Accueil » Teilhard de Chardin : une réhabilitation impossible

Par Rebeillard Laurent Dr

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Résumé : Prophète enthousiaste de l’Évolution, adulé par les organisations internationales et soutenu par de multiples associations locales d’« amis de Teilhard de Chardin », il était devenu inévitable de faire repentance sur la malencontreuse condamnation, par le Saint-Office de 1962, du génie théologique qui, au risque d’être incompris, avait pris sur lui d’enseigner à l’Église les voies de sa réconciliation avec le monde. Mais les idées sont ici inséparables de l’homme qui les a portées : il importait donc, c’est l’intérêt de cet article, de retracer l’ensemble du paysage afin de bien comprendre tout l’enjeu de cette probable réhabilitation.

Le 25 novembre 2017, sous la plume de Francesca de Villasmundo, le site Médias-Presse.info signalait que la réhabilitation de Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), jésuite et anthropologue dont les écrits avaient été condamnés par le Saint-Office en 1962, était désormais à l’ordre du jour :

« L’Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la Culture a approuvé à une large majorité une proposition envoyée au pape François dans laquelle il lui est demandé d’étudier la possibilité de retirer le Monitum de 1962 qui pèse sur les œuvres du jésuite Pierre Teilhard de Chardin. Cette pétition a été signée le 18 novembre dernier durant les travaux de l’Assemblée réunie autour du thème : “Le futur de l’humanité : les nouveaux défis pour l’Anthropologie”. La demande est motivée comme suit :

Nous retenons qu’un tel acte non seulement réhabiliterait l’effort sincère du pieux jésuite dans la tentative de réconcilier la vision scientifique de l’univers avec l’eschatologie chrétienne, mais représenterait aussi une formidable stimulation pour tous les théologiens et les scientifiques de bonne volonté à collaborer dans la construction d’un modèle anthropologique chrétien qui, en suivant les indications de l’encyclique Laudato Si’, s’inscrit naturellement dans la merveilleuse trame du Cosmos.”

La lettre contenant cette proposition a été consignée hier, 24 novembre, au pape François, qui lors de la plénière avait souhaité aux participants “un dialogue majeur entre l’Église, la communauté des croyants et la communauté scientifique”. Les signataires dans ce courrier de peu de lignes expliquent au Pontife que durant les travaux de l’Assemblée est ressortie la sensation que la pensée de Teilhard a été mal interprétée. D’où ce souhait que le Monitum qui frappe ses livres soit levé. Souhait auquel, espèrent-ils, le Pape actuel répondra positivement puisque la doctrine de Teilhard de Chardin ne lui est pas inconnue. Dans Laudato Si’, le Pape le cite une fois (cf. n° 83) en faisant remarquer sa contribution, qu’il estime positive, à un christocentrisme de souffle cosmique. »

Portrait du père Teilhard de Chardin

Fig. 1. Le P. Teilhardde Chardin.

Cette demande de réhabilitation du jésuite Teilhard de Chardin (1881-1955) est somme toute assez naturelle. Sa pensée influença énormément les principaux inspirateurs du concile Vatican II. Ordonné prêtre en 1911, dans l’Ordre des Jésuites, Teilhard de Chardin s’était passionné très tôt pour la théorie de l’évolution de Darwin. Il a mené une double carrière d’anthropologue et d’écrivain, s’attachant dans ses ouvrages successifs à développer une nouvelle théologie en adéquation avec une « évolution » qui lui semblait indiscutable sur le plan scientifique.

Il est amené très tôt à rejeter le dogme du péché originel, incompatible avec son idée darwinienne d’un progrès dans la nature :

« Si le dogme du péché originel nous ligote et nous anémie, c’est tout simplement parce que, dans son expression actuelle, il représente une survivance de vues statiques périmées au sein de notre pensée devenue évolutionniste. L’idée de chute n’est en effet, au fond, qu’un essai d’explication du Mal dans un univers fixiste. À ce titre, il est hétérogène à nos représentations du Monde. Voila pourquoi il nous opprime. Par suite, c’est le problème du mal, dans ses relations avec le Christ, qu’il nous faut, si nous voulons respirer, reprendre et repenser, dans un style approprié à nos vues cosmiques nouvelles » (Christologie et évolution). 

Rejetant tout à la fois la création divine d’Adam et Ève – présentés dans la Bible comme les ancêtres de toute l’humanité –, leur péché de désobéissance et leur chute, à l’origine de la corruption du genre humain, Teilhard s’attira rapidement les foudres de certains théologiens.

