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Par Pfefferle Claude
Les sens logés dans les antennes de l’abeille
Claude Pfefferlé
Résumé : Ce petit insecte ailé (il pèse de 60 à 80 milligrammes), outre qu’il nous procure un sucre de haute qualité, n’a pas cessé de nous émerveiller.
Arrêtons-nous aujourd’hui sur ses antennes, organes multifonctionnels dotés de milliers de capteurs spécialisés exerçant le goût, le toucher, l’odorat et l’ouïe : les sencilles. Pour certains sens comme le toucher, ces sensilles travaillent en association avec d’autrres capteurs, localisés ailleurs sur le corps. Ainsi l’œil perçoit les flux d’air, et le cou la pesanteur. L’abeille, qui ne vit pourtant que quelques jours, prend grand soin de ses antennes et dispose pour cela d’une brosse située sur ses pattes antérieures.
Il est clair que le Créateur n’a pas moins soigné la conception de l’abeille que celle d’un grand mammifère !
Si l’abeille nous étonne par son comportement social, son anatomie et ses organes multifonctionnels nous émerveillent carrément.

L’abeille est pourvue de 2 antennes fixées au sommet de la tête et composées de 3 parties principales : le scape, le pédicelle et le flagelle. Les antennes sont continuellement en mouvement grâce à quatre muscles situés dans la capsule céphalique, qui assurent la rotation du scape ; ce dernier contient 2 groupes de muscles qui assurent les mouvements du flagelle et du pédicelle.
Les motoneurones correspondant à l’activation de ces muscles (9 pour ceux du scape, 6 pour ceux du flagelle) ont leurs neurones situés dans le lobe dorsal qui est le système moteur et mécanosensoriel des antennes.
Ce sont celles-ci qui servent à l’abeille d’organes centraux pour percevoir son environnement et qui lui transmettent, grâce aux milliers de sensilles, une énorme quantité d’informations la reliant au monde extérieur. Les antennes sont ainsi le support de l’odorat, du goût, du toucher, de l’ouïe, de la perception des champs électriques.
Odorat
Les très nombreuses sensilles placoïdes ou poreuses sont spécialisées dans la détection des odeurs et se trouvent sur le flagelle, ou fouet, composé de 10 segments articulés (ou articles) chez la reine et l’ouvrière et de 11 segments chez le mâle. Sur les 8 derniers segments mobiles se trouvent des plaques poreuses comportant 7 différentes structures sensorielles pour l’odorat.

Par antenne, on compte :
- de 600 à 3 000 plaques poreuses chez la reine ;
- de 400 à 6 000 chez l’ouvrière ;
- plus de 30 000 plaques poreuses chez le faux-bourdon.
Les sensilles basiconiques, dont le nombre est plus limité (150 par antenne), sont également sensibles aux odeurs et laissent apparaître extérieurement une terminaison en forme de poil dont la paroi est perforée pour permettre aux molécules odorantes d’accéder au liquide sensillaire d’où partira l’influx nerveux vers le cerveau de l’abeille.
Celle-ci utilise ses antennes pour s’orienter vers une source d’odeur en comparant les informations olfactives provenant des deux antennes.
Certaines odeurs sont attractives comme les odeurs des fleurs ou celles émises par la reine. Les mâles sont vigoureusement attirés vers les reines, lors du vol de fécondation, grâce aux molécules qu’elles émettent à des concentrations très faibles.
D’autres odeurs sont répulsives, comme par exemple la fumée de l’enfumoir ; d’autres provoquent l’agressivité des ouvrières comme les molécules produites par les gardiennes lors de la détection d’un danger ou à l’approche de l’apiculteur.
Goût
Le sens du goût est assuré par des récepteurs gustatifs situés sur les 3e et 10e segments du flagelle et qui répondent aux substances sucrées. Les abeilles reconnaissent les quatre goûts fondamentaux (sucré, salé, acide, amer), même s’ils ne sont pas perçus de la même façon que chez l’homme. Les seuils de sensibilité diffèrent aussi : le seuil pour l’acide chlorhydrique est plus bas et le seuil pour l’acide acétique est plus haut chez l’abeille que chez l’homme.
Par ailleurs, le sens du goût est également présent sur les récepteurs du tarse des pattes antérieures et sur le proboscis (la trompe).
Toucher
Le sens du toucher qui permet l’action volontaire d’exploration de l’environnement physique, est réalisé grâce aux sensilles trichoïdes avec un petit poil à paroi épaisse du flagelle, que l’abeille utilise un peu en « tâtonnant » comme le bâton de l’aveugle. Les antennes d’une ouvrière sont très sollicitées, palpant et touchant sans cesse les objets qui les entourent. Elles sont par exemple capables de reconnaître la taille des cellules des rayons. Les abeilles ont aussi nombre d’activités qui intègrent le sens du toucher. Elles ont la capacité de préhension. Avec leurs pattes, elles prélèvent le pollen et la propolis. Avec leurs mandibules, elles peuvent malaxer la cire et la propolis, saisir un cadavre et le sortir de la ruche, mordre.

