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Par Kulikovsky Andrew

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Pourquoi l’Occident s’est-il imposé ?1

Résumé: Le Pr Rodney Stark s’est intéressé aux raisons qui ont donné à l’Occident chrétien une civilisation capable d’un rayonnement universel. Il est significatif que les milieux intellectuels américains – et ce ne sont pas les seuls – tentent aujourd’hui de dévaloriser cette civilisation et de survaloriser les autres, l’influence du christianisme sur les sociétés antiques ou indigènes étant systématiquement présentée comme destructive. Or, tant Rome que la Grèce (ou même les civilisations amérindiennes) étaient loin de la perfection : la nécessité d’occuper les esclaves ne favorisait pas l’inventivité technique ! La disparition progressive mais irréversible de l’esclavage en Occident est un achèvement unique, entièrement lié à la vision chrétienne de chaque personne humaine, vue comme une irremplaçable créature voulue par Dieu. Sur le terrain des sciences, jusqu’au XVIIIe siècle du moins, le seul savant athée aurait été Halley. Ce ne sont donc pas les philosophes des Lumières, mais la pléiade de savants chrétiens les ayant précédés qui a fait surgir la science moderne avec le progrès technologique subséquent. R. Stark redresse aussi les discours convenus sur les brillantes civilisations musulmanes et sur le colonialisme.

Le sociologue et historien Rodney Stark est professeur émérite (distinguished professor) de l’université de Baylor2. Il a écrit beaucoup d’excellents livres sur la religion et le christianisme et leur impact social, tels que The Rise of Christianity ; For the Glory of God ; The Victory of Reason ; et The Triumph of Christianity3. Son nouveau livre s’inspire de ces ouvrages.

Dans How the West Won, Stark cherche à démontrer trois points importants :

  1. Le développement de la civilisation occidentale a été une force extraordinairement positive dans l’histoire mondiale. Elle n’est pas seulement supérieure à toutes les autres civilisations en termes de pouvoir et d’influence, mais elle a apporté aux membres de ces sociétés des avantages politiques, sociaux et économiques supérieurs.
  2. Le christianisme et l’Église ont joué un rôle essentiel non seulement dans le développement de la tradition intellectuelle occidentale, mais aussi dans des événements qui ont abouti à des changements positifs importants dans les domaines sociaux, politiques et économiques ;
  3. Les autres civilisations ont eu très peu, voire aucune, influence sur la modernité occidentale. La myriade de fruits de la civilisation occidentale lui est spécifique, en ce sens qu’elle seule les a produits. Même lorsque d’autres civilisations ont fait d’importantes découvertes scientifiques ou des innovations technologiques, elles ne les ont jamais traduites en bénéfices sociaux.

Stark commence par noter que les cours de civilisation occidentale sont maintenant tenus pour suspects et ceux qui les enseignent passent pour des apologistes de l’hégémonie et de l’oppression occidentales. En conséquence, la plupart des universités américaines – y compris le gratin des écoles de l’Ivy League4 – ne proposent plus de tels cours. Tant que cette suppression et déformation persiste, les étudiants « seront de plus en plus ignorants de l’origine du monde moderne » (p. 1).

Pire encore, les étudiants « sont gravement trompés par un flot d’inventions absurdes politiquement correctes… » (p. 1). Je soupçonne que ces conséquences sont voulues et qu’elles sont le but recherché par les censeurs.

