec 500 lits dédiés à la transplantation.

Des organes de provenance non identifiée

Selon les coutumes chinoises, les corps doivent être conservés intacts après la mort.

La Chine n’a commencé à piloter un système de dons d’organes qu’en 2010, et aucun système national n’a été implanté avant la fin 2013. Quoi qu’il en soit, en 2015 ce système n’avait toujours pas produit de dons à une échelle significative.

La communauté internationale croit généralement que le nombre total d’exécutions en Chine a diminué depuis l’an 2000, époque où ce nombre était estimé aux environs de 10 000. De plus, Huang Jiefu, ministre-adjoint de la Santé en Chine, a annoncé que la Chine avait arrêté d’utiliser les organes provenant des prisonniers condamnés à mort depuis 2015.

Depuis l’an 2000, époque où le système de greffes d’organes chinois a commencé son essor, les sources d’organes identifiées par le gouvernement – les donneurs volontaires et les prisonniers condamnés à mort exécutés – n’ont donc pu compter que pour une petite fraction de toutes les greffes pratiquées.

« Nous pratiquons les greffes de reins à partir de sources vivantes. C’est totalement différent des greffes de reins provenant de cadavres… » (Page archivée du site internet du Centre d’assistance du Réseau International de greffes d’organes de Chine)

Manifestation en Chine des Falun Gong

Des pratiquants de Falun Gong déploient des banderoles sur la place Tiananmen pour protester contre la persécution. Il est écrit sur les banderoles : « Authenticité, Bienveillance, Tolérance ».

Les victimes

Les enquêteurs ont pu observer un développement spectaculaire de l’industrie chinoise des greffes d’organes après 1999. Cette croissance concorde avec la campagne du Parti communiste chinois pour éradiquer le Falun Gong.

Le Falun Gong est une pratique de méditation basée sur des traditions anciennes chinoises de santé et de développement personnel ainsi que sur les principes d’Authenticité, Bienveillance et Tolérance. À la fin des années 1990, le gouvernement estimait à plus de 70 millions le nombre de personnes pratiquant le Falun Gong, un chiffre cité par plusieurs médias d’information occidentaux.

Méditation publique des Falun Gong

Des pratiquants de Falun Gong méditent à Muxidi (Pékin), avant le début de la persécution en 1999.

L’ancien dirigeant du Parti communiste, Jiang Zemin, a vu la popularité du groupe et la renaissance des valeurs traditionnelles comme une menace pour son régime, et a démarré une campagne violente pour « ruiner leur réputation, les conduire à la faillite et les détruire physiquement ».

Des millions de pratiquants de Falun Gong de toute la Chine ont voyagé jusqu’à Pékin pour faire appel auprès du gouvernement central, mais ils ont été arrêtés et torturés.

Alors que beaucoup d’entre eux refusaient de divulguer leur identité afin de protéger leurs familles et amis, ils se sont retrouvés parmi un très grand groupe de gens anonymes gardés en captivité par l’État. Un grand nombre de pratiquants ont été arrêtés partout en Chine. Ceux qui refusaient de renoncer à leur croyance ont commencé à disparaître sans laisser de traces.

Un crime orchestré par l’État

Depuis l’an 2000, le régime chinois a donné priorité aux greffes d’organes dans sa stratégie nationale et en tant que future industrie émergente. Les ministères de la Santé, de la Science et de la Technologie et celui de l’Éducation, tout autant que les militaires, ont investi massivement dans la recherche et le développement des techniques de transplantation, dans la formation du personnel et dans l’industrialisation. La plupart des centres de greffes autorisés ont reçu un financement considérable venant de tous les niveaux du gouvernement. Le développement de nouvelles compétences et techniques a permis à la transplantation en Chine de devenir une grande opération industrielle en quelques années seulement.

Le ministère de la santé et son successeur, la Commission nationale pour la planification familiale et la santé, ont été totalement responsables de toute la planification, de la formulation de politiques, des lois et de la gestion de l’industrie chinoise des greffes d’organes ainsi que des dons d’organes et du système d’attribution. Plus de 765 hôpitaux civils ont été impliqués dans les greffes d’organes.