Dès 1921, après la lecture d’une étude de Teilhard sur le péché originel, le Saint-Siège lui interdit de publier d’autres ouvrages et la Compagnie de Jésus lui demande d’abandonner l’enseignement. En 1955, ses œuvres post-mortem furent condamnées par le Saint-Office qui, le 30 juin 1962, édita un Monitum particulièrement sévère, qui mettait en garde contre les idées hérétiques du Père jésuite :

« Certaines œuvres du P. Pierre Teilhard de Chardin, même des œuvres posthumes, sont publiées et rencontrent une faveur qui n’est pas négligeable. Indépendamment du jugement porté sur ce qui relève des sciences positives1, en matière de philosophie et de théologie, il apparaît clairement que les œuvres ci-dessus rappelées fourmillent de telles ambiguïtés et même d’erreurs si graves qu’elles offensent la doctrine catholique.

Aussi les EEm. et RRv. Pères de la sacrée Congrégation du Saint-Office exhortent tous les Ordinaires et Supérieurs d’Instituts religieux, les Recteurs de Séminaires et les Présidents d’Université à défendre les esprits, particulièrement ceux des jeunes, contre les dangers des ouvrages du P. Teilhard de Chardin et de ses disciples. »

Dans son livre Création et Rédemption2, le père Boulet a résumé l’œuvre et la pensée de Teilhard :

« L’œuvre de Teilhard est incontestablement liée à la théorie transformiste de Darwin, qui n’est pourtant qu’une hypothèse à laquelle aucune preuve n’a pu être apportée. Ni la Science, ni la Révélation ne contraignent à être transformiste. Dans la mesure où il faut faire violence à la doctrine catholique traditionnelle pour la faire concorder avec un évolutionnisme hypothétique, il y a une grande imprudence à adopter la vision teilhardienne.

La pensée de Teilhard, qui conjugue l’apparence scientifique et le lyrisme du visionnaire, exerce une certaine fascination sur les esprits qui pensent y trouver la synthèse dont notre temps aurait besoin pour opérer une heureuse réconciliation entre la science et la foi. Mais en réalité :

L’œuvre de Teilhard – mis à part les mémoires scientifiques, inconnus du grand public – n’est pas à proprement parler une œuvre scientifique, bien qu’elle se dise parfois telle et soit d’un homme qui était spécialiste en paléontologie. Il lui manque les vérifications expérimentales et la rigueur logique des exposés scientifiques,

Beaucoup de lecteurs de Teilhard sont victimes d’un malentendu : parce qu’il a la réputation d’être un homme de science, ses lecteurs pensent que tous ses écrits offrent les garanties des œuvres scientifiques. En fait, on peut être savant et écrire autre chose qu’un traité de science, de la poésie par exemple, ou un texte qui soit l’expression de sa vision personnelle, une vision qui s’inspire de la science, mais qui se présente comme une extrapolation nourrie d’intuitions personnelles. Les apparences scientifiques (sujet, vocabulaire, raisonnements…) ne suffisent pas pour que l’œuvre de Teilhard puisse être considérée comme une œuvre scientifique. Il lui manque un certain nombre de qualités telles que l’objectivité, les preuves, la démonstration.

Sa finalité elle-même est davantage d’exprimer une vaste synthèse personnelle originale mettant en forme un certain nombre d’hypothèses.

L’œuvre de Teilhard n’est pas davantage une œuvre théologique,car elle n’en a pas le caractère rigoureux. Bien qu’il cite parfois quelques textes de l’Écriture à l’appui de ses thèses, son œuvre n’est pas une réflexion systématique à partir de la Révélation divine. Là aussi, les apparences ne doivent pas faire illusion sur le genre de discipline que pratique l’auteur.

Dès lors, comment qualifier cette œuvre ? Dans quel genre la classer ? À en juger par son style lyrique et imagé, abondant en néologismes, il s’agirait d’une vision poétique, une vision grandiose laissant libre cours aux élans spirituels, aux affirmations enthousiastes, dans un style souvent éblouissant. Une vision dans laquelle le chrétien retrouve comme transfigurées des vérités dont la formulation traditionnelle lui semble comparativement assez terne. Vision puissante et cohérente dans laquelle l’intelligence, la sensibilité, la générosité, le sens spirituel de Teilhard sont manifestes, mais où sa foi se laisse contaminer par des rêves pseudo-scientifiques. Une vision que l’on ne peut adopter sans renoncer à l’enseignement authentique du magistère de l’Eglise sur des notions essentielles (la Création, la Rédemption, le péché, la transcendance divine…). Étienne Gilson la qualifie de “marécage doctrinal où l’on est certain de s’enliser si l’on s’y hasarde”. Et il poursuit : “la théologie teilhardienne est une gnose chrétienne de plus et, comme toutes les gnoses, de Marcion à nos jours, c’est une théologie-fiction”. »