Ainsi, Stark dénonce ces nombreux mythes et cas de révisionnisme relatifs à la civilisation occidentale, notamment :

  1. Loin d’être une grande tragédie, la chute de Rome fut l’événement le plus bénéfique de l’histoire de la civilisation occidentale ;
  2. « L’Âge des ténèbres » n’a jamais existé. Cette période a connu de remarquables progrès et innovations en science, technologie, architecture, art, littérature et musique ;
  3. Les Croisés ne partirent pas à la recherche de terres et de pillages. Leurs motifs étaient religieux et ils s’endettèrent lourdement pour financer leur mission. Ils ne s’attendaient pas à revenir vivants et beaucoup moururent en effet loin de chez eux ;
  4. Des changements spectaculaires du climat jouèrent un rôle majeur dans l’essor de l’Occident. La période médiévale chaude fut une époque de récoltes abondantes et de déplacements faciles ; la petite période glaciaire qui suivit apporta mauvaises récoltes, famines et peste ;
  5. La science moderne n’a pas surgi soudainement au XVIIe siècle, car elle avait des racines remontant à la fondation des premières Universités au XIIe siècle par les philosophes scolastiques de la nature ;
  6. L’Europe n’est pas devenue riche en pillant ses colonies. En fait, les colonies ont drainé la richesse de l’Europe tout en bénéficiant de la modernité.

Grecs et Romains

Stark commence son étude en notant que la civilisation des Grecs fut la première à se distinguer et à progresser au-delà de toutes les autres. Ils développèrent les éléments essentiels qui permirent l’émergence de la société occidentale, notamment la supériorité militaire, la démocratie, le progrès économique, l’alphabétisation, les arts, la technologie et la philosophie. Cependant, malgré ces grandes réalisations, la moralité de la civilisation grecque ne s’éleva pas au-dessus de celle des autres sociétés anciennes. L’économie de tous les États-Cités grecs dépendait d’un esclavage important. En fait, les esclaves étaient souvent plus nombreux que les citoyens libres. Le mouvement d’abolition de l’esclavage ne commença pas avant que l’Église catholique, au Moyen Âge, n’étendît les sacrements à tous les esclaves, puis bannît l’asservissement de tous les chrétiens et juifs.

Bien que les Grecs fussent parmi les premiers à explorer systématiquement et à développer divers systèmes de démocratie, ils ne mirent pas en œuvre un gouvernement limité respectant le règne de la loi et les droits fondamentaux de l’homme. Dans la plupart des cités, comme à Athènes, on pratiquait la démocratie directe : les décisions importantes étaient prises par le vote de tous les citoyens mâles. Il n’y avait pas de distinction de classe et les travailleurs manuels avaient les mêmes droits de citoyenneté que les propriétaires fonciers les plus riches. Cependant, les femmes et les esclaves étaient exclus. En outre, il faut noter que « la démocratie ne fait que donner le pouvoir au peuple ; elle n’assure pas que le pouvoir sera utilisé sagement ou humainement » (p. 19).

Plusieurs fois, les Athéniens ont voté la mise à mort de tous les hommes et l’asservissement des femmes et des enfants d’un État-Cité conquis. Ils ont aussi voté l’inculpation d’hérésie de Socrate et imposé « la sentence de mort » (p.19). Là encore, ce fut le christianisme qui, finalement, apporta le fondement théologique et moral pour que le gouvernement limité mette un frein à l’abus de pouvoir.

Alors que beaucoup d’historiens regardent la chute de Rome comme une tragédie, Stark explique que la chute de l’Empire fut en fait un événement favorable plutôt que néfaste.

L’époque romaine n’apporta pas de progrès mais fut plutôt une pause dans l’essor de l’Occident. Même les fameuses voies romaines étaient en fait inadaptées aux roues des chariots et très glissantes lorsque détrempées de pluie, si bien que les légionnaires marchaient alors sur le bas-côté de la route. Les Romains étaient, comme les Chinois, indifférents au développement de leur technologie. La chute de Rome ne fut pas cause d’une Europe barbare, mais plutôt de l’Europe elle-même.