Fig. 1. Une sencille dite « simple » : comment le poil est relié au neurone (et de là au cerveau).
Outre les antennes, un ensemble de récepteurs sensoriels est disposé sur tout le corps de l’abeille. Ce sont des sensilles mécanoréceptrices qui possèdent une soie ayant la capacité de se mouvoir légèrement sur sa base. Des cellules sensorielles, situées à la base de ces soies, enregistrent leur moindre mouvement et renseignent l’abeille sur son environnement physique.
Certaines de ces soies sont regroupées pour donner une information spécifique à l’abeille. Ainsi les soies sensorielles situées sur l’œil, entre les ommatidies, sont responsables de la perception des flux d’air et produisent des informations utilisées par les butineuses pendant le vol. Des champs sensoriels situés dans l’articulation du cou avec le pétiole permettent à l’abeille de s’orienter par rapport à la pesanteur.
L’abeille est d’autant plus capable d’entendre et de percevoir des vibrations que celles-ci sont transmises par le support (les rayons, notamment) où elle se trouve. Ainsi, une reine mère détecte les chants des jeunes reines prêtes à éclore de leurs cellules.
Trois organes sont impliqués dans l’ouïe :
Le premier, situé dans les pattes antérieures, consiste en une fine membrane interne qui vibre lorsque des sons ou des vibrations sont renvoyés par les rayons de la ruche. Cet organe est aussi sensible à la fréquence auditive correspondant au « chant » des reines.
Les deux autres organes sont situés dans les antennes, l’un juste à leur base, l’autre dans leur dernier tiers. Il s’agit des sensilles campaniformes, sensibles aux vibrations, ainsi que de deux groupes de sensilles trichoïdes (au total environ 8 500 sur les deux antennes).
Considérée dans sa totalité, l’antenne peut entrer en résonance avec des sons d’une fréquence inférieure ou égale à 20 Hertz par seconde, tels que celle utilisée lors de la danse frétillante. La partie terminale de l’antenne, quant à elle, perçoit des fréquences situées de 250 à 300 Hertz.
Cependant, il a été démontré à l’aide de magnétophones que l’abeille est également sensible aux sons entre 600 et 2 00 Hertz. D’autres sons frémissants détectés par les abeilles, produits par les frottements alaires des ouvrières et les muscles thoraciques, correspondent à une fréquence de 180 à 190 Hertz. Chez les colonies orphelines, cette fréquence est déplacée de 175 à 240 Hertz.
D’autres types de sensilles ont également des formes spécifiques, mais leur fonction n’est pas toujours clairement connue. L’abeille prend grand soin de ses antennes en les nettoyant très régulièrement avec la brosse se trouvant sur le basitarse de sa patte antérieure. L’antenne renferme d’autres capteurs sensoriels : sur le pédicelle qui est une structure articulée intermédiaire entre le scape et le flagelle, se trouve l’organe de Johnston dont les cellules très sensibles renseignent l’abeille sur les moindres mouvements du flagelle.
Ce capteur est particulièrement utile pour enregistrer les informations transmises par les mouvements des autres ouvrières au sein de la colonie. Il permet aussi aux abeilles d’évaluer la vitesse en vol via la courbure de l’antenne.

Fig. 2. Organe de Johnston.
Sensibilité physico-chimique
Les antennes permettent aussi à l’abeille de reconnaître son environnement physique, comme par exemple la température, l’hygrométrie, la teneur en gaz carbonique…
Électrosensibilité
Durant son vol ou lors de certains mouvements, l’abeille accumule des charges électriques positives sur son corps et sur ses ailes. La cire présente sur l’exosquelette étant un matériau isolant, ces particules ne disparaissent que lentement, même une fois l’insecte posé. De ce fait, l’abeille émet en permanence un champ électrique durant ses déplacements aériens ou dans les quelques instants qui suivent son atterrissage.
Ce champ électrique permet à certaines particules, comme le pollen, d’adhérer au corps des pollinisateurs lorsqu’ils se posent sur une fleur. Le champ électrique de cette fleur est d’ailleurs modifié par le contact avec un insecte, ce que peuvent percevoir d’autres insectes.
Les abeilles sont capables de détecter les formes et l’intensité des champs électriques. Elles peuvent donc repérer les plantes à fleurs proches, lesquelles modifient ces deux facteurs par leur simple présence. Des chercheurs britanniques de l’Université de Bristol ont réussi à prouver que les pollinisateurs détectaient ces champs électriques, qui sont déformés de façons spécifiques par chaque plante, aux formes et tailles différentes1.
Les antennes des abeilles sont très sensibles aux champs électriques qui induisent une courbure du flagelle. Cette répulsion des antennes pour les champs
électriques positifs (avec flexion du flagelle et stimulation du pédicelle et de son organe de Johnston) complète lesmécanismes de dialogue qui permettent aux abeilles de communiquer dans l’obscurité la plus complète et par exemple de pouvoir identifier la danse oscillante d’une butineuse indiquant la localisation d’une source de nourriture.
Outre leur fonction première d’organes des sens, les antennes donnent des indications sur l’état des abeilles, par exemple l’état de relaxation qui se caractérise par trois types de comportements antennaires : des antennes immobiles, des antennes se contractant toutes les minutes ou encore des antennes produisant de grands mouvements de balancier.
Enfin les antennes des mâles, richement dotées en sencilles, libèrent des phéromones sexuelles, particulièrement utiles pendant la période de reproduction, lors du vol de fécondation.
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Sources :
* http ://www.cari.be/medias/abcie articles/165 fiche bio.pdf
- h tt p s ://www.futura-sciences.com/planete/actualites/zoologie-chez-abeilles-antennes-captent-champs- electriques-45545/
- https ://www.academia.edu/33A3A863/Rôle des récepteurs nicotiniques…
- https ://www.academia.edu/206A8667/Unréseau capable de lire les codes temporels email work card=thumbnail
* https ://harunyahya.fr/fr/LivresM906/le-miracle-de-labeille/chapter/9531
1 Se reporter à C. EON, « Les abeillles peuvent détecter les champs électriques émis par les fleurs », Le Cep n°70, p. 86.