De multiples théologiens ont analysé la pensée de Teilhard, si contraire à la théologie traditionnelle qu’elle peut être qualifiée d’hérétique. Dans son livre publié en 1967, Alain Tilloy qualifiait même Teilhard de « prophète de l’Antéchrist », annonçant, dans son utopie d’une unification future de toutes les religions, une Noosphère « luciférienne ». Teilhard est de fait un des maîtres à penser du Nouvel Âge, mouvement spirituel panthéiste et d’inspiration gnostique3. Mais que reste-t-il de son œuvre sur le plan scientifique ?

Teilhard a participé à la découverte des restes de plusieurs « chaînons manquants », considérés comme les intermédiaires entre le singe et l’homme, dont la recherche était active au début du XXe siècle. L’article d’Arnaud Hurel, « Le paléoanthropologue et l’artiste », situe clairement le cadre de ces recherches. Historien, docteur en histoire contemporaine, ingénieur au département de préhistoire du Muséum national d’histoire naturelle, Arnaud Hurel rend compte d’un Séminaire du 20 mars 2008, publié sur le site artsetsocietes.org /f/f-hurel.htm. Il note que « les reconstitutions des êtres fossiles à fins muséographiques ou “pédagogiques” sont pratiquées depuis longtemps, qu’il s’agisse des célèbres dinosaures de Waterhouse Hawkins, réalisés grandeur nature et exposés à Crystal Palace en 1851, ou du Pithécanthropus erectus de Java présenté par Eugène Dubois au Pavillon des Indes néerlandaises de l’exposition universelle de 1900. »

Après l’homme de Java, c’est l’homme de Néanderthal qui va occuper les paléontologues au début du XXe siècle. « C’est en août 1908 que les abbés Jean et Amédée Bouyssonie, leur frère Paul et leur ami l’abbé Louis Bardon, mettent au jour à la Chapelle-aux-Saints (Corrèze) un squelette presque complet de Néanderthalien. L’ensemble est confié à Marcellin Boule, professeur de paléontologie du Muséum national d’histoire naturelle, qui se livre alors à un travail long et minutieux de reconstitution (certains os ont été brisés, dont le crâne en une trentaine de morceaux) et analyse. Il publie ses résultats dans une monographie, où il se pose en “simple traducteur des faits observés”, qui va devenir un ouvrage de référence pour des générations d’anthropologues et va, pour partie, orienter les réflexions sur l’homme de Neanderthal. En 1918, à l’issue d’une conférence au cours de laquelle le paléontologue présentait cette recherche, le sculpteur-graveur Joanny Durand écrit à Boule pour lui annoncer qu’il existe à Paris “un homme d’un certain âge qui présente tous les caractères de la race simiesque : cou court et très musclé, jambes arquées, marche en flexion, avant-bras très longs retombant naturellement en pronation complète, les coudes éloignés du torse, crâne en carène, arcades sourcilières très proéminentes, nez très large, prognathisme exagéré du maxillaire inférieur, etc.”. Et cet individu est le modèle de Rodin pour son “Penseur” de “la Porte de l’enfer”.

Répondant à une attente du public, Boule va faire appel au talent de Durand pour réaliser, en 1921, une reconstitution présentée en bonne place dans son manuel de paléontologie humaine. »

Reconstitution de la tête et du cou de l'Homo neanderthalensis de la Chapelle-aux-Saints

Fig. 2 :Reconstitution de la tête et du cou de l’Homo neanderthalensis de la Chapelle-aux-Saints.

« En Chine également – poursuit Arnaud Hurel – les nouvelles découvertes d’hommes fossiles sont l’occasion de se livrer à l’exercice de la reconstitution. La mise au jour, entre 1927 et 1937, à Chou-Kou-Tien, à une soixantaine de kilomètres de Pékin, des restes d’un Homo erectus (Sinanthropus pekinensis) est un événement scientifique majeur. L’anthropologue chargé de sa diagnose, Franz Weidenreich, s’attelle à un travail de reconstitution en partant d’un crâne et de quelques éléments de la face. L’objectif de Weidenreich est clairement de reconstituer le “type” fossile, le “type” du Sinanthrope. Là aussi le scientifique va faire de cette opération un vecteur pour ses propres idées. Il choisit, par exemple, de reconstituer une femelle (bien que les éléments dont il dispose ne permettent pas d’en déduire une telle gracilité) et accroît l’expression des caractères archaïques (simiens), tout en laissant transparaître des traits asiatiques actuels. Il accentue ainsi l’idée de continuité, qui permet de conforter sa théorie de l’évolution locale(multirégionale)des hommes modernes.