Pas tellement de « ténèbres » en cet Âge

On croit très généralement que la chute de Rome a plongé l’Europe dans la profonde barbarie du prétendu Âge des Ténèbres, lorsque la société s’effondre et que les grandes réalisations du monde ancien sont oubliées ou négligées, jusqu’à ce qu’elles soient ressuscitées et reprennent vie quelques siècles plus tard grâce aux penseurs des Lumières. Comme le dit Bertrand Russell : « Avec la décadence de l’autorité centrale de Rome, les terres de l’Empire occidental commencèrent une ère de barbarisme durant laquelle l’Europe souffrit d’un déclin culturel général. On l’appelle L’Âge des Ténèbres. »

De même, Charles van Doren déclare que la chute de Rome a « plongé l’Europe dans un Âge des Ténèbres qui a duré cinq cents ans ». Ce fut un âge de « rapine et de mort » puisque « il y avait peu de loi sauf celle de la force ». Pire encore, « la vie était devenue dure, la plupart des gens vivaient de ce qu’ils pouvaient gratter avec leurs mains de la terre autour de leur maison ». C. van Doren poursuit en blâmant le christianisme d’avoir prolongé l’Âge des Ténèbres parce qu’il méprisait la consommation et le matérialisme, tout en célébrant la pauvreté et en préconisant le contentement. Mais, comme le souligne Stark, « les historiens sérieux savent depuis des décennies que ces affirmations sont de purs mensonges ».

Il ajoute que les encyclopédies et dictionnaires respectables, tels que la Columbia et la Britannica définissent maintenant « l’Âge des Ténèbres » comme un mythe.

Stark démontre que la vérité est exactement contraire à la croyance commune : « L’aspect peut-être le plus remarquable du mythe de l’Âge des ténèbres est qu’il fut attribué à ce qui fut en réalité une des périodes de grande innovation de l’humanité… Au cours de cette période, la technologie fut développée et appliquée à une échelle qu’aucune civilisation n’avait connue auparavant » (p. 76). Ce fut pendant cette période que l’Europe fit de grands bonds en avant technologiques et intellectuels, la plaçant bien en avance sur le reste du monde5.

Liberté et liberté politique

La plupart des gens vivant à l’Ouest aujourd’hui – spécialement ceux qui y sont nés – prennent généralement pour allant de soi nos droits et libertés. Ils ne connaissent rien d’autre et ne comprennent pas ou n’ont pas conscience des grandes luttes et guerres historiques souvent violentes qui ont obtenu ces droits. Mais, comme Stark le souligne, une clé essentielle du succès de l’Occident fut la progression de la liberté politique. « S’il y a un seul facteur responsable de l’essor de l’Ouest, c’est la liberté. Liberté d’espérer. Liberté d’agir. Liberté d’investir. Liberté de jouir des fruits de ses rêves ainsi que de son travail. Une grande partie de cette liberté se fit jour durant les soi-disant Âges de Ténèbres » (p. 139).

Le christianisme a joué un rôle majeur dans ce développement parce qu’il « a insufflé aux gens une inclination à ne pas se contenter des choses comme elles sont, mais à essayer plutôt d’améliorer la situation » (p. 119). La théologie chrétienne enseignait aussi qu’il existait une vérité absolue que l’on pouvait rechercher rationnellement.

Ces notions conduisirent à une opposition croissante à l’esclavage : « La croyance au libre arbitre conduisit directement à mettre en valeur le droit de l’individu de choisir librement, avec comme résultat le rejet de l’esclavage par l’Europe médiévale, la seule culture à l’avoir jamais fait sans contrainte extérieure » (p. 119). À la fin du VIIIe siècle, le Pape et Charlemagne s’opposèrent tous deux à l’esclavage.

Stark conclut : « Un degré substantiel de liberté individuelle est inséparable de la modernité occidentale et c’est ce qui manque encore dans une grande partie du reste du monde. Certes, la modernité à l’Ouest a ses limites et ses mécontentements. Cependant, c’est beaucoup mieux que dans les alternatives connues, non seulement, ni même principalement, à cause de sa technologie avancée, mais à cause de son adhésion fondamentale à la liberté, à la raison et à la dignité humaine » (p. 370).

