Partager la publication "Lettre aux évêques de France"
Par le Père André Boulet sm
« Il a plu à Dieu qu’on ne pût faire aucun bien aux hommes qu’en les aimant. » (P. Le Prévost)
Résumé : En 1998, les éditions de « Famille Chrétienne » sortaient un cahier spécial d’une grande originalité : le « tabou » sur l’évolutionnisme y était brisé ; et l’approche critique de l’évolution (appuyée sur les travaux de Marie-Claire van Oosterwyck et de Guy Berthault) débouchait sur une exégèse et une théologie régénérées. Le P. Boulet eut l’idée de faire partager cette bouffée d’air pur aux évêques de France. On trouvera ci-après la lettre qui accompagnait cet envoi.
Monseigneur
La présente lettre est jointe au n°3 des « Cahiers d’Edifa1« .
J’ai participé à la rédaction de ce numéro et c’est à ce titre que je me permets de vous adresser cette lettre.
Ce n°3, sorti à la mi-juin, est un dossier sur l’évolutionnisme et les retombées de cette théorie dans le domaine théologique. J’avais déjà abordé ce sujet dans un livre publié aux éditions C.L.D en 1996, sous le titre « Création et Rédemption« . Un exemplaire de ce livre avait été envoyé aux évêques de France, peu après sa sortie.
L’un des intérêts du présent dossier est de donner au lecteur une information plus récente relevant de deux domaines scientifiques qui ont une importance primordiale dans le débat sur l’hypothèse évolutionniste. Il s’agit de la sédimentologie (science des dépôts sédimentaires) et de la radiochronométrie (science de la datation des roches et des fossiles par les radioéléments).
Deux scientifiques de haut niveau, spécialistes de ces sciences, Guy Berthault, sédimentologue, et Marie-Claire van Oosterwyck, spécialiste de la cristallographie et de la radiochronométrie, ont été interviewés, pour ce cahier, sur les travaux qu’ils mènent depuis plus de 20 ans, l’un en sédimentologie, l’autre en cristallographie et radiométrie… Les conclusions de leurs recherches remettent en question les principes mêmes sur lesquels s’est construite, depuis plus d’un siècle, la théorie évolutionniste ou néodarwinisme. De toute nécessité, selon eux, il faudra que les évolutionnistes procèdent à une révision profonde, voire à l’abandon de leur hypothèse. C’est l’échelle des temps géologiques, en particulier, qui sera à reconsidérer sur la base des récentes découvertes de la sédimentologie et de la radiochronométrie. Or cette échelle est une des pièces maîtresses de l’évolutionnisme.
Mais ce débat ne concerne pas seulement le monde des scientifiques. Il concerne aussi, et de très près, celui des « croyants », chrétiens en particulier, et donc tous ceux qui, dans l’Eglise, ont la responsabilité d’enseigner la foi et de la préserver de toute altération.
Et j’en arrive ici à l’objet principal de ma lettre.
__________
Prêtre depuis 45 ans, je me tiens informé de l’actualité scientifique, théologique, exégétique et pastorale, car j’ai la mission (reçue de mes supérieurs religieux) d’enseigner la doctrine chrétienne et l’Ecriture Sainte à des jeunes religieux de ma Congrégation (Société de Marie) et à des laïcs engagés dans leurs paroisses ou divers mouvements. Or j’ai observés, depuis 20 ans surtout, que la plupart des exégètes et des théologiens francophones – influencés, entre autres, par la théorie évolutionniste, qu’ils croient en toute bonne foi être une vérité scientifique établie – tiennent un discours qui diffère beaucoup de celui du Magistère de l’Eglise et met gravement en danger les fondements même de la foi.
Au nom d’une exégèse historico-critique, qui se dit « scientifique », ils font une lecture des premiers chapitres de la Genèse et aussi des évangiles et de saint Paul, qui est absolument inconciliable avec ce que l’Eglise a toujours enseigné et vient de rappeler dans le « Catéchisme de l’Eglise Catholique » publié en 1992. Et les divergences portent sur des vérités fondamentales. Vous pourrez vous en rendre compte si vous lisez les pages 60 à 73 de ce « Cahier d’Edifa« .
Ce qui est très important, c’est que les idées de ces théologiens (cf., entre autres, les ouvrages publiés au Cerf de G.Martelet, Jacques Bur, François Varonne… tous évolutionnistes convaincus, dans la mouvance de Teilhard de Chardin) sont celles qui sont vulgarisées dans beaucoup de séminaires et d’instituts où sont formés les futurs prêtres, les catéchistes, les animateurs pastoraux, etc…
Il n’est pas rare du tout que des prêtres ou des catéchistes laïcs enseignent, en toute bonne foi, aux adultes comme aux enfants, que les premiers hommes n’avaient qu’une lueur d’intelligence et une liberté balbutiante ; qu’il n’y a pas eu historiquement de péché des origines ni donc de « péché originel » ; que le démon est une survivance de la « mentalité culturelle d’un peuple primitif ou un symbole du mal qui est en chacun de nous et dans le monde… que les miracles du Christ et sa Résurrection même ne sont pas des faits réels mais des récits composés par les premières communautés chrétiennes pour dire leur foi en Jésus encore vivant dans les esprits et dans les coeurs (Bultmann a la vie dure !), etc… Je ne parle pas de la virginité de Marie, ni de l’existence des anges… ! Toutes ces positions doctrinales, inutiles de le rappeler, sont dénoncées par l’Eglise comme erronées.
Encore une fois, ce sont les fondements mêmes de la foi chrétienne qui sont insidieusement minés par ces enseignements. Je dis « insidieusement », car cela se passe sans que les « gardiens de la foi » voient le péril ou croient nécessaire de le dénoncer.
Je n’hésite pas à affirmer, en connaissance de cause, que ces dérives doctrinales procèdent pour une bonne part d’un souci de faire « concorder » (tout en dénonçant d’ailleurs le « concordisme »!) la doctrine catholique avec ce que l’on croit être la vérité de la « Science », très particulièrement de la théorie synthétique de l’Evolution ou néodarwinisme.
Je n’ignore pas que l’on est étiqueté « créationniste », « fondamentaliste », « fixiste »… quand on met en doute les conclusions de la théorie évolutionniste et de l’exégèse nouvelle de la Genèse ou du Nouveau Testament. Pourtant, sans hésitation, j’affirme, avec un nombre de plus en plus grand de chrétiens d’un haut niveau scientifique, que ce nouveau discours théologique et exégétique n’a pas de justification scientifique. Prétendre le contraire est un grave abus de confiance, dont sont victimes d’innombrables prêtres et fidèles laïcs, à qui on cache l’authentique vérité scientifique, non seulement en matière de sciences physiques, biologiques… mais aussi de sciences bibliques.
Même s’il ne s’agissait que de points de la doctrine chrétienne considérés par certains comme « secondaires », il faudrait s’en inquiéter. Mais il s’agit des fondements mêmes de la foi : de l’inerrance de la Révélation divine concernant l’origine du monde, de la vie, de l’Homme ; le statut du premier Homme ; le drame de la chute originelle… La divinité du Christ Jésus ; la certitude du Salut opéré par Lui et de notre résurrection avec Lui.
Si vous voulez bien, Monseigneur, parcourir les pages de ce dossier, vous ne pourrez probablement pas en douter.
Veuillez croire, Monseigneur, à mes sentiments les plus respectueux et à ma prière quotidienne pour que l’Esprit Saint vous soit en aide dans votre mission de maître et pasteur.
1 Editions « Familles Chrétienne », 52 rue Taitbout, 75009 Paris.