Le nouvel Homme de Pékin qui, en 1926, avait fait son entrée sous le sobriquet de Pekin’s lady”, gagne, dix ans plus tard, avec l’équipe internationale qui travaille à sa reconstitution, un visage (réalisé par la sculptrice Lucile Swan) et un prénom (Nelly). »

Reconstitution de "Nelly", "femme de Pékin"

Fig. 3 :Lucile Swan4, sous la direction de Franz Weidenreich, et « Nelly » (Sinanthropus pekinensis), 1937 (cliché Fondation Teilhard de Chardin).

Lucile Swan, sculpteur de "Nelly", dans son atelier

Fig. 4 : Lucile Swan dans son atelier.

Voilà dans quel contexte intervint Teilhard de Chardin qui, de 1923 à 1935, effectua plusieurs voyages en Chine, cautionnant par sa présence le Sinanthrope de Chou-Kou-Tien, et devenant un ami intime de la sculptrice qui lui a donné un visage, Lucile Swan.

Dans une série d’articles parus en 1981, pour le centenaire de sa naissance, dans la revue La Contre-réforme catholique au XXe siècle, l’abbé de Nantes considérait que l’œuvre de Teilhard se résumait à une série de fraudes scientifiques. « Sur ces fraudes, écrit-il, un livre fait la complète lumière, avec honnêteté et compétence, celui du Rev. O’Connell, Science d’aujourd’hui et problèmes de la Genèse (Action-Fatima 1963). »

Nous retranscrivons ici le résumé que donne l’abbé de Nantes du livre du RP. O’Connel avec ses commentaires :

« Darwin ayant décidé que l’homme descendait du singe par évolution lente et sélection naturelle, ses disciples se mirent en quête du “chaînon manquant”, être intermédiaire qui prouverait indiscutablement le passage de l’un à l’autre. Jusqu’ici, rien que de normal. On trouva donc des fossiles de “pithécanthropes”, c’est-à-dire de singes-hommes, moitié singe, moitié homme. Une fois, deux fois, trois fois. Quand les fixistes éventèrent les supercheries, ils en firent la matière convaincante de leur réfutation de l’Évolution et le fondement de leur thèse d’une création directe de l’homme par Dieu à partir du limon de la terre, selon la lettre de la Bible. Et les paléontologistes ? Si la fraude est patente, ils cessent subitement d’en parler. Si elle reste peu connue du public, ils se débrouillent de leur mieux, pour en parler sans trop s’engager. Mais en observant les deux lois suprêmes de la maffia darwinienne internationale : on ne se critique pas entre collègues ; on fait front contre les cléricaux.

Il est extrêmement instructif, pour qui sait le fond ténébreux, scandaleux, de certaines impostures, d’aller voir chez Piveteau, Arambourg, Coppens, Heim, Caries, Clarke, etc., la manière dont chacun d’eux s’en tire. Marcellin Boule lui-même, le plus grand… Les fraudes majeures de la génération fondatrice demeurent ainsi, aujourd’hui encore, des piliers de l’argumentation paléontologique, darwinienne, d’une continuité biologique et psychique totale de l’animal à l’homme. Ce sont Java, Piltdown et Chou-Kou-Tien. 

  1. Le faux pithécanthrope de Java.

Le Dr Dubois, médecin militaire hollandais, part pour Java en 1889, avec l’idée bien ancrée qu’il y trouvera le chaînon manquant, selon les prédictions de l’infaillible Darwin.

Il le trouve en 1891, le dénomme Pithecanthropus erectus ( le Singe-homme dressé ), et publie un rapport convaincant sur sa découverte en 1895. Il exhibe une calotte crânienne, d’apparence simienne, dont il évalue le volume cérébral à 850 cm3, à peu près à égale distance de celui du chimpanzé et de celui de l’homme. Et un fémur de type humain, dont il omet de préciser qu’il l’a trouvé à 15 m de ladite calotte. Mais il ne souffle mot des deux crânes humains de 1 550 et 1 650 cm3 qu’il a trouvés dans les parages ! Il les exhibera trente ans plus tard, en 1925. Ces crânes humains ne troublent pas les paléontologistes. Ils les font figurer à part du premier lot sous une autre dénomination, dans leurs nomenclatures, et le tour est joué, la fraude est consolidée : c’est “l’Homme de Wadjack”, découvert par Dubois en 1888-1889, date fantaisiste (R. GESSAIN, Catalogue de l’exposition organisée par le Musée de l’Homme en 1977, p. 136).