L’ancien chef du Parti communiste, Jiang Zemin, a autorisé le Département de logistique générale de l’Armée de libération du peuple à devenir l’unité centrale qui devait diriger tous les effectifs militaires pour éradiquer la pratique du Falun Gong. Les militaires recevaient le pouvoir de diriger des centres de détention secrets et le processus complet des prélèvements d’organes forcés sur des personnes vivantes. Plus de 100 hôpitaux militaires et de la police armée ont été impliqués dans les greffes d’organes. Ils ont résolu de nombreux problèmes techniques cruciaux et ont fourni des organes frais sur demande aux hôpitaux civils.

Avant que la campagne officielle contre le Falun Gong ne commence, le 10 juin 1999, la direction centrale du Parti communiste avait créé le « Bureau 610 », une agence ad hoc directement sous le contrôle du Comité central, avec une structure s’étendant de haut en bas à travers le Parti, le gouvernement et les militaires. Elle a été dotée de pouvoirs extrajudiciaires extrêmement vastes pour éradiquer systématiquement le Falun Gong. Le Parti a mobilisé tout l’appareil d’État pour mener à bien sa campagne, ce qui comprend les prélèvements d’organes forcés.

Depuis que la persécution a commencé, en juillet 1999, la propagande anti-Falun Gong a été diffusée à travers toute la Chine et propagée mondialement par les médias du Parti à l’étranger ainsi que dans les consulats. La diabolisation et l’incitation à la haine à l’encontre du Falun Gong ont fourni une base sur laquelle les crimes contre les pratiquants pouvaient être justifiés.

« La diabolisation par le Parti communiste et les actes brutaux sur le Falun Gong ainsi que l’insatiable demande du système de santé pour des organes ont formé une symbiose, l’un nourrissant l’autre, et cette combinaison est devenue une catastrophe humaine sans précédent à peine concevable. » (David Kilgour, David Matas et Ethan Gutmann, Les rôles du Parti communiste et des agences gouvernementales dans les prélèvements d’organes forcés)

Chronologie

Les années 1960

La Chine effectue sa première grève d’organes humains. La commission militaire centrale du parti communiste dispose de documentation depuis 1962. Jusqu’à aujourd’hui : tous les condamnés à mort et les criminels notoires peuvent être traités selon les besoins du développement national et socialiste, et leurs cas peuvent être traités selon le « protocole révolutionnaire ».

Les années 1970

Les greffes d’organes cliniques commencent en Chine. Le premier cas de prélèvement de force sur un prisonnier d’opinion est enregistré en octobre 1978.

Planche ci-dessous : l’implication des divers échelons de l’État.

L'implication des divers échelons de l'Etat

Les années 1980

Le gouvernement chinois promulgue des lois autorisant l’utilisation des corps et les organes des prisonniers décédés, sous certaines conditions.

Les années 1990

Les prisonniers politiques ouïgours commencent à être ciblés pour leurs organes.

Juillet 1999

Le Parti communiste commence sa persécution du Falun Gong.

2000

Le nombre de greffes et de centres de transplantations s’accroît de manière exponentielle.

2002-2003

Les premiers examens médicaux « uniquement pour les organes », réalisés sur des chrétiens des églises de maison chinoises ainsi que sur des Tibétains, sont signalés

2005

En juillet, le ministre adjoint de la santé, Huang Jiefu, reconnaît pour la première fois que la majorité des organes transplantés provient de prisonniers condamnés à mort.

2006

Des enquêtes indépendantes arrivent à la conclusion que les organes sont prélevés de force sur les pratiquants de Falun Gong, et ce, à grande échelle. Les hauts responsables chinois nient obtenir des organes de prisonniers condamnés à mort.

2007

Afin de « renouveler la certification et de réglementer » le marché, le ministère de la Santé commence à délivrer des permis pour les centres de transplantation. Par conséquent, les hôpitaux sans permis ne sont plus autorisés à réaliser des greffes d’organes après le 1er juillet 2007.

Avant 1999, il y avait 150 institutions de greffes d’organes en Chine continentale. En 2007, plus de 1 000 hôpitaux ont fait une demande de permis afin de continuer à pratiquer des transplantations. 169 d’entre eux l’ont reçu.

À partir de janvier 2007, le ministre adjoint de la Santé Huang Jiefu a régulièrement déclaré que les organes provenaient de prisonniers exécutés.

Mars 2010

La Chine commence à piloter un système de dons d’organes à Shanghai, Tianjin, Liaoning, Shandong, Zhejiang, Guangdong, Jiangxi, Fujian, Xiamen, Nanjing, Wuhan et, ultérieurement, dans 19 provinces et villes.