Recherche de la connaissance et science moderne

La croyance en la rationalité de Dieu fut un autre élément essentiel dans l’ascension de l’Ouest. Un Dieu rationnel rend la recherche de la connaissance possible. Ainsi, l’Église a créé les premières Universités (Bologne, Paris, Oxford, etc.) et a payé pour que des clercs fassent les cours. Les Universités étaient dirigées par les très calomniés scolastiques. Mais Stark considère que ces hommes étaient d’excellents maîtres qui « formulèrent et enseignèrent la méthode expérimentale et mirent en marche la science occidentale » (p. 159).

Selon Stark, « la clé la plus fondamentale de l’envol de la civilisation occidentale fut la consécration de tant de ses plus brillants sujets à la recherche de la connaissance. Pas de l’illumination. Pas de la sagesse. Mais de la connaissance. Et la base de cette addiction à la connaissance fut l’addiction chrétienne à la théologie » (p. 159).

Il ajoute : « La recherche de la connaissance était inhérente à la théologie, car les efforts pour mieux comprendre Dieu s’étendaient à Sa création, inaugurant ainsi une discipline académique, la philosophie de la nature, définie comme l’étude de la nature et des phénomènes naturels. A l’époque médiévale, une longue lignée de brillants philosophes scolastiques de la nature fit avancer la connaissance par des chemins conduisant directement à la « révolution copernicienne » et aux extraordinaires succès scientifiques des XVIe et XVIIe siècles » (p. 160).

En vérité, Copernic n’est pas issu d’une naissance virginale miraculeuse, doué d’une lumière divine de sa théorie héliocentrique.

Copernic avait été formé par les scolastiques, et les scolastiques avaient, au cours des siècles, beaucoup contribué à la formation du modèle héliocentrique.

Stark poursuit en démontrant que ce furent des chrétiens – ou du moins des hommes qui avaient de fortes convictions religieuses – qui commencèrent la révolution scientifique aux XVIe et XVIIe siècles. Stark identifie 52 « étoiles scientifiques » pour la période 1543-1680 ; des savants célèbres actifs dans la recherche, pas simplement des intellectuels notoires tels que Francis Bacon et Joseph Scaliger. Sur les 52 savants, un seul d’après Stark, Edmond Halley, était athée, et cela même est contesté6. Tous les autres étaient soit des chrétiens fervents, soit des personnes ayant au moins de fortes convictions religieuses.

Bien que les Voltaire, Rousseau, Locke, Hume et autres aient essayé de s’attribuer les succès de la Révolution scientifique, aucun de ces personnages n’a joué le moindre rôle dans le développement de l’entreprise scientifique.

Les progrès technologiques

Le progrès n’est pas inéluctable. Les inventions n’arrivent pas juste comme ça. Les inventions doivent être trouvées par quelqu’un et la probabilité pour que quelqu’un invente quelque chose dépend de la croyance en la possibilité des inventions. En outre, il ne suffit pas que les inventions soient faites, il faut encore qu’elles aient suffisamment de valeur pour qu’elles soient utilisées et largement adoptées. Cela n’est pas inéluctable non plus. Les dirigeants chinois, par exemple, arrêtèrent la production de fer dans l’Empire du Milieu au XIe siècle.

Cependant, « la conception de Dieu comme créateur rationnel d’un univers compréhensible, attendant, par conséquent, que les hommes deviennent de plus en plus sophistiqués et informés, a continuellement poussé l’Occident sur la route de la modernité » (p. 45). L’idée que le christianisme a freiné le progrès est complètement fausse : « […] les progrès de la science et de la technologie se sont produits non pas malgré le christianisme, mais à cause de lui. Contrairement à la croyance populaire, la science n’a pas fleuri soudain une fois que l’Europe eût abandonné les « superstitions » religieuses, lors du prétendu Âge des Lumières. La Science est apparue en Occident – et seulement en Occident – précisément parce que la conception judéo-chrétienne de Dieu encourageait et même exigeait cette recherche » (p. 321).