De nouvelles expéditions (Ngandong, sur la rivière Solo) ont fourni des dents, des crânes humains de 1 100 à 1 300 cm3. Enfin, le Dr Koenigswald a trouvé des crânes de volume cérébral intermédiaire, de 800 à 900 cm3, sauvant ainsi le Pithécanthrope d’un entier discrédit.

Teilhard de Chardin et le professeur von Kœnigswald sur le site de Trinil

Fig. 5 : Teilhard et le professeur von Kœnigswald sur le site de Trinil (1935).

La fraude indéniable… et avouée par Dubois trente ans plus tard, a été d’associer par fanatisme évolutionniste, ce fémur d’homme moderne, non pas avec les crânes humains trouvés dans le même champ paléontologique, mais avec un débris de crâne de gibbon, comme s’ils appartenaient l’un et l’autre au même individu.

Et les paléontologistes sont des fraudeurs encore aujourd’hui, quand ils exposent ce fémur humain dans la vitrine du Pithécanthrope, comme preuve de son hominisation avancée et de sa station droite d’Homo erectus. Et plus loin, dans une autre salle, celle de l’Homme de Néanderthal, un million d’années les séparant5, les crânes de l’Homme de Wadjack, de telle manière que les visiteurs ne puissent faire le joint.

Ce joint que la science réclame, dont le darwinisme officiel ne veut pas, le voici : à Java, il y a 10 000 ans, vivaient des hommes préhistoriques qui chassaient des grands singes, dont certaines caractéristiques anatomiques tendent à faire une espèce en évolution vers la forme humaine.

  1. Le faux Eoanthrope de Piltdown.

Le 18 décembre 1912, le Manchester Guardian annonce la spectaculaire découverte du ‘’chaînon manquant’’, à Piltdown (Sussex), par les honorables Charles Dawson et Arthur Smith Woodward du British Museum. C’est l’Eoanthropus Dawsoni. Ils ont trouvé un crâne, récemment brisé, privé de sa partie faciale et une mandibule simiesque munie de deux dents usées à la manière humaine ; le condyle manque, les canines aussi et l’emboîtement n’est pas évident. Peu importe. La capacité crânienne de 1 070 cm3, selon l’évaluation de Dawson, en fait l’intermédiaire rêvé.

Toutefois le Dr Keith conteste l’ensemble de la découverte : le volume cérébral est de 1 500 cm3, ce crâne ressemble à celui d’un bourgeois de Londres. Le moulage endocrânien est d’un homme moderne. Marcellin Boule estime que cette mâchoire de chimpanzé ne s’accorde pas avec ce crâne d’homme. Keith demande d’autres éléments, tels que les canines…

En 1913, le jeune jésuite Pierre Teilhard de Chardin, lié d’amitié intime avec Dawson, au point que celui-ci écrivait à Woodward : “Teilhard est parfaitement sûr” (!), Teilhard donc trouva, en passant au crible les déblais du site de Piltdown, justement la canine tant désirée !

Ainsi que des outils primitifs, un ivoire sculpté, dix- huit fossiles d’animaux vieux de 500 000 ans. Et l’Homme-Singe de Piltdown prit place parmi les documents les plus probants de la descendance simienne de l’homme jusqu’en 1953, quarante ans plus tard, où deux tests au fluor ramenèrent l’antiquité des restes de Piltdown de 500 000 à 50 000 ans. L’enquête, reprise avec soin, prouva que le crâne était celui d’un néanderthalien, artificieusement brisé, et la mâchoire, celle d’un singe moderne. La dent de Teilhard avait été limée pour faire aller le tout ensemble, les divers os teints pour les vieillir. Le reste avait été ramassé ailleurs.

Les quatre suspects dans l’imposture de Piltdown

Fig. 6 : Les quatre suspects dans l’imposture de Piltdown.

Le Bulletin du British Museum rendit compte de la fraude et le silence se fit. Teilhard le naïf (ou le faussaire ?) avait été joué (ou avait trompé son monde ?) et s’était fait la garantie bourgeoise de l’énorme escroquerie, y gagnant pour sa part la renommée d’un savant paléontologiste de notoriété internationale. Que pensez-vous qu’il fit, en 1953 ? Alors au sommet de sa gloire, il continua à croire à sa “découverte” de jeunesse, il ne changea rien à ses théories et n’y perdit rien de son prestige. La très maçonnique Unesco fête solennellement cette année, en 1981, le centenaire de la naissance de cet illustre imposteur.