Août 2013

Un « système chinois de distribution et de partage d’organes » devient obligatoire. Dans les centres autorisés, il est demandé aux patients sur la liste d’attente de s’enregistrer dans cette base de données nationale, et les dons d’organes doivent passer par ce système centralisé de distribution d’organes.

Novembre 2013

Huang Jiefu annonce la « résolution de Hangzhou ». Parmi les 169 hôpitaux de transplantations autorisés, 38 ont signé la résolution promettant d’arrêter d’utiliser les organes provenant de prisonniers condamnés à mort à partir de juin 2014.

Décembre 2014

Huang Jiefu annonce que la Chine arrêtera d’utiliser les organes provenant de prisonniers exécutés en janvier 2015.

2015

La Chine annonce qu’elle a cessé d’utiliser les organes provenant de prisonniers exécutés. Pourtant, de nouvelles recherches démontrent que les prélèvements d’organes sur les prisonniers d’opinion se poursuivent.

En mars, Huang Jiefu déclare : « Nous allons régler ce problème en incluant les dons d’organes volontaires des prisonniers condamnés à mort dans notre système national public de dons d’organes.

Une fois qu’ils seront entrés dans notre système unifié d’attribution, ils seront comptés en tant que dons volontaires de citoyens. Les prétendus dons d’organes de prisonniers condamnés à mort n’existeront donc plus. »

Juin 2016

Trois enquêteurs indépendants publient conjointement un rapport mis à jour comptant 680 pages sur la nature et l’envergure des greffes d’organes en Chine. Ils arrivent à la conclusion que le nombre de transplantations excède de loin les affirmations officielles de la Chine.

Mythes et réalités

Mythe : « La majorité des organes provient de prisonniers condamnés à mort »

Réalité : En Chine, le nombre de greffes d’organes a considérablement augmenté depuis l’an 2000 : entre 1999 et 2005 seulement, il a été multiplié par 30. En se fondant sur les données du gouvernement qui impose des exigences minimales de capacité, les 169 hôpitaux autorisés à faire des transplantations ont la capacité de réaliser entre 60 000 et 100 000 greffes par année. En comparaison, de nombreuses sources estiment que le nombre de prisonniers condamnés à mort est de l’ordre de quelques milliers chaque année, un nombre qui diminue depuis 2000. De plus, Huang Jiefu a annoncé que la Chine avait arrêté d’utiliser des organes provenant de prisonniers condamnés à mort à partir de 2015. En tenant compte du fait que le nombre de donneurs volontaires est resté faible et stable, le fossé croissant entre le nombre de greffes et celui des exécutions à mort ne peut pas être expliqué par le nombre d’organes provenant de sources reconnues officiellement.

Même si la Chine a cessé d’utiliser les organes des prisonniers condamnés à mort, comme elle le prétend, elle n’a jamais reconnu publiquement ses exécutions extrajudiciaires de prisonniers d’opinion pour leurs organes, et continue à les réaliser à une échelle bien plus importante. Malheureusement, la campagne de relations publiques de la Chine en ce qui concerne les prisonniers condamnés à mort a détourné l’attention mondiale des meurtres de personnes innocentes pour leurs organes, un véritable crime contre l’humanité.

MM. Kilgour, Matas et Gutmann ont conclu dans leur rapport de 2016, que le nombre considérable d’organes provient principalement de pratiquants de Falun Gong ainsi que des Ouïghours, des Tibétains et des chrétiens membres des églises de maison chinoises.

Mythe : « Les dons d’organes volontaires sont la plus grande source d’organes pour les transplantations »

Réalité : Les greffes d’organes en Chine ont commencé dans les années 1970, mais le nombre de dons volontaires est resté nul jusqu’en 2003. Il n’y avait aucun système de dons d’organes en Chine avant 2010, et le système national de dons d’organes n’a commencé à opérer qu’en 2014. À partir de la fin 2015, les tentatives de la Chine pour se doter d’un système de dons et d’attribution d’organes n’avaient toujours pas donné de résultats significatifs.

En 2013, Huang Jiefu a déclaré qu’il avait réalisé plus de 500 greffes de foie pendant l’année 2012, l’une d’entre elles provenait du « premier don d’un citoyen volontaire qui respectait les normes chinoises ». À Shanghai, une ville comptant 11 centres de greffes d’organes autorisés par le ministère de la Santé, le premier don d’organe provenant d’un donneur décédé a été fait en août 2013.