En réalité, les soi-disant Âges des ténèbres ont connu des progrès technologiques fondamentaux, en grande partie parce que la main étouffante de l’Empire romain avait disparu. La chute de Rome ouvrit la voie à de nouvelles routes commerciales et à des villes consacrées au commerce.

La preuve du progrès technologique durant cette période est écrasante.

Au Ve siècle, les tribus germaniques inventèrent une charrue avec un soc qui retournait le sol, alors que Rome n’alla jamais au-delà d’une charrue qui grattait le sol. La herse, qui servait à briser les mottes, fut inventée peu après. Le harnais d’épaule pour les chevaux fut aussi inventé et les fermiers adoptèrent l’assolement triennal pour empêcher l’épuisement du sol. Ils inventèrent aussi les moulins à eau et à vent que, contrairement aux Romains, ils employèrent massivement. Les Européens inventèrent aussi les chariots munis de freins et d’un essieu avant pouvant pivoter et auxquels on pouvait atteler des chevaux ; ils conçurent également des bateaux ayant une meilleure stabilité et une plus grande capacité de charge.

Le niveau de vie moyen s’éleva aussi. Avec la chute de Rome il n’y avait plus de subventions alimentaires ni de distribution quotidienne gratuite de pain, d’huile d’olive et de vin. Stark signale cependant que des études fondées sur l’analyse isotopique de squelettes ont montré que, durant les soi-disant Âges sombres, les gens mangeaient très bien, y compris beaucoup de viande, ce qui fit qu’ils étaient plus grands et plus robustes que leurs prédécesseurs de l’Empire romain.

Cependant, le développement le plus important de cette période concerna la tactique et l’équipement militaires. « Quelques siècles après la chute de Rome, les Européens avaient élaboré une technologie militaire dépassant de loin, non seulement celle des Romains, mais également celle de n’importe quelle autre société sur terre » (p. 84). La puissance militaire à cette époque était extrêmement importante parce que l’Islam était en plein essor et regardait maintenant vers l’Europe. Les armées musulmanes avaient déjà pris toute l’Afrique du Nord antérieurement solidement chrétienne. Une technologie et une tactique militaires supérieures signifiaient que les Européens furent capables de maintenir une présence militaire pendant des centaines d’années en plein territoire musulman, alors qu’ils étaient largement surpassés en nombre. Chaque fois que les armées musulmanes affrontaient des armées européennes beaucoup plus petites, elles étaient presque toujours mises complètement en déroute bien qu’elles fussent beaucoup plus nombreuses.

Les rares victoires musulmanes sur le champ de bataille furent dues à une écrasante supériorité numérique ou se firent à la suite d’un siège.

Les sociétés islamiques et les Croisades.

Stark détruit aussi de nombreux mythes à propos des sociétés islamiques et des Croisades. Selon une croyance commune, les premières sociétés islamiques étaient brillantes, sophistiquées et pleines de culture et par bien des côtés supérieures à l’Europe. Cependant, Stark démontre que les prétendues connaissances scientifiques furent apportées par les dhimmis ou esclaves juifs et chrétiens [syriaques] dans les terres dominées par l’Islam. La science et la technologie islamiques ne prirent pas leur origine dans la culture musulmane, mais furent toujours acquises ou pillées dans les sociétés non-islamiques. Les chiffres dits « arabes » viennent en réalité de l’Inde. La médecine « arabe » ou « islamique » fut en réalité une médecine de chrétiens nestoriens.

Tous les principaux médecins musulmans ou arabes furent formés dans l’énorme centre médical nestorien de Nisibe en Syrie (p. 297). Les chrétiens nestoriens furent aussi les premiers responsables de la collecte des manuscrits des grands philosophes grecs (Aristote, Platon, Hippocrate et Galien) et de leur traduction en arabe ou en syriaque. En fait, avant le IXe siècle, virtuellement tous les savants établis dans les sociétés islamiques étaient des chrétiens nestoriens. En outre, les nestoriens avaient la réputation chez les Arabes d’être très compétents comme comptables, architectes, astronomes, banquiers, médecins, marchands, philosophes, savants, scribes et professeurs.