  1. Le faux Sinanthrope de Chou-Kou-Tien.

C’est le père Licent, jésuite aussi saint que savant, qui découvre ce site paléontologique de Chou-Kou-Tien, près de Pékin, et en commence l’exploitation en 1912. Il est bientôt évincé par une équipe internationale abondamment subventionnée par la Fondation Rockefeller.

Teilhard y est envoyé par le Musée de l’Homme, en 1926, comme “observateur”. Marcellin Boule lui trouve cette mission scientifique lointaine fort opportunément, car il a cessé d’être persona grata à l’Institut catholique de Paris où son modernisme fait scandale.

Des molaires trouvées en 1922 et en 1927 sont déclarées, par Davidson Black et le chinois Wang, appartenir à un “hominidé inférieur” qu’ils nomment Sinanthrope. Cette découverte apporte, dit-on dans la presse mondiale, une aide décisive à l’interprétation des fossiles de Piltdown (!). Teilhard assure la continuité.

Teilhard de Chardin et l’abbé Breuil à Chou-Kou-Tien en 1935

Fig. 7 : Teilhard et l’abbé Breuil à Chou-Kou-Tien en 1935.

En 1929, découverte de nombreux crânes brisés, de grande capacité cérébrale, que Teilhard décrit en 1930 comme simiesques (grande largeur sous-auriculaire, occiput triangulaire) ; aucune trace de feu ni d’outils. En 1931, Black écrit dans Paleontologia sinica l’article : « Sur un crâne de Sinanthrope adolescent. » Curieusement, c’est la description d’un moulage de crâne, de capacité estimée à 950 cm3, intermédiaire, dit Black, entre l’Homme de Java et l’Homme de Néanderthal.

Sur le moulage, évidemment !, n’a pas été représenté ce trou caractéristique que tous les crânes des Sinanthropes portent à leur sommet, visiblement fait pour en extraire la cervelle. Ont signé Black, Teilhard, Young et Pei.

En 1932, l’abbé Breuil, paléontologiste éminent autant qu’évolutionniste fanatique, visite les lieux. Son article décrit des débris de cuisine énormes, 10 000 mètres cubes, signale la présence de 2 000 pierres taillées amenées de loin, des crânes de Sinanthrope mêlés à des os de différents animaux. Il ne se prononce pas sur le fond de la question. Marcellin Boule a tout de suite estimé que « le chasseur était un homme véritable dont on a retrouvé l’industrie typique et qui faisait sa victime du Sinanthrope. Celui-ci n’est donc pas le monarque de Chou-Kou- Tien, mais le gibier du roi de ces lieux », dont on ne retrouvera pas le squelette dans ses débris de cuisine (article de 1934) ! C’est l’évidence même.

En 1933, Teilhard relate pour la Revue des questions scientifiques la découverte des débris de cuisine, des crânes de Sinanthrope, tous de même gabarit du haut en bas du site exploré, et de maints outils de pierre et d’os. Il prend le contre-pied de son maître, Marcellin Boule, en attribuant au Sinanthrope une forte capacité crânienne et en faisant de lui l’auteur de cette cuisine et de cette industrie. C’est la promotion remarquable du Sinanthrope au rang d’Homo faber.

Or, il termine son article, cinq mois plus tard, sous le coup de l’émotion, par l’annonce d’une grande découverte : Pei vient de mettre au jour trois crânes d’adultes non mutilés et, pour la première fois, des fémurs et d’autres parties de squelettes. Teilhard déclare que ce sont des Homo sapiens, mais rapporte qu’on les a trouvés dans un autre site6. Explication vague et fourbe qui demeurera parole d’évangile jusqu’à nos jours.

Le 15 mars 1934, Black meurt subitement au milieu de ses fossiles. Le Dr Weidenreich lui succède. Chose prodigieuse : il garde le silence sur ces neuf ou dix squelettes Homo sapiens découverts en 1933. Pei et Teilhard les lui ont-ils cachés ? Qui trompe qui ? Il n’en connaîtra ou n’en avouera l’existence qu’en 1939, et de nouveau en 1945, mais comme de fossiles trouvés dans la couche supérieure, de genre Homo sapiens, mongoloïdes. Teilhard, lui, refusera toujours de reconnaître, dans cette petite famille écrasée accidentellement par un éboulis sur les lieux mêmes de ses activités, les chasseurs de Sinanthropes, friands de cervelles, prévus par Boule. Car ce sont des hommes modernes !