Mythe : « L’utilisation des immunosuppresseurs en Chine dans 10 000 cas de greffes par année seulement »

Réalité : Le gouvernement chinois compte la recherche et le développement sur les immunosuppresseurs comme un facteur clé pour les projets de recherche scientifique nationaux. De nombreuses institutions reliées au domaine des transplantations se sont impliquées dès le départ dans la recherche et le développement.

Dès 2004, les fabricants de médicaments immuno-suppresseurs du pays avaient conquis près de la moitié des parts de marché intérieur auparavant détenu en totalité par des sociétés pharmaceutiques étrangères et sociétés par actions. En 2006, ce marché avait une valeur de près de 10 milliards de RMB3, il y avait plus de 100 fabricants produisant près de 30 médicaments.

Les hôpitaux de transplantation en Chine utilisent habituellement des produits nationaux plutôt que ceux qui sont importés. En prenant en compte un coût moyen en médicaments de 30 000 RMB par patient et par année, le marché aurait pu subvenir aux besoins de plus de 300 000 patients, une moyenne entre 50 000 et 60 000 personnes par an depuis 2000. Ces chiffres dépassent de loin les chiffres officiels faisant état de 10 000 transplantations par année.

Notre recherche indique que l’industrie chinoise des greffes d’organes a continué à connaître un développement important après les premières révélations de 2006 sur les prélèvements d’organes forcés en Chine. Son marché pharmaceutique d’immuno-suppresseurs aurait par conséquent connu une croissance bien plus grande que le chiffre de 10 milliards de RMB de 2006. Les ventes internationales de médicaments, comme indiquées dans les données sur la santé de l’IMS Health Data, ne reflètent qu’un petit pourcentage du marché pharmaceutique de la Chine.

Comment peut-on forcer des médecins à extraire des organes de personnes vivantes ?

La Chine a commencé dans les années 1970 à pratiquer des greffes d’organes en utilisant à petite échelle des organes prélevés sur des prisonniers exécutés. Dans les années qui ont suivi, les organes provenant de prisonniers d’opinion emprisonnés ont été utilisés – Ouïghours, Tibétains et chrétiens des églises de maison. Aujourd’hui, les organes continuent d’être prélevés sur les prisonniers d’opinion, en particulier les pratiquants de Falun Gong.

Sous la doctrine du Parti communiste, de tels prisonniers sont identifiés en tant qu’«ennemis de l’État» et systématiquement déshumanisés, afin d’être utilisés comme «ressource» par l’État. Une loi supplémentaire a été adoptée en 1984, autorisant l’utilisation des corps et des organes des prisonniers sous certaines conditions.

Pendant la persécution des pratiquants de Falun Gong, une lacune dans cette loi a servi à se procurer des organes de pratiquants de Falun Gong sans leur consentement, qu’ils aient été condamnés à mort ou pas. Même si Huang Jiefu a annoncé que la Chine avait cessé d’utiliser les organes provenant de prisonniers condamnés à mort en 2015, les règlements provisoires de 1984 demeurent applicables.

« Tous les diplômés de leur système ont le même état d’esprit; Ils sont un produit du Parti communiste chinois. Notre idéologie, à l’époque, était que le fait de pouvoir participer à l’éradication des ennemis du pays était un acte glorieux et nous croyions même sincèrement que nous le faisions pour une bonne cause »

(Enver Tohti, un ancien chirurgien ouïghour à qui l’on avait ordonné de prélever les organes d’un prisonnier vivant en 1995).


1 Source : China Organ Research Center. Organisme à but non lucratif dont l’objet est d’effectuer et de présenter des recherches objectives sur les prélèvements d’organes non consentis en Chine. Les études menées depuis plus de 10 ans permettent d’affirmer qu’il s’agit d’une pratique courante favorisée et même organisée par le gouvernement. Le travail du CORC a servi de base à des enquêtes indépendantes qui ont été citées par CNN, le New York Times, PBS, le Globe and Mail et le Times of London. En 2013, 1,5 million de personnes dans plus de 50 pays et régions ont signé une pétition destinée aux Nations Unies afin de réclamer l’arrêt du meurtre de ces gens pour leurs organes, en Chine.

2 Voir sur EndOrganPillaging.org le rapport complet.

3 Ndlr. Le yuan chinois a pour nom officiel Ren Min Bi (la « monnaie du peuple »). Il vaut aujourd’hui 0,13 €. Le seul marché chinois représenterait donc 1,3 milliards d’euros.

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