En ce qui concerne les Croisades, Stark note que le mythe veut que la plupart des croisés recherchaient des terres et du butin. La vérité, dit-il, est qu’ils « firent d’énormes sacrifices financiers, sachant qu’ils ne rentreraient jamais dans leurs frais » (p. 103).

Bien que quelques croisés eussent commis des atrocités, celles-ci ont souvent été exagérées. En outre, les atrocités commises par les musulmans ont été largement méconnues.

Par exemple, Baybars, sultan d’Egypte, fit tuer tous les chrétiens lorsqu’ Antioche tomba en 1268, malgré sa promesse d’épargner leur vie. Cela semble être le plus grand massacre de toute la période des Croisades ! La grâce de Saladin après la prise de Jérusalem apparaît comme exceptionnelle. Après la bataille de Hattin en 1187, Saladin fit décapiter tous les chevaliers.

Le colonialisme au Nouveau Monde

Stark poursuit sa démolition des mythes historiques par la discussion des conquêtes et de la colonisation du Nouveau Monde. Il note que « Presque tous les exposés insistent sur la cupidité et le racisme comme fondement de l’expansion coloniale de l’Europe. D’accord, les deux furent des facteurs importants, mais le furent également l’idéalisme et la charité, spécialement de la part des missionnaires chrétiens, qui souvent étaient aussi soucieux d’éduquer et de moderniser les pays étrangers que de convertir le monde au Christ » (p. 357).

En fait, au début du XXe siècle, les missions étrangères anglaises et américaines avaient créé 86 collèges et universités, 522 collèges de professeurs et des milliers d’écoles élémentaires en Asie et en Afrique.

Bien que le colonialisme ait permis à certains individus et à certaines sociétés de réaliser de grands profits, ils les faisaient habituellement aux dépens de leurs propres concitoyens. En fait, comme le souligne Stark, la guerre d’Indépendance américaine « fut entreprise largement parce que le Parlement britannique, fatigué de perdre de l’argent avec ses 13 colonies, essaya d’imposer des taxes suffisantes pour couvrir les coûts de leur administration et de leur défense » (p. 358).

En tout cas, beaucoup des anciens Empires conquis ne méritent pas beaucoup de sympathie, du fait qu’ils pratiquaient le cannibalisme, les sacrifices de masse, l’esclavage et autres atrocités. Les anciens Aztèques, par exemple, avaient 18 cérémonies par an qui demandaient d’énormes sacrifices humains, et ils avaient lieu dans 80 sites différents !

Comme Stark le dit avec pertinence : « pour soutenir la thèse de l’impérialisme culturel, il faut être à l’aise avec des crimes envers les femmes tels que le bandage des pieds, l’excision, la coutume de Sati (qui fait brûler les veuves attachées au bûcher funéraire de leur mari) et la lapidation à mort des victimes de viol sous prétexte de leur adultère. Il faut également accepter que la tyrannie soit aussi désirable que la démocratie et que l’esclavage soit toléré s’il fait partie des coutumes locales. Également, on doit tenir le taux élevé de mortalité infantile, la perte des dents chez le jeune adulte, la castration des jeunes garçons pour des expressions valables des cultures locales qu’il faut aimer avec l’illettrisme. Car ce fut surtout sur ces aspects des cultures non-occidentales que la modernité fut « imposée » par les missionnaires et les autres colonialistes » (p. 366).

En ce qui concerne le trafic d’esclaves, les Européens acquirent beaucoup d’esclaves et ils furent responsables de l’extension de leur commerce au Nouveau monde.