Le Dr Pei a “trouvé” en 1936, trois crânes : d’un mâle, de deux femelles. L’article de vulgarisation de Teilhard n’en donne aucune description, et pour cause ; il est rempli d’inexactitudes sur le site de Chou-Kou-Tien, où Teilhard n’allait presque jamais. Dans cet article, Teilhard osait écrire qu’aucune trace n’avait été trouvée de l’hypothétique Homo sapiens supposé par Boule pour expliquer l’industrie (cf. O’ Connell, p. 89). Il oubliait qu’il en avait signalé lui-même la découverte en 1934…

Comment ne pas supposer que cette découverte de 1936 est de pure invention, son seul but étant de faire oublier la petite famille Homo sapiens imprudemment révélée et décrite par Teilhard dans Les Études de 1934 ?

En 1939 et plus tard en 1945, revenu en Californie, Weidenreich avouera la vérité, et cela malgré les dénégations de Teilhard. Il produira les photos de la petite famille découverte en 1933. Et la vérité se fera jour dans un tout petit cercle d’initiés. Après des centaines de milliers d’années de présence paisible du Sinanthrope en Chine, arrivèrent des représentants de l’espèce Homo sapiens, qui s’établirent à Chou-Kou- Tien, y firent leurs outils, leur cuisine, et pourchassèrent le Sinanthrope. L’étude objective des sites et de leurs couches superposées de fossiles démontre que la taille des outils et la maîtrise du feu n’apparaissent pas avant la venue de l’Homo sapiens… que nous n’aurions jamais rencontré dans sa cuisine si un grand malheur n’était pas arrivé à cette famille surprise par un éboulement, écrasée avec son gibier prêt à cuire, et retrouvée providentiellement par Pei en 1933 ! Mais la « Science » mondiale, subventionnée par la Fondation Rockefeller et l’Unesco, continue de croire au Sinanthrope de Teilhard. J’accuse la maffia paléontologique de faux et usage de faux en vue d’abuser le monde sur la descendance simienne de l’Homme.

Quant à Teilhard, laissons le Rev. O’ Connell, qui l’a connu sur le terrain de ses exploits imaginaires, à Pékin, prononcer son oraison funèbre :

« Il était simplement comme un enfant qui n’aurait jamais grandi. Il possédait une connaissance merveilleuse de tous les termes techniques employés par les géologues et les paléontologistes, mais c’était tout. Ce qui est tragique, c’est que les opinions d’un tel homme, absolument sans valeur, aient influencé l’enseignement d’éminents savants. »

Le Révérend O’Connel, à la page 117 de son livre Science d’aujourd’hui et les problèmes de la Genèse, a tiré des conclusions générales au sujet de l’Origine de l’homme d’après les résultats de cent ans de recherches d’une liaison entre l’homme et l’animal :

  1. Depuis le livre de Darwin De l’Origine des espèces, paru en 1859, cent années de recherches nous ont fourni une histoire raisonnablement certaine de l’homme sur la terre et de ses activités en remontant jusqu’à l’époque d’Adam et Ève.
  2. L’étude et la classification des fossiles trouvés montrent que la race prédominante durant le Paléolithique inférieur (qui nous fournit des spécimens des premiers instruments de l’homme) fut la race de Néanderthal. On convient maintenant que les hommes de cette race avaient un physique puissant ; qu’ils avaient toutes les caractéristiques de l’Homo Sapiens ou homme normal ; qu’ils avaient des arcades sourcilières proéminentes et le menton fuyant ; et que la race s’éteignit et ne peut donc par conséquent être considérée comme un chaînon dans le développement de l’homme. Comme l’on trouve l’Homme de Néanderthal dans toutes les contrées d’Europe qui n’ont pas été affectées par l’époque glaciaire, dans toute l’Afrique et l’Asie Mineure, et comme un petit nombre seulement de fossiles d’autres races ou familles appartenant au Paléolithique ont été trouvés, il est fort probable, sinon certain, que la race de Neanderthal était la race de Caïn et certains des autres fossiles de la même période appartenaient à la race de Seth et d’autres, enfin, à la race qui résultat des mariages entre la race de Caïn et la race de Seth.
  3. Les restes fossiles que l’on présente comme des chaînons manquants, les fossiles des Australopithèques, de l’Homme de Pékin et de l’Homme de Java, n’ont aucun droit au titre de chaînons manquants, ce sont juste des fossiles de grands singes.
  1. Comme l’on n’a trouvé aucun fossile d’homme appartenant à la période du Paléolithique antérieure au hiatus ou Déluge, en Amérique du Sud, en Australie, aux Indes, en Chine, ni nulle part à l’Est des montagnes de l’Himalaya, ni dans aucune des parties du monde affectées par la période glaciaire, il est très probable, sinon certain, que l’homme, avant le Déluge, était confiné en Europe, en Afrique et dans la partie de l’Asie à l’Ouest de l’Himalaya et peut-être en Amérique du Nord.

Les crânes fossiles de Fontéchevade (découverts par Mlle Henri Martin en 1947) représentent une race très probablement plus ancienne que la race de Néanderthal. Comme ces crânes sont parfaitement formés et sont similaires en tous les détails importants aux crânes des hommes modernes, ils fournissent une solide confirmation scientifique à la croyance commune à tous les chrétiens, que le premier homme, Adam, était un être humain parfaitement formé et non pas le résultat d’une évolution à partir de l’animal.

Notre conclusion générale est que la Paléontologie nous montre qu’il n’y a aucun lien génétique entre l’homme et l’animal, ce qui confirme l’enseignement traditionnel selon lequel l’homme a été spécialement créé par Dieu. Comme d’autre part les arguments en faveur du polygénisme ou pluralité des ancêtres étaient entièrement fondés sur la supposition que les fossiles tels que l’Homme de Java, l’Homme de Pékin et les Australopithèques étaient authentiques, et sur cette autre supposition sans fondement que l’on trouvait l’homme en Amérique, aux Indes, en Chine, en Indonésie, à la même époque, si ce n’est plus tôt qu’en Europe et en Afrique, ces arguments s’écroulent et ainsi il existe une solution pratique et scientifique de l’antiquité de l’homme, qui se trouve en harmonie avec l’enseignement de l’Eglise catholique selon lequel toute l’humanité descend d’un couple unique, Adam et Ève.

Rejeter le transformisme de Darwin et l’évolutionnisme théiste de Teilhard impose donc de revenir au point de vue créationniste. Faisant référence aux récits de la Genèse sur la création divine de l’homme et de la femme, dans la Bible, Pie XII déclarait en 1952 aux membres de l’Académie Pontificale des Sciences :

« Dieu créa l’homme à son image et ressemblance… Ce n’est que de l’homme qu’un autre homme peut naître qui pourrait l’appeler père et aïeul.

La compagne donnée au premier homme par Dieu vint aussi de lui et elle est la chair de sa chair… prenant son nom de l’homme parce qu’elle fut formée à partir de lui. Dieu a placé au sommet de l’échelle des êtres vivants l’homme doué d’une âme raisonnable comme prince et souverain du règne animal. Les multiples investigations paléontologiques, biologiques ou morphologiques sur l’origine de l’homme n’ont apporté jusqu’ici aucun résultat clair et certain sur le plan positif. Il faut donc se tourner vers l’avenir pour trouver une solution, quand la science illuminée par la foi et sous la conduite de la Révélation, sera peut-être capable d’arriver à des conclusions certaines et définitives concernant une matière d’une aussi grande importance. »

On comprend, en lisant Pie XII, pourquoi Teilhard a été justement condamné et combien il serait tragique qu’il soit réhabilité. Mais on comprend aussi que beaucoup puissent le souhaiter…


1 Ndlr. On notera, une fois de plus, la réticence des théologiens à même simplement opiner sur des questions scientifiques. Quel chemin parcouru en un demi-siècle, puisque dans le décret Lamentabili, le 3 juillet 1907, saint PIE X condamnait comme moderniste l’idée que « le dépôt de la foi ne contenant que des vérités révélées, il n’appartient sous aucun rapport à l’Église de porter un jugement sur les assertions des sciences humaines » (§5).

2 P. André BOULET : Création et Rédemption, Paris, Téqui, 1995.

3 Ndlr. Sur cette présence de Teilhard dans les discours mondialistes ou maçonniques, se reporter à D. TASSOT, « Le teilhardisme : une religion de l’Évolution », in Le Cep n° 32, p. 1-10.

4 Ndlr. On notera la similitude entre le sculpteur et son œuvre. Dans le premier cas de reconstitution, celui de l’Homme de Java pour l’Exposition Universelle de Paris en 1900, Jean, le fils d’Eugène Dubois, avait servi de modèle (Les Dossiers de la Recherche, n° 32, août 2008, p. 50). On dit que les reconstitutions actuelles sont plus « scientifiques », mais recréer un visage à partir de morceaux d’un crâne souvent brisé risque de demeurer longtemps un art plutôt qu’une science (avec ou sans ordinateurs).

5 Ndlr. Il est intéressant de noter, dans le cas du P. O’Connell comme de bien d’autres antiévolutionnistes, que leur croyance dans les longues durées de la géologie actualiste ne les empêche pas de conclure contre l’Évolution. Les longues durées sont certes une condition nécessaire à la thèse évolutionniste, mais nullement une condition suffisante.

6 Ndlr. C’est ici une question de mots : il s’agit bien du même site de Chou-Kou-Tien, mais d’un autre lieu sur le site.

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