Cependant, ils n’ont pas créé le commerce d’esclaves ; ils se sont simplement introduits dans le marché d’esclaves africain instauré depuis longtemps par les chefs musulmans et africains. En réalité, l’esclavage était endémique dans la plupart, sinon toutes, des sociétés africaines précoloniales. Ce furent les Européens, stimulés par l’Église catholique et les évangélistes britanniques, qui finalement mirent un terme à l’esclavage en Europe et à son commerce en Afrique. Aucune autre civilisation dans l’Histoire n’a fait une telle chose ! En outre, la Grande Bretagne a utilisé sa marine pour s’assurer que le trafic d’esclaves avait cessé : « les premières intrusions militaires britanniques en Afrique étaient principalement consacrées à la disparition du trafic d’esclaves. Dans la seule année 1840, la marine anglaise a intercepté 425 navires d’esclaves au large de la côte d’Afrique de l’Ouest, pendu les négriers, renvoyé les esclaves au Sierra Leone et les a libérés » (p. 357-358).

Conclusion

Rodney Stark est virtuellement « une voix dans le désert » en contestant les dogmes politiquement corrects et les préjugés qui dominent les études historiques et sociologiques sur la civilisation occidentale. Il est clair que la plupart de ses collègues ont cessé de seulement examiner les faits. Une génération d’étudiants est actuellement endoctrinée avec une vue fausse, déformée et négative de la civilisation occidentale. Dans l’âge présent d’idéologie multiculturelle, ce manque de connaissance est très dangereux : pourquoi défendre les institutions et les valeurs d’une civilisation dont vous croyez qu’elle a obtenu sa prospérité en volant, pillant et en exploitant de simples, mais nobles et idylliques anciennes sociétés ? Le livre de Stark devrait être une lecture obligatoire pour tous les étudiants. Non seulement il corrige les mythes historiques, mais il décrit aussi les fondements chrétiens de la civilisation occidentale. Ceci est extrêmement important parce que si les fondations sont sapées ou perdues, toute la structure s’effondre.

De nouveau, ce livre doit être lu par tous les chrétiens et spécialement les étudiants en Université. Il contient une abondance d’information, est bien documenté et contient plein d’exemples historiques. De plus, Stark est un excellent écrivain et son livre fort intéressant, c’est une joie de le lire. Je le recommande chaleureusement.

1 Recension du livre de Rodney STARCK par Andrew KULIKOVSKY, “How the West Won : TheNeglected story of the Triumph of Modernity”, USA,Wilmington, ISI Books, 2014, in Journal of Creation 2015 (1), p. 45-50. Aimablement traduit par Claude EON.

2 Baylor University est à Waco, USA, Texas. C’est la plus grande Université baptiste au monde.

3 STARK Rodney, Triomphe de la Raison. Pourquoi la réussite du modèle occidental est le fruit du christianisme,Paris, Presses de la Renaissance, 2007, et L’essor du christianisme. Un sociologue revisite l’histoire duchristianisme des premiers siècles,(26)Charols, Éd. Excelcis, 2013 : cesont les deux seules traductions françaises à l’heure actuelle.

4 L‘Ivy League comprend les 8 prestigieuses Universités de l’Est des USA : Brown, Columbia, Cornell, Dartmouth, Harvard, univ. de Pennsylvanie, Princeton et Yale.

5 Ndlr. Sur les innombrables inventions techniques médiévales, cf. D. TASSOT, « Faudrait-il en revenir au Moyen Âge ? », Le Cep 59, mai 2012, p. 1-10.

6 Halley proposa l’idée bizarre d’une terre creuse « essayant de réfuter les allégations d’athéisme. Lorsqu’il faisait ses cours aux étudiants, il briguait la chaire Henry Savile d’astronomie à Oxford et des rumeurs circulaient à propos de son orthodoxie : selon un de ses électeurs, Halley « était un sceptique et un railleur de religion ». Halley utilisait sa terre demi-creuse pour justifier la croyance chrétienne en un univers de durée finie en postulant un éther pour ralentir les planètes… Il renforça ses lettres de créance religieuses en introduisant Dieu directement dans son argumentaire… » (Cf. FARA Patricia, “Edmond Halley’s last portrait”, in Notes and records of the Royal Society 60(2), 18 avril 2006, p. 199-201).

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